Brian Michael Jenkins, l’un des deux meilleurs experts de la Rand Corporation en matière de terrorisme, relève dans le Los Angeles Times une convergence objective entre Oussama Ben Laden et la gauche anti-globalisation européenne. Ils mettent tous en cause les multinationales comme Halliburton et le lobby sioniste. Dans l’esprit de Jenkins, cela devrait discréditer à la fois les pacifistes et les anti-globalisation. On pourrait aussi se poser des questions sur l’identité de l’auteur des messages imputés à Oussama Ben Laden lequel, rappelons-le est censé être un fondamentaliste wahhabite.
James Schlessinger déclare dans le Wall Street Journal qu’un retrait précipité d’Irak serait un encouragement aux terroristes. Il préconise donc une série de mesures pérennisant la tutelle états-unienne sur ce pays. On observera que le raisonnement de l’ancien secrétaire à la Défense se fonde sur la confusion entre résistance intérieure et terrorisme international, un amalgame qui n’est pas sans rappeler celui qui justifiait de l’enlisement au Vietnam : se retirer aurait été, affirmait-on, un encouragement à la propagation du communisme.
Dans le même quotidien, que certains nomment parfois par dérision le War Street Journal, Francis Fukuyama, l’un des théoriciens de la guerre au terrorisme, souligne que la question principale n’est pas le transfert de souveraineté, mais les élections qui suivront. Ce qui revient à reconnaître que le problème n’est pas de se défausser du pouvoir en Irak -cela ne passionne personne-, mais de savoir à qui le remettre. Et sur ce point, Washington n’a absolument pas l’intention de respecter la volonté démocratique du peuple irakien.
Dans un long entretien à la chaîne de télévision émiratie EDTV, reproduit par Gulf News, Noam Chomsky apporte une bouffée d’esprit critique. Il s’interroge sur l’évolution du débat public aux Etats-Unis. On est passé de l’affirmation selon laquelle il fallait attaquer l’Irak pour la désarmer à celle selon laquelle on a eu raison de renverser Saddam Hussein pour libérer les Irakiens. Et l’on a éludé l’étape intermédiaire : à savoir la découverte des mensonges de Bush et Blair. Avec la même candeur, on passe de la défense de la démocratie dans le monde à la justification des assassinats ciblés en Israël ou à la stigmatisation de la démocratie turque qui refuse de se joindre à la Coalition. Il est plus que jamais évident, que les stratèges de Washington ne se préoccupent pas des dégâts qu’ils commettent, mais uniquement du contrôle des ressources de la planète.

Walter Russell Mead du Council on Foreign Relations se félicite dans le Los Angeles Times de la triomphale réélection du président Bouteflika. Selon lui, l’Algérie n’a jamais été aussi proche des États-Unis et aussi éloignée de la France. Les militaires qui dirigent le pays dans l’ombre du président entendent devenir des partenaires de l’OTAN. L’Algérie pourrait alors suivre la Turquie et entrer dans l’Union européenne. Si l’on comprend bien la satisfaction que procure le contrôle du gaz et du pétrole algérien, on s’étonnera de la croyance des États-Unis en leur capacité de manipuler les peuples au nom d’une démocratie qu’ils leur dénient : à propos de la Turquie comme de l’Algérie, l’auteur confond l’opinion d’un cabinet militaire noir et celle d’une population ; de même il croit que c’est Washington qui détermine les adhésions à l’Union européenne.

Uri Dromi, qui fut porte-parole de plusieurs gouvernements israéliens, assure dans le Guardian que, compte tenu de son image inflexible, le général Ariel Sharon est le seul à pouvoir faire des concessions aux Palestiniens sans apparaître faible. Il pourrait résoudre le conflit palestinien comme De Gaulle sut imposer une sortie d’Algérie. Cependant, le raisonnement de l’auteur se fonde sur une série d’assertions qui font consensus en Israël bien que très éloignées de la réalité. Arafat est représenté, à tort, comme le responsable de l’échec du processus d’Oslo ; et l’initiative Barak est à nouveau présentée comme une proposition généreuse. C’est précisément sur la base de ces assertions qu’Ariel Sharon a pu prétendre qu’il n’y avait plus d’interlocuteurs pour la paix et qu’il a été élu comme dernier recours. Dès lors, on voit mal comment il pourrait imposer une nouvelle stratégie sans remettre en cause son propre discours et la légitimité de son élection.
L’historien Avner Cohen relève dans Ha’aretz un autre sujet de mensonge en Israël : le tabou nucléaire. C’est pour maintenir un secret qui n’en est plus un que Mordechai Vanunu a été incarcéré dix-huit ans et se trouve encore privé de bien des droits. Il faudrait repenser le Traité de non-prolifération nucléaire en prenant en compte une situation de fait : Israël, l’Inde et le Pakistan sont des puissances nucléaires et doivent en assumer, eux aussi, toutes les responsabilités.

Enfin, trois libertariens français, Françoise Hostalier, Laurent Muller et William Navarete, appellent les lecteurs du Figaro à manifester contre le régime cubain. Ils dénoncent la répression politique sans crainte des outrances : ainsi, ils affirment que les deux millions d’exilés économiques fuient la dictature. Cet amalgame résume d’ailleurs à lui seul le problème : on pourrait renverser l’argument et dire que ces deux millions de Cubains ont fui les conséquences économiques de l’embargo états-unien. Quoi qu’il en soit, la manifestation parisienne prend place dans une campagne internationale qui a commencé il y a deux ans. On dénonçait alors à l’avance un procès qui allait s’ouvrir contre des opposants. Mais, dès le début des audiences, des dissidents, dont certains étaient parrainés par des ONG anti-castristes, révélaient être des agents infiltrés dans la police cubaine. Ils produisaient alors de nombreux documents attestant les salaires qui leur étaient versés, à eux et à leurs amis, directement ou indirectement par la CIA. La campagne de presse fut immédiatement suspendue en Europe. Elle reprend aujourd’hui, alors que la Maison-Blanche a planifié une possible déstabilisation de Cuba en août.