Procès-verbal de la séance du 27 mai 2003

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

Le témoin est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, le témoin prête serment.

M. le Président : Monsieur Corbet, je vous remercie d’être venu aujourd’hui car je sais que vous aviez d’autres projets. Je m’en excuse auprès de vous. Nous avions la dernière fois envisagé la date du 21 mais vous n’étiez pas disponible, il nous était difficile de reporter cette deuxième audition car nous souhaitons que la commission puisse examiner les conclusions du Rapporteur au cours de la semaine du 9 juin.

Notre calendrier est serré car nous savons qu’une enquête préliminaire est en cours. Nous devons achever nos travaux avant que quelque nouvelle intervienne dans le cadre de cette enquête préliminaire. Je dis bien " quelque nouvelle ", quelle qu’elle soit. Nous ignorons bien entendu à quelle date cette enquête s’achèvera, mais nous souhaitons être en situation de pouvoir terminer nos travaux.

Ainsi, après votre audition, nous auditionnerons demain matin, à 9 heures 30, M. Jean-Claude Gayssot, ancien ministre de l’équipement et des transports et à midi, M. Dominique Bussereau, dont l’audition a dû être avancée. Il sera difficile d’entendre d’autres témoins.

Monsieur Corbet, nous souhaiterions que vous puissiez répondre à un certain nombre de questions. Nous savons dans quel contexte s’inscrit le problème d’Air Lib. Nos questions, qu’il s’agisse de celles du Rapporteur, de mes questions ou de celles d’autres députés, ne sont ni à charge, ni à décharge contrairement à ce que j’ai pu entendre. Elles appellent simplement des réponses.

Je vous invite à répondre à mes questions sans vous attarder sur l’environnement, à moins que cela ne soit indispensable, bien entendu. Je m’excuse par avance si je dois parfois vous interrompre, mais nous attendons des réponses précises.

Je crois qu’il serait intéressant aujourd’hui que vous nous indiquiez quelles étaient, avant la décision du tribunal, vos relations avec le ministre de l’équipement et des transports, son cabinet et son administration entre avril et juillet 2001.

Le directeur de cabinet de M. Gayssot nous a indiqué que vous aviez eu des contacts directs. Pouvez-vous nous le confirmer et nous dire quelle était la nature de ces contacts ?

S’agissant de vos relations avec M. Gayssot, pouvez-vous nous dire si vous l’avez rencontré et si oui, dans quelles conditions ? A-t-il été convaincu par votre projet et vous a-t-il apporté un soutien pour le mettre en œuvre ?

M. Jean-Charles CORBET : Avant de répondre, monsieur Ollier, permettez-moi de revenir sur votre introduction et de vous livrer mon sentiment et mes états d’âme, même si cela déborde du cadre de ce que vous venez de dire. Mais vous avez dit un certain nombre de choses qui doivent être précisées pour ce qui me concerne parce qu’elles m’importent en tant qu’homme.

Lors de ma première audition, j’ai noté un certain nombre de phrases qui ont été dites par vous-même. Vous avez dit : " Je ne tiens pas à ce qu’une quelconque suspicion pèse sur qui que ce soit. " Et puis, il y a eu une audition longue que j’ai effectivement considérée comme à charge.

Dans le Nouvel Observateur de cette semaine, on a rapporté les propos de M. de Courson qui a déclaré - je cite le Nouvel Observateur : " Nous devons comprendre s’il y a juste eu incompétence ou si une bande organisée s’est partagée le gâteau. "

Cela m’a fait très mal. Je me demande aujourd’hui comment il faut comprendre cette déclaration. Je me demande si nous ne sommes pas déjà dans un procès d’intention, monsieur Ollier.

M. le Président : Monsieur Corbet, je voudrais vous rappeler que vous êtes ici pour répondre aux questions de la commission. Je veux bien que vous fassiez une introduction si vous le souhaitez, mais je voudrais que l’on en revienne à l’objet de la commission d’enquête.

M. Jean-Charles CORBET : Je vais y venir, mais je tiens à faire cette déclaration, monsieur Ollier.

Vous avez dit également lors de ma première audition : " Vous êtes là pour dire ce que vous avez à dire. Nous avons le devoir de vous écouter et de vous enregistrer. "

M. le Président : Je confirme ce que j’ai dit.

M. Jean-Charles CORBET : Je vous demande donc de me laisser terminer ce que je voudrais dire à ce propos. Toutes les personnes auditionnées ont eu droit à un propos liminaire. Je suis le seul qui n’y a pas eu droit. Le seul ! Je tiens donc à terminer mon propos.

La façon qui était la vôtre le 14 mai m’a montré - c’est mon sentiment - que vous avez décidé des conclusions de la commission avant même de m’avoir entendu.

M. le Président : Monsieur Corbet, excusez-moi, je ne peux pas vous laisser dire cela ! Je vous ai posé des questions précises et je vous ai demandé des réponses précises. A plusieurs reprises, je vous ai interrompu parce qu’au lieu de répondre, vous faisiez des digressions.

Aucune de nos questions n’était orientée. Je veux bien que vous fassiez un exposé introductif, mais si c’est pour transformer cette audition en débat polémique avec la commission, je ne l’accepterai pas.

Je vous ai indiqué très clairement qu’il n’y avait aucune suspicion vis-à-vis de quiconque. Si les questions que l’on vous pose vous apparaissent comme relevant de la suspicion, c’est votre problème. Vous nous le dites et je l’enregistre. Si vous voulez nous l’écrire, vous nous l’écrirez. Nous vous posons des questions auxquelles nous voulons avoir des réponses. Je n’ai pas eu, pour ma part, toutes les réponses que j’attendais aux questions que j’ai posées.

M. Jean-Charles CORBET : Monsieur Ollier, je ne terminerai donc pas ma déclaration, je me permettrai de vous la joindre par écrit.

M. le Président : Soit. Monsieur Corbet, nous ne sommes pas là pour ouvrir une polémique, qu’elle soit d’ordre personnel ou d’ordre politique.

M. Jean-Charles CORBET : Ce n’est pas moi qui l’ai ouverte, monsieur Ollier, malheureusement. Le sujet est clos. Je vous enverrai une déclaration écrite.

M. le Président : Le Rapporteur a un mot à dire car vous l’avez mis en cause personnellement.

M. le Rapporteur : Monsieur Corbet, on vient de me donner cet article. Il ne correspond pas du tout à ce que vous dites. Je cite l’article : " Encore président du conseil de surveillance des fonds Concorde (qui gère l’échange salaires - actions des pilotes d’Air France), il n’hésite pas - il, c’est vous, mais c’est la journaliste Natacha Tatu qui parle - à utiliser cette carte de visite pour contacter les banques... Il s’en était toujours défendu. Mais cette fois, il y a des preuves " Et voilà comment M. Jean-Charles CORBET, avec 50 000 euros de mise de départ, va toucher le jackpot. Il va hériter d’une compagnie aérienne sans dettes, dotée par les anciens actionnaires suisses de 1 milliard de francs " résume un proche de la commission. ".

Ce n’est pas du tout M. de Courson qui est visé : " Un proche de la commission ". Je suis Rapporteur de la commission, je ne suis pas un proche de la commission. Adressez-vous à cette journaliste qui a tenu ces propos. Il n’est pas question de moi et l’article ne dit pas que c’est moi.

M. Jean-Charles CORBET : Monsieur de Courson, je vous adresserai également une photocopie de l’article où sous ma photo, on vous cite. Sous ma photo !

M. le Rapporteur : J’ai cet article.

M. Jean-Charles CORBET : Pouvez-vous lire la légende sous ma photo ?

M. le Rapporteur : Je lis : " Nous devons comprendre s’il y a eu juste incompétence ou si une bande organisée s’est partagée le gâteau " affirme le rapporteur de la commission ". Mais ce n’est pas du tout ce que dit l’article.

M. Jean-Charles CORBET : Non, mais c’est à cette phrase que je faisais allusion.

M. le Rapporteur : Eh bien, adressez-vous au journaliste, et pas à moi !

M. Jean-Charles CORBET : Il vous citait.

M. le Rapporteur : Ce n’est pas le sous-titre qui engage le journaliste, mais le texte.

M. le Président : Monsieur Corbet, nous ne sommes pas là non plus pour faire le procès de la presse. Si vous avez un problème avec un journal, adressez-vous au rédacteur de l’article, demandez des précisions, mais la commission d’enquête n’est pas le lieu pour ouvrir une polémique sur un journal quel qu’il soit, hebdomadaire ou quotidien. Cela, je m’y refuse.

Nous sommes là, une fois de plus, pour poser des questions. Je vous ai posé une question concernant M. Gayssot. Je souhaiterais que vous y répondiez.

M. Jean-Charles CORBET : J’y réponds : entre avril et juillet, j’ai effectivement eu des contacts avec la tutelle, avec le ministre. Ces contacts étaient des contacts normaux, les contacts d’un président de syndicat ou d’un syndicaliste avec un ministre.

M. le Président : Y a-t-il eu des réunions dans le bureau du ministre pour préparer la reprise d’Air Lib ou cela s’est-il passé avec son cabinet ?

M. Jean-Charles CORBET : Cela s’est passé avec son cabinet, et à cette occasion, j’ai pu parler au ministre qui se déplaçait dans son ministère assez souvent.

M. le Président : Pourriez-vous nous indiquer à peu près à quelle époque a eu lieu la première réunion à laquelle M. Gayssot a assisté ?

M. Jean-Charles CORBET : Non.

M. le Président : Vous ne l’avez pas en mémoire ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne l’ai pas en mémoire. Je regarderai dans mon agenda et j’essaierai de vous répondre par écrit.

M. le Président : Je vous en remercie.

Lors de cette première réunion à laquelle le ministre a participé, nous sommes à peu près trois mois avant la reprise, c’est cela ?

M. Jean-Charles CORBET : Je viens de vous dire que je n’ai pas en tête la date de la première réunion. Celle-ci a eu lieu peut-être trois mois avant la reprise, peut-être deux, peut-être quatre. Je ne saurais vous le dire

M. le Président : Vous ne savez pas.

Au moment où vous avez rencontré le ministre avec son cabinet, quelle a été la teneur de la discussion par rapport à la reprise ? Que s’est-il passé à ce moment-là au cours de cette réunion ?

M. Jean-Charles CORBET : La première réunion ou le premier contact -si vous me permettez ce mot- avec la tutelle sur le sujet était un contact qui permettait d’aborder le risque de la disparition d’AOM - Air Liberté. Tel est mon souvenir s’agissant de ces premiers contacts.

Je vous ai expliqué lors de ma première audition comment Jean Immediato était venu me voir. C’est à cette occasion que les premiers contacts ont eu lieu pour mesurer les risques quant à la disparition des entreprises AOM et Air Liberté.

M. le Président : A ce moment-là, lorsque vous avez eu ces contacts, il nous a été indiqué que les membres du cabinet de M. Gayssot estimaient que votre projet était un peu surdimensionné alors que celui de M. Rochet leur semblait un peu trop rigoureux. Vous a-t-on clairement dit à l’époque que votre projet était un peu surdimensionné ?

M. Jean-Charles CORBET : Je n’ai pas le souvenir que l’on m’ait dit : " Votre projet est surdimensionné. ". J’ai le souvenir d’interrogations sur le bon dimensionnement. Mais un cabinet de ministre ou un ministre n’a pas à s’immiscer dans la gestion d’un repreneur et le ministre ne l’a pas fait.

M. le Président : Ni le ministre ni son cabinet ne vous ont encouragé à la reprise d’Air Lib ? Il n’y a eu aucun encouragement à ce moment-là ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne comprends pas votre question.

M. le Président : Je vous demande si M. Gayssot ou son cabinet vous ont encouragé dans la mise en oeuvre du projet de reprise d’Air Lib avant le jugement du tribunal ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne sais pas vous répondre.

M. le Président : Vous ne savez pas me répondre ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne sais pas répondre à votre question parce que je ne la comprends pas.

M. le Président : Je la repose donc d’une autre manière : dans les réunions que vous avez eues au ministère des transports qui avaient pour but d’analyser les conditions de la reprise d’Air Lib - car c’est bien de cela dont il s’agit, en tout cas c’est ce que nous a indiqué le plus proche collaborateur de M. Gayssot -à un certain moment, vous êtes-vous senti encouragé ou pas par le cabinet du ministre à la reprise d’Air Lib ?

M. Jean-Charles CORBET : Je crois que le ministre et son cabinet étaient dans une logique qui était celle de la protection de l’emploi. Je pense que le ministre et son cabinet - je dirai la tutelle, c’est plus facile - la tutelle donc était dans une logique d’encouragement de tous les repreneurs.

M. le Président : La tutelle, c’est-à-dire l’ensemble.

M. Jean-Charles CORBET : Le ministre et son cabinet.

M. le Président : Monsieur le Rapporteur, je crois que vous avez une question à poser à M. Corbet.

M. le Rapporteur : Monsieur le président, vous avez créé la société Holco pour les besoins de la reprise et elle est composée, d’après ce qui nous a été indiqué, de onze filiales, dont deux sont domiciliées à l’étranger : la filiale Mermoz au Pays-Bas, qui portait les avions propriétés du groupe, et la filiale Holco Lux au Luxembourg.

Pourriez-vous expliquer à la commission les raisons de la création de ces filiales, et en particulier de ces deux filiales à l’étranger ?

M. Jean-Charles CORBET : La réponse est facile. J’ai envoyé à la commission il y a trois semaines un document expliquant qu’Air France logeait également ses avions dans une filiale irlandaise. Je n’ai fait ni plus ni moins que ce que fait Air France, c’est-à-dire utiliser l’espace européen pour permettre d’optimiser fiscalement les coûts de la structure. Voilà ma réponse.

Je vous ai envoyé, il n’y a pas très longtemps, une lettre à ce sujet. Les avions ont donc été logés dans une filiale irlandaise après un travail avec le cabinet Lefebvre et Allen et Overy qui nous ont conseillé de le faire parce que je n’avais pas de religion sur le sujet. Et cela a été fait ainsi.

Pour ce qui concerne Holco Lux, c’est un peu la même démarche : c’est une structure de participation. Elle était prévue pour permettre à terme la filialisation des structures de formation pour les personnels navigants techniques d’Air Lib.

M. le Rapporteur : Vous dites qu’elle était destinée, mais est-ce qu’elle a l’a fait ? Quelle utilisation avez-vous fait de la filiale Holco Lux après l’avoir dotée de cinq millions d’euros ?

M. Jean-Charles CORBET : C’est ce qu’elle a commencé à faire, monsieur le Rapporteur.

M. le Rapporteur : Pouvez-vous être plus précis ?

M. Jean-Charles CORBET : Non.

M. le Rapporteur : Pourquoi ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vous l’écrirai.

M. le Rapporteur : Pourquoi l’avez-vous doté de cinq millions d’euros ?

M. Jean-Charles CORBET : Et pourquoi pas ?

M. le Rapporteur : La question est : pourquoi un ? Pourquoi pas deux ou dix ?

M. Jean-Charles CORBET : Parce que cinq ! C’est un arbitrage de gestion qui ne se discute pas, monsieur de Courson. Je suis étonné de votre question. Vous êtes quelqu’un qui a l’habitude des structures financières, du monde des affaires. Cette question, je ne la comprends pas.

M. le Rapporteur : C’est la première fois qu’un témoin répond ainsi à la question qu’on lui pose. Pourquoi avoir doté une filiale à hauteur de cinq millions dans un but qui, d’après ce que vous avez indiqué, n’a pas été réalisé puisque votre idée initiale était la formation des pilotes ?

Quand je vous pose la question " Pourquoi cinq millions ? Pourquoi pas un million, pourquoi pas vingt millions ? ", vous me dites que c’est une réponse de gestion qui n’appartient qu’à vous-même et que vous n’avez pas à répondre à la commission. Cette réponse est étrange.

M. Jean-Charles CORBET : Ce n’est pas ce que je vous dis. Je vous dis : c’est cinq. Je ne sais pas pourquoi ce n’est pas un ou six ou vingt. D’abord la capitalisation était de un million....

M. le Rapporteur : ...un plus quatre !

M. Jean-Charles CORBET : Un plus quatre de fonds propres qui sont sur un compte courant Holco Lux. Mais vous savez qu’entre la société d’en haut et la société d’en bas, rien n’est irréversible. Donc, c’était cinq composé de cette manière : capitalisation de un million, compte courant de quatre millions.

M. le Rapporteur : Qu’avez-vous fait de ces cinq millions dans la filiale ? Vous étiez le président d’Holco Lux !

M. Jean-Charles CORBET : Oui.

M. le Rapporteur : Vous savez donc ce qui s’est passé en tant que président d’Holco Lux ? Qu’avez-vous fait des cinq millions ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vous rappelle que nous sommes dans un cadre public et que j’ai à respecter le cadre confidentiel du secret des affaires. Je vous répondrai par écrit.

M. le Rapporteur : Vous étiez l’unique actionnaire, monsieur Corbet, de Holco Lux ?

M. Jean-Charles CORBET : Non. Holco était l’unique actionnaire, pas Jean-Charles Corbet.

M. le Rapporteur : Mais vous êtes l’unique propriétaire de la maison mère ?

M. Jean-Charles CORBET : Je suis l’unique actionnaire de la SAS Holco ; Holco était l’unique actionnaire d’Holco Lux.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi - vous nous avez fourni des explications qui nous paraissent incomplètes -vous avez doté de 12,2 millions d’euros la filiale coopérative Mermoz ?

M. Jean-Charles CORBET : Là encore, je crois que cela a été expliqué à Mazars. Je vous invite à relire le rapport Mazars et vous aurez la réponse.

M. le Président : Monsieur Corbet, je comprends que vous avez changé de stratégie depuis votre dernière audition et je comprends que vous ne souhaitez pas répondre aux questions qui vous sont posées. Je préfère vous prévenir que cette attitude peut avoir des conséquences sur l’interprétation que nous pouvons faire des réponses qui nous sont ou non données.

Cela étant, vous avez parlé du secret des affaires. Aucune loi ne permet d’opposer le secret des affaires à une commission d’enquête comme on peut opposer le secret professionnel quand on est avocat par exemple. Alors, dites que vous ne voulez pas répondre à la question c’est votre droit le plus absolu, mais ne nous opposez pas à un soi-disant secret des affaires.

S’agissant d’Holco Lux, la question est précise. Notre commission d’enquête souhaite savoir comment les fonds publics ont été utilisés dans l’intérêt de la société. Au moment où vous faites appel -on le verra tout à l’heure- à un prêt de l’Etat de 30,5 millions, avez-vous pris la précaution ou fait l’effort de mobiliser en tout premier lieu ces 5 millions d’euros qui se trouvent au Luxembourg dans la société Holco Lux pour les utiliser à bonne fin dans votre société puisque vous étiez en situation de dépôt de bilan et de difficultés extrêmes ?

M. Jean-Charles CORBET : C’est une question à laquelle il est possible et aisé de répondre. Le droit commercial et le droit des sociétés interdit à quiconque - ce n’est pas nouveau, et je crois que cela a été largement discuté avec le CIRI - de faire du soutien abusif. C’est un fait.

