Beaucoup des personnes entendues par la commission d’enquête le lui ont dit, mais elle n’avait pas besoin de l’entendre pour en être convaincue, " les Corses sont des personnes comme vous et moi qui ne demandent qu’à vivre paisiblement dans les règles normales de la vie en société ", comme l’a dit un ancien préfet en poste sur l’île.

Au cours de leur longue histoire commune avec la France, des tranchées de la première guerre mondiale226 aux combats du premier département métropolitain libéré dès octobre 1943 en passant par l’édification de l’empire colonial227, les Corses ont, à de multiples reprises, fait la preuve de leur attachement à la République.

Maigre témoignage après ces rappels historiques, les sondages d’opinion rappellent régulièrement le refus de la très grande majorité des habitants de l’île de rompre avec la France.

Dans un sondage réalisé en mars 1996 pour le Nouvel Observateur, 86% des Corses interrogés ne souhaitaient pas l’indépendance de l’île, soit 6 points de plus qu’en 1989. Le refus de l’indépendance était même majoritaire chez les personnes se déclarant sympathisantes des mouvements nationalistes, preuve que cette sympathie témoigne davantage d’un attachement légitime à une culture et à des traditions spécifiques.

De même, dans un sondage réalisé dans la semaine qui a suivi l’assassinat du préfet Claude Erignac pour Paris-Match et La Provence, 80% des Corses indiquaient qu’ils voteraient non à un éventuel référendum portant sur l’indépendance de l’île228.

Ces indications des sondages sont corroborées par les résultats des différentes élections territoriales qui se sont tenues en Corse depuis 1982. Certes, les différents mouvements nationalistes y ont obtenu, comme on le verra plus loin, des scores non négligeables qui ont culminé à 24,8% au second tour des élections de 1992. Ce qui signifie, a contrario, que les autres partis ont toujours obtenu une large majorité des suffrages exprimées : 87,3% en 1982, 88,4% en 1984, plus de 90% en 1986229, 75,2% au second tour de 1992 et 83,1% au premier tour de 1998230.

Les réactions de la population après la mort du préfet indiquent un sursaut civique salué par la presse locale231, mais aussi par la presse nationale.

Ce sont en effet près de 40.000 personnes (15% de la population) qui ont manifesté, sans banderole et sans slogan et à l’appel des femmes du Manifeste pour la vie, leur réprobation devant cet assassinat.

Dès lors, la commission d’enquête est convaincue qu’il convient d’éviter, par facilité et par découragement devant les complexités de la question corse, les formules à l’emporte-pièce qui blessent la sensibilité républicaine et l’aspiration à la paix majoritaires en Corse et balaient trop vite les réalités insulaires.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr