Merci infiniment et je tiens d’abord à marquer clairement ma reconnaissance et mes remerciements à mon collègue et ami Moustapha Othman Ismaïl pour l’accueil qu’il me donne aujourd’hui. Cela fait de longs mois que je souhaite venir au Soudan et c’est donc un plaisir particulier que d’être aujourd’hui parmi vous.

Le Soudan est un des grands pays d’Afrique, le plus grand par la taille, et c’est en même temps un partenaire important pour la France et avec lequel nous souhaitons développer nos relations. Le dialogue entre nos deux pays n’a cessé de se développer et nous bénéficions de la chance d’avoir des relations d’estime et d’amitié profonde entre le président de la République Jacques Chirac et le président El-Béchir.

La visite du président El-Béchir à Paris a marqué une étape importante, et le dialogue politique, les entretiens téléphoniques entre les deux hommes n’ont cessé de se multiplier au cours des derniers mois sur l’ensemble des grands dossiers d’intérêt général, qu’il s’agisse de la situation dans le monde arabe, dans la région ou de l’évolution des négociations de paix au Soudan.

Il y a aujourd’hui un grand espoir dans la communauté internationale devant le progrès de la réconciliation soudanaise et c’est une grande chance pour ce pays de pouvoir tourner, nous l’espérons bientôt, la page de la guerre.

Comme l’a très bien dit mon collègue, la France est prête à accompagner cette nouvelle étape pour le Soudan, accompagner les accords de paix, faire en sorte que la communauté internationale puisse jouer tout son rôle de stabilisateur et apporter les garanties indispensables à cette phase.

Il y a là une responsabilité pour la communauté internationale, et la France, comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, jouera bien sûr tout son rôle comme nous l’avons toujours fait dans les grandes crises africaines. Il a été important au cours des derniers jours de constater que les conditions étaient réunies pour une opération de maintien de la paix en Côte d’Ivoire, de la même façon qu’il importe que la communauté internationale puisse appuyer et confirmer les efforts qui ont été engagés ici par l’ensemble des Soudanais.

La situation du Darfour est un sujet sur lequel je me suis longuement entretenu avec le président Déby, et je me suis rendu par ailleurs dans un des camps de réfugiés sur place à Forchana. Le président Déby m’a confirmé son engagement très fort et celui du Tchad de tout faire pour contribuer au règlement de cette question, à la réconciliation dans le sens qui a été prévu par le président El-Béchir, c’est-à-dire l’organisation d’un congrès comme il l’a annoncé au début du mois de février.

La France, dans l’amitié qui la lie avec ces deux pays, le Tchad et le Soudan, est bien sûr entièrement disponible, elle est prête à apporter tout son concours en tant que de besoin.

En ce qui concerne les sujets que nous avons évoqués s’agissant du monde arabe, bien sûr nous suivons avec beaucoup d’attention tout ce qui se passe au Moyen-Orient, convaincus que la communauté internationale doit se mobiliser, tant pour faciliter le règlement de la crise irakienne que celui de la crise israélo-palestinienne.

Nous avons longuement évoqué la situation de l’Irak et j’ai marqué la conviction qui était celle de la France d’un retour indispensable à la souveraineté dans les meilleurs délais, et du respect, autant que faire se peut, de l’échéance du 30 juin qui a été fixée à la fois par la résolution 1511 et par l’accord du 15 novembre.

La mission des Nations unies sur place avec M. Brahimi permettra de préciser le processus politique mais la France a d’ores et déjà proposé, vous le savez, une conférence internationale, qui pourrait, au lendemain du retour à la souveraineté de l’Irak, marquer clairement le passage d’une période d’occupation à une période de retour à la souveraineté, et dans notre esprit il s’agit bien de mobiliser à la fois toute la communauté régionale, l’ensemble des pays voisins de l’Irak, mais aussi toute la communauté internationale.

