Mesdames et Messieurs les Ministres,

Les opérations ont été engagées en Irak il y a quelques heures.

Le président de la République a exprimé la voix de la France face à cette guerre que nous n’avons pas voulue.

Ce nouveau conflit international nous concerne : parce qu’il a lieu dans une région de la planète déjà instable, où la France, du fait de ses responsabilités internationales, est très présente, parce que ses répercussions économiques et sociales en France et en Europe sont déjà perceptibles.

La France n’a pas choisi la guerre, la France n’est pas en guerre mais elle est attentive et déterminée face à ce conflit que nous regrettons.

Je souhaite que la guerre soit la plus courte possible. Nous espérons vivement que tout sera mis en œuvre pour que les vies humaines soient épargnées. Nous nous tiendrons prêts à répondre aux besoins les plus urgents des populations civiles. La guerre ne doit pas conduire à une catastrophe humanitaire.

Notre patrie doit se mobiliser pour assurer son unité et la cohérence de son action.

C’est le sens de mon message aujourd’hui : dans la difficulté, dans l’inquiétude internationale, le gouvernement de la France, derrière le président de la République, doit faire entendre sa voix à l’extérieur et assurer, à l’intérieur, la bonne marche du pays.

Je vous demande donc de vous mobiliser pour l’explication de la position de la France, je vous demande de vous mobiliser pour faire partager à tous notre vision du monde mais je vous demande aussi d’exiger, sur le terrain, de l’ensemble des services de l’Etat, une disponibilité particulière et une attention soutenue afin d’assurer la cohésion et la sécurité qu’attendent légitimement nos concitoyens.

Je vous demande enfin de veiller à la bonne entente avec nos partenaires européens. Soyons collectivement mobilisés, mais ne cédons pas à la fébrilité.

Désarmer l’Irak par des voies pacifiques

La volonté de la France durant toute la période de négociation diplomatique n’a pas varié : parce que l’Irak représente une menace potentielle pour le monde, il est essentiel de désarmer ce régime et d’éliminer ses armes de destruction massive qui représentent un danger pour la stabilité de l’ensemble du Moyen-Orient et donc du monde.

Pour désarmer l’Irak, la communauté internationale avait choisi la voie pacifique, grâce aux inspections, dans les conditions fixées par le vote à l’unanimité de la résolution 1441 du Conseil de sécurité des Nations unies. C’était le choix de l’efficacité.

Parce que la voie suivie portait ses fruits, nous avons estimé qu’il n’était nul besoin d’un conflit armé. Cette position est celle autour de laquelle le président de la République a construit un large rassemblement mondial, politique et populaire.

Je compte sur vous maintenant pour continuer à l’expliquer et je salue ici l’action de Dominique de Villepin qui relaie la parole de la France de par le monde avec conviction et détermination.

La France continuera à agir pour un monde juste, équilibré, marqué par le dialogue entre les peuples, le respect des autres et la primauté du droit.

Le message de la France : la force du droit

Le message de la France, c’est la mondialisation humanisée, c’est la mondialisation régulée par les organisations internationales : l’ONU pour la paix, l’OMC pour les échanges et bientôt je l’espère, l’Organisation mondiale de l’Environnement pour le développement durable.

Le choix de la France, c’est le choix du droit qui régit les relations entre les nations, c’est aussi une certaine vision du monde.

Le président de la République l’a dit, nous voulons vivre dans un monde multipolaire, où quelques grands ensembles ont entre eux des relations aussi harmonieuses que possible, un monde où l’Europe notamment a toute sa place, un monde où les Droits de l’Homme sont source des relations entre les Etats et, à l’intérieur des Etats, entre les hommes, un monde enfin où le développement est durable, pour tous.

C’est fort de cette vision que nous voulons combattre les menaces qui pèsent sur notre monde, le terrorisme, la prolifération, les armes de destruction massive, les crises régionales.

