Hautement symbolique, l’élection du Général Major Paul Kagame à la tête de l’Etat rwandais, a mis fin à une double aberration. D’abord une loi non écrite excluant tout Tutsi à briguer la magistrature suprême. La seconde étant la fatalité de coups d’état sanglants, au cours desquels les Tutsi étaient des victimes toutes désignées de pogroms et de massacres devenus rituels.

A cet égard, tout paraissait indiquer que la tonitruante abolition de la monarchie des "Bami" tutsi en 1959 avait cédé la place, depuis l’indépendance du pays en 1962, à l’ère d’une dynastie hutu, que devait légitimer et perpétuer la majorité ethnique. Bien que depuis près de six ans, le pays se soit doté de mécanismes institutionnels consacrant la séparation des pouvoirs et son passage à l’Etat de droit, on a observé une survivance tenace des résistances à cette indispensable mutation. En témoignent les remous suscités autour des changements survenus au sein du législatif et de l’exécutif, couronnés par la rocambolesque démission du président de la République. Les tenants de l’idéologie ethniste prédisaient l’entrée du Rwanda dans l’œil du cyclone, et des affrontements ethniques majeurs, si la règle de succession établie depuis 1962 n’était pas respectée.

(...) Faisant fi des progrès enregistrés dans les domaines de la Justice et de la réconciliation, "Human Rights Watch" a lancé des accusations d’une telle mauvaise foi, qu’elles semblent obéir aux motivations d’ordre politique. En effet, prétendre que le pays croule sous la terreur d’une dictature appuyée par des "Tontons macoutes" que sont les membres de "local defense" (pourtant élus par la population elle-même), s’apparente, dans le meilleur des cas, à un canular de mauvais goût, pour quiconque vit dans le pays. Lorsque, dans un même élan, on insinue l’existence de fosses communes pour d’innombrables cadavres de civils assassinés par l’APR (Armée Patriotique Rwandaise), et que dans les prisons, croupissent des opposants hutu "monarchistes" (sic !), on se rend vite compte qu’il ne s’agit pas d’information mais d’intoxication ! Enfin, le comble de malveillance a consisté à faire partager le F.P.R. (qui a arrêté le génocide) avec les "Interahamwe" génocidaires, le même lugubre dessein d’éliminer les rescapés du génocide.

D’autre part, est-ce pure coïncidence, que cette levée de boucliers intervienne au moment précis, où le Rwanda vient de se prouver à lui-même, et de montrer au monde que "plus jamais !" tout changement politique ne sera synonyme de "massacres" ? Une "première" qu’il aurait fallu saluer à sa juste valeur, au lieu de l’occulter par des vaines et vicieuses manœuvres, destinées à la déstabilisation et à ternir l’image du pays.

Ceci dit, il serait absurde de prétendre que le gouvernement d’union nationale ne peut commettre de fautes, ni ses agents des forces de l’ordre soient à l’abri d’abus de pouvoir contre le respect des droits de l’homme. Accuse-t-on de racistes, les pays occidentaux pour les "bavures policières" (euphémisme désignant souvent des meurtres commis par la police), contre des Noirs, Arabes ou autres Indo-pakistanais, dont se rendent coupables leurs représentants ? Quand bien même, contre toute attente, les coupables sont déclarés innocents, par une justice de classe bien complaisante ! Evitons la polémique ...

(A. RUBORI, Kigali, le 12 mai 2000 cité par Liaison-Rwanda)