M. le Président : Même à l’Etat !

M. Jean-Charles CORBET : Même à l’Etat.

Quand vous faites référence au déblocage du prêt FDES, le 9 janvier... (aparté entre le président et le rapporteur.)

... Vous voyez monsieur Ollier et monsieur de Courson, c’est ce que j’ai mal vécu la première fois. Mme Saugues a parlé d’acharnement. Je réponds mais vous ne m’écoutez pas et vous ne m’entendez pas.

M. le Président : Je vous écoute avec attention, monsieur Corbet.

M. Jean-Charles CORBET : Non.

M. le Président : Je comprends bien que vous ne souhaitiez pas toujours répondre aux questions, mais cessez systématiquement d’utiliser ce genre d’argument pour éviter de répondre.

Je vous pose une question, monsieur Corbet : avez-vous mobilisé les 5 millions qui étaient à Holco Lux pour sauver votre société en difficulté au moment où vous faites appel aux fonds publics ?

La réponse est simple : oui ou non.

M. Jean-Charles CORBET : Je poursuis ma réponse.

Le 9 janvier, nous avons eu une réunion au CIRI sur le sujet ; à cette date, nous étions dans une situation extrêmement curieuse qui était la suivante : la situation d’Air Lib, était-elle irrémédiablement compromise et nous mettions-nous dans la position de soutien abusif ?

A partir de là, nous avons apporté une réponse avec un mandataire ad hoc. En effet, une de mes premières décisions de gestion, lorsque je suis arrivé à la tête d’Air Lib, a été de faire nommer un mandataire ad hoc, Me Lafont. A ce moment-là, nous avons montré que quatre conditions indispensables étaient nécessaires pour que l’entreprise Air Lib ne soit pas dans une situation irrémédiablement compromise et que nous puissions les uns et les autres faire notre travail.

De mémoire, les quatre conditions étaient les suivantes :

 la reconstitution de fonds propres à la suite de la défaillance de Swissair -il nous manquait 60 millions- ;

 l’obtention de crédits de restructuration à hauteur de 60 millions d’euros comme le prêt FDES -on pensait même à des prêts outre-mer et on avait travaillé avec l’outre-mer sur le sujet- ;

 la restructuration de l’entreprise pour permettre une économie d’environ 50 millions d’euros ;

 Je n’ai plus en tête la quatrième condition...

A cette époque, nous n’étions plus certains de la possibilité de monter le GIE. C’est une lettre de M. Fabius, envoyée le 8, qui a permis de réunir les quatre conditions. A partir de là, l’Etat a débloqué un prêt FDES qui n’était ni plus ni moins qu’un crédit relais. Holco, l’actionnaire, a débloqué - car c’était un arbitrage - 5 millions d’euros, uniquement parce qu’Air Lib était considéré comme n’étant pas dans une situation irrémédiablement compromise.

La réponse est la suivante : j’ai mobilisé 5 millions d’euros alors que l’Etat mobilisait 30 millions d’euros parce que pour l’Etat comme pour moi, Air Lib n’était pas dans une situation irrémédiablement compromise.

Ces 5 millions d’euros représentaient 20 % du capital " mobilisable " d’Holco. C’était beaucoup.

M. le Président : Le Rapporteur aura d’autres questions à vous poser sur d’autres sujets, mais je voudrais terminer sur ce point précis.

Ce qui nous a interpellés, c’est qu’au moment où vous demandez ce prêt FDES, vous mobilisez 5 millions d’euros d’Holco SAS France.

M. Jean-Charles CORBET : Non, c’est parti d’Holco Etranger.

M. le Président : D’où sont partis les 5 millions versés ?

M. Jean-Charles CORBET : Je crois qu’ils sont partis d’Holco Lux. Je vous le confirmerai par écrit.

M. le Président : Il nous apparaît qu’à ce moment-là, lorsque l’on confond les avoirs de Mermoz, Holco Lux et Holco SAS, vous ne mobilisez que 20 % de vos capacités pour venir au secours de votre société. C’est en effet toujours M. Corbet qui est actionnaire unique de toutes les sociétés. Au moment où vous demandez 30 millions d’euros à l’Etat, vous ne mobilisez vous-même que 20 % de vos capacités. C’est pourquoi je vous ai demandé tout à l’heure si vous aviez effectivement fait appel à vos filiales étrangères pour faire en sorte qu’elles viennent au secours d’Air Lib.

J’ai une note du directeur du Trésor sur laquelle M. Fabius, ministre des finances, consulté pour donner son avis sur le prêt, avait écrit très clairement : "sur instruction du Premier ministre, et malgré mes réserves expresses, prêt FDES de 16,5 millions". M. Fabius a expliqué ici qu’il était opposé à ce que ce prêt vous soit accordé.

Le directeur du Trésor a écrit de sa main sur cette note : " Il n’y a aucune perspective de remboursement des concours de l’Etat dans l’opération... etc. "

Cela signifie que le ministère des finances et le directeur du Trésor disaient très clairement que ce prêt, s’il était octroyé, était à fonds perdus parce qu’il n’y avait aucune perspective de remboursement. Le ministère des finances était opposé à ce que le prêt soit accordé.

Nous sommes donc surpris qu’à un moment où la situation était aussi difficile pour vous, vous n’ayez pas mobilisé plus de 20 % de vos possibilités pour venir au secours de votre propre société et que vous ayez demandé 30 millions d’euros à l’Etat.

Voilà la question. Vous y avez répondu. Je comprends très bien que vous vous répondiez ce que vous répondez, mais comprenez aussi que nous puissions vous poser la question.

Deuxièmement ....

M. Jean-Charles CORBET : Puis-je vous interrompre ? Vos propos sont excessivement graves pour l’Etat. Vous êtes en train de dire qu’une note émanant du ministère des finances -je ne sais pas à quel niveau-, montre que l’Etat a prêté de l’argent alors qu’il savait qu’il ne pourrait pas le récupérer. Cela signifie que l’Etat a fait du soutien abusif. Je ne pense pas que ce soit le cas.

M. le Président : Je vous laisse le soin de qualifier cela. La note en date du 5 janvier 2001 est signée par le directeur du Trésor. M. Fabius a confirmé l’avoir lui-même annotée de sa main. M. Fabius, ancien Premier ministre et ministre des finances de l’époque, a confirmé ici dans une audition ouverte à la presse qu’il était opposé à ce prêt pour les raisons que j’ai indiquées.

Je ne parle pas de M. Fabius. Je dis : pourquoi vous, au moment où vous vous tournez vers l’Etat pour demander des fonds publics, vous ne mobilisez que 20 % de vos propres capacités ? C’est cette question que je vous pose.

M. Jean-Charles CORBET : J’essaie de répondre et de réinscrire cela dans la chronologie de manière à ce que vous puissiez apprécier la notion de soutien abusif car ce n’est pas le cas à mon avis. Il est important de ne pas faire fausse route.

M. le Président : Ce n’est pas à vous de le déterminer.

M. Jean-Charles CORBET : C’est mon appréciation.

Le 2 octobre, c’est la défaillance de Swissair, ce qui représente une perte de 60 millions d’euros pour Air Lib. Sans ces 60 millions d’euros, Air Lib doit être considérée comme une entreprise dont la situation est irrémédiablement compromise. Si face à cela, on ne trouve pas de solution, malgré une trésorerie existante qui permet de vivre encore quelques mois, on a le devoir d’aller devant le tribunal et de déposer le bilan. C’est ce que nous avons fait.

Nous avons dit au tribunal que nous étions dans une situation qui, si nous ne trouvions pas une solution pour ces 60 millions d’euros, faisait que ...

D’où la désignation d’un mandataire ad hoc et quatre conditions à satisfaire : reconstitution des fonds propres ; crédit de restructuration ; économie de fonctionnement de l’entreprise.

Le prêt FDES n’a été accordé -c’est le préambule du prêt FDES et je crois qu’il faudrait reprendre les documents car nous n’avons pas su comment il a été notifié à Bruxelles- que parce que le montage du GIE fiscal était en vue. C’était grâce au GIE fiscal, qui donnait des quasi-fonds propres, que nous pouvions rembourser le prêt FDES.

M. le Président : Quels étaient les investisseurs dans le cadre du GIE fiscal ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne comprends pas votre question.

M. le Président : Pour créer un GIE fiscal, il faut plusieurs conditions.

La première condition est une autorisation de l’Etat. Vous l’aviez.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, nous l’avons eue.

M. le Président : La deuxième condition -c’est l’objet du GIE fiscal- est d’avoir des avions à acheter. Il y avait deux avions A340 à acheter.

M. Jean-Charles CORBET : On les avait.

M. le Président : La troisième condition qui est essentielle est d’avoir des investisseurs qui apportent des capitaux pour acheter les avions.

M. Jean-Charles CORBET : Il y a deux types d’investisseurs.

M. le Président : Quels investisseurs aviez-vous pour créer ce GIE fiscal et pourquoi n’a-t-il pas été créé alors, puisque tout était prévu pour le faire ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne peux vous rapporter autre chose que ce que les deux banques en charge du dossier m’ont rapporté. Je pense que c’est à elles qu’il faut poser cette question pour avoir les réponses exactes.

Je sais qu’au titre des investissements, il y a deux types d’investissements : les investissements "capacités fiscales" et les investissements "concours bancaires".

C’est le Crédit Agricole - Indosuez qui était chargé de cela. Jusqu’à la fin de l’année 2001 et au début de l’année 2002, et pour ce qui concerne l’investissement fiscal, nous étions sur un schéma d’intervention d’entreprises du secteur public.

Pour ce qui concerne les investisseurs " concours bancaires ", il y avait le Crédit Agricole - Indosuez pour un avion et pour le deuxième avion, c’était leur mobilisation. Arjil comme eux disait être capable de le faire. Il faudrait les interroger.

M. le Président : Le problème est qu’il a été accordé un certain nombre de facilités pour que ce GIE puisse être constitué, mais qu’aucun investisseur n’a été trouvé.

Vous avez parlé tout à l’heure -et j’en termine pour cette première série de questions- de la réunion du CIRI le 9 janvier. Il n’y a pas eu de réunion à cette date. A ma connaissance, car nous avons interrogé le secrétaire général du CIRI, M. Massignon, cette réunion a eu lieu le 5 janvier.

M. Jean-Charles CORBET : C’est au tout début du mois de janvier. Cela doit effectivement être avant que nous allions voir le président du tribunal de commerce.

M. le Président : Lorsque nous l’avons interrogé, M. Massignon nous a dit vous avoir rencontré pour la première fois le 5 janvier. Nous avons été étonnés -je ne vous le cache pas- du fait que vous ayez été entendu pour la première fois à cette date par M. Massignon et que l’Etat ait débloqué le prêt le 9 janvier. Entre ces deux dates, il y a un week-end. Cela signifie que l’étude de ce dossier a été d’une rapidité qui laisse pantois.

M. Massignon à qui nous avons demandé quand il vous avait vu pour la première fois nous a répondu que c’était le 5 janvier. Lorsque nous lui avons demandé si, à ce moment-là, vous lui aviez fourni les comptes de la société, nous avons été étonnés d’entendre sa réponse qui était "Non". Je lui ai même demandé pourquoi il ne vous avait pas demandé de venir avec vos comptes. Il nous a répondu : "Il est tellement évident que lorsque l’on vient demander un prêt, on vient avec un dossier financier que je n’ai pas pensé à le demander".

Nous sommes donc surpris des conditions d’études de ce dossier.

M. Jean-Charles CORBET : Il y a quelque chose qui me surprend.

M. le Président : Il s’agit de la déposition de M. Massignon, secrétaire général du CIRI.

M. Jean-Charles CORBET : Il faudra vraiment que je recherche dans mes notes...

Ces prêts ont été accordés après audit. Pendant cinq mois, Mazars est venu faire l’état de nos comptes et, je le suppose, l’a rapporté à son commanditaire.

M. le Président : Sur la première tranche du prêt qui a été accordée le 9 janvier, il n’y a pas de relation de cause à effet avec l’audit dont vous faites état. Ce n’est en tout cas pas ce qui nous a été indiqué. Ce sont des éléments qui interviennent après, pour une deuxième tranche, monsieur Corbet.

Je peux bien comprendre que vous n’ayez pas la mémoire exacte et détaillée de tout ce qui s’est passé.

Au moment où le prêt vous a été accordé, d’après nos informations -vous me direz si c’est exact ou non-, la "maison mère" disposait d’environ 10 millions d’euros de trésorerie et 17 millions étaient dans les filiales Mermoz UA et Holco Lux.

Pendant cette période, le montant cumulé des salaires et des primes versées aux dirigeants et les honoraires versés au cabinet d’études immédiatement après que vous ayez repris la société, s’élèvent à plus de 20 millions d’euros. Si l’on ajoute les honoraires du Cabinet Plegler et Blach - nous n’avons d’ailleurs pas toutes les informations sur ce que ce cabinet a pu faire pour votre société - en particulier si sa facture d’environ 9 millions d’euros a été payée, cela représente grosso modo 28 millions d’euros.

Beaucoup d’argent a été soit dépensé, soit bloqué dans des filiales et, en tout état de cause, n’a pas été utilisé dans le but de faire fonctionner l’entreprise Air Lib. Car il ne s’agit bien que de cela !

Si nous ne traitons que la trésorerie : 10 millions d’euros de trésorerie et 17 millions entre Mermoz et Holco, cela fait un total de 27 millions d’euros. Pourquoi ne tirez-vous que 5 millions d’euros sur, je crois, Holco SAS ? Vous avez dit vous-même : " 20 % de vos capacités ".

Pourquoi, au moment où le Trésor écrit qu’il y a peu de chance de rentrer dans les fonds de l’Etat et où M. Fabius s’oppose à ce prêt pour ces raisons, ne mettez-vous que 20 % de votre capacité pour sauver votre société ?

M. Jean-Charles CORBET : A ce moment-là, c’est une décision de gestion, nous ne mettons que 20 %. Sachant que la suite devra permettre de... Cela a été arbitré avec le CIRI. Je ne comprends pas le discours de M. Massignon. Le CIRI nous a donné son accord pour une première tranche de 17 millions à la condition qu’Holco participe pour 5 millions.

Cela a été arbitré. Nous l’avons fait ainsi.

M. le Rapporteur : J’avais deux questions à vous poser en tant que président de la holding Holco.

La première question concerne le patrimoine immobilier. Pouvez-vous indiquer à la commission s’il est exact que votre société holding est propriétaire de trois immeubles ? Le premier serait situé au 17 rue de la Paix à Paris, le second immeuble à Rungis -ancien siège social d’AOM- financé par un crédit bail immobilier et loué en totalité à un tiers sans aucun lien avec le transport aérien, et enfin un immeuble à Tours. L’ensemble serait estimé à 10 millions d’euros. Pouvez-vous nous confirmer cela ?

Deuxièmement : pourquoi ces biens immobiliers sont-ils au niveau de la holding ? En termes clairs, comme votre filiale Air Lib a déposé le bilan, ces immeubles sont restés au niveau de la maison mère. Certains de ces crédits bail, d’après ce qui nous a été indiqué -vous nous direz si c’est exact ou non- ne sont plus très loin, au moins pour l’un d’entre eux, de la fin de leur remboursement.

Pourriez-vous nous éclairer là-dessus ? Et là encore, pourquoi cela n’a-t-il pas été mobilisé ? Pourquoi ces actifs qui n’étaient pas utiles à l’exploitation de la société Air Lib ont-ils été gardés au sein de la holding ?

M. Jean-Charles CORBET : Pour la première question, c’est inexact.

M. le Rapporteur : Vous n’êtes donc pas propriétaire de ces trois immeubles... Qui en est le propriétaire ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, pas encore.

Celui de la rue de la Paix est une location standard qui, d’ailleurs, n’existe plus chez Holco.

M. le Rapporteur : Vous n’avez donc jamais été propriétaire du 17 rue de la Paix ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, jamais.

Tours et Rungis sont des immeubles en crédit-bail, repris dans les actifs des sociétés AOM - Air Liberté au moment de la reprise.

Pour Rungis, les actes de cession ne sont toujours pas signés. Pour l’instant, les administrateurs des anciennes sociétés AOM - Air Liberté sont toujours propriétaires au sens de la loi. Ils ont refusé de signer les actes de cession.

Pour Tours, les actes de cession ont été signés le 21 ou 22 décembre 2002.

Il n’était donc pas possible de faire autrement tant que les actes de cession n’étaient pas signés.

M. le Rapporteur : En ce qui concerne Tours, votre réponse est que vous n’en êtes devenu propriétaire que le 22 décembre 2002.

M. Jean-Charles CORBET : J’ai repris le crédit-bail. Il n’est pas encore terminé.

M. le Rapporteur : Combien d’années a-t-il encore à courir ?

M. Jean-Charles CORBET : Il s’agit de mois. Le crédit-bail de Tours arrive à échéance dans trois ou quatre mois.

M. le Rapporteur : Dans quatre mois, vous serez donc propriétaire.

M. Jean-Charles CORBET : Dans quatre mois, soit je lève l’option de crédit-bail, soit je ne la lève pas. Je la lèverai.

M. le Rapporteur : Actuellement, ce bien est-il loué ?

M. Jean-Charles CORBET : Il est loué aux anciennes sociétés TAT, Telintrans et TAT Express.

M. le Rapporteur : Les loyers couvrent-ils grosso modo le crédit-bail ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, pas tout à fait. Il y a un déficit.

M. le Rapporteur : En ce qui concerne l’immeuble de Rungis, il y a un débat...

M. Jean-Charles CORBET : ... Pour Rungis, les actes de cession ne sont toujours pas signés. De mémoire, le crédit-bail va jusqu’à 2006 et, là encore, les loyers ne couvrent pas les charges.

M. le Rapporteur : De beaucoup ou est-ce presque équilibré ?

M. Jean-Charles CORBET : Non. C’est de l’ordre de 800 000 euros par an.

M. le Rapporteur : Combien reste-t-il d’années de crédit-bail immobilier sur ce bien ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vous ai dit 2006. Cela fait deux ans et demi. Je ne saurais pas vous dire si c’est début ou fin de l’année 2006.

M. le Rapporteur : D’accord. Je vous remercie.

J’ai une autre question dans un domaine très différent qui concerne les relations sociales. Nous avons auditionné les différents syndicats. Ils nous ont indiqué que, pour certains d’entre eux, la direction d’Air Lib n’a pas permis à l’expert-comptable désigné par le comité d’entreprise en avril 2002 dans le cadre d’une procédure de droit d’alerte qui avait été enclenchée par le comité d’entreprise, d’exercer complètement sa mission. Est-ce exact ? Et si oui, comment expliquez-vous cela ?

M. Jean-Charles CORBET : C’est inexact.

M. le Rapporteur : Quelle est la vérité ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne l’explique pas.

M. le Rapporteur : Le droit d’alerte a bien été déclenché ?

M. Jean-Charles CORBET : Un droit d’alerte a été déclenché par un comité d’entreprise qui n’était pas représentatif. Un expert mandaté par un syndicat qui n’appartenait pas au comité d’entreprise a été mandaté. Il a exercé sa mission et a usé d’artifices pour obtenir pour son propre compte et non pas celui du comité d’entreprise, un certain nombre d’indemnités.

M. le Rapporteur : Qu’entendez-vous, monsieur le président, par un comité d’entreprise non représentatif ? N’avait-il pas été élu ?

M. Jean-Charles CORBET : C’était le comité d’entreprise des anciennes sociétés AOM - Air Liberté, remplacé au moment de la désignation de cet expert par un nouveau comité d’entreprise.

M. le Rapporteur : Ils avaient été élus ?

M. Jean-Charles CORBET : Les anciens ? (signe d’acquiescement de M. le Rapporteur) Posez la question à M. Rochet car je n’étais pas dans ces sociétés. Je ne peux pas vous le dire. Je le suppose.

M. le Rapporteur : C’est pour cette raison que vous avez refusé l’accès à la comptabilité ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, il a eu accès à la comptabilité.

M. le Rapporteur : Ils nous ont dit l’inverse.

M. Jean-Charles CORBET : Ils vous ont dit ce qu’ils ont eu à vous dire.

M. le Rapporteur : Nous avons auditionné l’expert-comptable qui avait été missionné. Il est venu le déclarer sous serment devant la commission.

M. Jean-Charles CORBET : C’est passé en jugement. Je vous donnerai l’ensemble des pièces pour que vous puissez faire votre religion.

M. le Président : Pendant combien de temps, y a-t-il eu ce comité d’entreprise provisoire ? A peu près une année ?

M. Jean-Charles CORBET : Il n’était pas provisoire. Vous ne pouvez pas faire autrement que de vivre avec un comité d’entreprise tant que les élections n’ont pas eu lieu. De mémoire, les nouvelles élections ont eu lieu en juin.

M. le Président : Le 9 et 10 juin 2002.

M. Jean-Charles CORBET : Je n’étais pas très loin.

M. le Président : Je n’étais pas très loin non plus en disant un an car entre juillet 2001 et juin 2002, il y a un an.

M. Jean-Charles CORBET : Jusqu’en juin 2002, les comités d’entreprise des sociétés AOM et Air Liberté étaient le comité d’entreprise. A partir du mois de juin 2002, on a eu un nouveau comité d’entreprise.

Cet expert a été mandaté à la période charnière et a fait son travail après juin 2002.

M. le Président : Le droit d’alerte a été déclenché le 29 avril 2002. C’est alors que l’expert, M. Bonan, a été commis. Sous serment, il a déposé en indiquant qu’il n’avait pas pu accéder à la comptabilité, qu’il n’avait pas pu obtenir les pièces pour exercer sa mission. C’est de sa responsabilité d’avoir répondu ce qu’il a répondu.

M. Jean-Charles CORBET : Je réponds qu’il a eu accès. C’est ma responsabilité.

M. le Président : Il n’a pas pu présenter son rapport.

Vous disiez que ce comité d’entreprise n’existait pas en tant que tel, qu’il n’était pas représentatif -pour reprendre votre expression. Pourtant, tout au long de la période 2001, nous avons des procès-verbaux de toutes les réunions de ce comité d’entreprise devant lequel vous êtes allé régulièrement -je pourrais en citer des extraits- pour faire diverses déclarations et avoir des discussions.

A aucun moment, vous n’avez dit aux syndicats et au comité qu’ils n’étaient pas représentatifs. Vous l’avez reconnu comme étant représentatif ce que vous déniez aujourd’hui.

M. Jean-Charles CORBET : Je dis simplement aujourd’hui que nous avions deux comités d’entreprise : celui d’ex-AOM et celui d’ex-Air Liberté. Pour moi, ce comité d’entreprise n’était pas représentatif d’Air Lib. Pour autant, il n’y avait pas d’autre comité d’entreprise. Par le biais de procédures, ses membres ont retardé au maximum l’élection d’un nouveau comité d’entreprise représentant Air Lib. Nous avons essayé d’obtenir via les prud’hommes et les tribunaux une accélération du processus. Cela a été difficile. On a donc travaillé avec des représentants en place qui représentaient AOM et Air Liberté, mais qui, à mes yeux, ne représentaient pas Air Lib.

M. le Président : Vous avez tout de même discuté avec eux. On ne peut pas dire qu’ils ne sont pas représentatifs à un moment si on les reconnaît comme représentatifs à un autre.

M. Jean-Charles CORBET : Je voulais dire " représentatifs d’Air Lib ".

M. le Président : C’est important. Lorsque l’on parle de dialogue social, de la dégradation de la situation de la société, on s’aperçoit que les syndicats ont des jugements différents des vôtres. Cela s’est traduit par la mise ne œuvre d’un droit d’alerte et par la nomination de cet expert.

M. le Rapporteur : Comment expliquez-vous, monsieur le président, alors que vous bénéficiez en juillet 2001 dans l’entreprise d’un fort consensus des syndicats que le climat social se soit dégradé aussi rapidement ? Cela fait suite aux déclarations des syndicats que nous avons auditionnés.

M. Jean-Charles CORBET : Je vais être très net et j’ai mon franc-parler. Quels syndicats avez-vous rencontrés ?

M. le Rapporteur : Les syndicats les plus importants.

M. Jean-Charles CORBET : M. Petit ? Un seul adhérent : lui-même. M. Bandler ? Un seul adhérent : lui-même.

Si ce sont ces syndicats qui, pour vous, étalonnent la dégradation du climat social, je ne pense pas...

M. le Président : Nous avons auditionné les syndicats les plus importants, y compris la CFDT et la CGT.

M. Jean-Charles CORBET : Je ne pense pas que le climat social d’Air Lib était dégradé.

M. le Rapporteur : Il était bon ?

M. Jean-Charles CORBET : Qu’appelle-t-on " climat social " ? Est-ce le climat avec certains représentants syndicaux qui ne représentent qu’eux-mêmes ? Est-ce les relations avec les salariés ?

Il faut être très mesuré et très prudent à ce niveau-là. Il est vrai que le dialogue social avec certains représentants syndicaux était extrêmement difficile. Nous étions tout de même en bilatéral. Lorsque l’on discutait, c’était entre la direction et un syndicat. Je prends les syndicats les plus représentatifs, ceux avec lesquels il y avait un dialogue, même s’il était difficile sur des points difficiles. Je veux parler du SNPL pour les pilotes, à un degré moindre de l’UNAC -mais nous arrivions à discuter avec eux-, SNPNC, SNPNAC et CGT. Nous avions des discussions bilatérales qui montraient que nous avancions.

M. le Rapporteur : C’est votre version. Nous ne pouvons vous dire que ce que nous ont dit les intéressés.

Pour la CGT, nous avons auditionné M. Paul Fourier. Il nous a dit qu’il vous avait fait confiance au démarrage et que, grosso modo, dès la fin de 2001, il avait pris ses distances car il doutait, pour ne pas dire plus. Vous pourrez d’ailleurs lire ses déclarations.

Vous avez cité M. Bandler, mais il n’était pas seul. Il y avait M. Duhayer, M. Lafosse-Marin. Ils nous ont dit avoir perdu très rapidement confiance puisqu’ils exposaient toute une série de dysfonctionnements de l’entreprise et voyaient que rien ne se passait.

Nous avons auditionné M. Monnin, M. Nicoli et M. Lamade de la CFDT qui sont les seuls à avoir défendu votre gestion. Tous les autres syndicats, avec des nuances bien entendu, ont dit qu’au bout de plusieurs mois, ils n’avaient plus confiance en vous.

M. Jean-Charles CORBET : Pour moi, il n’y a qu’une réalité : le verdict des urnes.

Sur huit membres élus au nouveau comité d’entreprise, sept membres appartenaient à la CFDT. Le thème de campagne de la CFDT était " aujourd’hui, il faut reconstruire et nous allons le faire avec notre direction ". Je n’y peux rien, c’est ainsi.

C’est pour cette raison que je vous dis que lorsque l’on se tourne vers les salariés, le climat social n’est pas forcément celui que l’on veut bien penser. Le résultat est qu’au niveau du nouveau comité d’entreprise, tous les syndicats qui faisaient du combat d’arrière-garde qui refusait la fusion entre AOM et Air Liberté, ont été éliminés du comité d’entreprise.

M. le Rapporteur : C’étaient des syndicats représentatifs, monsieur Corbet ! Il faut respecter la diversité.

M. Jean-Charles CORBET : Lorsque l’on a qu’un seul adhérent, on est représentatif ?

Je vais vous donner un exemple, monsieur de Courson. Nous avions à Air Lib un syndicat avec un délégué syndical, le Syndicat national des mécaniciens de l’aviation civile, alors qu’il n’y avait pas un mécanicien à Air Lib. Par voie de justice, nous avons demandé à ce que ce syndicat ne soit pas représentatif mais cela ne fonctionne pas ainsi en France. Il était représentatif. On avait donc un syndicat avec un seul adhérent qui n’était pas mécanicien sol de l’aviation civile et pourtant, il était représentatif. Pour moi, la représentativité est celle que vous avez vis-à-vis de votre base.

M. le Rapporteur : Pourquoi la montée au capital des salariés à hauteur de 34 % - cela faisait d’ailleurs partie de votre plan initial et c’était l’un des moyens de financer l’entreprise- n’a-t-elle pas été mise en place ? Pourriez-vous nous développer cela si le dialogue était aussi bon que vous le décrivez ? Pourquoi n’y est-on pas arrivé ?

M. Jean-Charles CORBET : J’y ai répondu...

M. le Rapporteur : Je voudrais que vous approfondissiez votre réponse.

M. Jean-Charles CORBET : J’y ai répondu, me semble-t-il, lors de ma première audition et je vais vous refaire la même réponse.

Reprenez les annexes du jugement du tribunal de Créteil du 27 juillet. La plate-forme d’engagement des syndicats y est jointe.

Par la suite, nous nous sommes trouvés face à la réalité du terrain avec des syndicats qui se battaient pour retarder la fusion des ex-AOM et des ex-Air Liberté, qui se battaient pour retarder la mise en place d’un nouveau comité d’entreprise, qui se battaient pour retarder leur rendez-vous avec la base.

Premièrement, mettre en place l’actionnariat salarié n’était pas possible.

Deuxièmement, ce n’est pas dans des phases difficiles pour l’entreprise que des salariés acceptent une prise de risque en montant au capital. Nous avons eu des débats importants. La CGT était le moteur sur ce sujet du refus de s’investir dans l’actionnariat salarié.

Dès lors que nous avons eu un nouveau comité d’entreprise, par le biais de la commission économique du nouveau comité d’entreprise, nous avons pu relancer le travail de la montée au capital, d’autant plus que l’on s’inscrivait à ce moment-là sur la montée au capital d’un investisseur tiers, IMCA.

La direction a eu avec la commission économique du comité d’entreprise un certain nombre de réunions pour lancer le travail de l’actionnariat salarié afin d’en déterminer les formes et les modalités. Les interlocuteurs étaient la commission économique du comité d’entreprise et Pierre-Yves Lagarde du côté de la direction. Je l’ai expliqué la dernière fois.

M. le Président : La montée au capital des salariés était prévue par un accord signé ; vous faites état du jugement du tribunal qui l’indique. Cela a d’ailleurs conduit le tribunal à voir votre plan de redressement avec faveur puisqu’il comportait une lettre d’évidence de fonds de 80 millions de francs et 150 millions de francs par la montée au capital des salariés grâce à cet accord signé par les syndicats.

Vous nous avez expliqué que cet accord était informel. Je vous ai fait observer que cela faisait partie d’un accord signé et conclu. Vous m’aviez indiqué que vous n’aviez pas pu le mettre en place. On ne va pas revenir sur ce qui a été dit. Il y a les comptes rendus qui font état de la manière dont cela s’est passé.

Mais ne confondez pas des discussions que vous avez eues après l’élection du nouveau comité d’entreprise le 29 avril 2002 et l’arrivée d’IMCA fin 2002 et ce dont on vous parle, c’est-à-dire la décision du tribunal de commerce du 27 juillet 2001 qui faisait état de cet accord sur les 34 %.

Vous nous avez expliqué pourquoi il n’a pas été réalisé. On le comprend très bien, mais dans ce cas, il ne fallait pas qu’il soit présenté comme quelque chose d’avéré.

M. Jean-Charles CORBET : Permettez-moi, monsieur le président, de vous faire remarquer que votre propos est quelque peu réducteur.

Au tribunal de commerce de Créteil, nous avons également indiqué que nous exploiterions la ligne Los Angeles - Papeete. Vous êtes en train de me dire que, de la même manière, je n’aurais pas dû arrêter Los Angeles - Papeete et que de la même manière -car c’était dans le jugement du tribunal-, je n’aurais pas dû arrêter Roissy.

M. le Président : Je ne vous parle pas de Papeete, mais des 34 % d’actionnariat salarié

Nous en avons discuté pendant une heure. Nous arrêtons là. Le compte-rendu fait foi. Chacun y lira ce qu’il voudra.

M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr, mais à l’origine, les 34 % étaient un engagement. Je l’ai tenu, mais la conjoncture m’a empêché de le mettre en œuvre.

M. le Président : Ne dites pas que vous avez tenu cet engagement. Ce n’est pas vrai.

M. Jean-Charles CORBET : Je suis désolé, monsieur le président, mais pour le mettre en œuvre, j’avais besoin que les deux parties acceptent de le faire. Je vous dis que la partie des salariés était défaillante.

M. le Président : Je vous dis ce que nous avons entendu.

Le jugement du tribunal note que votre plan comportait 150 millions venant de ces 34 % et 80 millions d’une lettre d’évidence de fonds. Ni l’un ni l’autre n’a été réalisé.

Les syndicats interrogés, notamment les pilotes, nous ont dit qu’ils souhaitaient que cet actionnariat soit mis en place, mais que malheureusement, vous n’aviez pas répondu à leurs sollicitations.

Le compte rendu de la commission permettra à chacun de se faire une idée. Je vous ai posé une question à laquelle vous avez répondu. Je voudrais que nous avancions.

M. Jean-Charles CORBET : Je conclurai en vous renvoyant, ainsi que les commissaires, aux pages 39 à 46 du jugement du 27 juillet 2001 où figurent les attendus du jugement. Vous verrez qu’en fonction des attendus, c’est quelque peu différent de ce que vous êtes en train de dire.

M. le Président : Mais monsieur le président, entre la décision qui est prise en fonction d’un certain nombre d’éléments et justement, la prudence du tribunal dans les attendus qui précédent la décision, il y a effectivement un certain nombre d’interrogations que le tribunal a formulées et malheureusement, la suite a confirmé qu’elles étaient fondées.

M. Jean-Charles CORBET : Malgré tout, et je le dis avec le sourire, vous me faites un procès d’intention puisque vous dites que j’avais pris un engagement que je n’ai pas voulu respecter. Je vous dis qu’un engagement, cela se prend à deux. Nous étions un repreneur et des syndicats. Ces derniers n’ont pas voulu entrer dans cette logique et ils n’ont accepté d’y entrer qu’à partir du moment où un nouveau comité d’entreprise a été élu.

Mon engagement était d’arriver à l’actionnariat salarié. Je vous dis que nous avions commencé ces travaux et que nous allions vers l’actionnariat salarié.

M. le Président : J’ai bien compris votre réponse. Je vous dis simplement que le tribunal a pris sa décision en fonction d’engagements qui ont été pris et qui n’ont pas été respectés. Vous expliquez pourquoi, c’est très bien. Je dis simplement la vérité : les 34 % n’ont jamais été réalisés.

Lorsque nous les avons entendus, les syndicats ont indiqué qu’ils souhaitaient que cela soit réalisé, qu’ils vous avaient sollicités, mais que vous n’aviez pas répondu. Ce sont leur propos.

M. Jean-Charles CORBET : Cela engage les syndicats.

Je vous demande de reprendre les comptes rendus du comité d’entreprise des mois de décembre, janvier, février et les travaux de M. Lagarde. Plusieurs réunions ont eu lieu avec la commission économique du comité d’entreprise pour commencer les travaux de l’actionnariat salarié.

M. le Président : De quelle année s’agit-il ?

M. Jean-Charles CORBET : 2003.

M. le Président : Nous sommes d’accord. Je vous parle de 2001.

M. Jean-Charles CORBET : Qu’y puis-je ? Je ne pouvais pas imposer à des syndicats qui n’en voulaient pas la mise en place d’un actionnariat salarié, surtout s’il passait par un échange salaires contre actions.

M. le Président : Chacun lira le compte rendu. Il y a eu un accord signé qui n’a pas été respecté. Point final ! C’est la vérité.

M. Jean-Charles CORBET : Je n’ai pas réussi à remettre la main sur l’accord signé avec le personnel navigant technique. L’avez-vous ?

M. le Président : Nous avons le jugement du tribunal qui explique qu’un accord a été conclu.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, mais avez-vous l’accord ? Je n’ai pas en mémoire dans l’accord....

M. le Président : Nous comptons sur vous pour nous le donner, car nous n’avons malheureusement pas toutes les pièces.

M. Jean-Charles CORBET : Pour moi, ce qui a été donné au tribunal de commerce de Créteil, c’est-à-dire la plate-forme signée avec les syndicats, ne faisait pas référence à 34 % de capital.

M. le Président : Cette affaire a été largement évoquée la dernière fois ; on se reportera au compte rendu de votre précédente audition.

M. Xavier de ROUX : Veuillez m’excuser, mais nous sommes en train de nous égarer dans les détails, bien que cela n’en soit pas vraiment.

Quel est le fond du problème ? Vous reprenez une entreprise dans le cadre d’un plan de redressement. C’est très clair et très simple. Dans ce plan de redressement, vous prenez un certain nombre d’engagements pour redresser l’entreprise et ces engagements sont actés par le jugement du tribunal de commerce de Créteil.

Ce qui personnellement me questionne, c’est le moment où vous vous rendez compte que pour de nombreuses raisons, redresser l’entreprise est beaucoup plus difficile que prévu ou espéré. Ce qui me soucie, c’est de savoir à quel moment vous avez été conscient que la situation était définitivement compromise sauf à trouver d’autres moyens. A quel moment avez-vous pensé que vous ne pourriez pas exécuter votre plan de redressement ?

M. Jean-Charles CORBET : Le 7 février 2003 au soir, lorsque M. Bussereau a décidé de supprimer notre licence.

M. Xavier de ROUX : Lorsque vous demandez le prêt FDES, vous considérez que vous êtes toujours dans le cadre de votre plan de redressement et que l’affaire est toujours redressable ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui. Jusqu’aux mois de juillet-août 2002, nous étions au-dessus du trait du business plan de la reprise.

M. Xavier de ROUX : Quelles étaient les pertes mensuelles de l’entreprise ?

M. Jean-Charles CORBET : En août 2002, elles étaient de moins de 2 millions d’euros. Lorsque j’ai repris cette entreprise à la barre du tribunal de commerce, les pertes mensuelles étaient de l’ordre de 60 à 70 millions d’euros par mois.

M. Xavier de ROUX : Quelles que soient les pertes mensuelles, l’entreprise était toujours en perte.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, elle était toujours en perte. Il était prévu qu’elle le soit dans le business plan jusqu’au premier semestre 2003.

M. Xavier de ROUX : Comment comptiez-vous la recapitaliser ?

M. Jean-Charles CORBET : Avec les deux milliards des Suisses... !

M. Xavier de ROUX : Le milliard suisse, on connaît.

M. Jean-Charles CORBET : Lors de ma dernière audition, j’ai expliqué que le business plan financier a été monté à partir d’un business plan industriel et qu’il prévoyait 2 milliards de francs.

Dès la reprise - le tribunal l’a souligné -, il nous manquait 500 millions de francs. Mon travail, personnellement, n’était pas de m’occuper du management opérationnel de l’entreprise, mais d’aller chercher avec la banque d’affaires qui nous soutenait des investisseurs.

J’ai expliqué que le 11 septembre a anéanti tout ce travail. Les 500 millions de francs représentaient au niveau du business plan financier ce qui nous manquait du mois de juillet-août 2002 jusqu’à la fin du premier semestre 2003 en trésorerie.

M. Xavier de ROUX : C’est là qu’il y a un malentendu. Je ne veux pas du tout polémiquer, mais vous vous rendez bien compte que là, vous parlez de virtuel. La vie des affaires est faite de réalités.

Lorsqu’une société ne peut plus payer ses dettes, elle est dans une situation tout à fait compromise. Vous répondez qu’il y avait probablement 500 millions à trouver. Je ne dis pas que vous n’étiez pas créancier de 500 millions. Vous pouviez très bien être créancier de cette somme, mais tout le monde savait qu’elle ne rentrerait plus dans les caisses de l’entreprise. Vous dites qu’Arjil était en train de chercher des investisseurs. Tout le monde sait que Arjil n’a jamais trouvé le moindre investisseur.

M. Jean-Charles CORBET : Il s’agit de CIBC et non d’Arjil.

M. Xavier de ROUX : Il n’y a pas eu le moindre investisseur.

M. Jean-Charles CORBET : Monsieur le commissaire, vous touchez du doigt un problème auquel je ne peux pas répondre.

Je cite en page 45 du jugement : "Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des plans ne présente toutes les garanties de réussite en raison notamment de l’insuffisance d’apport de capitaux propres par les candidats. On est en juillet 2001. "De ce fait, les sociétés du groupe AOM - Air Liberté se trouvent dans une situation susceptible d’aboutir à la liquidation. Mais, l’esprit comme la lettre de la loi du 25 janvier etc."

A partir de là, le tribunal prend une décision en faisant l’impasse et en disant que dans l’année et demie ou les deux ans qui suivent la reprise, nous devons trouver des investisseurs. Si nous avions été dans une situation de croissance du transport aérien, sans le 11 septembre, je pense qu’il aurait été plus facile de trouver les investisseurs.

Malgré cela, je pense que sans le travail médiatique fait autour d’Air Lib par certains à partir des mois d’avril, mai, juin 2002, nous aurions également pu trouver ces investisseurs. Mais on ne refait pas l’histoire.

M. le Président : Monsieur de Roux, peut-on éviter de s’enliser dans une question ?

M. Xavier de ROUX : Ma question est très simple.

M. le Président : M. Corbet a répondu comme il entend répondre.

M. Jean-Charles CORBET : Il manquait 500 millions.

M. Xavier de ROUX : Ce n’est pas la question posée. Je sais qu’il manquait 500 millions, et même un peu plus. Ma question est en lien direct avec une question que je souhaitais vous poser sur le mandat de Me Laffont : à partir de quel moment avez-vous estimé que la situation était compromise, vous, repreneur ? Vous êtes à la barre d’une affaire. A partir de quand considérez-vous que la situation est compromise ? Vous m’avez répondu, et j’en prends acte : le 7 février 2003.

M. Jean-Charles CORBET : Définitivement compromise, le 7 février. Compromise dès lors que Swissair a dit qu’elle ne payait pas ce qu’elle devait. Nous étions déjà dans une grosse difficulté.

M. le Président : Puisque vous abordez ce sujet, est-il exact que des comités d’entreprise ont eu lieu le 18 et le 20 décembre 2001 ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui, tous les mois il y en avait.

M. le Président : Est-il exact qu’à l’occasion de ces comités d’entreprise de décembre, soit deux ou trois semaines avant la mobilisation des crédits de l’Etat, vous avez fait des déclarations au comité d’entreprise selon lesquelles votre société se trouvait en situation de dépôt de bilan ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui, j’ai fait cette déclaration.

M. le Président : En tant que patron de la société, vous dites au comité d’entreprise que l’entreprise est en situation de dépôt de bilan. Quinze jours après, arrive un prêt de l’Etat de 30,5 millions d’euros.

A ce moment-là, vous dites vous-même que vous êtes en situation de dépôt de bilan. Vous tendez la main à l’Etat pour demander de l’aide mais vous ne mobilisez que 20 % de vos disponibilités. Vous dites que c’était une décision de gestion. Dont acte. Mais je voudrais opposer cette décision de gestion à ce que vous venez de dire à l’instant à M. de Roux en expliquant la situation catastrophique de votre société à cette époque-là.

Notre interrogation est toujours la même depuis le début : pourquoi n’avez-vous pas alors mobilisé 100 % de vos capacités ? Pourquoi vous êtes-vous tourné vers l’Etat pour qu’il vous amène une grande partie de ces capacités en fonds publics ?

M. Jean-Charles CORBET : En décembre 2001, au niveau du comité d’entreprise, on a en tête les axes sans lesquels la situation est irrémédiablement compromise. On n’est pas sur des hauteurs de 5, 10 ou 15 millions d’euros. Il nous manque 60 millions d’euros. La dégradation du business plan nous montre qu’il faut trouver 100 ou 120 millions d’euros.

En comité d’entreprise, j’explique donc que si nous n’obtenons pas de quasi fonds propres et un prêt de restructuration et si nous ne parvenons pas à diminuer les coûts de l’ordre de 50 millions d’euros, nous sommes alors dans une situation de dépôt de bilan. Je l’indique au comité d’entreprise

car il importe, au niveau des représentants des salariés, qu’ils prennent conscience que l’entreprise va avoir à faire un effort conséquent.

C’est la raison de cette déclaration.

M. Alain GOURIOU : Vous nous avez dit qu’au début de l’année 2002, peut-être au printemps, la situation n’était pas encore catastrophique. Je pense que le prêt de l’Etat a dû vous permettre de retrouver un peu de souffle. Cependant, lorsque l’on croise les différentes auditions entre elles, on s’aperçoit que c’est à partir de juin 2002, par exemple, qu’Air Lib cesse ses paiements à Aéroports de Paris. Jusque-là, il est vrai que les échéances avaient été respectées même si, sans entrer dans trop de détail, les paiements se faisaient hors taxes entre mars et juin. Mais, à compter de juin, vous ne payez plus et ce jusqu’à la fin de l’histoire de l’entreprise.

Y a-t-il eu au printemps 2002 des éléments qui ont fait que la situation s’est encore aggravée ?

M. Jean-Charles CORBET : Je reviens sur ce que je viens de déclarer.

Nous avions quatre conditions à remplir. En juin 2002, nous n’avions toujours pas monté ce GIE fiscal. Il était très clairement indiqué dans le préambule du prêt FDES qu’il était impératif de mettre en place et d’obtenir des quasi fonds propres par la mise en place de ce GIE. Celui-ci n’étant pas en place, nous nous retrouvions dans une situation à nouveau difficile. En attendant que le GIE se mette en place -c’était normalement une question de jours ou de mois car nous avons même fait les vols de réception de ces deux avions-, l’Etat a accepté que nous ne payions pas les charges d’Aéroports de Paris. Il nous a été dit de ne pas payer l’URSSAF et ADP car ces charges feraient l’objet d’un moratoire et revues dès la mise ne place du GIE.

Ensuite, nous sommes entrés dans une deuxième logique, logique de conciliation, de rééchelonnement de l’ensemble des charges publiques pour les rembourser. Voilà ce qui s’est passé vers le mois de juin 2002.

M. le Président : Ce qui n’a pas été fait !

M. Jean-Charles CORBET : La conciliation s’est arrêtée le 7 février au soir.

M. le Rapporteur : Je vais me permettre de fournir quelques éléments à la commission.

Ce n’est pas en juin que vous avez commencé à ne plus payer vos taxes aéroportuaires et redevances, mais à partir de mars 2002.

Quand vous vous êtes engagé en contrepartie du moratoire à payer, vous n’avez payé qu’un mois, le mois d’août. A partir du 1er septembre 2002, vous ne payez plus rien. Il ne s’agissait pas seulement des taxes et redevances aéroportuaires, mais aussi les charges sociales patronales etc. Telle est la réalité.

M. Jean-Charles CORBET : Quand cela a été moratorié, monsieur de Courson, il était très clairement indiqué -le CIRI ne peut pas dire le contraire- que nous ne pourrions pas rembourser quoi que ce soit si le GIE ne se mettait pas en place.

M. le Rapporteur : Je ne parle pas du passé. Vous avez repris les paiements conformément à vos engagements, mais au bout d’un mois, vous n’avez plus respecté vos engagements.

M. Jean-Charles CORBET : Oui. C’était un problème de trésorerie.

M. le Président : J’ai toujours la même question et excusez-moi de la répéter.

Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est pourquoi au bout de plusieurs mois de ces difficultés, vous n’avez toujours pas mobilisé plus de 20 % de vos capacités personnelles et que vous avez laissé en Hollande et au Luxembourg, y compris à Paris chez Holco SAS, des sommes conséquentes de près de 20 millions d’euros alors que vous faites appel d’une part à un moratoire d’Etat qui vous permet de ne pas payer ce que vous lui devez et d’autre part à un prêt de l’Etat qui va vous permettre d’avoir de la trésorerie.

La question est toujours la même. Vous n’avez toujours pas, au jour d’aujourd’hui, mobilisé ce que vous auriez pu mobiliser en Hollande ou au Luxembourg pour venir au secours de la société d’exploitation Air Lib en France.

M. Jean-Charles CORBET : La réponse est la même.

M. le Président : C’est une décision de gestion.

M. Jean-Charles CORBET : Non, c’est le problème, dans notre droit des sociétés, du soutien abusif.

M. le Président : Chacun appréciera votre réponse. Je tiens à vous rappeler, monsieur le président, que les crédits dus par Swissair étaient dus à Air Lib. Ces crédits ont été versés à Holco qui était en cours de formation au moment de la reprise et ils ont été pour une partie redistribués en Hollande et au Luxembourg. Ce sont bien des crédits qui étaient issus d’un lien juridique entre Swissair et la société d’exploitation Air Liberté. Ils sont toujours au Luxembourg ou ailleurs en Hollande, et ils n’ont pas servi au maintien de la société.

M. Jean-Charles CORBET : Monsieur le président, je ne peux pas vous laisser dire cela.

Y a-t-il affectation des fonds ? Juridiquement, la réponse est non. Les fonds ont été affectés au repreneur. Par jugement du tribunal du 1er août, il est précisé : "faculté au repreneur de substituer les filiales nécessaires à l’exploitation des actifs repris". A partir de là, il n’y a pas affectation. C’est à dire que l’ensemble des fonds n’était pas destiné à Air Lib. Ces fonds étaient destinés à la reprise et à l’organisation effective des actifs repris. Il n’y avait pas que Air Lib. Il y avait un certain nombre de filiales telles que ALT, HRS. Il n’y avait donc pas affectation.

M. le Président : Juridiquement, vous avez raison, mais je confirme mes propos. Les 2 700 employés d’Air Lib ont également le droit de comprendre comment les choses se sont passées. Juridiquement, vous avez raison. Le fait est que vous n’avez mobilisé que 20 % de vos capacités alors que vous vous êtes tourné vers l’Etat pour demander des fonds publics.

Notre commission d’enquête est uniquement constituée pour savoir si ceci était fondé. Nous écoutons avec attention vos réponses aux questions posées.

Mme Saugues : J’ai trois questions à poser :

Laurent Fabius que nous avons auditionné la semaine dernière, a décrit les conditions dans lesquelles le prêt avait été accordé par le gouvernement. Il avait fixé des contraintes très fortes de restructurations à l’entreprise. Au 9 juillet 2002, aviez-vous amorcé ces restructurations ?

La deuxième question concerne une période un peu plus récente : que répondez-vous aux six organisations syndicales qui, en février dernier, se sont inquiétées des montages créés à partir de la holding Holco et qui demandaient au tribunal de ne pas dissocier l’examen du dossier Air Lib de celui d’Holco ?

Troisième question : estimez-vous que l’attitude du gouvernement depuis août 2002 a pénalisé le développement de votre compagnie et a fait fuir les investisseurs potentiels ?

M. Jean-Charles CORBET : Pour répondre à la première question, oui, nous avions commencé le travail de restructuration à Air Lib. En créant Air Lib Express, nous avons fait en sorte que la productivité soit augmentée. Nous avons restructuré industriellement un certain nombre de choses. Nous avons été pénalisés par un point dont nous ne pouvions nous affranchir. Dès lors que vous dégagez de la productivité dans une entreprise, vous avez à faire face à des plans sociaux. Notre problème -et il a été évoqué très longuement lors de la conciliation au mois de février- était que la restructuration vers laquelle nous devions aller nous imposait des plans sociaux que nous ne pouvions pas financer. Nous étions donc dans une impasse.

Aux six organisations syndicales qui disent en fait qu’il y a aujourd’hui une confusion de patrimoine entre Holco et Air Lib, je réponds que les conditions juridiques de la confusion de patrimoine ne sont pas réunies. L’autonomie des personnes morales a été respectée. Aujourd’hui, j’entends utiliser l’autonomie de ces personnes morales pour aller au bout d’une démarche qui me permettra à terme d’apporter aux salariés un certain nombre de réponses quant à leur reclassement.

Aujourd’hui, Holco est la seule qui a qualité et intérêt à agir pour poursuivre les Suisses " jusqu’au bout du monde " comme je l’avais indiqué au CIRI. Nous avons obtenu un jugement important le 21 mai dernier puisque la Cour d’appel de Paris nous a donné raison car, face au contredit suisse, ce sont les tribunaux français qui jugeront. Cela augmente les chances pour Holco de récupérer la dette que les Suisses ont tant au regard de Holco que d’Air Lib.

Quant à votre dernière question, " Estimez-vous que le gouvernement a pénalisé le développement de la compagnie ? ", je vais être très clair : la seule raison factuelle de la disparition d’Air Lib est la suppression de sa licence le 7 février. La seule !

Avec une licence, qui sait si CMA-CGM ou Virgin ne les auraient pas reprises.

Factuellement, elle a perdu sa licence le 7 février. A partir de là, tout était irréversible.

Ce qui est factuel, c’est que très tôt, le secrétaire d’Etat aux transports, Dominique Bussereau, a eu des paroles qui nous ont interpellés. Avant que je ne le rencontre pour la première fois - vous me répondrez que c’est la presse, mais lui ne l’a pas démenti - , nous avons tous lu : " J’attends la fin de l’été et je siffle la fin de la récré ". Effectivement, l’été est passé, et les déclarations faites par le service communication du secrétaire d’Etat aux transports nous ont pénalisés.

Nous avons regardé, car c’était important pour nous de le faire, les résultats analytiques de la société Air Lib depuis la création d’Air Lib Express jusqu’à " la fin de la récré ". Comme je l’avais expliqué lors de la première audition, une compagnie aérienne à qui l’on retire ses passagers ne peut qu’aller dans le mur. A partir du mois de septembre, les déclarations sur le non renouvellement de la licence Air Lib -les renouvellements de licence ne se faisaient que de mois en mois- produisaient des effets en termes d’engagements de la société, effets que nous pouvions vérifier en consultant les ordinateurs. Quand il était annoncé que notre licence s’arrêterait le 15 novembre, les passagers réservaient leur billet jusqu’au 15 novembre. Nous avons pu constater l’effet de toutes ces déclarations sur nos engagements.

Pour répondre à votre question, madame, on ne peut pas dire que le secrétaire d’Etat aux transports nous ait beaucoup aidé par sa communication.

M. le Président : Nous lui poserons la question demain matin car nous l’auditionnons.

J’aimerais que l’on conclue sur cette partie car vous avez ouvert vous-même la discussion sur Air Lib Express et nous avons des questions à vous poser à ce sujet. Vous avez parlé tout à l’heure de la productivité que le personnel navigant devait réaliser.

Entre l’été 2002 et Noël 2002, le Rapporteur a rappelé tout à l’heure que l’Etat a continué à ne pas exiger que vous payiez vos charges sociales. Le moratoire a été reconduit. L’Etat a continué à vous exonérer des ces charges pour aider au redressement de l’entreprise. Excusez-moi d’y revenir, mais Holco et différentes sociétés Holco auxquelles Mme Saugues a fait allusion, n’ont toujours pas fait plus d’efforts que les 20 % que vous avez décidé de faire, y compris dans cette période. C’est bien là la question car je pense qu’il aurait été préférable que ce soient vos fonds à vous qui viennent d’abord au secours de votre entreprise et que l’on fasse ensuite appel aux fonds de l’Etat.

Sur Air Lib Express, vous parlez de la mise en place de ce système. D’après les informations recueillies - peut-être sont-elles également sujettes à interprétation -, il semblerait que cette politique Air Lib Express n’ait pas rapporté beaucoup et même, qu’elle ait coûté cher à votre société. L’expression utilisée était "ruineuse".

Quelle est votre appréciation ? Le rapport KPMG a été formel dans certaines appréciations, ainsi que celui de Secafi-Alpha. Ces études analysent la situation jusqu’au 30 septembre 2002.

M. Jean-Charles CORBET : Nous n’avons pas dû lire les mêmes rapports ou du moins, les lire de la même façon.

Air Lib Express a été créée en avril 2002. Notre première contrainte était de prendre le marché. Une fois le marché pris, industriellement parlant, on tire le prix moyen coupon vers le haut. C’est ce que nous avons fait. En août 2002, Air Lib Express n’était pas loin de l’équilibre. De mémoire, les taux de remplissage étaient de l’ordre de 72 % avec un prix moyen coupon de l’ordre de 65 ¤. Nous étions sur la voie de la réussite. Pour information, des compagnies comme EasyJet ou Ryanair marchent sur des couples taux moyen coupon - remplissage voisins de ceux-ci. Nous étions juste derrière EasyJet.

Il nous restait à faire -mais ce n’était pas simple, et c’est là que nous avions non pas un refus, mais une inquiétude des salariés- des gains de productivité et une diminution de nos coûts encore importante. J’avais fixé à 30 % les gains à obtenir pour que, avec un prix moyen coupon objectif de l’ordre de 70 ¤ et un taux de remplissage objectif de l’ordre de 75 %, les coûts permettent de faire des profits.

Je n’ai pas du tout la même appréciation que vous et je crois que ...

M. le Président : Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais le rapport Secafi Alpha que nous avons sous les yeux.

M. Jean-Charles CORBET : Je vous donnerai le dernier rapport de KPMG qui parle d’Air Lib Express.

M. le Président : Je vous lis un extrait de la page 28 du rapport Secafi Alpha.

M. Jean-Charles CORBET : De quand est-il daté ?

M. le Président : Septembre 2002. Je cite : "Aucune ligne n’affiche de pertes inférieures à 20 % du chiffre d’affaires et certaines dépassent des ratios de 50 %, rendant illusoire une éventuelle profitabilité en dépit de certains taux de remplissage". En page 23, nous avons le résultat analytique avec les pertes.

