Je vous suis reconnaissant d’avoir organisé le débat d’aujourd’hui. Comme vous le savez, mon pays, qui est attaché par des liens historiques à Haïti, est particulièrement préoccupé de la situation très grave qui prévaut dans ce pays.

Je salue à mon tour la présence du ministre des Affaires étrangères de la Jamaïque, au titre de la présidence de la CARICOM, ainsi que celle du ministre des Affaires étrangères des Bahamas et les remercie de leur intervention. Nous partageons leur sentiment d’urgence, nous partageons leur volonté d’agir, nous avons été nous-mêmes en contact étroit ces derniers jours avec nos principaux partenaires sur cette crise. Nous sommes conscients que la CARICOM et l’OEA détiennent sur ce dossier une légitimité, une expertise, une volonté d’agir, des leviers aussi qui sont essentiels à la recherche d’une solution.

Je le dis d’emblée : à notre sens, le point de départ de toute sortie de crise se situe dans le plan d’action que la CARICOM et l’OEA ont avancé. C’est autour de ce plan d’action que la mobilisation indispensable de la communauté internationale doit s’organiser.

Que pouvons-nous faire en cette heure grave pour le peuple haïtien ?

Nous sommes d’abord en présence d’une situation d’urgence à double titre :

 urgence au regard de la situation humanitaire de la population qui s’aggrave de manière très préoccupante, et des violations des Droits de l’Homme dont cette population est victime. Nous devons soutenir les efforts internationaux en vue de répondre à cette situation.

 urgence, également, au regard de la nécessité de trouver une solution à la crise politique, solution qui doit bien sûr s’inscrire dans le cadre constitutionnel en vigueur ;

Il convient donc, selon nous, d’insister sur les propositions qui ont été faites par les deux organisations régionales, touchant à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale de transition dirigé par un Premier ministre désigné dans les conditions du plan d’action de la CARICOM ;

Pour assurer le soutien nécessaire à ce plan, nous jugeons utile, comme l’a proposé hier le ministre des Affaires étrangères français, M. de Villepin, de le compléter, notamment par un élément qui serait une accélération du calendrier des élections présidentielles et générales ;

Il va de soi qu’une assistance internationale devrait être déployée pour préparer de telles élections, à travers la mise en place d’une commission électorale, de l’établissement de listes régionales régulières et de l’organisation de missions d’observation internationales ;

Dans ce contexte, nous pensons comme d’autres qu’il convient d’envisager une force civile de paix. Une telle force ne serait pas une force des Nations unies mais devrait être autorisée par le Conseil de sécurité et encadrée par un mandat du Conseil. Elle pourrait être un élément majeur d’accompagnement d’une solution politique ; mise en place sans délai pour appuyer un gouvernement d’union nationale, elle pourrait contribuer au rétablissement de l’ordre public et soutenir l’action de la communauté internationale sur le terrain notamment dans le domaine humanitaire et en matière de Droits de l’Homme ;

Comme mes autorités l’ont indiqué au plus haut niveau, la France serait disposée à contribuer à une force civile de paix répondant à ces conditions, en complément des contingents qui devront nécessairement venir en premier lieu des pays de la région.

J’ajouterai que c’est bien entendu aux forces politiques haïtiennes elles-mêmes de faire les concessions nécessaires pour dégager un accord politique. Je ne peux que souscrire aux appels qui ont été lancés par le Conseil de sécurité tant vis-à-vis des autorités gouvernementales que de l’opposition. Nous sommes profondément émus par la violence et les atteintes aux Droits de l’Homme qui ont cours en ce moment en Haïti. Nous conjurons les responsables politiques du pays de faire les gestes d’ouverture qui s’imposent.

Nous pensons qu’alors la communauté internationale, en appui de la CARICOM et de l’OEA, saura remplir sa part du contrat, sur les plans que j’ai évoqués s’agissant du volet politique, et aussi sur le plan humanitaire, sur le plan des Droits de l’Homme, et sur celui de la reconstruction économique et sociale du pays. Les Nations unies auront à cet égard un rôle essentiel à jouer. Nous saluons les décisions qui ont déjà été prises par le Secrétaire général et serions favorables à la désignation, le moment venu, d’un Représentant spécial capable d’agir sur le terrain et notamment d’assurer la meilleure coordination des agences et organisations amenées à prêter assistance aux Haïtiens.

Soyez assurés que la France est déterminée à poursuivre ses efforts pour contribuer à la mobilisation de la communauté internationale pour Haïti.