Pendant des siècles, mon pays a connu la dictature. Aujourd’hui, la population peut prendre la parole et en plus le gouvernement l’encourage à le faire. C’est une grande satisfaction pour moi. Les jeunes sont déçus car leurs attentes ne sont pas satisfaites sur le court terme. Pour moi, la démocratie est un processus lent et j’espère que la société finira par atteindre une plus grande maturité qui lui permettra de réaliser ses objectifs sans avoir recours à la violence. Je pense toujours qu’il est possible de concilier démocratie et islam, à condition de ne pas avoir une vision étroite de la religion et d’accepter l’adaptation de la démocratie aux différentes cultures. Si l’on considère que l’islam peut accepter un pouvoir terrestre, responsable face à la population et que la population peut changer si elle le veut, alors l’islam est compatible avec la démocratie. Il y a eu des intellectuels et des weblogueurs arrêtés en Iran, mais cela n’est pas à mettre sur le compte de la religion ; il s’agit de la façon dont certains responsables gèrent les affaires de l’État. En outre, certains ont vraiment commis des délits, même si je suis personnellement contre ces emprisonnements. Enfin, il faut se souvenir que l’Iran a fait sa révolution il y a peu et que cela va prendre du temps pour que notre pays devienne une démocratie. J’aurais souhaité aller plus loin, mais si l’on compare à beaucoup de pays du tiers monde on constate le chemin parcouru. Quand je quitterai la présidence, je pense que je continuerai l’action politique dans le cadre d’une ONG.
Sur le dossier nucléaire, nous sommes heureux que les forces qui voulaient instrumentaliser ce dossier, pour mettre la pression sur l’Iran devant le Conseil de sécurité, soient isolées. L’accord avec les Européens peut se résumer à ceci : d’un côté, l’Iran donne une garantie objective, selon laquelle ses activités nucléaires ne se dirigent pas vers l’armement nucléaire ; de l’autre, l’Europe offre une garantie ferme qu’elle assurera la sécurité et le développement de l’Iran. Et, en échange de ces conditions, l’Iran suspend provisoirement ses activités nucléaires. C’est ce que nous avons fait. Il faut toutefois que les Européens admettent que l’Iran a le droit, en vertu des traités internationaux, de posséder un programme nucléaire civil. Aujourd’hui, nous ne discutons pas avec les États-Unis, nos seuls interlocuteurs sont les Européens et l’AIEA. Les néo-conservateurs états-uniens ont compliqué la situation avec l’Iran, mais aussi dans bien des pays où leur action n’a fait que renforcer l’extrémisme qu’elle prétendait combattre. Les frappes contre nous nous paraissent peu probables mais nous nous y préparons.
En Irak, les chiites, pourtant majoritaires, ont été victimes de répressions pendant plus d’un siècle. Toutefois, compte tenu des réalités irakiennes, nous pensons que le meilleur système pour eux dans ce pays est un État national et démocratique, dans le vrai sens du terme. Un État qui soit capable de représenter toutes les ethnies. Le meilleur gouvernement pour l’Irak est un gouvernement démocratique, respectueux de l’islam, mais aussi des autres religions.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Renoncer au nucléaire pacifique serait inacceptable », par Mohammad Khatami, Le Figaro, 5 avril 2005. Ce texte est adapté d’une interview.