Mais nous n’allons pas polémiquer sur des rapports, que vous connaissez aussi bien que nous.

M. le Rapporteur : Les syndicats nous ont rapporté qu’un certain nombre d’arrangements avaient été conclus entre la direction d’Air Lib et le personnel navigant commercial sur les lignes d’Air Lib Express, donc dans le cadre du nouveau service.

Confirmez-vous ou infirmez-vous que le personnel navigant commercial, moyennant la charge d’assurer le ménage des appareils après chaque vol, pouvait se partager le montant des recettes des ventes à bord, alors que les produits étaient achetés par la compagnie ?

D’après leurs déclarations, cela représentait entre 3 000 francs et 4 000 francs par mois pour chacun d’entre eux.

Pouvez-vous nous confirmer cela ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui, je le confirme.

M. le Rapporteur : Est-ce vous qui avez donné l’ordre de monter un tel dispositif ?

M. Jean-Charles CORBET : C’est un dispositif qui a été imaginé et mis en place -nous avions commencé les discussions- pour donner à nos navigants le même statut que les ouvreuses de cinéma de manière à fiscaliser ce revenu et payer la TVA sur les produits achetés.

L’idée était de donner au personnel navigant une contrepartie à sa participation aux gains de productivité qui étaient de l’ordre de 25 %. Ils n’étaient plus que trois au lieu de quatre dans les avions et faisaient le ménage -comme vous le dites mais je ne le dirai pas comme ça car cela a un côté péjoratif. En fait, ils participaient à la réduction des coûts sur le nettoyage en bout de ligne. Le but était de permettre que les navigants commerciaux entrent dans cette démarche.

M. le Rapporteur : Avez-vous déclaré cet avantage aux URSSAF et à l’administration fiscale dans votre déclaration annuelle des salaires qui aurait dû inclure ce type de rémunération ?

M. Jean-Charles CORBET : Vous devriez interroger le directeur financier. Les contacts ont été pris avec les services concernés pour régulariser cette situation et faire en sorte que nous soyons dans ce cadre.

M. le Rapporteur : Ce n’est pas la question que je vous pose. Je vous pose une question précise : avez-vous déclaré aux URSSAF puisque ces avantages sont soumis à cotisation et sont imposables au regard de l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Charles CORBET : Je pense que la déclaration a été faite. Je crois qu’il faut que vous voyiez cela avec...

M. le Rapporteur : Les syndicats nous ont déclaré que cela n’avait pas été fait.

M. Jean-Charles CORBET : Les syndicats ne s’occupent pas de la gestion de l’entreprise.

M. le Rapporteur : Cette déclaration a été faite par des personnes qui en ont bénéficié. Elles savent si cela a été déclaré à l’administration fiscale ! Elles nous ont déclaré que ce n’était pas le cas.

M. Jean-Charles CORBET : Non. Les salariés ne savent pas ce que l’employeur accomplit comme formalités.

M. le Rapporteur : Ils nous ont déclaré que cela n’avait jamais été déclaré à l’impôt sur le revenu. Ils le savent !

M. le Président : Je souhaite recadrer les choses. Il ne s’agit pas d’un salaire.

M. Jean-Charles CORBET : Non, c’est un avantage.

M. le Président : Ce sont des produits achetés par la société...

M. Jean-Charles CORBET : ... revendus par les salariés...

M. le Président : ... revendus par des personnes physiques et dont la revente, payée en cash, est mise directement dans la poche du personnel. Si l’on regarde cela au plan légal -même si nous ne sommes pas là pour le regarder dans ce détail-, on peut considérer que, outre le problème de fraude fiscale dont parlait M. le Rapporteur, il y a d’autres problèmes touchant au droit du travail et au fait que l’on ne peut vendre de cette manière des produits achetés par une société. Les ouvreuses de cinéma revendent les produits qu’elles ont elles-mêmes payés de leur poche. Ce n’est pas du tout le même système, cela nous a interpellés.

M. Jean-Charles CORBET : Je vous donnerai les documents qui ont été établis et les recherches qui ont été faites pour mettre ce système en place. Je n’ai pas la compétence pour vous dire comment cela fonctionnait juridiquement.

Je peux vous dire que les salariés savaient qu’ils devraient déclarer les sommes gagnées. Le statut était comparable à celui des ouvreuses de cinéma.

M. le Rapporteur : Mais ce n’est pas aux salariés de déclarer leur salaire et de payer les cotisations sociales, part salarié et part employeur. C’est la responsabilité de l’employeur.

D’autre part, d’après les entretiens que nous avons eus, vous avez mis en place ce dispositif avant même de vous interroger sur sa légalité. Vous l’avez confirmé tout à l’heure dans votre déclaration.

Avez-vous eu un accord des administrations sociales et de l’administration fiscale pour monter ce dispositif ?

M. Jean-Charles CORBET : Nous avons commencé en avril 2002 d’une manière rapide parce qu’il fallait lancer Air Lib Express et en discutant avec l’administration fiscale pour que ce dispositif ait un statut et que ce soit régularisé avant la fin de l’année.

M. le Rapporteur : Avez-vous obtenu une autorisation de l’administration fiscale et des administrations sociales ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne sais pas vous dire ce qu’il en est. Dans une telle entreprise, il y a des délégations de pouvoir. Il faut que j’en discute avec le directeur financier car il était en charge de ce problème.

M. le Rapporteur : Vous nous répondrez donc très précisément.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, je l’espère !

M. le Président : Vous nous répondrez par écrit.

Nous avons interrogé les gens concernés puisqu’ils ont pratiqué eux-mêmes la vente à bord. Leurs réponses ont été catégoriques. Ils nous ont indiqué qu’au cours d’un comité d’entreprise, ils vous ont interrogé sur la légalité de ce système et que vous aviez répondu avoir entrepris des négociations pour le faire légaliser. Est-ce bien cela ?

M. Jean-Charles CORBET : C’est ce que je leur ai répondu car c’était le mandat donné au directeur financier. Je ne peux pas vous répondre aujourd’hui, je vous donnerai la réponse par écrit.

M. le Président : Nous vous en remercions.

Mme Odile SAUGUES : J’aimerais savoir, avec le recul que vous avez maintenant, si vous considérez qu’Air Lib était structurée pour faire du low cost.

Pensez-vous qu’à côté d’Air France et du TGV, une seconde compagnie française pouvait vivre, trouver un espace suffisant ?

M. Jean-Charles CORBET : Je pense qu’Air Lib était capable de se structurer pour être une low cost. Le jour où nous avons pris la décision de venir sur le marché du low cost, nous n’avions plus le choix. A partir de là, nous devions mettre la compagnie en situation de devenir une low cost. Cela a posé un certain nombre de problèmes, et c’est peut-être une des raisons pour lesquelles le dialogue social s’est tendu avec certains représentants salariés. Mais nous avions la capacité de devenir une low cost.

Certainement pas une low cost avec les mêmes marges de profit que des compagnies comme EasyJet ou Ryanair. Elles ont en matière de charges sociales des manières de faire qui ne peuvent pas être les nôtres et qui font qu’elles vont toujours dégager, mathématiquement, 7 ou 8 % de profits supplémentaires.

Pour autant, en allant vers un schéma industriel d’une augmentation de la productivité des navigants, de la commercialisation par Internet, d’une optimisation d’utilisation des machines etc., on pouvait et on devait arriver - nous serions arrivés, je pense- à quelque chose qui pouvait dégager des marges de profit de l’ordre de 5, 6 ou 7 %.

Air Lib pouvait devenir une low cost à la française. Aujourd’hui, alors qu’Air Lib a disparu, une autre compagnie française prendra-t-elle ce marché ? Je ne sais pas. Ce qui est certain, c’est que si une compagnie française ne le prend pas, EasyJet ou Ryanair le prendra.

Notre schéma de départ était : " Il n’y a aucune raison que nous ne soyons pas collectivement capables de prendre ces marchés ". C’est dans cette démarche que l’on s’est engagé parce que nous n’avions pas le choix. C’était la seule manière pour Air Lib d’avoir un avenir.

Quelle était votre deuxième question ?

Mme Odile SAUGUES : A côté d’Air France et du TGV, une deuxième compagnie pouvait-elle survivre ? Cela s’emboîtait effectivement avec la question des low costs.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, je pense qu’une compagnie, à côté d’Air France, est capable de vivre sur le marché du point à point européen. Je pense -mais c’est l’avenir qui nous le dira- qu’il en existera. Peut-être qu’Air-France créera la sienne ou prendra le contrôle de l’une de ces low costs.

Le marché français étant le premier marché domestique européen, il y a un marché pour le point à point. La France étant centrale en Europe, il y a un marché point à point au départ de France pour l’Europe.

M. Jean-Marc ROUBAUD : Qui était propriétaire de l’immeuble rue de la Paix dont vous étiez locataire ?

M. Jean-Charles CORBET : Axa.

M. Jean-Marc ROUBAUD : Vous avez parlé tout à l’heure -je crois à tort- des quatre conditions pour la relance de l’entreprise et vous avez affirmé que M. Fabius était d’accord pour vous accorder le prêt. Les courriers, à la fois du directeur du Trésor et la note de M. Fabius...

M. Jean-Charles CORBET : A propos des quatre conditions, M. Fabius était d’accord pour le GIE, pas pour le prêt.

M. Jean-Marc ROUBAUD : D’accord.

Qu’est-ce qui a fait, à votre avis que, contre l’avis du directeur du Trésor et contre l’avis du ministre des finances, en quelques heures, pour ne pas dire quelques jours, c’est finalement le Premier ministre qui vous accorde ce prêt alors que tout le monde sait que vous ne pourrez pas le rembourser ?

M. Jean-Charles CORBET : Je crois qu’il s’est passé la même chose qu’au moment de la reprise : on était face au risque de la disparition d’Air Lib et de l’arrivée massive des low costs dans le transport aérien français.

D’un autre côté, je pense qu’il y avait un problème, non réglé à ce moment-là, à propos de la continuité de la desserte de l’outre-mer. Je pense que ces contraintes qui continuaient à peser au mois de janvier et qui étaient les mêmes que celles qui pesaient en juillet 2001, ont fait que l’arbitrage du Premier ministre face à l’ensemble de ses interlocuteurs a été de préconiser le prêt FDES. Je le suppose, mais je ne peux pas vous l’affirmer.

M. Jean-Marc ROUBAUD : Dernière question : vous affirmez que la décision du secrétaire d’Etat aux transports d’arrêter " la fin de la récré " est une décision arbitraire.

Ne pensez vous pas que lorsque l’on ne paie plus ses prêts, notamment ceux dus à l’Etat, que l’on ne paie pas ses charges et que l’on ne paie pas ses fournisseurs, on n’est pas en situation de faire continuer une entreprise ?

La question que je voudrais vous poser est la suivante : avez-vous une formation particulière en tant que gestionnaire ?

M. Jean-Charles CORBET : Avant de vous répondre, je ne crois pas avoir dit que la décision était arbitraire. J’ai dit qu’elle était factuelle, ce qui n’est pas pareil. C’est vous qui dites qu’elle est arbitraire.

M. Jean-Marc ROUBAUD : Non. Vous dites que c’est la fin d’Air Lib. Je crois que la fin d’Air Lib était inscrite bien avant, de manière très claire.

M. Jean-Charles CORBET : J’ai dit : " Factuellement, la fin d’Air Lib a été le 7 février, à la perte de sa licence ". C’est factuel.

La deuxième chose : ai-je une formation de gestionnaire ? Non. Je suis pilote de ligne de formation. Derrière ....

M. Jean-Marc ROUBAUD : Je vous remercie.

M. Jean-Charles CORBET : Puis-je continuer ? Sinon, on est dans quelque chose...

Dans nos formations de pilote de ligne, tout au long de nos carrières, on aborde les problèmes de gestion. La gestion d’un vol est un problème de gestion qui est parfois très pointu. Au cours de mon cursus, j’ai été confronté à des problèmes de gestion et j’ai appris ce que cela voulait dire.

J’ai été responsable au Gabon d’un service de formation de pilotes. J’ai géré au Gabon des budgets de l’ordre de 4, 5, 6 millions de francs par an. C’était petit, mais c’était le début.

Quand je suis arrivé au SNPL et quand j’ai pris mes responsabilités au SNPL, j’ai fait l’effort de venir, à titre personnel, regarder ce qu’était la gestion. J’ai commencé et j’ai suivi des cours au CNAM également.

Pour répondre à votre question, je n’ai pas une formation dans une école de commerce ou de gestion, mais pour autant, la gestion ne m’est pas complètement étrangère.

M. le Président : Monsieur Corbet, avant de passer à l’épisode IMCA, je voudrais vous poser une dernière question sur ce que l’on vient d’évoquer.

Est apparu la semaine dernière l’affaire des Golden Hello, des primes spéciales. Cela s’appelle aussi une décision de gestion. Vous avez pris une décision de gestion qui consiste à ne mettre dans la relance à un certain moment d’Air Lib que 20 % de vos disponibilités.

Aujourd’hui, 27 mai, vous êtes toujours président de Holco SAS, toujours responsable de Holco Lux. Je ne sais pas si vous êtes toujours responsable de Mermoz UA, car vous étiez propriétaire à cent pour cent. En l’occurrence, des questions vous seront posées tout à l’heure.

Aujourd’hui, à combien estimez-vous les avoirs en trésorerie des sociétés dont vous êtes toujours responsable ? J’entends l’actif globalisé, le capital. Utilisez toutes les appellations que l’on peut donner à des avoirs en termes financiers ou capitaux ou éventuellement meubles et immeubles. A combien estimez-vous ces avoirs globalisés ?

M. Jean-Charles CORBET : Il est impossible de répondre à une telle question. Je vous ferai un compte rendu. C’est quelque chose que nous sommes en train de réaliser dans le cadre d’une enquête judiciaire. Je vous le transmettrai.

M. le Président : Vous ne savez pas aujourd’hui combien il y a dans les caisses de Holco Lux ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, dans les caisses de Holco Lux, il doit rester aujourd’hui 600 000 euros...

M. le Président : Sur les cinq millions ? (Acquiescement de M. Corbet.) Comment avez-vous utilisé la différence entre 600 000 et cinq millions ?

M. Jean-Charles CORBET : On a continué à payer des conseils, à payer le combat contre les Suisses.

M. le Président : Avec Holco Lux ?

M. Jean-Charles CORBET : Avec Holco Lux et ....

M. le Président : Je vous parle de Holco Lux.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, Holco a un compte courant chez Holco Lux.

M. le Président : On passe d’une question à une autre. Si vous avez payé le combat contre les Suisses avec Holco Lux, comment expliquez-vous la facture de 9 millions d’euros pour le combat contre les Suisses sur Mermoz UA ? Je crois que le Rapporteur vous interrogera là-dessus.

M. Jean-Charles CORBET : Je vais répondre tout de suite.

M. le Président : Le Rapporteur vous interrogera après, monsieur Corbet. Je vous demande simplement de combien disposez-vous aujourd’hui, monsieur Corbet, président des différentes sociétés Holco, en avoir, en capital, en trésorerie et autres. Vous me dites : "Je ne sais pas ".

M. Jean-Charles CORBET : Je dirai que c’est inférieur à un million d’euros.

M. le Président : Capital compris ? Tout compris ? (signe d’acquiescement de M. Corbet)

M. Jean-Charles CORBET : Disponible ! On parle bien de sommes disponibles.

M. le Rapporteur : Monsieur le président, le 18 novembre 2002, alors que la situation de l’entreprise se dégradait, vous avez présenté aux pouvoirs publics M. Eric de Vlieger, président du groupe IMCA, qui disait vouloir acquérir 50 % de la compagnie. Cette apparition a tout naturellement conduit les pouvoirs publics à vous accorder de nouveaux sursis. Mais lorsque l’on examine le déroulement des négociations qui ont suivi et leur dénouement, on a l’impression que les intentions d’IMCA n’étaient pas forcément très sérieuses. Cette impression se renforce du fait que vous êtes aujourd’hui en procès avec M. de Vlieger.

En effet, suite au protocole que vous avez signé le 7 janvier 2003 avec M. de Vlieger, celui-ci est devenu le propriétaire de la filiale Mermoz, et donc, le propriétaire de sept avions, alors que ce protocole prévoyait que ce transfert ne serait effectif qu’à la condition qu’IMCA devienne votre partenaire.

Cette cession n’était-elle pas de toute façon illégale, puisque le jugement du tribunal de commerce de juillet 2001 précisait que les actifs étaient inaliénables pendant deux ans ?

La question que je voudrais vous poser est la suivante : comment M. de Vlieger a-t-il pu devenir le propriétaire des actions de la coopérative Mermoz ? Nous avons interrogé votre conseil juridique, Me Léonzi, qui nous a fait une réponse que nous aimerions vous voir commenter. A savoir que vous auriez signé, d’après ce qu’il nous a expliqué, un document qui n’était pas, semble-t-il, d’une très grande clarté. Pourriez-vous nous expliquer ce qui s’est passé ?

M. Jean-Charles CORBET : Je peux toujours vous expliquer. Mais l’entendrez-vous ?

M. le Rapporteur : Non seulement je vous écoute, mais je vous entends.

M. Jean-Charles CORBET : Pour cela, il faut revenir sur le processus de conciliation qui a été mis en place après requête et ordonnance et qui a désigné Me Lafont comme conciliateur, après que l’on ait rencontré M. de Vlieger.

De manière très synthétique, au niveau de la conciliation, nous avions un problème matériel de financement des étapes de la conciliation jusqu’à ce que M. de Vlieger, IMCA, soient dans le capital d’Air Lib. Les dates clefs étaient le 9 janvier et le 14 mars ; le 9 janvier parce que le ministre des transports avait médiatisé très fortement qu’à partir du 9 janvier, Air Lib devait repayer normalement ses charges. Ensuite, le 14 mars parce que la conciliation avait été décidée le 14 décembre, c’est-à-dire trois mois plus tôt, et la date limite de la conciliation était donc le 14 mars.

Quand on regardait les différents coûts et les différentes garanties à donner, on avait séparé tout ce qui concernait le fiscal et parafiscal et tout ce qui concernait l’opérationnel.

Le fiscal et parafiscal représentait environ 18,5 millions d’euros. L’opérationnel correspondait à peu près à 24,5 millions d’euros.

Lors des discussions de la conciliation, nous étions tombés d’accord les uns et les autres -je veux dire les quatre protagonistes de la conciliation : Holco, Air Lib, IMCA et le gouvernement.

Pour l’aspect parafiscal, IMCA devait apporter une caution bancaire avec garantie à première demande sur une banque française de premier rang que cette somme serait versée. Se posait la question pour IMCA de savoir quelles garanties elle pouvait obtenir du gouvernement si, en bout de conciliation, c’était par la responsabilité du gouvernement ou par la non volonté du gouvernement que la conciliation n’aboutissait pas.

Ils étaient d’accord sur une écriture qui conditionnait cette garantie à la non responsabilité du gouvernement en cas d’échec de la conciliation. Si le gouvernement ne signait pas, IMCA n’était pas tenu de verser ces 18,5 millions.