Ce message est partagé par un grand nombre de pays et de peuples.

Le monde multipolaire que nous voulons promouvoir, c’est un monde qui ne parle pas d’une seule voix. Ce monde multipolaire qui repose sur la force du droit doit permettre d’éviter les conflits entre les civilisations : le déséquilibre est source de rancune, le déséquilibre est source de menace, le déséquilibre nourrit les terrorismes. Mais, dans cette pluralité d’expression, les démocraties doivent rester unies pour promouvoir les valeurs que nous partageons, pour combattre le terrorisme qui les menace, pour engager la dynamique d’un développement pour tous.

Pour cette raison, la France n’a pas cessé d’agir pour l’unité de la communauté internationale comme elle a réussi à le faire avec l’adoption à l’unanimité de la résolution 1441.

L’Europe doit sortir grandie de cette difficulté

En Europe, vous le savez, des différences d’approche se sont manifestées.

Nous connaissons le poids de nos histoires et de nos traditions.

Nous connaissons aussi l’histoire de la construction européenne : l’Europe s’est faite dans les crises, par les crises, surmontées et dépassées à chaque fois et je ne doute pas que la difficulté actuelle, née de la crise irakienne, aboutira au sursaut du projet européen.

J’ai d’autant plus confiance que l’Europe est au cœur de notre vision de la planète : elle doit être un des pôles politiques et économiques majeurs de ce monde multipolaire en construction. L’Europe, puissance économique, doit consolider sa puissance politique.

Ne soyons donc pas pessimistes, mais soyons vigilants et ne laissons pas la situation se détériorer par incompréhension.

Je vous demande donc de prendre contact avec vos homologues européens dès que possible, que leurs pays appartiennent déjà à l’Union européenne ou qu’ils fassent partie des nouveaux entrants, pour continuer le travail d’explication de la politique de la France.

(…)

Nous nous mobilisons pour l’économie

Notre économie, comme celles de nos partenaires, a déjà beaucoup souffert de la tension internationale qui pèse sur notre croissance, entretient l’attentisme et un prix du pétrole artificiellement élevé.

Dans ce contexte incertain, mon devoir, notre devoir, est de garder le cap de l’action. Notre travail quotidien doit être poursuivi. Votre programme de réforme doit être inchangé.

Nous avons déjà pris des dispositions économiques et budgétaires pour affronter le ralentissement de la croissance internationale.

(…)

Anticipons l’avenir

Dans la crise irakienne, l’ONU est restée fidèle à elle-même et aux principes du droit international. C’est pourquoi nous pensons que, pour l’avenir, c’est l’ONU qui doit ramener la normalité, c’est elle qui doit gérer la dimension humanitaire du conflit et apporter la stabilité à la région. Et la France pèsera de tout le crédit que lui ont apporté sa constance et sa cohérence dans ce projet.

Comme l’a dit ce matin le président de la République, il nous faudra nous retrouver avec nos alliés et toute la communauté internationale pour relever ensemble les défis qui nous attendent.

Sur le plan européen, l’avenir est à construire.

Il faut continuer les réflexions sur les futures institutions européennes.

Il faut aussi poursuivre l’édification de l’Europe de la Défense.

Dans ce domaine, la perspective très proche de la relève de l’OTAN par l’Union européenne en Macédoine et plus tard en Bosnie se précise.

Mesdames et messieurs les ministres,

Vous connaissez, chacun dans votre département ministériel, les initiatives qui sont à prendre.

Je vous demande d’exercer vos responsabilités dans l’esprit d’humanité et de fermeté qui est l’esprit de notre gouvernement depuis ses débuts.

Notre pays doit être, dans ces circonstances, gouverné avec calme et détermination, sans agitation ni exploitation politique intérieure des événements extérieurs.

La France, dans l’unité nationale, confiante dans ses valeurs, continue sa route./.

Source : service de presse du Premier ministre