En ce qui concerne la situation au Proche-Orient, nous voulons croire que les propositions israéliennes d’un retrait ne seront que la première étape vers un règlement négocié, l’application de la première phase de la Feuille de route, que les colonies démantelées à Gaza ne seront pas reportées ailleurs dans les territoires palestiniens, et que, par ailleurs, ce retrait s’inscrira donc dans un règlement négocié avec la possibilité pour la communauté internationale d’une force d’interposition. Celle-ci qui marque bien l’engagement de la communauté internationale à avancer vers l’objectif qui est le nôtre, la création d’un Etat palestinien, sur la base des frontières de 1967, vivant en paix et en sécurité à côté d’Israël.

En ce qui concerne nos relations bilatérales, nous souhaitons les développer et les intensifier dans tous les domaines. En matière de coopération, nous avons une mission du ministère des Affaires étrangères dans les prochains jours qui sera chargée d’examiner l’ensemble de ces dossiers de coopération à partir d’une enveloppe qui est celle de la France, qui, si l’on ajoute notre propre contribution aux efforts européens, dépasse les 30 millions d’euros.

Dans le domaine économique, nous voulons encourager nos entreprises, à l’instar d’Alstom et de l’intérêt manifesté par Total. Nous voulons qu’elles puissent venir nombreuses. Dans la ligne de la visite de M. Loos, ministre du Commerce extérieur, nous allons explorer les façons de pouvoir accroître et développer cet échange entre nos deux pays, donc nous prévoyons un certain nombre de missions économiques qui viendront ici à Khartoum au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

De la même façon, dans le domaine financier, nous avons convenu d’accélérer la concertation entre nous sur les questions financières en particulier, compte tenu des perspectives qui sont ouvertes de discussions sur la dette soudanaise dans le cadre du Club de Paris.

Nous voulons enfin davantage nous mobiliser pour répondre aux besoins humanitaires qui peuvent se faire jour, nous avons salué les positions prises par le gouvernement soudanais en particulier en ce qui concerne le Darfour, pour permettre le passage et la réponse rapide que représentent ces organisations humanitaires. J’ai rencontré sur place, dans le camp de réfugiés que j’ai visité hier, un certain nombre d’organisations internationales, bien sûr le Haut-Commissariat aux Réfugiés, le PAM, mais aussi des organisations non gouvernementales comme Médecins Sans Frontières, et nous souhaitons pouvoir continuer à soulager cette situation dans ces régions si dramatiquement éprouvées.

Nous sommes en contact étroit avec l’ensemble de nos partenaires et j’ai eu à m’en entretenir il y a quelques jours à New York avec Colin Powell, et encore tout récemment au téléphone, de la même façon, avec nos partenaires et amis de l’Union européenne comme avec la présidence irlandaise, qui a envoyé récemment ici son ministre de la Coopération, ou aussi avec nos partenaires britanniques que j’ai rencontrés il y a quelques jours à Berlin.

Q - Monsieur le Ministre, vous indiquez que la France est prête à contribuer à l’application des accords de paix une fois qu’ils seront signés avec les forces du Sud. Est-ce que cette contribution peut aller au-delà du vote de la France en tant que membre permanent du Conseil de sécurité ? Est-ce que vous pouvez envisager de contribuer au déploiement de casques bleus sur le terrain ?

R - Cela fait partie bien sûr des sujets que nous avons abordés avec mon ami Moustapha Othman Ismaïl, et la volonté de la France, comme elle l’a fait dans l’ensemble des grands conflits qui ont agité l’Afrique, et aujourd’hui de la communauté internationale, s’est mobilisée pour permettre au Soudan de passer ce cap si important pour la stabilité du pays, si important pour la région et la communauté internationale. Nous allons donc développer le dialogue au cours des prochaines semaines et des prochains mois avec nos amis soudanais, comme nous allons le faire avec l’ensemble des parties au Conseil de sécurité pour voir quelles sont les meilleures contributions, la meilleure façon pour nous de participer à ce processus de paix.