Pour ce qui concerne les 24,5 millions, IMCA voulait se garantir, et la seule solution qui s’offrait à IMCA -la demande semblait justifiée aux yeux de tous les protagonistes- était de pouvoir se refinancer sur les avions de Mermoz. Holco acceptait le principe -parce qu’on n’avait pas le choix là encore- que si IMCA signait la conciliation et devenait partenaire d’Air Lib à hauteur de 50 %, elle deviendrait alors propriétaire des avions et pourrait se refinancer sur les avions. C’était une condition suspensive résolutoire. C’est en ce sens qu’ont été écrits les accords avec IMCA.

L’urgence et la manière dont les derniers jours de la conciliation se sont déroulés ont fait qu’IMCA - je ne sais pas encore comment - alors que les conditions résolutoires n’étaient pas remplies, s’est appropriée en Hollande les titres de Mermoz.

Ensuite -vous avez raison de le signaler-, nous avons lancé deux procédures : une civile et une pénale. Nous avons, par mesure conservatoire, bloqué les titres de Mermoz en Hollande et en France. Le tribunal de commerce de Paris a fait désigner un mandataire séquestre qui va pouvoir régler ce problème ou qui, à titre conservatoire, défend aujourd’hui les intérêts de Mermoz le temps que nous ayons un jugement sur le fond.

M. le Rapporteur : La commission voudrait comprendre. Qu’entendez-vous par : " IMCA s’est appropriée les actions que détenait la holding dont vous êtes le président, dans sa filiale qui est la société Mermoz ? "

M. Jean-Charles CORBET : Elle a fait jouer...

M. le Rapporteur : Vous aviez signé ? On nous a dit que vous aviez signé.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, on a signé avec une clause résolutoire. Il a fait jouer l’accord sans les causes résolutoires. C’est ce que nous sommes en train de qualifier aujourd’hui.

M. le Rapporteur : La commission voudrait comprendre. Voulez-vous dire par là qu’il y avait une clause dans ce que vous avez signé le 7 janvier qui disait qu’en cas d’échec, il devenait propriétaire des actions ? Est-ce ce que vous voulez dire ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, une clause disait qu’en cas d’échec, il ne pouvait pas devenir propriétaire des avions.

M. le Rapporteur : C’est donc l’inverse ! Mais alors comment ont-ils pu se les approprier... ?

M. Jean-Charles CORBET : Je n’en sais rien.

M. le Rapporteur : Vous ne savez pas alors que vous êtes président de la holding et président de la filiale. C’est bien vous le président de la filiale Mermoz.

M. Jean-Charles CORBET : Je ne suis plus président de Mermoz.

M. le Rapporteur : Vous êtes président de la filiale et de la maison mère et vous ne savez pas comment les titres ont été appropriés par IMCA ! ?

M. Jean-Charles CORBET : M. de Vlieger est allé en Hollande sur le trust qui détient les titres et a fait jouer l’accord que nous avions signé, alors que les clauses résolutoires n’étaient pas acquises.

M. le Rapporteur : Qu’est-ce que ce trust que vous évoquez ?

M. Jean-Charles CORBET : Je pense que vous posez la question pour éclairer la commission. En Hollande, pour détenir la filiale Mermoz, il existe un trust. C’est BNP Paribas Hollande qui détient physiquement les titres.

M. le Rapporteur : Comment cette banque a-t-elle pu lui donner les titres sans votre accord ?

M. Jean-Charles CORBET : C’est ce qu’aujourd’hui, nous avons demandé au mandataire séquestre de vérifier. Elle interroge PNB Paribas pour savoir comment M. de Vlieger a fait jouer cet accord.

M. le Rapporteur : Monsieur le président, la BNP ne vous a-t-elle pas téléphoné ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, rien.

M. le Rapporteur : Rien ! Il s’est présenté avec l’accord que vous aviez signé le 7 janvier, et sur la présentation de ce document, la banque que vous aviez choisie lui a remis les titres ? C’est cela ?

M. Jean-Charles CORBET : Je le suppose. Nous avons demandé à Me Philippo, mandataire séquestre, d’interroger la BNP. A la réponse que nous fera Me Philippo, nous saurons ce qui s’est passé réellement. Aujourd’hui, je ne sais pas vous répondre.

M. le Président : Vous-même, vous n’avez pas interrogé la BNP ?

M. Jean-Charles CORBET : J’ai interrogé la BNP qui me dit qu’aujourd’hui, je n’ai pas qualité à obtenir une réponse. Aujourd’hui, le mandataire de Mermoz est de Vlieger BV. Aujourd’hui, je ne peux plus interroger Mermoz. Me Philippo le peut.

M. le Rapporteur : Nous avons découvert que la filiale coopérative Mermoz, votre filiale en Hollande, a versé 9,1 millions d’euros pour le compte de Holco, pour le compte de la holding, à un cabinet d’avocats suisse, Plegler et Blach, à charge pour ce cabinet de suivre le dossier de recouvrement de la contribution non payée par Swissair qui était de l’ordre de 38 millions d’euros, puisqu’ils devaient vous verser 1,3 milliard et qu’ils ont versé 1,05 milliard.

M. Jean-Charles CORBET : La dette de Swissair est de 60 millions d’euros, monsieur.

M. le Rapporteur : Oui, mais il y avait deux parties : la partie qu’ils devaient verser en cash à la société holding était de 1,3 milliard d’après la décision du tribunal de commerce de Créteil et vous avez touché 1, 05 milliard. Cela fait une différence de 250 millions de francs, soit 38 millions d’euros.

Pouvez-vous nous confirmer que vous avez bien versé ces 9,1 millions d’euros ? Pourriez-vous nous expliquer comment vous pouvez verser à un cabinet d’avocats situé en Suisse, 9,1 millions d’euros en réglant par avance les honoraires sans aucune clause d’intéressement. C’est-à-dire que si le cabinet ne réussit à recouvrer que zéro, ils auront toujours ces 9,1 millions, et s’ils réussissent à recouvrer une dizaine de millions, vous auriez payé autant pour recouvrer.

Pourquoi avez-vous signé ce contrat ? Pourriez-vous donner à la commission ce contrat que nous avons demandé et que nous n’avons pas encore reçu.

M. Jean-Charles CORBET : D’abord, ce que vous venez de dire est erroné : ce n’est pas un cabinet suisse.

M. le Rapporteur : Vous l’avez versé en Suisse d’après ce que l’on nous a indiqué.

M. Jean-Charles CORBET : Vous voyez que l’on vous indique des choses inexactes.

M. le Rapporteur : Nous sommes là justement pour que vous nous expliquiez.

M. Jean-Charles CORBET : Je vous réponds que nous sommes dans une procédure contre les Suisses, procédure extrêmement complexe. Il n’est absolument pas question que je dévoile publiquement ma stratégie. Ces éléments dont vous parlez sont aujourd’hui chez un expert judiciaire qui va les transmettre au tribunal de commerce de Paris. Dès lors que son rapport sera fait, je vous invite à le lui demander.

M. le Rapporteur : Ce n’est pas le débat, monsieur le président.

M. Jean-Charles CORBET : Mais c’est ma réponse.

M. le Rapporteur : Le débat est que j’ai trouvé cette somme dans votre comptabilité.

Et donc, je vous pose la question : votre filiale Mermoz a payé 9,1 millions. A qui ? Il y a quand même un versement ! Je l’ai trouvé. On m’a indiqué que cela a été versé à un cabinet appelé Plegler et Blach.

Pouvez-vous dire à la commission ce qu’est ce cabinet et quel est le fondement du versement de 9,1 millions d’euros. Nous sommes au début 2002, au moment où vous avez demandé 30,5 millions à l’Etat et où vous espérez avoir en plus, via le GIE fiscal, à peu près aussi 30 millions. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vous répondrai par écrit. De manière très schématique, c’est une assurance - vie complète qui permet que, aujourd’hui, nous puissions continuer à poursuivre les Suisses partout dans le monde. Nous avons aujourd’hui des procédures contre les Suisses en Pologne, en Belgique, en Italie, en France, au Luxembourg.

C’est une provision qui nous permet d’avoir la certitude que quoi qu’il arrive, nous irons au bout de la procédure.

M. le Rapporteur : Vous faites payer cette somme par la filiale. Pourquoi cette somme a-t-elle été payée par la filiale ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, je ne peux pas vous l’expliquer.

M. le Rapporteur : Pourquoi n’est-ce pas la holding qui l’a payé ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne peux pas vous l’expliquer, je vous l’expliquerai par écrit.

M. le Président : Vous comprenez, monsieur Corbet, que quelles que soient les explications que vous donnez ou que vous ne donnez pas, l’interrogation de la commission est de savoir pourquoi, au moment où vous demandez 30 millions de prêt à l’Etat, vous honorez une facture de 9,1 millions d’euros à un cabinet dont vous ne voulez pas donner le nom et pour des raisons que vous ne voulez pas dire.

Nous verrons ce que vous nous répondrez ultérieurement. Mais comprenez que l’on se pose des questions.

M. Jean-Charles CORBET : Je comprends que vous vous posiez des questions. Le 5 janvier -je vérifierai- dans le débat que nous avons eu avec le CIRI ce jour-là, dans l’arbitrage des 5 millions, nous avons indiqué au CIRI que nous gardions une somme en provision pour poursuivre les Suisses jusqu’au bout du monde.

M. le Rapporteur : Aviez-vous donné le montant au CIRI ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui. J’ai indiqué au CIRI que cela représenterait environ 10 millions d’euros.

M. le Rapporteur : Avez-vous eu un accord écrit ?

M. Jean-Charles CORBET : Je n’avais pas à avoir d’accord écrit du CIRI ! Le CIRI a arbitré et nous a imposé la descente de 5 millions d’euros en compte courant bloqué.

M. le Rapporteur : Cela n’explique pas que, simultanément, vous versiez 9 millions. Nous n’avons pas trouvé trace de cela. Je vous serai donc reconnaissant de nous confirmer par écrit que vous avez informé le CIRI -vous nous avez dit que oui-, que vous avez indiqué le montant et à qui vous le versiez et à quel usage ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vous indiquerai tout cela.

M. le Rapporteur : Dernière question : quel est ce cabinet ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vous l’indiquerai par écrit.

M. le Rapporteur : Parce que vous ne le savez pas ?

M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr que si, mais je suis en train de vous dire qu’il s’agit de choses confidentielles alors que nous sommes dans un débat public. Aujourd’hui, cela fait partie d’une enquête judiciaire à qui nous avons indiqué tout cela. Je vous l’indiquerai et je vous donnerai éventuellement le rapport.

M. le Rapporteur : Quelle enquête judiciaire ?

M. Jean-Charles CORBET : Aujourd’hui, nous sommes dans une enquête préliminaire.

M. le Président : Nous ne sommes pas encore dans une enquête judiciaire. C’est une enquête préliminaire de police.

M. Jean-Charles CORBET : Holco a demandé une expertise judiciaire de Holco et de ses filiales des flux sur laquelle vous aurez...

M. le Rapporteur : C’est quand même bien vous qui avez décidé de cela ?

M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr !

M. le Rapporteur : Vous en assumez donc la totale responsabilité ?

M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr ! De même que j’assumerai la responsabilité le jour où l’on gagnera contre les Suisses pour le compte de Holco et d’Air Lib.

M. le Président : Monsieur Corbet, notre problème à nous est de savoir, au moment où vous avez fait un choix de gestion, pourquoi vous vous tournez vers l’Etat pour que l’on vous prête 30 millions d’euros, sachant qu’au même moment, vous dépensiez 9 millions d’euros pour des poursuites dont les chances de succès sont aléatoires.

Ces 9 millions d’euros auraient peut-être été plus utiles à Air Lib.

C’est une appréciation personnelle.

M. Jean-Charles CORBET : Ce sera noté comme une appréciation personnelle.

M. le Président : Parce que l’Etat à bon dos.

M. Jean-Charles CORBET : Ces 9 millions d’euros, après les communications désastreuses faites sur Air Lib, ne permettaient même pas de vivre 15 jours.

M. le Président : Pourquoi alors demander 30 millions à l’Etat ?

M. Jean-Charles CORBET : Parce qu’au moment où nous avions demandé cela, nous n’étions pas dans le schéma qui s’est déroulé après le mois d’avril 2002.

M. le Rapporteur : Vous parliez à l’époque déjà d’une douzaine de millions d’euros par mois.

Nous avons auditionné M. Bachelet, président du directoire d’Air Lib jusqu’à la fin de l’année 2001. Il nous a déclaré qu’il était convaincu, à partir d’octobre novembre 2001, que la compagnie ne pouvait plus être sauvée et qu’il fallait déposer le bilan.

Il nous a même indiqué qu’il avait pris contact avec le président du tribunal de commerce de Créteil pour le rencontrer début janvier 2002 pour déposer le bilan. Il nous a indiqué que, comme vous vous y êtes opposé et qu’il vous a donc remis sa démission, vous avez décidé à ce moment-là de réformer la structure juridique d’Air Lib en supprimant le directoire et le conseil de surveillance au profit d’un conseil d’administration dont vous avez repris la présidence.

Pouvez-vous nous dire s’il est exact que le président du directoire, M. Bachelet jusqu’à fin 2001, vous a-t-il dit cela ? Est-il exact qu’il a voulu déposer le bilan et que vous l’en avez empêché ?

M. Jean-Charles CORBET : A partir du mois d’octobre-novembre, quand les Suisses ont été défaillants, M. Bachelet qui était mandataire social, voyait les risques personnels qu’il encourait face à la situation d’Air Lib. Il s’en est ouvert très librement à moi en me disant : " Je n’y crois pas, je n’y crois plus, il faut déposer le bilan ! "

C’était peut-être la solution de facilité, mais en novembre 2001, les actes de cession n’étaient toujours pas signés avec les administrateurs. On était donc dans un schéma juridique extrêmement complexe au regard de la résolution du plan ou pas.

Deuxième point - je l’ai indiqué à M. Bachelet - on avait une trésorerie qui nous permettait de vivre encore mais qui nous imposait en revanche de trouver des solutions. C’est à partir de là que je lui ai demandé, en tant que président du conseil de surveillance, d’étudier des alternatives possibles sur l’industriel puisque l’on souffrait énormément du 11 septembre.

C’est à partir de ce moment que j’ai imaginé, de mon côté, des solutions alternatives qui permettaient de récupérer les 60 millions d’euros que les Suisses nous devaient. C’est à partir de ce moment que l’on a imaginé le montage du GIE fiscal en partant d’un constat simple : les Suisses, pour leur filiale Flightlease, avaient commandé deux Airbus 340 à Airbus pour lesquels ils avaient versé des deposits pour environ 54,5 millions de dollars. Si, dans une négociation avec les Suisses, nous pouvions obtenir que les Suisses reconnaissent nous devoir encore 60 millions d’euros et nous faire cadeau des deposits des avions, ou plutôt nous laissent assurer la continuité du contrat, il ne restait plus qu’à mettre en place un refinancement en France, et on avait résolu notre problème.

M. le Rapporteur : Sous réserve de l’accord du producteur, c’est-à-dire d’Airbus. C’était conditionné.

M. Jean-Charles CORBET : Non, là on était bien dans un bilatéral client/client.

M. le Rapporteur : Ce n’est pas ce que nous a déclaré le président d’Airbus que nous avons auditionné. Il fallait l’accord d’Airbus puisque ce n’était pas vous qui étiez détenteur de cela.

M. Jean-Charles CORBET : Je vous dis que dans un premier temps, on était dans un accord client/client. Bien entendu, après, il fallait un certain nombre d’autres accords. Mais la première démarche a été de sonder Airbus. Airbus nous a dit ne pas y être opposé si, juridiquement, le schéma tenait la route, mais a émis un certain nombre de réserves.

On a ensuite rencontré les Suisses, les gens de Flightlease. Il se trouve qu’en Suisse, la notion de confusion de patrimoine n’existe pas. C’est-à-dire que le contrat que nous avons et qui était signé par Swissair ne pouvait pas faire que, pour un avoir dû par Swissair, le liquidateur puisse prendre des actifs de Flightlease. C’est ce qui nous a été dit. On a donc abandonné cette piste.

Par la suite, Airbus nous a expliqué que Flightlease était défaillant. Nous sommes entrés en discussion avec Airbus et avec la tutelle pour examiner si, ayant un accord avec Airbus, on pouvait monter un GIE fiscal avec un certain nombre de dérogations.

C’est ce travail qui a commencé à partir de la mi-octobre et qui s’est poursuivi jusqu’en décembre. En décembre, M. Bachelet ne voyant pas le GIE fiscal arriver a dit qu’il n’y croyait plus et a démissionné. Je suis alors dans une impasse, je n’ai plus de mandataire social. Or, il en faut un. La seule manière était de devenir moi-même le mandataire social.

M. le Rapporteur : Ce n’est pas ce que nous a déclaré M. Bachelet. Il nous a déclaré que le 18 décembre, il estimait qu’Air Lib serait en rupture de trésorerie au mois de janvier et que les besoins de financement structurel de l’entreprise était d’un montant de 800 millions de francs, dont 400 millions sous forme de fonds propres ou de quasi fonds propres. Les deux membres du directoire ont donc démissionné à cause de cela. Il nous a déclaré qu’il voulait déposer le bilan, mais que vous y étiez hostile.

Vous nous expliquez que vous avez essayé de trouver 30 millions par un GIE fiscal sur lequel Airbus nous a déclaré qu’il n’a jamais pu être monté, alors que les pouvoirs publics vous avaient donné leur agrément parce qu’il n’y avait jamais eu d’investisseurs. Le président d’Airbus nous l’a confirmé. Donc, ces avions sont allés à une autre compagnie qui les a achetés.

Donc, vous n’avez pas ces 30 millions et vous demandez à l’Etat les 30 autres millions qu’il vous accorde. C’était 30 millions d’euros, mais ce n’est pas à la hauteur de ce que vous dit votre président du directoire.

Ma question est donc très simple : pourquoi n’avez-vous pas déposé le bilan en disant que l’entreprise n’était pas redressable ? Pourquoi cet acharnement à continuer ?

M. Jean-Charles CORBET : Parce que c’était redressable et parce que vous ne pouvez pas, quand vous vous battez pour pérenniser une entreprise, ne pas aller jusqu’au bout des choses.

M. le Rapporteur : C’était raisonnable pour vous de continuer !

M. Jean-Charles CORBET : Oui, c’était raisonnable.

M. le Rapporteur : La suite l’a montré, à votre avis ?

M. Jean-Charles CORBET : La suite a montré que tout le monde n’a pas tiré dans la même direction. Je pense, et je reste persuadé aujourd’hui, que l’entreprise était " sauvable " et pérennisable.

M. le Président : Vous dites que l’entreprise était " sauvable ". Je comprends qu’un chef d’entreprise ait envie de tout faire pour sauver son entreprise. Cependant, je ne comprends toujours pas pourquoi, au moment où M. Bachelet prend sa décision, au moment où vous faites appel à l’Etat vous ne mobilisez pas la totalité de vos moyens. Si vous pensiez que votre entreprise était sauvable, pourquoi n’avez-vous pas mobilisé plus de 20 % de vos disponibilités de l’époque au niveau du système Holco ? Pourquoi ? Vous n’avez pas répondu à cette question.

M. Jean-Charles CORBET : Parce que le GIE devait arriver ....

M. le Président : Mais il n’est pas arrivé, monsieur Corbet, comme aucun des investisseurs annoncés tout au long de cette période d’un an n’est arrivé.

