Du siège de l’ONU à New York, on entend parler des conflits d’intérêt irréconciliables de M. Benon Sevan qui était chargé du programme pendant une période. Il semblerait quand même que, depuis que ce programme est en place, il y a eu des détournements comme vous l’avez signalé. Il y a eu des délits.

Le porte-parole : "J’ai indiqué que le rapport évoquait des présomptions de comportement délictueux. "

Il faut sortir un peu du langage diplomatique car y a quand même eu des délits. Est-ce que vous êtes favorable à la poursuite des gens qui ont commis des délits à l’intérieur de ce programme ?

" Je vous l’ai dit, il y a des présomptions, d’après ce rapport qui est un rapport d’étape. Tout cela demande à être confirmé, il faut être prudent, il s’agit quand même de la réputation de personnes. Ne sautons pas aux conclusions. "

En dehors de ce Monsieur qui a été mis en question nommément, il y a eu depuis des années, on parle de détournements de surtaxes sur le pétrole, de commissions payées des sociétés. Il y a beaucoup de bruit autour de ce programme depuis des années et des années. Est-ce qu’il n’est pas maintenant temps de mettre une enquête sérieuse sur cette affaire avec Volcker ? Et aussi est-ce que vous êtes favorable à poursuivre les gens qui ont commis les délits ?

" Je ne vous ai pas dit autre chose, il s’agit d’un rapport d’étape et non pas du rapport définitif. Donc, attendons le rapport définitif. Je vous ai dit que nous faisions confiance aux Nations Unies pour tirer les conséquences appropriées de ce rapport d’étape et le moment venu du rapport définitif. Je vous ai dit également que à côté de ce programme " pétrole contre nourriture " il y a eu toutes sortes d’autres détournements, et qu’en fait, " Oil for Food ", c’était une petite partie finalement de tout ce que par ailleurs le régime de Saddam Hussein a pu détourner pendant toutes ces années de l’embargo au moyen de contrebande, de divers moyens, diverses procédures ou non procédures. A ce stade je n’ai pas grand chose de plus à vous dire sur ce sujet. "

J’aimerais bien savoir lorsque vous dites que c’est seulement une partie minoritaire, ça veut dire quelles sont les autres parties majoritaires ?

" Je viens de le dire, notamment la contrebande. La contrebande, y compris pétrolière, c’est à dire les cargaisons de pétrole qui sortaient du Chatt el-Arab et vous vous souvenez que pendant toutes ces années là , il y avait un dispositif maritime pour contrôler la navigation dans cette région."

inaudible

" Dans toute cette région du fond du Golfe, n’est-ce pas . Je ne sais plus comment s’appelait le dispositif naval, mais il a fonctionné et on a constaté pas mal de choses à l’époque. "

Ma deuxième question porte sur la phrase : " La France a toujours assumé ses responsabilités et ses obligations ". Est-ce que je comprends par là que vous niez toute implication de citoyens français dans ces détournements de fonds ?

" Ce que je veux vous dire par là, c’est que la France a assumé tout son rôle dans le cadre du Comité 661, qui était le Comité chargé de gérer ce régime à l’époque. Que nous avons fait tout ce que nous avions dû faire et que nous avons par ailleurs joué, je vous l’ai dit également, la complète transparence vis à vis de M. Volcker et de ses enquêteurs. "

Dans la mesure où " pétrole contre nourriture " était fait pour financer entre autres des médicaments pour les enfants et on entend des chiffres les plus disparates sur le nombre d’enfants qui seraient morts du fait de ne pas avoir eu de médicaments. Cela va de quelques centaines de milliers à deux millions ou de personnes en général. Est-ce que la France a des chiffres, une attitude là dessus et je me demande aussi si ces détournements ont nui à ces personnes jusqu’à leur causer la mort ?

" A l’époque, l’UNICEF et les ONG avaient fait des rapports, effectivement, sur les chiffres de mortalité infantile qui étaient incontestablement en hausse. Maintenant je n’ai pas en mémoire les chiffres. On doit pouvoir les retrouver par l’UNICEF.
Quant à dire comment tout cela était lié, le lien de causalité entre l’embargo, et la manière dont le programme a été géré, c’est difficile. N’oubliez pas quand même que l’esprit même du programme " Oil for Food " c’était précisément de permettre de faire passer en Irak, en échange du pétrole dont l’exportation était autorisée , de faire passer des produits alimentaires, des produits médicaux, des biens humanitaires. Précisément pour venir en aide à toutes les populations qui souffraient de la situation qui prévalait à l’époque."

Vous avez dit que " Oil for Food " c’était juste une toute petite partie. Est-ce que vous pouvez chiffrer ? Est-ce que c’est 30pour cent par exemple de tous les détournements ?

" C’est difficile à dire, je ne me hasarderais pas à donner des chiffres. Je pense que le rapport définitif mettra tout cela en perspective. "

A partir de quel moment les pays occidentaux savaient qu’il y avait tous ces détournements de la part de Saddam Hussein, des contrebandes, des commissions ? Et pourquoi cela n’a pas été dénoncé avant, parce qu’on attendait le rapport de Volcker avant de sortir qu’il y avait d’autres choses qui se passaient en Irak en dehors des problème du programme " pétrole contre nourriture " ?

" Je crois que les efforts de contrebande du régime de Saddam Hussein étaient parfaitement connus ., on n’en mesurait peut être pas l’importance . "

Il y a un montant annuel ?

" Non. Je ne m’y hasarderai pas. "

3 milliards de dollars ?

" Mais cela portait certainement sur des sommes très substantielles. "

D’après vous, M. Volcker va se rendre en France incessamment pour les rapports suivants et est-ce que vous avez une date ?

" Il faut lui poser la question. Je n’ai pas connaissance de la venue prochaine de M. Volcker. Vous savez que nous l’avions reçu l’an dernier, c’était eoctobre. Il est toujours le bienvenu s’il souhaite se rendre en France. Il sera reçu évidemment. Mais je n’ai pas connaissance d’un projet précis de sa part. "

Et vous auriez une date pour le deuxième rapport qu’il va présenter ?

" Non. Je ne sais pas qu’elle est l’échéance. "

Où en est la réaction française au rapport Dulffer ?

" Vous parlez de ce rapport du mois d’octobre ? C’est un rapport qui avait été publié sur le site de la CIA et qui allait très au-delà, en fait, de son mandat initial. "

Qui donnait une liste de personnes sauf des personnes américaines ?

" Nous y avons répondu largement en son temps, en soulignant précisément qu’il énumérait toute une série de personnes physiques ou morales mais aucune personne physique ou morale américaine, qu’il n’avait été l’objet d’aucune procédure de nature contradictoire, c’est-à-dire que jamais les intéressés n’avaient été mis en mesure de réagir ou simplement informés de ce qu’ils y figuraient et nous avions surtout mis vraiment en perspective de tout ce que disait M. Dulffer, notamment le fait que les chiffres publiés en matière de contrats signés par l’Irak, avec l’Irak, étaient à prendre avec un gros grain de sel, puisque notamment figurait dans la liste des soi-disants contrats français, un très gros volume de contrats qui étaient en réalité des contrats de sociétés américaines opérant à travers leur filiale française. Tout cela à l’époque nous l’avons dit, nous l’avions expliqué et la réalité commerciale c’était que tout au long du programme la part française de ces contrats n’a cessé de se réduire au point de ne plus représenter que 2 pour cent des affaires conclues au cours de l’année 2002. Donc, il y avait beaucoup de choses à dire, on l’a dit. On n’a pas matière à y revenir. "

Les affaires irakiennes, c’est quoi ?

" 2 pour cent de tous les contrats signés par les entreprises étrangères avec l’Irak dans le cadre de ce programme. "

Dans le cas où des intérêts français seraient concernés, soit des personnes, soit des sociétés, par le rapport Volcker, est-ce que la France laissera la justice internationale s’en charger ou est-ce que la France pourrait se saisir elle-même ?

" Je ne crois pas que le rapport Volcker, rapport d’étape encore une fois, pointe du doigt particulièrement vers les ressortissants français ou des entreprises françaises. Ce n’est pas une procédure juridictionnelle et personne n’est mise en cause, que je sache, pour des violations délibérées d’une loi ou d’une réglementation quelconque. Donc la question ne se pose pas du tout en ces termes. "

Source : Ministère français des Affaires étrangères