Vous avez évoqué une force de maintien de la paix, c’est effectivement dans ce sens que la communauté internationale réfléchit et se prépare. Il faudra aussi garantir cet accord, donc il y a de multiples facettes à la possibilité de contribuer à ce processus : nous sommes engagés à travers M. de Coignac, notre émissaire dans le cadre de ces négociations de paix, nous voulons jouer tout notre rôle. Le ministre l’a rappelé, nous sommes fortement engagés dans la solidarité et dans l’amitié qui nous lient à beaucoup des pays voisins. Vous savez les relations d’amitié et de confiance que nous avons avec le Tchad et dans quel esprit nous suivons donc les efforts qui sont engagés en particulier au Darfour. C’est l’occasion pour moi de saluer l’esprit à la fois courageux et généreux dans lequel le président Déby aborde cette question et j’ai évidemment foi en la qualité, la solidité des relations qui existent entre le président Déby et le président El-Béchir pour apprécier la façon dont ils feront évoluer cette situation difficile du Darfour. Donc vous voyez que les contributions sur l’ensemble de ces dossiers sont nombreuses et c’est dans cet esprit positif, constructif que nous voulons aborder les prochaines étapes en maintenant évidemment un dialogue très étroit avec Khartoum pour répondre à leurs besoins. Mais la France, d’ores et déjà, sur l’ensemble des sujets que nous avons évoqués, sur l’ensemble de ces fronts difficiles, la France répond présente.

Q - Quelle est la position de la France quant à la situation des réfugiés aux frontières tchadiennes ? Y a-t-il une initiative française à l’égard du conflit du Darfour ?

R - En ce qui concerne la situation telle que j’ai pu l’observer, telle qu’elle m’a été présentée à Forchana, il y a à mon avis une inquiétude qui existe bien sûr pour la situation présente en raison de réfugiés qui sont dispersés le long des frontières, et le travail difficile des organisations humanitaires est d’essayer de rassembler ces populations à l’intérieur des futurs sites pour pouvoir répondre à leurs besoins. Il faut constater que ces réfugiés sont dans des situations très différentes les uns des autres. Certains sont partis démunis sans avoir pu emporter avec eux le strict nécessaire, d’autres au contraire sont partis avec famille, avec leur bétail, et sont dans une situation différente.

La nécessité, c’est donc de répondre bien sûr à ces besoins urgents et puis de faciliter la situation pour les mois à venir, en particulier la préparation à cette saison des pluies qui va compliquer considérablement le transport à l’intérieur de la région. Donc il faut prévoir à la fois les besoins en alimentation, les besoins en eau pour les longs mois qui sont devant nous et en même temps travailler à la possibilité de réacheminer ces réfugiés sur place. La France bien sûr veut répondre sur le plan humanitaire et nous avons annoncé une aide supplémentaire dans ce domaine pour répondre aux besoins urgents. Nous sommes en relation avec les grandes organisations internationales qui sont mobilisées ainsi que l’ensemble des parties, soudanaise et tchadienne.

Notre conviction c’est que bien sûr il est essentiel que les choses puissent se résoudre par le dialogue. Bien sûr, il faut une solution par le dialogue. De ce point de vue nous saluons l’initiative soudanaise de réunir dans le cadre d’un congrès prochainement l’ensemble des parties. Vous connaissez notre disponibilité pour appuyer ce processus et cette volonté qui s’exprime tant du côté du Soudan et, je le dis, du côté du Tchad puisque le président Déby m’a dit fortement l’engagement qui était le sien à faire tout ce qui était en son pouvoir pour faciliter le règlement des choses, s’engager totalement pour apporter le soutien de son pays aux efforts du Soudan.

En résumé, quant à la position de la France, la France a apporté son soutien et appuie l’initiative prise par le président soudanais. Sur le plan humanitaire aussi, la France exprime sa détermination à apporter son appui pour aider les réfugiés, pour aider au retour des réfugiés dans leurs foyers, dans leurs villages d’origine. Il y a aussi l’appui exprimé par la France quant à l’organisation d’un congrès tel que cela a été exprimé par le président. Donc pour résumer, la France apporte son appui tant en ce qui concerne l’action humanitaire que sur le plan politique.