M. Jean-Charles CORBET : Il n’est pas arrivé, il devait arriver. Interrogeons-nous et regardons pourquoi il n’est pas arrivé ...

M. le Président : Parce qu’il n’y a pas eu d’investisseur, monsieur Corbet !

M. Jean-Charles CORBET : Je vous affirme le contraire. Je vous demande d’interroger Arjil et Crédit Agricole-Indosuez parce qu’ils m’ont affirmé le contraire. Maintenant, vous avez écouté Airbus. Ce n’est pas Airbus qui faisait le financement de ces avions.

Je vous demande d’interroger Arjil et Crédit Agricole - Indosuez parce que eux m’affirmaient le contraire. Nous avons fait les vols de réception de ces avions.

M. le Président : Quand il s’est agi de mobiliser les crédits pour acquérir les Airbus, personne n’était là pour payer. Ne dites pas le contraire ! Sinon les avions n’auraient pas été vendu à Tahiti Nui deux mois après, parce qu’ils ont attendu jusqu’à deux mois pour que vous puissiez payer les avions.

M. Jean-Charles CORBET : Je me pose vraiment la question, monsieur le président.

M. le Président : C’était vous le président de la société, pas moi.

M. Jean-Charles CORBET : Je me pose la question parce qu’Arjil et Crédit Agricole-Indosuez m’ont dit le contraire. Maintenant, interrogez-les et vous verrez ce qu’ils vous disent.

M. le Rapporteur : Vous êtes président d’une société ....

M. Jean-Charles CORBET : Mais j’ai affaire à deux banques qui me disent le contraire.

M. le Rapporteur : Dans les affaires, et pas seulement dans les affaires, on juge sur des faits. Vous prétendez que vous croyez une banque qui ne vous amène jamais d’investisseurs !?

M. Jean-Charles CORBET : Non, ne refaites pas l’histoire et n’écrasez pas la chronologie. Je vais vous dire ce qu’il en est, vu de mon côté. Permettez-moi de vous le dire.

Nous sommes au mois de juillet-août. Crédit Agricole-Indosuez et Arjil, après maintes difficultés pour obtenir que tous les partenaires du montage de ce GIE fiscal entrent dans le schéma, nous disent que c’est " bancable " -voilà exactement le terme utilisé par les banques.

J’écris au président d’Airbus, Noël Forgeard, pour lui dire que c’est " bancable " et que je prends livraison des avions. Je ne peux pas garantir les dates, mais je pense lui avoir envoyé la lettre le lundi ou le mardi ; le vendredi, M. Delmas, vice-Président d’Airbus chargé de la communication, et M. Brandes viennent me voir, extrêmement ennuyés pour me dire : " Le président a reçu votre lettre, mais il faut nous comprendre, nous avions un client qui s’intéressait à ces avions. " On passe trois quarts d’heure, et au bout de ce temps, je demande à M. Delmas : " Soyons clairs, qu’est-ce que cela veut dire ? ". Il me répond : " Je suis désolé, mais les avions seront livrés à Air Tahiti Nui. " Cela s’est passé comme cela.

A partir de là, j’ai été extrêmement étonné. Nous avons eu une réunion avec les gens d’Airbus trois ou quatre jours après -je pense que M. Forgeard a dû vous le dire- au cours de laquelle ils nous ont dit : " On est ennuyés, mais ne vous inquiétez pas, on va trouver d’autres avions. Pour vous, ce n’est pas les avions long-courriers qui sont les plus intéressants pour vous, on va vous vendre des Airbus 320 de Hanset. Voilà la réalité.

Ce qui s’est passé en coulisses, je ne le sais pas.

Moi, je vous demande d’interroger Arjil, Crédit Agricole-Indosuez qui vous diront qu’au moment où je leur ai envoyé la lettre, pour ceux, c’était " bancable ". Je ne peux pas vous dire autre chose.

M. le Président : Nous vous demandons de donner à la commission l’acte écrit d’engagement des banques attestant que les crédits étaient disponibles. Cela me paraît normal que vous puissiez le transmettre à la commission. Nous n’avons pas du tout les mêmes informations que celles que vous avancez.

M. Jean-Charles CORBET : Je demanderai à Arjil et à Crédit Agricole-Indosuez qu’ils vous fassent une note pour vous expliquer comment ils ont vu cela, de leur côté.

M. le Président : Il s’agit de sommes considérables. Vous vous êtes contenté d’un coup de téléphone ?

M. Jean-Charles CORBET : Non.

M. le Président : Vous avez eu un écrit de la banque ?

M. Jean-Charles CORBET : Nous avons eu maintes réunions avec Arjil Crédit Agricole-Indosuez. J’ai un certain nombre de notes d’étape.

M. le Président : Vous avez donc un engagement de la banque pour apporter les crédits ? Il nous a été indiqué le contraire. Apportez-nous donc ce document.

M. Jean-Charles CORBET : Je vous apporterai les notes de la banque et la banque vous répondra pour vous dire ce qu’il en est. Le travail avec les banques est un travail extrêmement complexe sur lequel elles n’écrivent, en général, que quand l’affaire est faite.

M. le Président : Justement, cela n’a pas été fait, et c’est bien là le problème.

M. le Rapporteur : On a l’impression que pour vous, la responsabilité du financement de l’entreprise est délégué aux banques. Vous payez des gens pour faire... C’est quand même assez curieux comme conception.

M. Jean-Charles CORBET : M. de Courson, vous êtes extrêmement réducteur. Vous revenez sur les procès d’intention que je dénonçais au début de cette commission.

M. le Rapporteur : Ce ne sont pas des procès d’intention. Vous dites : "Ce n’est pas moi, j’avais chargé des gens... " Mais ils ne vous amènent jamais d’investisseurs !

M. Jean-Charles CORBET : Regardez-vous, monsieur de Courson ! Je ne sais pas, mais regardez-vous ! Vous êtes exactement comme ce que je dénonçais en début d’entretien. Ne faites pas d’acharnement !

M. le Rapporteur : Un président d’entreprise dit : " Je ne sais pas. Voyez avec mes banques ". Au bout de mois de discussion, vous ne vous interrogez pas sur les financeurs pour acheter ces avions ? Ne pensez-vous pas que c’est un peu étrange comme réaction ?

M. Jean-Charles CORBET : Mais le Crédit Agricole-Indosuez prenait un avion à lui tout seul.

M. le Rapporteur : Avez-vous un engagement écrit ? M. Forgeard nous a déclaré l’inverse : que jamais cela n’a été monté parce que jamais, ils n’ont eu en face d’eux des gens qui voulaient investir.

M. Jean-Charles CORBET : Je vais demander à Arjil qu’ils vous écrivent une note là-dessus.

M. le Rapporteur : Non, ce n’est pas Arjil qui finançait. Vous nous avez cité deux banques. Pouvez-vous produire à la commission des engagements écrits des dites banques qui vont dans le sens de ce que vous dites ? Voilà la question que je vous pose. Pouvez-vous nous les produire ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vais leur demander ce qu’ils peuvent vous produire.

M. le Rapporteur : Donc, vous ne l’avez pas puisque vous allez le leur demander. S’ils vous les donnent, vous nous les transmettrez.

M. Jean-Charles CORBET : Je suis en train de vous dire qu’une banque ne produit qu’au moment où elle signe. Toutes les banques font comme cela, et je pense que vous êtes bien placé pour le savoir.

M. le Président : Monsieur Corbet, on ne peut pas imaginer un instant qu’une société comme Airbus puisse vendre des avions à quelqu’un qui n’a pas les moyens de les payer. Je crois qu’avec l’affaire de la CIBC, de la lettre d’évidence de fonds de 80 millions dont on a parlé suffisamment longtemps, on retombe maintenant avec Arjil et d’autres organismes bancaires sur les mêmes problèmes. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Vous nous avez dit lors de votre première audition que tout ceci était informel en nous parlant du conseil de surveillance des fonds Concorde. Les réunions qui avaient eu lieu étaient informelles. Il s’avère que les accords avec les banques sont aussi informels. On n’engage pas l’achat de deux Airbus sur un coup de téléphone sans qu’il y ait un engagement de banque. Or, M. Forgeard, président d’Airbus, nous a dit ici sous serment le contraire.

M. Jean-Charles CORBET : J’aimerais savoir comment Air Tahiti Nui a payé ses avions et à quel prix.

M. le Président : Le problème est de savoir comment vous étiez prêt à payer les vôtres.

M. Jean-Charles CORBET : Le problème est de savoir s’ils les ont eus en les payant. Je pense qu’ils ne les ont même pas payés.

M. le Président : Mme Saugues a une question à vous poser.

Mme Odile SAUGUES : Que pensez-vous du contrat signé entre EasyJet et Airbus concernant la vente de 120 aéronefs A319 ?

M. Jean-Charles CORBET : Là aussi, j’aimerais avoir quelques réponses. Je pense, mais ce sont des rumeurs, qu’Easyjet -ils n’en ont pas fait mystère-, conditionnait l’achat de ces avions aux créneaux d’Air Lib. Je pense qu’au niveau français, quelqu’un a facilité le marché d’EasyJet et d’Airbus. Mais là encore, il faudrait pouvoir avoir le courage d’aller jusqu’au bout et d’avoir l’intégralité des contrats. Cela demeurera un mystère pour moi, mais la réalité est qu’EasyJet a commandé des avions en annonçant des prix qui sont loin des prix du marché. Or, quand nous avons voulu les acheter et quand IMCA a fait état des mêmes valeurs pour obtenir 22 avions, nous nous sommes trouvés devant un mur. Là aussi, j’aimerais bien avoir un certain nombre de réponses que je pense n’avoir jamais.

M. Frédéric SOULIER : J’aimerais revenir sur la cohérence du retrait de la licence d’exploitation. La faible mobilisation de Holco, la défaillance de Swissair, le non paiement des dettes fiscales et sociales de la société, le manque de trésorerie, la non réalisation du GIE fiscal et la non décision du dépôt de bilan. Tout ceci conduit, in fine, au retrait de la licence d’exploitation en février 2003. Je voudrais que vous me donniez votre avis sur cette démonstration.

Deuxième remarque : j’ai cru vous entendre dire lors d’une interview télévisée qu’Holco volerait en quelque sorte au secours des salariés en difficulté.Qu’en est-il aujourd’hui ?

M. Jean-Charles CORBET : Pour vous répondre sur la cohérence, contrairement à ce que vous avez dit, le jugement du tribunal de commerce qui liquide Air Lib est très clair : retrait de la licence suite à la non signature du protocole de conciliation. C’est donc factuel. C’était public en plus.

Il a été annoncé par le ministre des transports et par son secrétaire d’Etat aux transports : " Si le 4 février au soir -cela a été prolongé au 6-, le protocole de conciliation n’est pas signé, nous ne renouvellerons pas la licence ". La motivation du tribunal de commerce sur la liquidation d’Air Lib est le non renouvellement de la licence. C’est factuel.

Pour le reste, je l’ai dit, je le maintiens et je le ferai. Aujourd’hui, nous continuons à nous battre pour récupérer des Suisses ce qu’ils doivent et avec cet argent, je viendrai comme je l’ai indiqué au secours des salariés pour essayer de reclasser ceux qui n’auront pas pu être reclassés. J’espère que nous pourrons plaider avant le mois de septembre et que nous aurons une décision avant la fin de l’année.

M. le Président : Quel est le délai ? L’intention est bonne et justifierait à ce moment-là l’investissement de 9 millions d’euros à un moment où ils auraient été très utiles à la société. Mais dans quels délais pensez-vous que la justice française pourrait éventuellement conclure dans ce genre d’affaire ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne voudrais pas me tromper tant le vocabulaire juridique est précis : nous déposons nos conclusions dans la quinzaine qui vient pour pouvoir être en état de plaider -nous l’espérons- avant l’été, avant le mois d’août.

M. le Président : Vous parlez d’un jugement définitif. ?

M. Jean-Charles CORBET : Avec une mise en délibéré d’ici la fin de l’année.

M. le Président : Et un jugement définitif pour ?

M. Jean-Charles CORBET : Pour la fin de l’année ou le deuxième semestre 2004 selon que l’on est optimiste ou pessimiste.

M. le Président : Le processus éventuel d’un appel pouvant aller jusqu’à la cassation ne risque-t-il pas de repousser ces délais ?

M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr. Nous attendons un jugement au fond qui doit rendre exécutoire des saisies conservatoires. Aujourd’hui, ces saisies conservatoires sont à une hauteur d’environ, tous pays confondus, 55 ou 56 millions d’euros.

A partir du moment où nous aurons un jugement exécutoire, ces sommes seront acquises au défendeur, même en cas d’appel.

Se posera ensuite la question des chances de Swiss dans un appel.

M. Frédéric SOULIER : Une petite précision par rapport à ma question, mais M. Corbet a répondu : je pensais que c’était avec les actifs de Holco aujourd’hui que vous voleriez au secours des salariés. Vous ne volerez au secours des salariés que si vous gagnez contre les Suisses !

M. Jean-Charles CORBET : Non, il y a plusieurs actifs aujourd’hui chez Holco qui peuvent permettre de venir au secours des salariés.

En plus, il faut savoir que Holco a encore un certain nombre de participations qui représentent un certain nombre d’emplois. Holco doit continuer à essayer de faire son travail.

Pour récupérer les avions de Mermoz, nous pensons à un délai d’un mois, un mois et demi. Ces avions récupérés peuvent être revendus pour bénéficier aux cellules de reclassement, sachant que l’on aura un travail à faire avec Aéroports de Paris puisque ces avions ont des dettes de l’ancienne société Air Lib. Mais c’est une des pistes possibles.

M. le Président : Je voudrais mettre les choses au point. Vous avez dit que le gouvernement avait indiqué une échéance : le 9 janvier 2003. L’échéance était celle du prêt FDES qui était accordé pour six mois et qui était reconductible une fois. En effet, un prêt ne peut dépasser un an. Le 9 janvier, au moment où vous avez eu ces discussions - nous allons parler tout de suite d’IMCA - compte tenu du fait que vous n’aviez pas mobilisé la totalité de vos possibilités - excusez-moi d’insister -, aviez-vous à ce moment-là l’intention de rembourser ces 30 millions d’argent public que vous deviez rembourser le 9 janvier ?

Aviez-vous au même moment l’intention - et l’avez-vous aujourd’hui - de rembourser le reste, jusqu’à 120 ou 130 millions d’argent public qui ont été consacrés à ce dernier épisode de la société Air Lib ?

Aviez-vous cette intention ?

M. Jean-Charles CORBET : J’avais cette intention.

M. le Président : Je parle bien de janvier 2003.

M. Jean-Charles CORBET : Le 9 janvier 2003, oui.

M. le Président : Comment pouviez-vous formaliser votre intention ?

M. Jean-Charles CORBET : En janvier 2003, nous sommes rentrés dans le cadre d’une conciliation avec des protocoles écrits dont vous avez dû prendre connaissance, qui devaient permettre à IMCA de prendre 50 % d’Air Lib et qui permettaient de restructurer la dette et de la rééchelonner.

Ce rééchelonnement avait été réintégré dans un nouveau business plan. Ce protocole, malheureusement, n’est pas allé à son terme. IMCA n’a pas signé. Je n’ai malheureusement pas l’ensemble des données parce que je n’ai pas participé à la dernière nuit de négociation.

Le regret que j’ai aujourd’hui est que lorsque l’on entre dans un protocole quadripartite et que les interlocuteurs en bilatéral travaillent dans des directions qui vous échappent, on arrive à un certain nombre d’incohérences. Nous avons eu, aux alentours du 22 janvier, un projet de protocole fait à la demande de l’Etat, par leurs avocats, qui était un protocole extrêmement curieux dans lequel il était demandé à IMCA de débarrasser le gouvernement français de Jean-Charles Corbet et de Holco.

M. le Président : Vous voulez dire que par écrit, dans un protocole, il était prévu que l’on débarrasse l’Etat français de Jean-Charles Corbet. Il faut nous donner la photocopie de ce document.

M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr ! Vous devriez le demander à l’Etat. S’ils ne vous le donnent pas, je vous le transmettrai.

M. le Rapporteur : Donnez le nous ! On pourrait le photocopier tout de suite.

M. Jean-Charles CORBET : Non, non, je ne donne plus de documents -c’est ce que je voulais vous dire tout à l’heure- qui ont un caractère confidentiel qui engage des tiers. Je ne veux pas être responsable vis-à-vis de l’Etat de quelque chose que je n’avais pas à transmettre.

M. le Rapporteur : Monsieur Corbet, vous devez en application de la loi fournir les pièces dont vous faites état ! Cette commission est une commission d’élus de la nation qui, en vertu des lois de la République, a un certain nombre de pouvoirs d’investigation.

De quel droit nous refusez-vous ce document ?

M. Jean-Charles CORBET : Je vais vous la transmettre, je ne suis pas sûr de l’avoir sur moi.

M. le Président : Qu’il n’y ait pas de malentendu entre nous : la loi prévoit que tous les documents nécessaires à l’enquête puissent être disponibles pour le Rapporteur et le Président. Vous êtes tenu de transmettre ce document. Il n’y a pas d’équivoque possible.

M. Jean-Charles CORBET : Bien sûr, mais je vous les transmettrai en prenant des précautions de confidentialité de manière à ne pas voir en première ou troisième page du Parisien les documents qui vous sont transmis.

M. le Président : Effectivement, beaucoup de documents circulent, et cela nous inquiète beaucoup.

M. Jean-Charles CORBET : Moi aussi, monsieur le Président, et je suis heureux de voir que nous partageons la même inquiétude.

M. le Président : Tout à fait. C’est assez irritant.

M. le Rapporteur : Beaucoup de rapports, avant même les débuts de travaux de la commission, circulaient dans la presse.

M. Jean-Charles CORBET : Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le Rapporteur. C’est pourquoi je prends cette précaution.

M. le Président : Si nous sommes d’accord, vous nous les transmettrez dans la confidentialité.

Je voudrais vous poser quelques questions sur un récapitulatif et sur la chronologie de l’épisode IMCA. Il nous a été indiqué par les collaborateurs du ministre des transports en charge de ce secteur qu’en novembre 2002, vous avez présenté IMCA pour engager les discussions en vue de reprise.

Là, le gouvernement constate qu’il y a un repreneur possible et qu’il y a une possibilité de s’en sortir, et décide de discuter. Il accepte de prolonger votre licence d’un peu plus de deux mois en fixant une date aux environs du 31 janvier 2003. Cela, le gouvernement le fait contre l’avis du Conseil supérieur de l’aviation marchande.

A ce moment-là, des rencontres ont lieu. Je voudrais que vous me confirmiez cette chronologie : les ministres vous rencontrent avec M. de Vlieger. Est-ce vrai qu’il y a eu une réunion avec un ministre, de Vlieger et vous-même le 20 novembre 2002 ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne jurerais pas de la date, mais il y a eu une réunion.

M. le Président : Au cours de cette réunion, il nous a été indiqué que le gouvernement s’attendait à avoir un plan définitif de reprise avec tous les éléments nécessaires, y compris le financement. Il nous a été indiqué que ce plan était définitif dans les prétentions de M. de Vlieger, mais qu’il n’y avait pas de financement. M. de Robien et M. Bussereau ont considéré que ce n’était pas acceptable et ils vous ont donné un nouveau délai, jusqu’au 9 janvier pour trouver le financement.

