Personne ne s’indigne qu’après le 11 septembre 2001 le président des États-Unis déclare vouloir Ben Laden « mort ou vif », que les troupes pakistanaises pourchassent depuis trois semaines Al-Zaouahri ou qu’après les attentats de l’été 1995 à Paris, la gendarmerie française tue Khaled Kelkal. Mais quand Israël élimine le chef d’une organisation terroriste ayant commis des centaines d’attentats, on juge l’acte « inacceptable, injustifié » et « contraire au droit international ». On juge les attentats de Madrid inacceptables, mais l’attentat d’Ashod, trois jours plus tard, n’est que l’expression excessive d’une lutte politique. Attention, si on considère qu’il y a de bons et de mauvais terroristes, qu’il y a terrorisme et terrorisme, c’est qu’il y a victimes et victimes.
Yassine voulait la fin d’Israël, mais il ne parlait pas d’Israël ou des Israéliens, il parlait des « juifs ». Celui qui désignait tous les juifs de la planète comme cible est aujourd’hui salué avec solennité par de nombreuses capitales. Yassine exaltait la mort, le suicide au service du meurtre. Les terroristes du Hamas ne meurent pas et ne tuent pas pour fonder une démocratie palestinienne, mais pour tuer des juifs israéliens, le reste leur est indifférent.
Si on ne regarde pas la guerre contre le Hamas comme la guerre contre Al Qaïda, je crains qu’on arrive à une hiérarchisation des victimes. Pourtant, si les juifs israéliens sont les premières cibles et les juifs de la diaspora les secondes, les troisièmes sont tous ceux qui préfèrent la liberté à la servitude. Le Hamas est allié à Al Qaïda dans une guerre de la barbarie contre toutes les civilisations. On est une cible si on est un civil et qu’on appartient au monde libre. C’est une guerre mondiale contre nous tous.

Source
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.

« Madrid-Ashdod, même combat » Libération, 26 mars 2004.