La Corse fait depuis quelques années l’objet d’une attention soutenue de la représentation parlementaire. Qu’on en juge : une mission d’information commune est créée en octobre 1996. Une commission d’enquête " sur l’utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse " est instituée en mars 1998. Enfin le 19 mai 1999, l’Assemblée nationale crée une commission d’enquête sur " l’organisation des forces de sécurité dépendant de l’Etat opérant en Corse, sur leurs conditions de fonctionnement et sur les modalités de coordination des interventions des différents services compétents ", tandis que le Sénat en crée le même jour une autre " sur la conduite de la politique de sécurité menée par l’Etat en Corse ".
Ces deux dernières initiatives font suite à l’incendie volontaire par des gendarmes d’une paillote illégalement édifiée sur la rive sud du golfe d’Ajaccio survenu dans la nuit du 19 au 20 avril. Au-delà de l’aspect rocambolesque de cette affaire, celle-ci est apparue suffisamment grave pour justifier une mobilisation de la représentation nationale afin de tenter de comprendre comment, un an après l’assassinat du préfet Erignac, on avait pu en arriver là, alors même que l’objectif de rétablissement de l’Etat de droit voulu par le gouvernement avait entraîné une mobilisation sans précédent des services de l’Etat.
En acceptant de créer une commission d’enquête à la suite du dépôt de deux propositions de résolution par l’opposition, l’une de MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi, l’autre de M. François d’Aubert, la majorité a été fidèle à la volonté d’assurer la transparence et de moderniser notre démocratie qui l’anime. Dans le même esprit, la commission a décidé de publier l’intégralité des procès-verbaux des auditions auxquelles elle a procédé, les témoins ayant été préalablement avertis que leurs déclarations pourraient être publiées.
Le débat en commission, puis en séance publique, a abouti à un élargissement du champ d’investigation imparti à la commission, qui porte sur l’ensemble des services de sécurité, et non plus sur le seul GPS, comme de la période étudiée - de 1993 à aujourd’hui. Il est apparu en effet nécessaire de ne pas limiter l’enquête à l’affaire dite " des paillotes " qui faisait l’objet de poursuites judiciaires, ni à la période la plus récente, trop courte pour permettre une appréciation globale des problèmes posés.
L’objet de la commission ainsi délimité était a priori plus restreint que ceux de la mission d’information parlementaire présidée par M. Henri Cuq ou de la commission d’enquête présidée par M. Jean Glavany. Il s’inscrit cependant dans le prolongement de leurs travaux en approfondissant l’analyse de l’exercice des fonctions régaliennes de l’Etat pour lesquelles le rapport de M. Christian Paul soulignait déjà : " c’est dans ce domaine que résident les désordres les plus lourds de conséquences dans les administrations de l’Etat en Corse au cours des dernières années ".
Pour mener à bien ses travaux, la commission a réalisé un nombre important d’auditions. Elle a entendu tous les ministres de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice qui se sont succédé durant la période étudiée, les préfets en poste dans l’île, les différents responsables de la police et de la gendarmerie, des représentants du parquet et des magistrats du siège. Soucieuse de se rendre compte de la réalité sur le terrain, elle s’est rendue en Corse à deux reprises, une première fois en juillet à Ajaccio et une seconde fois à Bastia à la fin du mois d’août.
Au cours de ses travaux, la commission s’est vue plusieurs fois opposer le secret de l’instruction à propos des affaires les plus récentes mais aussi pour d’autres, beaucoup plus anciennes, dont l’instruction n’est cependant pas terminée. L’absence de définition précise de ce que recouvre le secret de l’instruction apparaît ainsi parfois comme un moyen commode d’écarter les questions importunes. Néanmoins la commission estime avoir recueilli de nombreuses informations qui lui ont permis de constater que le fonctionnement des services de sécurité ne donnait pas les résultats que l’on serait en droit d’attendre au regard de l’importance des moyens qui leur sont consacrés.
Elle a découvert, avec effarement parfois, les luttes intestines entre services, les conflits de personnes et les règlements de compte qui s’ensuivent ; ceux-ci concernent l’ensemble des services dont le fonctionnement a été examiné : justice, police, gendarmerie.
Si un certain nombre de ces dysfonctionnements peuvent être attribués à des problèmes de personnes, il en est d’autres qui sont causés ou amplifiés par l’organisation des services, le non respect des compétences de chacun et l’insuffisante coordination de leur action respective. Mais la principale explication tient sans nul doute aux changements de politique intervenus, dont les effets délétères sur la population et les fonctionnaires en poste dans l’île se font encore sentir et ne pourront être dissipés que par la poursuite d’une action claire et durable de l’Etat.
A cet égard, les dysfonctionnements observés par la commission, s’ils sont exacerbés en Corse en raison des désordres de toute nature dont l’île est victime et du contexte particulier créé par l’assassinat du préfet Erignac, ne lui sont pas spécifiques et les enseignements que l’on peut en retirer ont une portée générale.
C’est pourquoi la commission, partant du constat effectué, s’est efforcée de dégager quelques pistes de réflexion qui concernent la Corse en premier lieu, mais au-delà, d’une façon plus générale, le fonctionnement des forces de sécurité sur l’ensemble du territoire national.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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