La rencontre entre Vladimir Poutine et George W. Bush à Bratislava offre une bonne occasion de réfléchir aux relations états-uno-russes et à la relation de la Slovaquie avec ces deux pays.
Toute rencontre entre les présidents russe et états-unien attire l’attention, car ils sont à la tête de deux territoires riches en ressources naturelles et qu’ils se trouvent en tête des communautés possédant une puissante base intellectuelle. En outre, la Russie est un pays qui est passé souvent à côté de la désagrégation de son État et qui a du mal à élever ses performances économiques à un niveau mondial, mais qui a toujours su construire d’excellentes armes. De leur côté, les États-Unis ont développé l’idée de la liberté et des Droits de l’homme jusqu’à une perfection telle que cette idée s’est transformée en force matérielle, tout en aidant les Américains à triompher du communisme. Washington a également un grand sens des affaires, ce qui en a fait le plus gros producteur mondial. La Russie a perdu la Guerre froide, ce qui l’a isolée de nombreux États. Les États-Unis ont gagné la Guerre froide mais ils ont perdu leur statut de premier producteur mondial, car la mondialisation qu’ils ont instaurée les a poussé à produire à l’étranger ce qu’ils consomment chez eux. Toutefois, les États-Unis n’ont plus les moyens de consommer tout ce qu’ils consomment et ils doivent emprunter à l’étranger. Dans ces circonstances, ce serait un immense avantage pour l’économie américaine si elle recevait, du moins par l’intermédiaire de ses compagnies privées, l’accès aux richesses naturelles russes qui sont incontestablement les plus importantes du monde. Quant à la Russie, il lui faut du temps pour se stabiliser après la désagrégation de l’URSS et la chute du communisme. Ainsi, l’affaiblissement économique et militaire des États-Unis aurait donné à la Russie un tel délai. Tel est sans doute l’essentiel conflit d’intérêts entre ces deux puissances.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, la Russie a cessé de se désagréger et elle enregistre de bons résultats économiques. La Russie entretient désormais de bons rapports avec l’Union européenne et avec ses États leaders, la France et l’Allemagne. La diplomatie russe a apporté une immense contribution à l’établissement des rapports de paix entre l’Inde et la Chine, tout en se rapprochant de ce dernier pays. La Russie contribue donc notablement à l’instauration de relations de paix entre quelque deux milliards et demi d’habitants de la planète. Dans le même temps, les États-Unis se sont brouillés avec tous leurs alliés et se sont enlisés dans leurs guerres.
Sur le plan intérieur, on ne note pas en Russie de violations majeures des droits civils du point de vue de la Déclaration universelle des Droits de l’homme. L’affaire Mikhail Khodorkovsky s’est déroulée conformément au droit russe et elle a entraîné l’emprisonnement d’un homme qui s’était enrichi considérablement dans des circonstances douteuses. La façon dont est menée la politique russe en Tchétchénie fait l’objet de nombreuses critiques, mais il est difficile de la juger depuis la Slovaquie. On notera toutefois que des Slovaques ont été enlevés là bas par des groupes tchétchènes et qu’ils n’ont dû leur liberté qu’à l’intervention des troupes russes. De plus on comptait de nombreux Tchétchènes autour de Ben Laden en Afghanistan. Toujours est-il que les Tchétchènes n’ont pas encore prouvé leur capacité de ne pas constituer une menace pour ceux qui vivent autour d’eux.
On ne sait pas si ces sujets seront évoqués lors de la rencontre entre Bush et Poutine.
Quoi qu’il en soit, le fait que cette rencontre va avoir lieu à Bratislava est une bonne nouvelle pour la Slovaquie, qui n’a aucun intérêt à dépendre d’une grande puissance. De bons rapports avec nombre de grandes puissances est certes dans l’intérêt de l’existence même des petits États. Cela élargit tout simplement la marge de manœuvre pour les petits pays, alors que nul ne sait quand cette marge de manœuvre pourrait leur être nécessaire pour de bon. La politique extérieure de la Slovaquie au sein de l’Union européenne est plutôt pro-américaine. Les déclarations bien connues des Américains au sujet de la Nouvelle et de la Vieille Europe n’étaient au fond qu’une tentative de Washington de diviser l’Union européenne. Et dans sa politique extérieure, la Slovaquie n’aurait pas dû appuyer de telles tendances.

Source
RIA Novosti (Fédération de Russie)

« La Russie de Poutine », par Jan Carnogursky, Ria-Novosti, traduit en Français par le Réseau Voltaire, 23 février 2005.