N° 2593

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 septembre 2000.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n°2567), PRÉSENTÉE PAR Mme Danielle BOUSQUET ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, sur la contraception d’urgence,

PAR Mme Marie-Françoise CLERGEAU, Députée.

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(1) La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Martine Lignières-Cassou, présidente ; Mmes Muguette Jacquaint, Chantal Robin-Rodrigo, Yvette Roudy, Marie-Jo Zimermann, vice-présidentes ; Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Michel

Herbillon, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mmes Nicole Ameline, Roselyne Bachelot-Narquin, M. Patrick Bloche, Mme Danielle Bousquet, M. Philippe Briand, Mmes Nicole Bricq, Odette Casanova, Nicole Catala, MM. Richard Cazenave, Henry Chabert, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Jean-Pierre Defontaine, Patrick Delnatte, Jean-Claude Etienne, Jacques Floch, Claude Goasguen, Patrick Herr, Mmes Anne-Marie Idrac, Conchita Lacuey, Jacqueline Lazard, Raymonde Le Texier, MM. Patrick Malavieille, Patrice Martin-Lalande, Mmes Hélène Mignon, Catherine Picard, MM. Bernard Roman, André Vallini, Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION

I.- LES AVANTAGES DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE

1. L’AVANCÉE DES MÉTHODES CONTRACEPTIVES

2. POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES GROSSESSES ADOLESCENTES

II - L’INTRODUCTION RÉCENTE DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE EN FRANCE

1. L’AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ ET LA VENTE LIBRE EN PHARMACIE DU NORLÉVO

2. LE PROTOCOLE NATIONAL SUR L’ORGANISATION DES SOINS ET DES URGENCES DANS LES ÉCOLES ET LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS LOCAUX D’ENSEIGNEMENT (EPLE)

3. LE RÔLE DÉJÀ RECONNU AUX INFIRMIÈRES SCOLAIRES EN MATIÈRE D’URGENCE

III - UN BILAN POSITIF DE L’APPLICATION DU PROTOCOLE

1. PREMIERS RÉSULTATS

2. DES INFIRMIÈRES RESPONSABLES, MAIS TROP PEU NOMBREUSES

3. LA BAISSE DU PRIX DU NORLÉVO

IV - VERS UNE RÉVISION DE LA LOI NEUWIRTH

1. LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT DU 30 JUIN 2000

2. LA PROPOSITION DE LOI SUR LA CONTRACEPTION D’URGENCE

3. L’EXAMEN DU TEXTE PAR LA DÉLÉGATION

LES RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

MESDAMES, MESSIEURS,

La circulaire du 19 décembre 1999 sur l’organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics prise par Mme Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire, a constitué un grand pas en avant dans la prévention des interruptions de grossesse chez les adolescentes.

La circulaire reconnaissait aux infirmières scolaires la possibilité dans certaines conditions bien précises de délivrer aux adolescentes la contraception d’urgence, en l’occurrence le Norlévo, en cas d’urgence et de détresse, et à titre exceptionnel.

La ministre s’appuyait sur la mise en vente libre de la contraception d’urgence en pharmacie sans prescription médicale depuis le 1er juin 1999 et sur le rôle d’intervention déjà reconnu aux infirmières scolaires dans les situations d’urgence.

L’annulation par le Conseil d’Etat, le 30 juin 2000, des dispositions de la circulaire concernant précisément la distribution de la pilule du lendemain par les infirmières scolaires, comme contraires à la loi Neuwirth, contraint aujourd’hui le Parlement à légiférer le plus rapidement possible, afin d’autoriser la vente libre des médicaments ayant pour but la contraception d’urgence et en permettre à nouveau, dans les meilleurs délais, la délivrance dans les établissements scolaires.

I - LES AVANTAGES DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE

1. L’AVANCÉE DES MÉTHODES CONTRACEPTIVES

Depuis l’adoption de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances, les méthodes contraceptives, dont la principale est la pilule, largement utilisée en France, ont fait des progrès considérables dans le sens d’une plus grande efficacité et d’une meilleure tolérance.

L’introduction récente en France d’une nouvelle méthode dite de "contraception d’urgence", mise au point il y a déjà longtemps par un gynécologue canadien, apporte de profonds changements en matière de prévention de grossesses non désirées et de risques d’avortement.

Les avantages de cette méthode de contraception ont été exposés par le Docteur André Ulmann, lors du colloque organisé le 30 mai dernier par la Délégation aux droits des femmes (1). Il s’agit d’une méthode de secours qui consiste à administrer de fortes doses de progestatifs ou d’_strogènes, substances constitutives des pilules contraceptives classiques. En aucun cas, il ne s’agit d’un produit abortif, la contraception d’urgence ne permettant pas une interruption de grossesse si celle-ci est déjà commencée.

L’accès le plus rapide possible à la contraception d’urgence est une garantie de succès. Plus vite on a accès à la contraception d’urgence (de 0 à 72 heures), plus elle est efficace.

2. POUR UNE MEILLEURE PRÉVENTION DES GROSSESSES ADOLESCENTES

Des chiffres récents tirés d’une étude des services statistiques du ministère de l’Emploi et de la solidarité apportent un éclairage nouveau sur le recours à l’IVG, que l’on estimait en baisse. On enregistre au contraire une hausse de 6 % des IVG pratiquées en France dans les hôpitaux publics et privés entre 1990 et 1998 (de 202.000 à 214.000). Si le recours à l’IVG demeure stable chez les femmes de plus de 25 ans, on constate par contre une hausse du taux d’IVG chez les femmes de 20 à 24 ans, et une plus forte progression encore chez les adolescentes de 18-19 ans. En ce qui concerne les mineures, le taux s’établit à 7 pour mille en 1997 (contre 6/1000 en 1990).

Chaque année, sur 10.000 grossesses chez les adolescentes, 6.700 se terminent par une IVG.

Comme l’a rappelé M. Lucien Neuwirth devant la Délégation, "la pire chose qui puisse arriver à une jeune fille est de débuter dans la vie avec une interruption volontaire de grossesse. Il faut tout faire pour éviter cela".

Les raisons de ces grossesses sont multiples. En premier lieu, les jeunes ont peu de connaissances sur les moyens de se prémunir et sont à la recherche de méthodes "naturelles", car, pensent-ils, la contraception orale fait grossir, rend stérile ou donne le cancer. Aussi, de nombreux rapports sont peu ou mal protégés, qu’il s’agisse d’une mauvaise utilisation ou d’un oubli de contraception, de croyances erronées sur la fécondité en cours de cycle, et surtout chez les jeunes, de l’enthousiasme et des élans du c_ur...

La contraception d’urgence peut donc venir en aide aux femmes qui ont pris des risques et qui n’ont pas nécessairement une contraception régulière : les jeunes filles mineures sont particulièrement concernées. Elle permet d’éviter sept à neuf grossesses sur dix, après un rapport non protégé, et devrait contribuer à diminuer le nombre de grossesses non désirées et d’interruptions volontaires de grossesses chez les adolescentes.

II - L’INTRODUCTION RÉCENTE DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE EN France

Les responsables de la Santé et de l’Education nationale ont eu le souci d’apporter une réponse concrète et rapide à la détresse des femmes, et particulièrement des mineures, confrontées à ce risque d’une grossesse non désirée, en favorisant l’accès à la contraception d’urgence :

 par l’autorisation de mise sur le marché et de la vente libre en pharmacie du Norlévo,

— par la mise en oeuvre du protocole sur les soins d’urgence dans les établissements scolaires.

1) L’AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ ET LA VENTE LIBRE EN PHARMACIE DU NORLÉVO

Il existe actuellement deux produits disponibles pour la contraception d’urgence. L’un, qui est une association d’_strogènes et de progestatifs (le "Tetragynon"), présente des contre-indications médicales et ne peut être prescrit que par un médecin. L’autre ne contient que des progestatifs (le "Norlévo") et, de ce fait, n’a pas de contre-indications médicales.

C’est en se fondant sur la directive européenne du 31 mars 1992 permettant la délivrance sans prescription médicale de médicaments ne comportant pas de contre-indication médicale, qu’a été pris l’arrêté du 27 mai 1999, par M. Bernard Kouchner, alors Secrétaire d’Etat à la santé et à l’action sociale. Ce texte autorise la vente libre en pharmacie de la spécialité "Norlévo" produite par les laboratoires HRA Pharma, après autorisation de mise sur le marché.

L’arrêté, entouré des précautions nécessaires, a été pris sur proposition du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, après avis de l’Académie nationale de pharmacie et avis de la commission compétente siégeant auprès de l’agence.

Il s’agit d’un événement important dans l’histoire de la contraception hormonale, comme l’a souligné le Docteur Aubény, présidente de l’Association pour la contraception, lors du colloque du 30 mai dernier, car il permet aux femmes d’accéder directement, et sans intermédiaire médical, à une contraception hormonale.

L’accès en pharmacie est un grand avantage, les pharmacies étant présentes sur tout le territoire et les pharmaciens, professionnels de santé, pouvant donner les explications et conseils nécessaires.

Il faut souligner le caractère très novateur de cette décision. Jusqu’à présent, comme l’a rappelé devant la Délégation Mme Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire, la France est le seul pays à avoir autorisé la vente libre de la pilule d’urgence. La ministre ajoutait que, compte tenu du précédent créé par la France, d’autres pays européens préparaient à leur tour une autorisation de mise sur le marché.

Les détracteurs de l’utilisation de ces produits sans prescription médicale n’ont pas manqué de se faire entendre, avançant l’argument que, si l’on met à la disposition des femmes la contraception d’urgence, elles utiliseront moins la contraception régulière ou même "elles feront n’importe quoi..." Ces arguments renvoient à un vieux manque de confiance accordé aux femmes et au préjugé de l’irresponsabilité des femmes, comme l’ont souligné plusieurs orateurs, lors du colloque sur "Contraception et IVG".

2) LE PROTOCOLE NATIONAL SUR L’ORGANISATION DES SOINS ET DES URGENCES DANS LES ÉCOLES ET LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS LOCAUX D’ENSEIGNEMENT (EPLE)

Dès l’année dernière, le gouvernement, conscient des problèmes posés par l’insuffisance de l’information en matière de contraception auprès des jeunes et par un nombre encore trop important de grossesses adolescentes, prenait deux initiatives particulièrement innovantes :

 le lancement, en janvier de cette année, d’une vaste campagne d’information sur la contraception par Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, en janvier de cette année,

 la décision, prise par Mme Ségolène Royal par une circulaire du 29 décembre 1999, d’autoriser les infirmières scolaires à distribuer la pilule du lendemain dans les EPLE.

Ce texte, qui vise à clarifier les modalités d’organisation des soins et des urgences dans les lycées et collèges, a fait l’objet du protocole national publié le 6 janvier 2000.

La "fiche infirmière" du protocole consacrée à la contraception d’urgence prévoit avec précision le mode d’intervention de l’infirmière, qui peut délivrer le Norlévo à titre exceptionnel, après un entretien approfondi avec l’adolescente, la recherche du contact avec l’un des parents, l’information sur les solutions possibles (pharmacie, médecin, centre de planification). En cas de refus de l’élève de tout contact avec sa famille, l’infirmière prend rendez-vous en urgence avec un centre de planification ou d’éducation familiale et, si besoin est, l’accompagne dans ce centre.

Si aucune structure n’est immédiatement accessible, et s’il existe une situation de détresse caractérisée, l’infirmière peut à titre exceptionnel et, dans le cas où le rapport sexuel remonte à moins de 72 heures, délivrer le Norlévo à l’élève, afin de permettre d’éviter par la contraception d’urgence une grossesse non désirée à un âge précoce.

L’infirmière devra vérifier la prise effective du premier, puis du deuxième comprimé, assurer ensuite un suivi et un accompagnement de l’adolescente, puis l’orienter vers l’usage d’une contraception régulière et maîtrisée.

Le protocole a été longuement discuté - pendant plus d’un an, a précisé Mme Ségolène Royal devant la Délégation - avec tous les partenaires de l’Education nationale qui l’ont soutenu. Il a fait l’objet d’une étude approfondie de la part de la Direction générale de la Santé, tandis que l’Académie de Médecine, dans un communiqué du 7 mars dernier, en soulignait le bien-fondé (2).

3) LE RÔLE DÉJÀ RECONNU AUX INFIRMIÈRES SCOLAIRES EN MATIÈRE D’URGENCE

L’intervention de l’infirmière prévue par le protocole s’appuie dans le rôle qui lui est déjà reconnu face à l’urgence, par le décret du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier.

Ainsi, l’infirmier est-il habilité à reconnaître la situation d’urgence, à mettre en oeuvre les protocoles de soins d’urgence préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable, et à accomplir les actes conservatoires nécessaires jusqu’à l’intervention d’un médecin.

L’implication de l’infirmier face à l’urgence est donc clairement établie.

Les infirmières du syndicat national des infirmiers-infirmières éducateurs de santé (SNIES) estiment que toute forme de fuite face à ce rôle spécifique serait tout simplement assimilée à une non-assistance à personne en danger et considérée comme une faute lourde.

Par ailleurs, la circulaire du 11 février 1999 de M. Bernard Kouchner sur la prise en charge de la douleur aiguë par les équipes médicales et soignantes des établissements de santé et institutions médico-sociales prend explicitement pour base juridique les dispositions du décret du 15 mars 1993 sur l’infirmier face à l’urgence et permet à celui-ci de mettre en _uvre, sur sa propre initiative, le protocole de prise en charge des douleurs aiguës.

III - UN BILAN POSITIF DE L’APPLICATION DU PROTOCOLE

1) PREMIERS RÉSULTATS

Six mois après la décision de Mme Ségolène Royal, quel est le bilan de la délivrance de la pilule d’urgence dans les établissements scolaires ?

Un questionnaire a été envoyé par le ministère de l’Education nationale à toutes les Académies, afin d’établir un bilan de l’application du protocole national sur l’organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), en particulier sur la contraception d’urgence, pour la période du 6 janvier au 30 juin.

Les résultats d’ensemble devraient être bientôt publiés. Les chiffres pour l’Académie de Paris, déjà disponibles, font état de 213 demandes et de 16 pilules distribuées. Ce dernier chiffre, très faible, signifie que les adolescentes ont pu trouver d’autres possibilités, notamment par les centres de planning, mais que dans les cas les plus graves, les infirmières ont pris leurs responsabilités.

D’après les témoignages recueillis par la Délégation aux droits des femmes, qui a souhaité entendre sur ce sujet tous les partenaires de l’Education nationale (infirmières, médecins scolaires, directeurs d’établissements, parents d’élèves, représentants lycéens), la mise en application du protocole, dans l’ensemble, s’est faite en bonne collaboration avec les professionnels de santé, malgré quelques difficultés marginales avec des chefs d’établissements ou intendants, ou avec le conseil d’administration.

Les syndicats d’infirmières ont procédé à un bilan par sondage : dans les collèges, la distribution a été de 0 à 2 ou 3 pilules, dans les lycées, de 0 à 6 ou 7 au plus. Tout dépend de la situation géographique de l’établissement, car les centres de planning, ainsi que les pharmacies sont inégalement répartis sur l’ensemble du territoire. De grandes différences sont aussi à noter entre lycées techniques et lycées classiques.

Il semble que les infirmières se soient montrées particulièrement sensibles au nouveau rôle qui leur était dévolu et qu’elles aient agi de façon tout à fait responsable. Conscientes que la pilule d’urgence ne remplace pas une véritable contraception, elles se sont efforcées d’avoir un rôle éducatif.

Il serait souhaitable, à cet égard, s’agissant d’une contraception à caractère exceptionnel, que l’infirmière adresse ensuite l’adolescente à un médecin, afin de mettre au point une contraception régulière et efficace.

Les médecins scolaires, toutefois, ont vivement regretté que leur intervention n’ait pas été prévue par le protocole, sinon au seul titre du conseil "si nécessaire", alors qu’ils ont l’habitude de se déplacer en permanence dans les établissements, lorsqu’il y a urgence.

Ils estiment que le médecin scolaire, et l’assistante sociale dans certaines situations, ont un rôle essentiel à jouer dans le suivi et l’accompagnement de l’élève, que la gestion de la situation d’un jeune en détresse doit toujours faire l’objet d’un travail en équipe et ne pas reposer sur une seule personne. En conformité avec le code de déontologie médicale, le médecin scolaire peut intervenir en cas d’urgence.

Au demeurant, la lettre de Mme Ségolène Royal du 29 décembre 1999 adressée aux proviseurs des lycées et principaux des collèges mentionne explicitement le rôle du médecin : "Un dispositif spécial concerne la prévention des grossesses précoces non désirées, qui permet à l’infirmière ou au médecin, au collège ou au lycée, dans le cas d’extrême urgence ou de détresse caractérisée, de délivrer la contraception d’urgence, en l’occurrence le Norlévo, qui est un médicament en vente libre."

Dans la pratique, il semble que les médecins ont souvent été associés au dispositif et que des équipes (chef de l’EPLE, médecins, infirmières, assistantes sociales) se sont mises en place au sein de l’établissement pour l’appliquer au mieux.

Tous les syndicats entendus, ainsi que les lycéens, ont souhaité que l’expérience se poursuive dès que possible, qu’elle soit véritablement appliquée dans tous les établissements et accessible à tous les élèves.

