Le groupe mystico-criminel appelé Mara Salvatrucha, originaire du Salvador, est composé essentiellement de chômeurs originaires d’Amérique centrale. Après s’être implanté au Chiapas sans que les autorités mexicaines en charge de l’immigration en mesurent la portée politique, il se lance désormais à la conquête de l’Amérique anglophone.

Les représentants des gouvernements de l’Amérique Centrale et du Nord tiennent fréquemment des réunions d’urgence sur la sécurité, dans le but de freiner la prolifération rapide de ces groupes. Il s’agit de gangs transnationaux essentiellement composés de jeunes d’Amérique centrale victimes du chômage, et désormais liés au crime organisé.

Le général mexicain Jorge Carrillo Olea, spécialiste en sécurité nationale, prévoit que bientôt la Mara se transformera en un phénomène touchant des dizaines de millions de désœuvrés émigrant de par le monde en essayant de se construire une vie, là ou c’est impossible « à moins que nous ne nous libérions du libre-échangisme et de la globalisation ».

Ces bandes de jeunes pauvres qui traversent les frontières jusqu’à Panama au sud et au nord jusqu’aux États-Unis, vont désormais jusqu’au Canada, prêtant leurs bras au trafic illégal d’armes et de drogues, participant ainsi de fait à un projet politique d’affaiblissement des frontières du Sud de la planète par le biais de la criminalisation des populations périphériques.
Les trafiquants et passeurs de main d’œuvre émigrée les utilisent pour terroriser, mutiler ou assassiner les émigrants qui ne payent pas leurs dettes. Ils arborent des tatouages en signe de reconnaissance et usent de signes sataniques, attestant ainsi de leur formation sectaire. Ces jeunes sont arrivés à un tel degré de déshumanisation qu’à plusieurs endroits, ils ont déjà adopté la méthode de la décapitation en guise de représailles.

Ce n’est pas là une mince affaire. Leur nombre est estimé entre 100 000 et 600 000 membres, selon différents médias. Quelques fonctionnaires aux États Unis, au Mexique et au Guatemala vont jusqu’à les considérer comme une menace pour la sécurité nationale.

Qui est responsable ?

Les néo-conservateurs et les racistes anti-immigrants profitent de la crise des Maras pour faire de la propagande autour de la thèse de Samuel Huntington, pour qui le principal ennemi des États-Unis est désormais hispanique, à la fois à l’intérieur et hors de son territoire. Le professeur Huntington de l’université de Harvard avait déjà répandu la croyance d’un prétendu inévitable « choc des civilisations » entre les musulmans et l’Occident.

Exaltant la peur, les cercles conservateurs diffusent l’idée selon laquelle les terroristes d’Al-Quaïda ont recouru aux Maras pour s’introduire aux États-Unis. Selon un militaire états-unien connaisseur du sujet, la véracité d’une telle affirmation ne peut se vérifier.
Toutefois, les Huntingtoniens proposent la déportation en masse et la fermeture de la frontière Sud des États-Unis, pour commencer.

En Amérique centrale, la solution proposée serait plutôt d’infliger la peine de mort à tous les membres d’un gang. Mais une société qui ordonne l’exécution en masse de ses propres enfants - comme solution à la sauvagerie engendrée par ses propres politiques - peut-elle survivre ? Les experts de la question s’accordent à dire que les Maras sont composées essentiellement d’enfants. Selon une étude de mai 2004 effectuée par un experte anti-drogue du Salvador, 51,9 % des membres des Maras de ce pays ont entre 11 et 15 ans ; 2 % entre 7 et 10 ans ; les autres 49,6 % ont moins de 25 ans.

De fait, les Maras sont en partie les enfants du volet drogues de l’Iran/Contra de George Bush père. Les premiers gangs se sont d’abord formés vers le milieu des années 1980 à Los Angeles, Californie, parmi les fils d’un million de réfugiés appauvris qui fuyaient les guerres d’Amérique Centrale. La structuration en gangs existante à Los Angeles a poussé les jeunes Salvadoriens et Honduriens à fonder leur propre gang.
Durant ces années, sous le mandat de George H. Bush, le crack était introduit dans les ghettos des États-Unis, en commençant par les gangs de Los Angeles, pour créer un nouveau marché et des débouchés pour la cocaïne traitée par les réseaux secrets de l’Iran/Contra.

Quand les guerres en Amérique Centrale ont cessé au début des années 1990, et avec elles leur financement par le trafic de drogues, les États-Unis ont commencé un programme d’expulsion généralisée de ces jeunes membres de gangs vers leurs pays d’origine, des pays qui n’avaient rien à leur offrir et aucune capacité à gérer la délinquance. Les accords de « paix » en Amérique Centrale n’ont apporté aucun développement économique, mais plutôt le libre commerce et avec lui, le marché noir d’armes et les dizaines de milliers d’ex-guérilleros et de soldats au chômage qui ont grossi les rangs des trafiquants de drogues.

La globalisation a transformé l’Amérique Centrale en réserve de main d’œuvre bon marché pour les États-Unis. L’étranglement causé par la dette extérieure - dette qui n’a jamais servi à construire la moindre digue ou usine - a cannibalisé les économies, à tel point que la grande majorité des populations d’Amérique centrale préfère tenter sa chance aux États-Unis à la recherche d’un emploi, aussi mal payé soit-il, afin d’envoyer de l’argent aux familles restées au pays. Ce sont ces politiques qui ont conduit le quart des Salvadoriens à émigrer aux États-Unis !

De même que la politique d’expulsions en masse des années 1990 a étendu la structure des gangs de Los Angeles à l’Amérique Centrale, les politiques de « tolérance zéro » adoptées par les gouvernements du Salvador et du Honduras dans les années 2002-03 ont exporté des milliers de Mareros au Guatemala, au Mexique et à nouveau aux États-Unis.

Faire appliquer la loi est nécessaire, mais tant que nous ne créerons pas des millions d’emplois autour d’un programme urgent de construction d’infrastructures en Amérique Centrale et aux États-Unis, des emplois qualifiés et source de fierté, il n’y aura pas de solution.

Le ministre de la Planification du Guatemala, Hugo Beteta, a déclaré en octobre au Washington Post que plus de la moitié des Guatémaltèques ont moins de 18 ans, et que la majorité d’entre eux a peu de chances de trouver un emploi. Ces jeunes ont deux alternatives : émigrer aux États-Unis, ou rejoindre les trafiquants de drogue, a-t-il conclu.