Un magistrat bien informé de la situation corse, a souligné devant la commission les effets démobilisateurs des lois d’amnistie pour la Corse.
" Lorsqu’en 1989 est intervenue la troisième amnistie à être votée depuis 1981, et a bénéficié à une soixantaine de membres du FLNC alors détenus, on a rapidement senti un grand découragement des forces de police, car ces personnes avaient été interpellées pour des actions qui, même si elles n’étaient pas criminelles, étaient très graves : il s’agissait d’attentats, voire de mitraillages sur des forces de police.
Après l’amnistie de 1989, il est certain que, pendant toute une période, il n’y a eu ni véritable élan, ni véritable volonté, de toute part d’ailleurs puisque cette amnistie avait été manifestement votée dans un but d’apaisement. Il a fallu attendre un assez grand nombre d’années pour percevoir à nouveau une volonté de reprise en main des forces de police, alors que, il faut bien le dire, les attentats étaient toujours en nombre assez élevé ".
Ce thème a été ultérieurement repris au cours de la même audition, en réponse à une question sur l’état d’esprit des forces de sécurité :
" L’amnistie de 1989 a fait beaucoup de mal, et la situation à laquelle nous sommes parvenus aujourd’hui est due pour une grande part à cette cassure opérée dans la lutte anti-terroriste.
Trois amnisties, c’est beaucoup. Une première fois, un assez grand nombre de personnes ont été interpellées, puis relâchées. Il en a été de même la deuxième et la troisième fois. Les policiers se sont lassés et se sont dit que ce n’était pas la peine de continuer ; d’autant que les policiers -ma remarque vaut pour les gendarmes- sont connus. Ils vivent là avec leur famille.
Ce n’est pas toujours facile pour eux de faire de la répression. Ils ont besoin d’un certain courage. Parfois, dans les petites gendarmeries les gendarmes subissent des mitraillages. C’est un fait qu’il ne faut pas minimiser ".
· L’amnistie de 1981 : dans le cadre de la traditionnelle loi d’amnistie postérieure aux élections présidentielles29(*) sont intégrées (art. 2-4) " les infractions commises en relation avec des élections de toutes sortes, ou avec des incidents d’ordre politique ou social survenus en France, à condition que ces infractions n’aient pas entraîné la mort, ou des blessures ou infirmités ".
· L’amnistie de 1982 : à l’occasion de l’examen de la première loi de décentralisation en Corse, l’Assemblée nationale prévoit l’amnistie de " toute action en relation avec des événements d’ordre politique et social ", et rejette un amendement de l’opposition qui en exclut les crimes de sang.
Le gouvernement de l’époque souhaite, en effet, que la mise en place de l’Assemblée régionale de Corse s’accompagne de mesures de clémence envers les activistes.
· L’amnistie de 1989 : lors de l’élaboration de la traditionnelle loi d’amnistie postérieure à l’élection présidentielle de 1988, le gouvernement de l’époque tire la leçon du peu de résultats de son initiative de 1982, et ne prévoit pas d’inclure les nationalistes corses dans son champ.
A l’initiative d’élus de l’île -MM. Zuccarelli (MRG), et Rossi (UDF)- le texte leur est étendu : le garde des sceaux Pierre Arpaillange s’en remet sur ce point à la sagesse de l’Assemblée.
Le vote du Parlement a pu être ainsi interprété par les nationalistes remis en liberté, comme une sorte de droit à d’impunité.
Source : Sénat. http://www.senat.fr
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