Est-ce bien exact ?

M. Jean-Charles CORBET : Non. Je pense que si nous débattons de cela, nous sommes partis pour un peu plus d’une heure d’explication.

M. le Président : Non. Vous me dites que ce n’est pas exact.

M. Jean-Charles CORBET : Non, ce n’est pas exact.

M. le Président : Le gouvernement, nous a-t-on dit, vous demande d’apporter les preuves d’un financement. Le 9 janvier, vous avez déposé un nouveau plan. C’est bien exact ?

M. Jean-Charles CORBET : M. Bussereau a toujours dit qu’il n’avait jamais vu de plan.

M. le Président : Je vous demande si vous en avez déposé un le 9 janvier.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, on en a déposé un ; avant le 9, on avait déposé des versions intermédiaires.

M. le Président : Vous en avez déposé un le 20 novembre, mais sans financement. Par conséquent, le gouvernement ne l’a pas accepté. Le 9 janvier, vous avez déposé un plan avec des indications de financement ; malheureusement, le gouvernement n’ayant pu obtenir la certitude que ce financement serait apporté, a demandé au conciliateur d’intervenir pour aider à débloquer l’affaire. Le conciliateur, Me Lafont, est-il bien intervenu à cette période, c’est-à-dire entre le 20 et le 30 janvier ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui, Me Lafont est intervenu en fin de conciliation. Le ministre oubliant - était-ce un oubli ? - que lorsque nous l’avons rencontré la première fois avec M. de Vlieger, nous étions déjà dans ce cadre de la conciliation.

Le ministre oublie également de vous dire qu’après l’avoir rencontré, lui et M. Bussereau, nous nous sommes rendus chez le président du tribunal de commerce de Créteil pour lancer la conciliation. La conciliation aurait dû commencer ce jour-là ; elle n’a pas commencé ce jour-là parce que le ministre ne l’a pas voulu. Cela, il oublie de vous le dire.

Ensuite, nous sommes entrés " à l’arraché " dans quelque chose qui n’était pas serein. Demandez à Me Lafont comment il a considéré sa mission de conciliation et s’il a trouvé qu’elle était faite dans des conditions sereines. Je n’en ai pas le sentiment.

M. le Président : C’est justement la question que je voulais vous poser. On en arrive au 30 janvier. Il semble que tout le monde soit d’accord. C’est Me Lafont qui l’a confirmé. Les représentants de l’Etat, vous-même et IMCA soi-disant, vous étiez d’accord. Et là, il semble qu’il y ait eu un flottement ; pendant trois jours, on n’a pas trouvé de responsable d’IMCA pour contractualiser cet accord-là. C’est M. de Prins, vice-président d’IMCA qui est alors intervenu. Est-ce bien comme cela que les choses se sont passées ?

M. Jean-Charles CORBET : Non. Quand vous dites " on n’a pas trouvé ", je ne suis pas d’accord. On savait où trouver les représentants d’IMCA. Le problème était beaucoup plus complexe que cela. On avait un problème avec IMCA et l’achat des Airbus 320 au regard de ce qu’EasyJet faisait. La dernière nuit de négociation a bien été une négociation où l’on devait trouver les moyens de..., où la tutelle a dit qu’elle n’était pas un représentant commercial d’Airbus ni un démarcheur d’Airbus alors que M. de Robien allait le lendemain vendre des avions en Inde et que M. Bussereau et le Premier ministre sont allés récemment, malgré les risques de la maladie de la grippe atypique, en vendre en Chine.

Le seul problème a tourné, pour IMCA, sur le prix d’achat et sur les garanties qu’il pouvait obtenir vis-à-vis d’Airbus pour l’achat d’Airbus 320. C’est ce que j’ai compris, moi, de l’extérieur.

M. le Président : Je voulais en arriver là, et je pense que le ministre des transports aurait été ravi de vendre des Airbus ce jour-là aussi. A quel prix Airbus a-t-il proposé de vendre ces Airbus autour du 30 janvier ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne sais pas. Il a couru à ce sujet des paroles et des rumeurs. Je n’étais pas présent le soir de cette négociation.

M. le Président : On s’aperçoit que, depuis août 2001, on est dans une situation qui se renouvelle sans cesse. C’est-à-dire que les choses sont informelles, les engagements ne sont pas respectés, on n’arrive pas à mettre en place les accords. Là, on s’aperçoit que M. de Vlieger au dernier moment par l’intermédiaire de M. de Prins, formule deux nouvelles conditions qui auraient peut-être pu être exposées un mois plus tôt.

Une condition porte sur le prix des Airbus. C’est la question que je vous pose : étiez-vous au courant du prix qu’il proposait pour l’achat des Airbus ?

M. Jean-Charles CORBET : J’en suis resté à un prix qui était de l’ordre de 40 millions d’euros par avion.

M. le Président : 42 millions d’euros. Dans les discussions, il nous a été indiqué qu’au moment d’une réunion qui s’est terminée le 5 février à 4 heures du matin, les responsables qui ont discuté pour le compte d’IMCA ont demandé que des ristournes soient consenties par Airbus à hauteur de 50 millions d’euros.

M. Jean-Charles CORBET : ... Ce sont les deposits de Flightlease !

M. le Président : Appelez cela comme vous voulez... qui permettaient d’injecter à ce moment-là 50 millions d’euros dont on aurait pu avoir besoin pour la trésorerie de la société.

M. Jean-Charles CORBET : Je vous invite à demander à M. Bussereau demain qu’il vous transmette la lettre d’IMCA et le protocole établi par IMCA lorsque nous avons rencontré les ministres la première fois et qui expliquait très précisément les demandes d’IMCA. Vous y verrez un certain nombre de demandes qui n’ont été ni écoutées, ni entendues, ni réalisées par l’Etat français et qui ont mis IMCA dans la situation de prendre des positions radicales. Je vous invite à demander cela au ministre.

M. le Président : Je veux simplement conclure en disant que les négociations avec IMCA obéissaient toujours au même principe : quand arrivait le moment de conclure, IMCA formulait de nouvelles conditions. A la dernière minute on parlait du prix des avions.

M. Jean-Charles CORBET : Ce n’était pas en dernière minute. Je ne sais pas qui vous a dit cela.

M. le Président : Dans la nuit du 5 février, cela s’est poursuivi jusqu’à 5 heures du matin.

M. Jean-Charles CORBET : IMCA n’a pas fait, le 5 février, une demande nouvelle concernant le prix des avions. IMCA était avec Airbus dans un schéma où, au regard d’engagements non tenus par l’Etat français sur la communication, ils avaient à financer 46 millions d’euros supplémentaires et ils ont demandé à ce niveau-là que ces 46 millions d’euros soient obtenus par ce qui aurait dû l’être si les A340 avaient pu être rachetés.

M. le Président : Etiez-vous informé des relations qui existaient entre le père de M. de Vlieger et son fils ? Lorsque le projet d’accord a été connu de M. de Vlieger père, cela aurait considérablement contribué à l’échec des discussions ?

M. Jean-Charles CORBET : Vous me posez une question assez curieuse. J’avoue ne pas avoir interrogé M. de Vlieger sur ses relations avec son papa ou sa maman.

M. le Président : M. de Vlieger père, d’après les informations que nous avons obtenues, aurait refusé que son fils s’engage dans cet accord, l’aurait désavoué.

M. Jean-Charles CORBET : M. de Vlieger était l’actionnaire majoritaire du groupe ; il était à même de prendre les décisions.

Pour ma part, quand papa ou maman me demande de ne pas faire quelque chose, je demande à papa et maman de s’occuper de ce qui les regarde.

M. le Président : Je vous trouve plein d’humour. Il ne s’agit pas de ça. Il s’agit du conseil d’administration qui, à un certain moment, n’aurait pas validé les choix d’Erik de Vlieger. Je vous demande si vous êtes au courant ou pas ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, je ne suis pas au courant.

M. le Rapporteur : Est-il exact que vous avez licencié les membres du comité exécutif d’Air Lib en tout début d’année 2003 ? Si c’est exact, pourquoi ?

M. Jean-Charles CORBET : Pouvez-vous me reposer la question ?

M. le Rapporteur : Est-il exact que vous avez licencié les membres du comité exécutif d’Air Lib en début d’année 2003 ?

M. Jean-Charles CORBET : Non.

M. le Rapporteur : Vous ne les avez pas licenciés ?

M. Jean-Charles CORBET : Non.

M. le Rapporteur : Aucun d’entre eux ? De mémoire.

M. Jean-Charles CORBET : Le comité exécutif d’Air Lib, en janvier 2003 ? Je ne vois pas.

M. le Rapporteur : Si vous dites non, c’est non. La réponse est claire.

M. Jean-Charles CORBET : Non, je n’ai pas licencié de membres du comité exécutif d’Air Lib en janvier 2003.

M. le Rapporteur : Ni en janvier ni en février ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, ce n’est pas moi qui les ai licenciés, mais le liquidateur.

M. le Rapporteur : D’accord, ce n’est pas vous. Ils ont été licenciés après le dépôt de bilan.

M. Jean-Charles CORBET : Oui.

M. le Rapporteur : Comme tout le monde !

M. Jean-Charles CORBET : Oui !

M. le Rapporteur : Pouvez-vous préciser le montant des actions Air France que vous déteniez en juillet 2001 au titre de l’échange salaires-actions ? Avez-vous cédé certaines de ces actions entre fin juillet 2001 et le dépôt de bilan, c’est-à-dire février 2003 ?

Est-ce qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêt entre le fait que vous déteniez un nombre, que vous allez nous indiquer, d’actions d’Air France et votre position de président d’un groupe concurrent d’Air France ?

M. Jean-Charles CORBET : D’abord, je ne sais pas du tout combien j’ai d’actions d’Air France. Je vous l’écrirai, mais je n’en sais rien.

Ensuite, je n’ai cédé aucune action d’Air France. C’est-à-dire que toutes les actions Air France acquises dans le cadre de l’échange salaires-actions à Air France sont toujours entre mes mains.

M. le Rapporteur : Certains de vos collègues m’ont dit qu’on avait tout de suite les actions que l’on payait sur 7 ans par mensualités de 40 000 francs par mois en contrepartie de l’acquisition de ces actions.

Vous ne vous souvenez pas combien vous avez d’actions ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, de mémoire, je ne peux pas vous le dire. Il faudrait refaire le calcul en multipliant cela par le nombre d’années.

M. le Rapporteur : Vous payez 40 000 francs par mois sur 7 ans. Cela fait 3,5 millions à peu près. Vous avez bien acheté à tempérament, de l’ordre de 3,5 millions de francs d’actions. Vous n’en avez cédé aucune ?

M. Jean-Charles CORBET : Non.

M. le Rapporteur : N’y avait-il pas un conflit d’intérêt entre votre qualité d’actionnaire d’Air France et celle de président d’une compagnie concurrente ? Vous ne vous êtes pas posé la question ?

M. Jean-Charles CORBET : Non, pour moi, il n’y a pas conflit d’intérêt dans la mesure où ces actions sont bloquées. On ne peut pas les céder. Cela fait partie de l’accord global pluriannuel.

M. le Rapporteur : L’accord prévoit quelques cas de déblocage.

M. Jean-Charles CORBET : Oui, effectivement : le décès d’une épouse ou d’un enfant. Je n’y ai jamais eu recours. J’en suis content. J’espère que ma femme vivra le plus longtemps possible parce j’y tiens.

Je n’ai cédé aucune des actions. A partir du moment où c’est sur un plan d’épargne entreprise chez Air France et que l’on ne peut pas y toucher, cela n’a pas d’influence sur la valeur du titre ou quoi que ce soit.

Par ailleurs, ces actions ont un statut qui font qu’elles ne m’appartiennent plus toutes. Il faut donc qu’Air France puisse faire le calcul de ce qui m’appartient réellement et de ce qui ne m’appartient pas puisque je ne les paie plus à tempérament.

M. le Rapporteur : Parce que vous avez cessé de payer ?

M. Jean-Charles CORBET : Je ne suis plus salarié d’Air France !

M. le Rapporteur : A compter de quelle date, monsieur le président ?

M. Jean-Charles CORBET : A partir du 1er septembre 2001.

M. le Rapporteur : 2001 ou 2002 ? Pendant votre congé sabbatique, vous avez arrêté ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui, j’ai arrêté.

M. le Rapporteur : On ne peut plus rembourser à partir du moment où l’on est en congé sabbatique dans l’accord.

M. Jean-Charles CORBET : A partir du moment où vous ne payez plus, vous ne remboursez plus.

M. le Rapporteur : Mais vous auriez pu continuer pendant le congé sabbatique.

M. Jean-Charles CORBET : Non, l’accord ne le permet pas. D’ailleurs, je crois avoir reçu un courrier d’Air France qui explique cela. Au terme des 7 ans, Air France me rendra les actions qui me reviennent et les autres reviendront à Air France.

M. le Président : Vous ne m’avez pas répondu sur la manière dont vous pouviez ou souhaitiez ou aviez prévu de rembourser l’Etat.

M. Jean-Charles CORBET : La réponse est assez compliquée parce qu’elle engage aujourd’hui le judiciaire, les liquidateurs, un certain nombre de personnes. C’est donc un débat qu’il faut avoir avec elles dans le cadre d’un travail de fond.

M. le Président : Quand on voit la masse financière de 120 à 130 millions d’euros, on comprend que cela soit un gros travail.

A aucun moment, vous ne vous êtes posé la question de cette fameuse mobilisation dont j’ai parlé à plusieurs reprises de l’ensemble des avoirs du groupe Holco à l’étranger et en France pour participer, d’abord au redressement, certes, mais aussi au remboursement de ce que vous deviez à l’Etat ?

Dans le dernier trimestre 2002, vous êtes confronté à des échéances, puisqu’il y a des reports de licences, qui doivent être interrompues le 9 janvier obligatoirement puisque le prêt doit être remboursé. A aucun moment, vous ne vous êtes dit qu’il était temps de tout regrouper, de montrer que vous aviez envie de sauver l’entreprise en mobilisant toutes vos capacités financières : Mermoz, Holco Lux, Holco SAS ? A aucun moment ?

M. Jean-Charles CORBET : Je me suis mobilisé, mais dans des proportions réalistes. Mobiliser 10 millions d’euros ne sauvait pas l’entreprise au dernier trimestre 2002.

Ce qui pouvait sauver l’entreprise, c’était le travail avec les investisseurs. Je me suis mobilisé pour essayer de faire aboutir cette entrée au capital d’IMCA. Je me suis mobilisé. Ceux qui disent le contraire ne racontent que des bêtises. Je me suis mobilisé ensuite, quand IMCA a disparu, pour faire en sorte que CMA-CGM et Virgin puissent reprendre la société.

A partir du moment où cette mobilisation n’a pas permis de pérenniser la compagnie, je suis eltré dans un autre schéma. Mon intention est également de poser, par la voie du judiciaire, un certain nombre de questions à l’Etat.

M. le Président : Je comprends bien, mais je reste sur ma faim concernant vos réponses. Quand on cumule ce qui a été versé, on se rend compte qu’il y a quand même 10 millions d’euros de trésorerie et 17 millions d’euros dans les filiales. Même si, comme vous le dites, cela n’aurait pas pu sauver l’entreprise, je ne pense pas que les 30 millions d’euros de l’Etat auraient davantage pu la sauver. J’observe quand même que tout cet argent a permis de verser les honoraires, salaires et primes dont on a parlé.

C’est un choix de gestion, vous l’avez déjà dit.

M. Jean-Charles CORBET : Si vous ajoutez les 60 millions d’euros que nous doit Swiss, si vous y ajoutez les quelque 55 millions d’euros que nous doivent encore les administrateurs des anciennes sociétés AOM-Air Liberté, si vous y ajoutez ce crédit de restructuration en véritable crédit et non pas en un prêt qui n’a pas été signifié à Bruxelles, qui est devenue illégal et qui a conduit là où l’on en est, on pouvait réunir 150 ou 160 millions d’euros. Vous vous apercevez alors qu’effectivement, Air Lib pouvait être sauvée.

M. le Président : Monsieur Corbet, je vous parle des sommes mobilisables à l’époque, que vous avez mobilisées pour payer des honoraires, des salaires, des primes, et non pas pour l’intérêt de la société.

M. Jean-Charles CORBET : Si les administrateurs nous avaient réglé les 55 millions d’euros -il va falloir que l’on aille également en justice pour cela-, on n’aurait pas eu besoin d’emprunter les 30 millions d’euros.

M. le Président : Je vous parle de ce que vous avez décidé de faire au moment où vous aviez la décision de gestion.

M. Jean-Charles CORBET : Vous êtes quelqu’un qui pense que l’on ne doit pas payer une banque d’affaires ni les gens qui travaillent pour vous.

M. le Président : Non, je suis quelqu’un qui pense, monsieur le président, que quand on se tourne vers l’Etat pour lui demander des sommes aussi considérables, on a un devoir vis-à-vis de lui.

M. le Rapporteur : Par rapport à ce que vous venez d’indiquer, je voudrais rappeler que dans les dettes, vous avez 130 millions d’euros de dettes publiques, mais aussi le coût des licenciements, face à des recettes éventuelles, dans l’hypothèse où vous gagneriez le premier procès sur les 55 millions et celui contre Swiss. Je vous le souhaite, monsieur le président, ou plus exactement, je le souhaite à nos concitoyens pour réduire un peu le coût global de cela.

M. Jean-Charles CORBET : Le passif de M. Seillières et de Swiss est beaucoup plus considérable, même en ce qui concerne le passif public.

M. le Président : Excusez-moi de revenir sur le problème de la gestion. On parle de décisions de gestion. On ne spécule pas sur des décisions de justice. Or, au moment des décisions de gestion, vous avez pris vos responsabilités. Je ne vous fais aucun reproche, je fais des constats. Ces responsabilités vous ont conduit à engager l’Etat à faire un prêt conséquent...

M. Jean-Charles CORBET : A payer ma banque d’affaire, effectivement.

M. le Président : ... et un moratoire conséquent à hauteur de 120 millions. Nous voulons savoir pourquoi et nous vous interrogeons. Pourquoi avez-vous fait ce choix plutôt que de mobiliser ce qui était possible ?

Par exemple, avec une banque d’affaires, n’est-il pas possible d’échelonner les paiements sur une certaine période ? Etiez-vous obligé, trois semaines après la reprise, de payer une facture de 8 millions de dollars ?

M. Jean-Charles CORBET : Oui ! Demandez à la banque Lazard qui est en train de travailler à la restructuration de la dette Argentine comment elle va s’y prendre ! C’est comme cela, monsieur le président !

M. le Président : Je vous demande de nous transmettre par écrit l’ensemble des documents.

M. Jean-Charles CORBET : Pouvez-vous me l’écrire car je n’ai pas noté ?

M. le Président : Nous vous adresserons un récapitulatif.

Je pense que nous n’aurons pas l’occasion de nous revoir dans le cadre de ces auditions et je vous remercie d’avoir répondu à toutes les questions posées.


Source : Assemblée nationale (France)