2) DES INFIRMIÈRES RESPONSABLES, MAIS TROP PEU NOMBREUSES

Avec la médiatisation du dispositif et parallèlement à la campagne d’information à la contraception lancée en janvier, il y a eu très rapidement auprès des infirmières une forte demande d’information des jeunes filles, qui a permis, à partir de leur motivation, de donner de premières informations sur la contraception et surtout de répondre à quelques vraies situations de détresse, qui se présentent souvent le lundi matin.

Cette demande des jeunes filles tient au fait qu’elles peuvent difficilement s’exprimer hors de l’établissement, surtout en province ou en zone rurale, et que l’infirmerie apparaît comme le lieu le plus approprié pour parler de leurs problèmes. De l’avis de tous les intervenants, l’école est la meilleure réponse pour parer à l’urgence.

Le rôle des infirmières, très encadré et précisé par la "fiche infirmière" du protocole, a permis d’éviter le risque de banalisation.

Il convient de souligner que le cas des adolescentes majeures, nombreuses en lycées, est prévu. En cas d’urgence, il leur sera indiqué la possibilité de se procurer le Norlévo en pharmacie. A titre exceptionnel, notamment en cas d’éloignement géographique, l’infirmière pourra délivrer le Norlévo à l’élève majeure. Toutefois, l’achat en pharmacie, non remboursé par la sécurité sociale, est à la charge de la jeune fille.

Il serait souhaitable que ces jeunes filles majeures soient traitées de la même façon que les mineures, afin d’éviter des différences de traitement, peu compréhensibles, au sein d’un même établissement, voire d’une même classe.

Les faibles effectifs des infirmières scolaires ont été soulignés par tous les interlocuteurs de la Délégation aux droits des femmes. Avec 6.100 emplois et un taux d’encadrement de 2.020 élèves par infirmière à la rentrée 2000, elles sont encore loin d’être présentes dans tous les établissements scolaires et n’assurent souvent qu’une ou deux journées au collège ou au lycée. "Notre infirmière, dit un représentant lycéen, n’est là que le jeudi !" Et lorsque l’infirmière est là, trop sollicitée, débordée, elle ne peut répondre aux questions de tous les élèves.

A cet égard, la Délégation aux droits des femmes souhaite qu’une augmentation significative du nombre des médecins et des infirmières scolaires figure dans le prochain budget de l’éducation nationale, afin que la dimension d’éducation à la contraception soit bien prise en compte dans la santé scolaire.

3) LA BAISSE DU PRIX DU NORLÉVO

Récemment, Mme Martine Aubry, constatant la récente augmentation du prix en pharmacie de ce contraceptif d’urgence, demandait aux laboratoires commercialisant ce médicament de revenir au prix antérieur. Cette hausse, estimait-elle, était de nature à limiter anormalement l’accès des femmes à ce médicament.

Il faut se féliciter que suite à cette demande, les laboratoires concernés aient immédiatement donné les instructions nécessaires, afin que le prix antérieur soit rétabli dans les pharmacies. Par contre, les prix de vente du Norlévo aux centres de planning familial et aux hôpitaux n’ont pas été augmentés.

IV - VERS UNE RÉVISION DE LA LOI NEUWIRTH

L’annulation par le Conseil d’Etat des dispositions du protocole concernant la délivrance de la contraception d’urgence dans les EPLE, ainsi que les résultats positifs des six premiers mois d’application du protocole conduisent à proposer une révision de la loi Neuwirth, afin de poursuivre rapidement l’expérience.

1. LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT DU 30 JUIN 2000

Dès le début de cette année, des associations de défense de la famille et de lutte contre l’avortement, ainsi que des parents et des professionnels de santé ont demandé au Conseil d’Etat l’annulation des dispositions de la circulaire du 29 décembre 1999 relative à la contraception d’urgence, arguant de la méconnaissance par la circulaire de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967.

Le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions législatives en cause n’étaient pas, eu égard au large pouvoir d’appréciation que laisse la directive de 1992 aux Etats-membres, incompatibles avec les objectifs de cette dernière et en a déduit que la loi Neuwirth demeurait applicable. Dans ces conditions, le "Norlévo", contraceptif hormonal au sens de la loi de 1967, ne pouvait être prescrit que par un médecin et délivré en pharmacie ou, dans les conditions posées par l’article 2 de la loi du 4 décembre 1974, par un centre de planification ou d’éducation familiale.

Aussi le Conseil d’Etat, en assemblée du contentieux, a décidé le 30 juin 2000, d’annuler les passages litigieux de la circulaire attaquée.

Toutefois, le Conseil d’Etat s’est abstenu de toute considération sur l’opportunité de la mesure contestée. Comme le retient Mme Ségolène Royal, "le Conseil d’Etat n’a mis en cause ni le fond de la décision de la délivrance dans les établissements scolaires, ni les compétences des infirmières scolaires. Il ne s’est pas non plus prononcé sur le terrain de l’autorisation parentale".

Une modification et une actualisation de la loi Neuwirth s’imposent donc pour rétablir la validité des dispositions annulées et introduire, dans la loi, la contraception d’urgence qui n’existait pas à l’époque.

Dans l’attente de l’adoption de nouvelles dispositions législatives, M. Jack Lang, ministre de l’Education nationale, vient de prendre les mesures transitoires nécessaires afin de permettre aux élèves d’avoir accès à la contraception d’urgence "compte tenu de l’importance des enjeux, tant pour répondre aux demandes des jeunes filles confrontées à des situations de détresse, que pour conforter les adultes responsables des établissements, et notamment les infirmières scolaires dans leur démarche d’accompagnement".

Une instruction vient d’être adressée à cet effet aux recteurs et inspecteurs d’académie, aux directeurs des services départementaux de l’éducation nationale et aux chefs d’établissements. Les établissements scolaires pourront passer des protocoles d’urgence avec des médecins libéraux, des pharmaciens, des centres de planification pour mettre à disposition le Norlévo.

On ne peut que se féliciter des indications très pratiques qui y figurent. Les élèves seront informés des adresses, jours et horaires d’ouverture des centres de planification familiale les plus proches, ainsi que des coordonnées du médecin rattaché au centre. Les modalités de sortie de l’établissement et d’accompagnement de l’élève sont également prévues.

Ces dispositions, qui répondent à certaines observations formulées par les infirmières et par les lycéens, devraient être maintenues.

2. LA PROPOSITION DE LOI SUR LA CONTRACEPTION D’URGENCE

Il convient maintenant de compléter la loi Neuwirth (article L.5134-1 du code de la santé publique), afin de donner une base légale à la vente libre en pharmacie de la pilule du lendemain et à sa délivrance en milieu scolaire.

La proposition de loi s’articule autour de trois dispositions.

Première disposition

"Les médicaments ayant pour but la contraception d’urgence, et non susceptibles de présenter un danger pour la santé dans les conditions normales d’emploi, ne sont pas soumis à prescription obligatoire."

L’article L. 5134-1 du code de la santé publique (qui reprend l’article 3 de la loi Neuwirth modifiée) disposant que les contraceptifs hormonaux ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale, il convient d’apporter par la loi une dérogation à cette règle et respecter ainsi la décision du Conseil d’Etat.

Toutes les femmes - mais aussi les mineures - pourront, désormais et sans restriction, accéder, sans ordonnance, à la contraception d’urgence en pharmacie.

Deuxième disposition

"Ils peuvent être prescrits et délivrés aux mineures désirant garder le secret."

Les mineures, qui souhaitent garder le secret, pourront donc se voir délivrer la pilule du lendemain par tout médecin, et sans autorisation parentale.

Le médecin, habilité à prescrire, pourra être un médecin de ville, le médecin traitant, ou le médecin scolaire.

Le rôle du médecin scolaire, médecin de prévention, est régi par l’article 99 du code de déontologie médicale prévoyant que "sauf cas d’urgence ou prévu par la loi, les médecins qui assurent un service de médecine pour le compte d’une collectivité ne peuvent prescrire de soins curatifs". S’agissant, en ce qui concerne le Norlévo, d’un véritable soin d’urgence, les médecins scolaires devraient pouvoir intervenir et prescrire, eux aussi, la pilule du lendemain, dans des cas exceptionnels d’urgence ou de détresse.

En ce qui concerne le respect du secret souhaité par les mineures, le texte s’appuie sur la loi du 4 décembre 1974 prévoyant désormais que "les centres de planification ou d’éducation familiale sont autorisés à délivrer, à titre gratuit, des médicaments, produits ou objets contraceptifs, sur prescription médicale, aux mineurs désirant garder le secret".

Troisième disposition

"Ils peuvent être administrés aux mineures par les infirmières en milieu scolaire."

Le rôle de l’infirmière en matière de contraception d’urgence, dans le cadre de l’organisation des soins et des urgences en milieu scolaire, est ainsi rétabli.

Il permettra une délivrance rapide et adéquate de la pilule du lendemain aux adolescentes en situation de détresse, dans les conditions précisées par le protocole, à titre exceptionnel, et avec toutes les précautions rappelées plus haut.

Les dispositions transitoires contenues dans l’instruction récemment signée par M. Jack Lang, ministre de l’éducation nationale, qui complètent le protocole, devront être maintenues.

A terme, on doit en attendre une diminution prévisible des IVG chez les adolescentes, une meilleure information, une plus grande ouverture sur l’éducation à la sexualité. Un bilan devrait être établi, dès que possible à partir des chiffres fournis par les établissements scolaires sur l’utilisation et les effets de la contraception d’urgence.

La Délégation aux droits des femmes se félicite que puisse être rétablie rapidement la possibilité d’une délivrance de la contraception d’urgence en milieu scolaire.

3. L’EXAMEN DU TEXTE PAR LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes a eu des réunions de travail avec tous les partenaires de l’Education nationale, y compris des représentants lycéens. C’est à partir de leurs observations, pertinentes, que la Délégation propose un certain nombre de recommandations.

Lors de l’examen du présent rapport par la Délégation, au cours de sa réunion du 19 septembre 2000, plusieurs membres de la Délégation sont intervenus après l’exposé de la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a rappelé que les mineures pouvaient déjà avoir accès aux produits contraceptifs sans autorisation parentale puisque, depuis la modification de la loi Neuwirth intervenue en 1974, les centres de planification ou d’éducation familiale délivrent, à titre gratuit, les produits contraceptifs aux mineures désirant garder le secret. Elle a également souligné que l’intervention des infirmières en cas d’urgence était déjà reconnue depuis le décret du 15 mars 1993.

Mme Hélène Mignon a indiqué qu’elle venait d’auditionner des infirmiers scolaires et des parents d’élèves qui lui avaient fait part de leur avis positif sur le texte de la proposition de loi. Elle a également évoqué le problème du refus opposé par certains pharmaciens à la délivrance du Norlévo sans prescription médicale.

Mme Muguette Jacquaint, rappelant les inquiétudes soulevées par la décision du Conseil d’Etat, a souhaité que le texte de la proposition de loi sur la contraception d’urgence puisse être rapidement voté et appliqué.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, évoquant les auditions menées par la Délégation aux mois de juillet et de septembre avec les infirmières scolaires, les chefs d’établissements, les parents d’élèves et les lycéens, ainsi que le bilan de l’application pratique de la contraception d’urgence, a souligné que tous les acteurs de terrain avaient agi avec un grand sens de leur responsabilité.

Mme Danielle Bousquet a évoqué l’article du journal Libération de ce jour, selon lequel on constate un accroissement de l’IVG chez les jeunes filles. Elle a estimé que la contraception d’urgence était un moyen supplémentaire de lutter contre l’IVG des jeunes filles et elle a souligné l’urgence de l’adoption du texte.

Mme Marie-Françoise Clergeau a alors donné lecture de ses propositions de recommandations, qui ont donné lieu à un large débat.

Mme Muguette Jacquaint a évoqué la difficulté actuelle de recrutement des infirmières scolaires et s’est interrogée sur le remboursement de la contraception d’urgence.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a indiqué que les produits contraceptifs d’urgence n’étaient pas remboursés, mais elle a rappelé l’action du ministère de l’Emploi et des Affaires sociales au cours de l’été pour obtenir une baisse de leur prix de vente après une hausse injustifiée.

Mme Marie-Françoise Clergeau a fait observer que, bien que le coût global de ces produits pour les établissements ne soit pas élevé, certains n’avaient pas prévu ce poste de dépense.

Mme Marie-Thérèse Boisseau s’est inquiétée de l’insuffisance des recommandations proposées qui ne suffiront pas à atteindre les objectifs recherchés. Elle a rappelé les faibles effectifs des d’infirmières, leur absence plusieurs jours par semaine de certains établissements et s’est interrogée sur l’adéquation des moyens aux fins poursuivies en matière de contraception d’urgence. Elle a souhaité que la Délégation prenne position pour déterminer quels intervenants - professeurs, infirmières, centres de planification - devraient avoir la responsabilité de l’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires.

Mme Hélène Mignon a souligné que le financement de l’achat du Norlévo ne grèverait pas le budget des établissements scolaires, vu la faible distribution qui en a été faite dans les collèges et les lycées. Elle a estimé utile qu’une formation de soutien de quelques semaines ou quelques mois soit donnée aux infirmières en matière d’éducation à la sexualité.

