Michel Barnier : Monsieur le Secrétaire général, d’abord mes premiers mots seront pour vous remercier très chaleureusement de la qualité de votre accueil, ainsi que toute l’équipe qui vous entoure. J’ai été naturellement heureux de conclure cette visite officielle en Egypte en rendant visite au Secrétaire général de la Ligue arabe dont chacun connaît la lucidité et l’expérience.

Mon deuxième point est pour dire que, devant les grands défis que nous avons évoqués durant notre entretien, et ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons, qu’il s’agisse du conflit qui est au cœur de toutes les instabilités, je parle du conflit israélo-palestinien, du conflit irakien et d’autres défis comme ceux de la réforme, il y a une réelle nécessité d’unité pour les grands ensembles régionaux. Le monde arabe s’organise, l’Union européenne poursuit son organisation institutionnelle et politique et je suis, de ce point de vue-là, très sensible au fait que vous ayez pris le soin de mettre ce drapeau de l’Union européenne aux côtés du drapeau de mon pays.

J’ai parlé de l’unité de ces grands ensembles régionaux, chacun pour lui-même, mais aussi du dialogue qui doit exister entre eux ou se renforcer entre eux, pour agir face à ces problèmes, ces crises ou ces défis et c’est aussi pourquoi je vais maintenant m’attacher, avec mes collègues européens, à la relance du processus de Barcelone, qui doit retrouver un rythme plus soutenu.

Nous avons parlé avec Amr Moussa de ces grands défis, de ces grandes crises : naturellement de l’Irak, - avec le début d’un processus politique et la nouvelle souveraineté du gouvernement de Bagdad, le défi de la réforme pour le monde arabe, et j’ai remercié le Secrétaire général de la Ligue arabe pour la part qu’il a prise à cette déclaration extrêmement importante qui est celle de Tunis, les ambitions que le Secrétaire général, lui-même, a affirmées pour la Ligue arabe - et enfin naturellement ce conflit majeur dont il faut sortir entre Israéliens et Palestiniens. Nous avons cet objectif de deux Etats vivants côte à côte, nous avons une Feuille de route, nous avons une méthode avec le Quartet et je veux dire l’ambition qui est la nôtre : que l’Union européenne soit, dans ce Quartet, comme un aiguillon pour agir et avancer.

Juste un dernier point, j’étais très soucieux d’avoir ce contact amical et politique avec M. Amr Moussa parce que nous savons le rôle de la Ligue arabe qui est une sorte de catalyseur des inquiétudes d’un côté, et des espoirs de l’autre, espoirs d’un monde arabe qui est tourmenté. Et je veux dire le souci qu’a la France, le gouvernement français, le président de la République, d’un dialogue permanent entre notre pays et le monde arabe à travers la Ligue arabe qu’anime avec beaucoup de ténacité M. Amr Moussa.

Question : Monsieur le Ministre, je voudrais vous demander quel est votre avis concernant l’initiative égyptienne dans le cadre du soutien à la sécurité dans la bande de Gaza, comment est-ce que l’Union européenne soutient ces efforts et comment soutenez-vous les efforts de l’Egypte ?

Michel Barnier : Cela était un des points importants de mes entretiens aujourd’hui notamment avec le ministre des Affaires étrangères d’Egypte. L’Egypte est l’un des premiers pays à avoir établi la paix avec Israël, de même que la Jordanie. Voilà pourquoi j’ai voulu commencer ma première visite officielle au Proche-Orient ici et demain à Amman. S’agissant de l’Egypte, ce pays a la capacité de dialoguer depuis longtemps avec Israéliens et Palestiniens et, naturellement, de provoquer et d’encourager un dialogue entre les deux. Nous avons besoin de ce dialogue et sans doute probablement d’un pays comme l’Egypte et d’autres aussi pour réussir la première étape, qui a été promise par M. Sharon, du retrait de Gaza. Une des conditions du succès de ce retrait, et nous savons que ce sera difficile et progressif, c’est en effet cette question de la sécurité et la réorganisation des services de sécurité de l’Autorité palestinienne, une des questions dont je m’entretiendrai d’ailleurs la semaine prochaine avec le président Arafat, que je vais aller voir à Ramallah. Les éléments d’une assistance européenne, peut-être dans le cadre du Quartet qui va bientôt rencontrer le gouvernement égyptien, ont donc été communiqués à Javier Solana. Je n’ai pas qualité à parler au nom de l’Union européenne, c’est le rôle de Javier Solana, mais je peux dire notre disponibilité, celle de la France et d’autres pays que je connais, à participer à ce défi de la sécurité, qu’il s’agisse de formation, de matériels, pour que cette condition soit remplie, mais il y en a d’autres aussi, pour réussir le retrait de Gaza.

On a entendu dire ce matin que la France était prête à participer aux troupes internationales à Gaza après le retrait israélien, est-ce vrai ou pas ?

Michel Barnier : Non, je ne sais pas où vous avez entendu dire cela. Les Européens, les Français ont toujours imaginé que pour réussir cette partie-là de la Feuille de route, cette étape, il faudrait d’une manière ou d’une autre un ensemble de garanties et probablement une présence internationale et j’ai simplement indiqué à ce stade, sans aller plus loin, la disponibilité de mon pays et, je le sais, d’autres pays européens, à participer le moment venu à cette présence internationale.

Monsieur le Ministre, y a-t-il aujourd’hui une conformité de vues entre la France et de la Ligue arabe concernant l’Irak et, pour ce qui est des mesures pour la réforme, à votre avis, sont-elles réalisables ?

Michel Barnier : Ma réponse est oui aux deux questions.

Monsieur le Ministre, il existe dans le monde arabe des doutes concernant le retrait israélien de Gaza. On dit dans le monde arabe, et on le pense, que cela ne serait pas inscrit dans le cadre de la Feuille de route. Je voudrais savoir : est-ce que la France a les mêmes doutes à ce sujet étant donné les agissements continus de la part du gouvernement israélien ?

Michel Barnier : Il faut sortir de cette spirale de violence, de sang, de terreur qui touche indistinctement les enfants de Palestine et les enfants d’Israël. Il faut sortir de cela. Et si l’on veut en sortir, on peut avoir ici ou là des doutes, des ressentiments, des craintes mais il faut aussi regarder devant soi. Le Premier ministre d’Israël a fait une promesse et pris un engagement : celui de se retirer de Gaza, faisons en sorte que cette promesse soit tenue et que cet engagement soit respecté. Cela ne sera pas facile. Mais il faut réussir ce que nous considérons, nous Européens, comme une étape. Ce n’est pas le retrait de Gaza pour solde de tout compte, mais c’est une étape utile qui fait partie de l’ensemble des engagements qui ont été pris dans le cadre de la Feuille de route et confirmés par le Quartet notamment. Et notre état d’esprit en tant qu’Européens, je l’ai dit, est d’aiguillonner le Quartet, de nous remettre sur la route, de prendre des initiatives pour que ce processus avance et maintenant, parce que le temps presse, de réussir cette première étape. Et donc nous voulons contribuer à sa réussite./.

Source : ministère français des Affaires étrangères