Certains Israéliens extrémistes opposés au plan de désengagement de la bande de Gaza et du nord de la Samarie appellent à la désobéissance et ce faisant risquent de créer une division grave dans la société israélienne. Cela amènera peut-être des Israéliens à devoir tirer sur d’autres Israéliens alors même que des illuminés appellent à l’assassinat d’Ariel Sharon. Sharon a pour sa part choisi de marquer une rupture avec sa politique d’antan et de prendre le risque d’affronter les durs de son parti. Cela comporte des risques, mais l’espoir réside dans le fait que la démocratie israélienne est solidement enracinée ; elle est consubstantielle à la renaissance de l’État.
Agitée à l’intérieur, la société israélienne est également harcelée de l’extérieur. Les extrémistes palestiniens intensifient leurs attaques à l’approche du départ israélien. Ils ont ainsi mené une attaque contre des Israéliens à Karni, point de contact entre Palestiniens et Israéliens, point par lequel arrivent nourriture, médicaments et matières premières destinés aux Palestiniens. C’est de là que partent les exportations palestiniennes, et c’est à Karni que viennent les Palestiniens cherchant un travail en Israël. Cette attaque va affecter la vie quotidienne des Palestiniens mais les extrémistes s’en moquent. Au contraire, développer la misère leur permet de recruter davantage et ils tentent de briser l’élan des négociations comme ils l’ont fait lors du processus d’Oslo. L’élection de Mahmoud Abbas est un problème pour les terroristes car il a été élu par les Palestiniens pour mettre fin au terrorisme envers les Israéliens où qu’ils se trouvent, reprendre la voie des négociations et améliorer leurs conditions de vie. Mahmoud Abbas doit rapidement se mettre au travail et pour cela, il doit affronter une partie de son peuple pour assurer un avenir au plus grand nombre.
Il va devoir soit convaincre les terroristes d’arrêter de combattre, soit les affronter par la force. Il n’y a pas de troisième voie. Pour l’instant, Abbas a choisi la négociation mais après l’attaque de Karni, Mahmoud Abbas a désormais pris l’initiative de déployer des policiers palestiniens le long de la bande de Gaza pour empêcher des attaques anti-israéliennes. Et on voit bien que "ça marche" : les civils retrouvent une vie là où le terrorisme a levé son emprise. Les terroristes protestent mais Abbas doit leur montrer que la seule force légitime est celle de l’Autorité palestinienne.
Le premier défi du président de l’Autorité palestinienne sera d’opposer une volonté farouche à ces extrémistes. Si la négociation échoue, il lui faudra du courage politique pour confisquer toutes les armes illégales, arrêter les terroristes et démanteler leurs infrastructures. La fin de l’incitation à la haine (dans les médias, les mosquées, les écoles) est une mesure qui peut être entreprise dès maintenant. Si le président élu ne peut exercer son pouvoir, ce sont les éléments extrémistes qui le feront tomber. La mort de Yasser Arafat a ouvert une fenêtre d’opportunité mais le pire aussi est possible. Les dirigeants palestiniens et israéliens font face à leurs extrêmes mais ils n’affrontent pas des situations tout à fait parallèles. Israël possède une culture démocratique qui lui permet d’opérer des changements de fond pour le bien de tous. Malgré la période critique et difficile qu’Israël aborde, les extrémistes ne pourront que suivre le mouvement avec, nous l’espérons, le moins de dégâts possibles.

Source
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.

« Panser le Proche-Orient », par Nissim Zvili, Libération, 7 février 2005.