Il ne sera possible d’éradiquer la production d’opium en Afghanistan qu’à condition de réduire la pauvreté et le chômage, souligne la FAO qui demande 25,5 millions de dollars pour financer des projets de développement agricole au cours des cinq prochaines années dans les quatre principales régions productrices d’opium de Nangarhar, Badakhshan, Kandahar et Helmand, ce qui représente environ 1,5 million de personnes.

" Nous n’avons pas sous la main la " super plante " qui convaincra les agriculteurs d’abandonner immédiatement la production d’opium ", a déclaré l’expert de la FAO Angelika Schückler.

" La pauvreté rurale et le manque de revenus sont les principales raisons expliquant que les agriculteurs produisent de l’opium ", a-t-elle indiqué.

" Il faudra un engagement de long terme et probablement plus de 10 ans pour créer des opportunités de revenus alternatifs ".

" Notre objectif est de réhabiliter l’infrastructure agricole dans quelques-unes des principales zones de production d’opium et de relancer l’horticulture, l’élevage et la culture de rente afin de créer des ressources alternatives pour les petits paysans, les travailleurs sans terre et les groupes vulnérables ", a-t-elle ajouté.

La proposition de la FAO

La FAO a proposé un ensemble d’interventions pouvant créer des opportunités de revenus alternatifs et réduire la dépendance par rapport à la production d’opium. La proposition de la FAO est basée sur la stratégie nationale de contrôle des drogues.

" Les agriculteurs ont besoin d’intrants pour les vergers, les activités forestières, l’irrigation et le bétail ainsi qu’un accès au crédit et à la formation. L’infrastructure, les services sanitaires et éducatifs doivent être rétablis ", a déclaré Mme Schückler.

Plusieurs pépinières doivent être remises en état afin de répondre à la demande, à grande échelle, pour des plants et des semences. Il est important de construire des barrages de petite irrigation là où les agriculteurs font face à des restrictions de l’approvisionnement en eau.

Par exemple, à Kandahar, le principal réservoir en eau est ensablé après plusieurs années de sécheresse. Cela a dégradé les vergers autrefois prospères dans cette zone.

Un meilleur accès, surtout pour les femmes, aux services vétérinaires améliorerait la productivité et l’élevage et procurerait un revenu aux mères de famille.

La FAO a également proposé d’intensifier la production horticole par la formation des exploitants de vergers aux technologies post-récolte et à la gestion des installations de stockage dans chaque province.

Les éleveurs devraient avoir accès au crédit pour acheter des moutons et chaque province devrait posséder un broyeur de fourrage. La FAO a également l’intention d’étendre ses projets avicoles pour les femmes, projets qui ont prouvé leur efficacité pour générer des revenus.

Des cultures adaptées à l’environnement unique de l’Afghanistan (herbes et épices, mures et sériciculture, huiles essentielles) devraient être développées en collaboration étroite avec les communautés d’agriculteurs.

Une série d’initiatives créatrices d’emplois publics comme privés pourrait comporter des programmes de reforestation " salaire contre travail ", des centres de traitement des fruits et légumes, la collecte et la transformation des produits de l’élevage (lait, œufs) et la promotion des pêches.

Un meilleur accès au crédit, aux services de gestion agricole et de conseils aux entreprises et aux études de marché serait également nécessaire.

L’opium est populaire

L’Afghanistan est le plus grand producteur mondial d’opium, fournissant près des trois-quarts de la production mondiale. Selon l’Office des Nations Unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime (OCDPC), la production d’opium s’élevait, en 2003, à 3 600 tonnes.

De récentes enquêtes montrent que la production d’opium se répand de plus en plus dans les zones isolées. Environ 1,7 million de personnes, soit sept pour cent de la population, sont directement impliquées.

L’opium est seulement produit sur approximativement un pour cent (environ 80 000 ha) de la surface arable totale du pays. La majorité de la production s’opère sur les terres irriguées. La province de Nangarhar est actuellement la plus grande zone de culture.

Alors que la majorité des agriculteurs afghans cultivent l’opium pour cause de pauvreté, car ils n’ont pas d’autres sources de revenus possibles, la plupart des profits vont aux trafiquants de drogue nationaux et internationaux.

L’opium en tant que produit est attrayant pour les agriculteurs car il est durable et facile à entreposer et à commercialiser, selon la FAO. Les marchés d’opium fonctionnent comme les marchés de contrat à terme et au comptant, avec des opérateurs procurant des crédits aux agriculteurs pour leur production.

Selon les estimations de l’OCDPC, près de 500 000 personnes sont impliquées dans le commerce de l’opium afghan.

Avec un prix moyen pour l’opium brut de 283 dollars le kilo et des rendements attendus de 40 kilos par hectare, la culture de l’opium est bien plus rémunératrice pour les agriculteurs que la production d’autres cultures.

En 2003, la culture de l’opium a généré un revenu brut d’environ 1 milliard de dollars, environ 3 900 dollars par famille productrice. Le salaire moyen national afghan est quant à lui de 2 dollars par jour.

" La culture de l’opium signifie pour les agriculteurs un revenu relativement sûr, tout en procurant l’accès à la terre pour les agriculteurs pauvres et les sans terre. Elle offre souvent la seule source de crédit et d’intrants et des opportunités de travail dont ils ont bien besoin ", selon Mme Schückler.

Pour les femmes, qui sont souvent autorisées à vendre les résidus après la principale récolte, l’opium fournit une source de revenus rare et lucrative.

Le secteur agricole est extrêmement faible

" La production d’opium offre des revenus immédiats et stables dans un environnement souvent très hostile pour la production agricole ", selon l’expert de la FAO.

" Le secteur agricole est extrêmement faible, avec des services, des systèmes de commercialisation et des moyens de communication de mauvaise qualité, une pénurie d’intrants tels que semences, engrais et outils de base ainsi que des installations d’irrigation et de stockage d’eau dégradées. "

" Ce n’est que sous l’effet d’une réduction substantielle de la production du pavot par l’application rigoureuse de la loi et avec l’amélioration significative de l’environnement de production que les agriculteurs se tourneront vers d’autres cultures ", a-t-elle indiqué.

" Nous devrons probablement faire face à des résistances mais je suis certaine qu’en travaillant étroitement avec les ministères concernés, le secteur privé, les organisations non gouvernementales et d’autres partenaires internationaux, le combat contre la production d’opium en Afghanistan pourra être gagné ", a ajouté l’expert de la FAO.

Source : FAO
Références : AFG/245, SAG/217