Mme Danielle Bousquet a souhaité que soit réactivé le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté - nouveau nom du comité d’environnement social - et que l’éducation à la sexualité soit intégrée à ses missions. Elle a souligné que ces comités, dont font partie les infirmières, pouvaient devenir un lieu de rencontre pour tous les intervenants de l’éducation à la sexualité. Elle a proposé qu’un paragraphe spécifique des recommandations lui soit consacré.

Elle a relevé que les infirmières pouvaient effectivement exercer dans plusieurs établissements différents, mais que ceux-ci n’étaient généralement pas très distants les uns des autres et donc que les infirmières étaient joignables relativement rapidement.

Elle a estimé que le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté devrait être le pivot de l’éducation à la sexualité dans chaque établissement et qu’il devrait faire chaque année un rapport d’évaluation sur chacune de ses missions. Elle a souhaité que des statistiques soient rapidement disponibles sur l’application de la contraception d’urgence.

Après l’intervention de la rapporteure proposant plusieurs modifications visant à prendre en compte ces différentes observations, Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a mis aux voix l’ensemble des recommandations qui ont été adoptées par la Délégation, Mme Marie-Thérèse Boisseau ayant déclaré s’abstenir.

LES RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

1. Le vote de la proposition de loi sur la contraception d’urgence devra permettre l’application, dans les meilleurs délais, des dispositions du protocole national du 6 janvier 2000 sur l’organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d’enseignement qui ont été annulées par une décision du Conseil d’Etat du 30 juin 2000.

2. La première condition d’une mise en oeuvre efficace du protocole devra être que la pilule du lendemain soit disponible dans tous les établissements et pour tous les élèves, afin d’éviter les discriminations résultant de leur localisation géographique, de l’éloignement des centres de planification ou d’éducation familiale et des pharmacies.

3. Les établissements devront veiller au dégagement des fonds nécessaires à l’achat des contraceptifs d’urgence, dépenses au demeurant peu élevées compte tenu de l’usage prudent qui en a été fait par les infirmières scolaires jusqu’à présent.

4. Afin d’assurer l’application du protocole et la distribution de la contraception d’urgence dans de bonnes conditions, il conviendra de mieux associer les médecins scolaires, comme intervenants à part entière, aux côtés des infirmières, et de favoriser un travail en équipe dans les établissements scolaires (médecins, infirmières, assistantes sociales, directeurs d’établissements).

5. Les infirmières étant appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans la distribution des contraceptifs d’urgence, le suivi des élèves et l’information sur la contraception, il conviendra impérativement de mieux reconnaître leurs missions en matière de santé scolaire, partie prenante de la santé publique, et d’augmenter leurs effectifs afin de couvrir le maximum d’établissements. Une amélioration de leur formation en matière d’orthogénie, d’information et d’éducation à la sexualité devra être recherchée.

6. Les adresses des centres de planification ou d’éducation familiale les plus proches de l’établissement devront être facilement accessibles aux élèves, par exemple par affichage à l’infirmerie, de même que les coordonnées de l’infirmière attachée à l’établissement, mais non résidente.

7. L’éducation à la sexualité devra être introduite dans les instituts universitaires de formation des maîtres, en formation initiale ou continue.

8. Prévue en classe de quatrième et de troisième, l’éducation à la sexualité devra être effectivement mise en oeuvre et les horaires respectés. Cet enseignement, jugé souvent trop théorique ou scientifique dans les lycées, devra s’efforcer de mieux répondre aux attentes des adolescents.

9. La campagne nationale d’information sur la contraception lancée au début de l’année 2000 par Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité, et relayée par le ministère de l’Education nationale, devra être poursuivie en continu dans les établissements scolaires, son impact ayant été trop ponctuel.

10. Les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté des établissements scolaires devront intégrer dans leurs missions, comme dans leur bilan annuel, l’information à la sexualité et à la contraception ainsi que l’application de la contraception d’urgence.

11. Ils devront veiller à ce qu’une plus grande synergie soit établie avec les centres de planification ou d’éducation familiale qui participeront ainsi davantage, comme intervenants extérieurs, à l’information à la contraception dans les établissements.

12. Il serait souhaitable d’établir, dès que possible, à partir des éléments recueillis par ces comités, un bilan des effets de l’utilisation de la contraception d’urgence sur la diminution du nombre des interruptions de grossesse chez les adolescentes.