Le président Yasser Arafat fait partie de l’Histoire, cela ne signifie pas qu’il est un homme du passé car ses efforts inlassables depuis 1949 sont l’espoir du peuple palestinien. Si un État palestinien est aujourd’hui plus que jamais possible, c’est tout simplement grâce à Arafat.
Pour le monde, son visage restera celui des Palestiniens et son image est gravée dans nos esprits et dans notre imaginaire collectif comme celle d’un combattant infatigable dont la seule raison d’être a été le dévouement à sa cause. La ferveur que son peuple lui a témoignée à des moments difficiles et décisifs de son parcours est la meilleure garante de la légitimité de sa cause.
J’ai bien connu Arafat, c’était un homme chaleureux et un ami de l’Espagne, une amitié réciproque récompensé en 1994 par l’attribution du prix Prince-des-Asturies pour la coopération internationale au Président Arafat et au Premier ministre Rabin. Lors de son discours de remerciement, le raïs faisait affectueusement référence à Sa Majesté le roi Juan Carlos en l’appelant « le roi de Jérusalem ». Itzak Rabin et lui, qui ont également reçu le Prix Nobel de la Paix, ont signé à Oslo l’accord qui établissait les fondements de la paix, la paix des braves si souvent évoquée par Arafat. C’est à la Conférence de paix de Madrid, en 1991, que la première avancée importante vers cette paix avait été accomplie, prenant à témoin la communauté internationale. Rabin et Arafat ont fait naître un espoir que beaucoup encore contestent malheureusement. Arafat a été un grand leader pour son peuple, qui l’a élu président par la voie démocratique. La légitimité de son action a donc eu un soutien populaire confirmé par une élection démocratique.
Arafat a survécu à un grand nombre d’épreuves et la dernière était la blessure douloureuse de l’incompréhension et même de l’isolement. Cela ne l’a pas empêché de continuer à lutter pour défendre son peuple, en engageant des négociations et en cherchant de nouvelles voies pour la paix. Tel est, en somme, le legs d’Arafat : négocier pour parvenir à la paix. Il n’a cependant pas connu que des succès : il n’a pas pu ou n’a pas voulu cesser d’être un leader révolutionnaire pour atteindre le niveau et la solidité institutionnelle d’un authentique chef d’État. On pourrait également lui reprocher son manque de fermeté à l’égard de certaines personnes de son entourage.
L’héritage d’Arafat nous impose de regarder vers l’avenir. Arafat avait l’espoir que les exilés qui emportèrent avec eux les clés de leur maison et ceux qui restèrent en terre palestinienne obtiendraient un jour, en récompense de leur sacrifice, le retour au foyer et la liberté. La postérité devra le juger avec intelligence et honnêteté. Arafat a été un homme d’action, de vision et de courage politique. Qu’il repose en paix et que le peuple palestinien lui rende honneur en se forgeant, à partir de son unité comme nation, un avenir comme État indépendant dans le respect mutuel, le bon voisinage, la coexistence pacifique et la coopération avec Israël.

Source
The Independent (Royaume-Uni)
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Hommage au père de la cause palestinienne », par Miguel Angel Moratinos, Le Figaro, 12 novembre 2004.
« Arafat’s legacy is negotiation as the path to peace », The Independent, 13 novembre 2004.