Les militaires sont astreints à une obligation de réserve. Nous sommes de ceux qui considèrent cette situation comme préjudiciable à l’intérêt général en ce qu’elle entrave le débat et sclérose les Armées. Mais tant que cette obligation existe, elle doit s’appliquer à tous.

Or, un document de plusieurs pages circule illégalement, depuis la fin août, dans les casernes de gendarmerie sans qu’il soit possible d’y répondre. Intitulé " Activités du Réseau Voltaire contre la Gendarmerie Nationale : Conséquences ", il a d’abord été diffusé à l’initiative du lieutenant-colonel (CR) Gérard Hirel, président du CODEN (Comité de défense de l’Europe des nations), à divers commandants de groupements de Gendarmerie et à diverses brigades, puis au sein même des unités. On peut y lire " Le Réseau Voltaire est devenu en six ans un des principaux lobbies de défense de toutes les déviances et le fer de lance de l’anti-France (...) Le Réseau Voltaire s’en prend actuellement à l’un des derniers piliers de la nation jusqu’alors épargné, la Gendarmerie. Au-delà de la défense de cette dernière, il me semble urgent et vital pour la France de détruire le Réseau lui-même ".

Ce document comprend diverses allusions ténébreuses, met en cause le préfet du Finistère, Jean-Marc Rebière (muté un mois plus tard, cf. RV 00/0348) et insinue que nous aurions joué un rôle dans l’arrestation d’un colonel en Corse et dans la mise en accusation de son unité.

Le ministère de la Défense, que nous avons saisi, n’a pas été en mesure de faire cesser ces agissements. Pire, d’autres documents circulent actuellement, dans les mêmes circuits, cette fois pour mettre en cause la loyauté du ministre, Alain Richard. Dans les Armées, les Républicains sont donc toujours astreints au devoir de réserve, tandis que l’extrême droite jouit de la liberté d’expression.

Pour notre part, nous constatons que le lieutenant-colonel (CR) Gérard Hirel n’est pas seulement le président de l’association CODEN, il dirige aussi le Département Protection Assistance (DPA), version mégretiste du DPS. Nous rappelons que nous avons dénoncé devant la Commission d’enquête parlementaire sur le DPS les liens entre le pseudo service-d’ordre lepéniste et la Direction de la protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD), et l’utilisation des nervis de l’extrême droite comme mercenaires dans des opérations non revendiquées en Afrique. Nous nous réjouissons qu’en juillet Alain Richard ait mis fin au commandement du général Ascenci et ait désigné un nouveau directeur de la DPSD.

Nous avions constaté la continuité entre le SAC de Jacques Foccart et le DPS de François de Grossouvre. Nous nous interrogeons sur la persistance, au sein de l’appareil d’Etat, d’un dispositif incompatible avec les institutions républicaines.

Thierry Meyssan