Les relations transatlantiques et le futur rôle de l’OTAN

Question : ... Le ministre de la Défense, M. Peter Struck, a fait savoir (avant de rencontrer son homologue américain, M. Donald Rumsfeld, et la conseillère pour la sécurité nationale, Mme Condoleezza Rice) qu’il était d’avis que la querelle concernant la guerre en Iraq pourrait être réglée en cinq minutes ... (Croyez-vous que ce soit possible ?)

Voigt : Certes, on peut se limiter à dire que nous avons eu des mésententes par le passé. Cette querelle concernant la question de l’Iraq a réaffirmé des positions divergentes. Ces positions subsistent toujours. Mais cela ne change rien au fait que nous souhaitions demeurer de bons partenaires, comme nous le sommes en Afghanistan et dans les Balkans.

Question : Mais quels dommages subsistent ...? Par exemple, en ce qui concerne l’Iraq, les États-Unis ont déjà créé des faits accomplis ..., tout cela, sans l’Allemagne. M. Struck pourra-t-il simplement passer outre ?

Voigt : En ce qui concerne cette division en trois zones, qui paraissent tout à fait raisonnables, elle concerne les puissances impliquées dans la guerre. Nous ne l’étions pas et nous ne souhaitions pas l’être. Nous ne pouvons donc pas, à présent, aspirer à assumer, aux côtés des puissances victorieuses, les devoirs qui sont ceux des puissances d’occupation.

(...)

La question de la force de stabilisation ne se posera que beaucoup plus tard, à savoir dans la phase où il faudra agir selon une autre législation, et non plus selon la législation d’occupation, et où, on l’espère, l’ONU aussi entrera en jeu. Alors, il faudra évaluer les options au sein de l’OTAN, se demander si, dans ce cas, l’OTAN doit ou peut même jouer un rôle. Rien de cela n’a encore été tranché. Même si l’OTAN était amenée à jouer un rôle, cela serait loin de signifier que les Allemands devraient être ou seraient associés au plan militaire sous une forme ou une autre. Mais il est dans notre intérêt que la situation en Iraq se stabilise et que les efforts de démocratisation soient encouragés ; cela se reflète dans notre participation active, sous forme d’aide humanitaire, à l’amélioration de la situation en Iraq.

Question : Le gouvernement fédéral aurait-il, donc, un intérêt à faire partie de cette force de stabilisation multinationale ?

Voigt : Est-ce qu’il doit absolument s’agir d’une participation militaire ? Je l’ignore. Nous avons également des missions importantes à remplir en Afghanistan et dans les Balkans. M. Struck tâche actuellement d’obtenir des éclaircissements : les Américains entendent-ils maintenir leur présence dans ces régions, ou vont-ils la réduire ? Bien sûr, les Forces armées fédérales, avec leurs ressources limitées, doivent aussi s’assurer de pouvoir apporter une contribution réelle à la stabilisation, plutôt que de faire acte de présence ici et là. Jusqu’à présent, nous avons réussi. Devrions-nous faire la même chose en Iraq dans une phase ultérieure, si les conditions sont réunies en matière de droit international ? Il faudra se pencher attentivement sur cette question - et la réponse n’ira pas de soi, même si l’OTAN était amenée à jouer un rôle ici et là.

Question : Cette question pourrait être étudiée au niveau de l’Union européenne de sécurité et de défense que l’UE entend mettre sur pied. Cela plaira-t-il aux Américains ?

Voigt : Nous avons besoin d’une Europe plus forte. Sinon, nous ne sommes pas des partenaires sérieux pour les États-Unis. On nous félicite ici et là parce que nous disons oui, mais notre oui ou notre non sont sans réelle pertinence, car nous n’avons rien à apporter. Si nous voulons des relations transatlantiques stables, nous devons renforcer l’Europe. L’Europe vient de faire un premier pas, en prenant en charge les opérations militaires de stabilisation en Macédoine. La possibilité d’en faire de même en Bosnie dans une phase ultérieure est également étudiée d’un œil favorable à l’heure actuelle. Ce sont des pas dans la bonne direction. Cela suppose le renforcement de la volonté commune en Europe, mais également de l’action commune et des capacités d’action.

Question : Quelle peut être alors la raison d’être de l’OTAN ...?

Voigt : En réalité, la politique européenne en matière de sécurité et de défense prend chaque fois tout son sens lorsque l’OTAN ne veut pas s’engager, ce qui signifie en fait lorsque les États-Unis ne veulent pas s’engager, comme on peut le voir en Macédoine et en Bosnie, et comme on pourra le voir aussi ailleurs à l’avenir. Une Amérique qui porte son regard toujours plus, du moins en matière de sécurité, sur des régions extérieures à l’Europe représentera un problème pour les Européens. L’OTAN va devoir se faire à l’idée qu’elle doit entreprendre de manière autonome certaines tâches de stabilisation en Europe et en marge de l’Europe.

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L’OTAN demeure (...) le lien le plus important dans les relations transatlantiques en ce qui concerne la politique de sécurité. Étant donné que les relations transatlantiques sont une condition de la stabilité globale du point de vue sécuritaire (...), mais aussi et surtout des points de vue économique et financier, je crois qu’il faut maintenir ce lien. Pour les Européens, elle est également le cadre des relations multilatérales avec les États-Unis. Les États-Unis peuvent bien favoriser l’un ou l’autre ici ou là (...) pour coopérer avec lui de manière isolée, mais pour les Européens, il importe d’avoir un lien commun avec les États-Unis, et ce lien multilatéral, c’est l’OTAN. En ce sens, nous sommes peut-être davantage intéressés par l’OTAN que le sont en ce moment certaines ailes de l’administration américaine.

Traduction officielle du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères