Principale Ville de CORSE par sa population (52 880 h au recensement de 1999), capitale administrative régionale, AJACCIO et sa région sont un centre touristique important desservi par un aéroport international et un port de commerce, tous deux actifs. Cet ensemble constitue un carrefour important pour l’activité économique de la région, cependant très sensible au niveau de l’activité touristique.

Ville-centre de cet ensemble, Ajaccio bénéficie des équipements sanitaires, scolaires ou commerciaux nécessaires aux besoins de la population, mais souffre de l’insuffisance des équipements culturels, sportifs ou d’hébergement qui devraient être ceux d’une capitale régionale bénéficiant, de surcroît, de fortes potentialités touristiques.

Les équipements relatifs au traitement et à la distribution de l’eau ou à l’assainissement sont en voie de rénovation ou de complètement, mais ceux nécessaires au traitement des déchets, ou encore au stationnement des véhicules, tardent à être portés au niveau nécessaire.

C’est d’ailleurs, essentiellement, au travers de l’exécution des décisions prises par la municipalité d’Ajaccio pour rénover ou créer certains de ces équipements, que la Chambre régionale des comptes a examiné les pratiques de gestions mises en œuvre dont l’analyse est l’objet de la présente lettre d’observations définitives.

Dans cette approche, comme dans les précédents contrôles effectués par la Cour des comptes, avant 1982, ou par elle-même (1983/1986) la juridiction financière s’est attachée à examiner si les conditions de la gestion de la ville avaient connu, au cours des exercices 1987 et suivants, des améliorations par rapport aux critiques qui avaient été alors émises. Ces critiques portaient essentiellement sur une série de dysfonctionnements, caractérisés :

par l’insécurité juridique des contrats passés par la ville et ses partenaires,

la comptabilisation approximative des opérations,

le poids excessif des charges de personnel et une désorganisation dans sa gestion,

l’absence d’une véritable organisation administrative,

une situation financière fortement dégradée marquée par une insuffisance de fonds propres limitant la capacité d’investissement de la ville.

La Chambre avait alors enregistré, sur bon nombre de ces points, la volonté de la ville d’y remédier. Force est de constater que, sur la période qui vient d’être examinée, la gestion de deux ordonnateurs, celle de M. Charles ORNANO, interrompue le 19 février 1994 par son décès, puis celle de son ancien premier adjoint chargé des finances, M. Marc MARCANGELI, devenu maire à compter du 5 mars 1994, les résultats ne sont pas à la mesure des intentions affichées.

Dans bien des domaines ayant déjà appelé la critique de la Cour des comptes ou de la Chambre, cette dernière a encore relevé, jusqu’en 1997, un certain nombre d’anomalies, de dysfonctionnements ou de difficultés dans la gestion de la collectivité. Ils portent notamment sur :

 la situation dégradée des finances de la collectivité dont le budget est grevé par un personnel pléthorique, la faiblesse des investissements et, paradoxalement, la progression des emprunts,

 les imprécisions juridiques des contrats,

 les conditions, parfois irrégulières, dans lesquelles certaines décisions ont été prises,

 le manque d’informations précises de l’assemblée délibérante dans des domaines sur lesquels elles devait se prononcer,

 la faiblesse des bases d’imposition et donc du potentiel fiscal de la commune,

 le déséquilibre, au préjudice des finances communales, de certaines conventions de délégation de services publics (stationnement payant et transports en commun par exemple)

 la dérive du coût financier des opérations d’aménagement du parking souterrain du DIAMANT et du port C. ORNANO,

 la pratique de reconduction de gré à gré, parfois irrégulière, des conventions de délégations de service public, ce qui la prive des avantages substantiels résultant d’une mise en concurrence (délégations de l’eau, de l’assainissement et des transports en commun par exemple).

De plus, les sociétés d’économie mixte locales CORSAM et AJACCIO DEVELOPPEMENT, partenaires défaillants de la commune pour les opérations d’aménagement et/ou de gestion du stationnement payant et du port de plaisance C. ORNANO ont, avant qu’elles ne déposent leur bilan, bénéficié de dispositions contractuelles particulièrement favorables, sans véritable contre-partie pour la ville.

Le tableau suivant [non reproduit] présente, par ailleurs, certaines des grandes masses financières, parmi les plus significatives, du budget communal, dont les évolutions ou le poids relatif illustrent les difficultés déjà signalées avant qu’elles ne soient analysées ci-après :

Ce tableau fait apparaître, sur la période, une diminution des recettes fiscales directes, une augmentation, du déjà haut niveau, des charges de personnel, une augmentation des annuités de la dette et un net ralentissement des investissements. On note cependant que le budget primitif pour 1998, présentait une rupture dans ces évolutions qu’il conviendra de valider (voir ci-avant).

Au total, la gestion des ordonnateurs successifs se caractérise par une certaine permanence dans les pratiques de gestion qui, globalement, appellent toujours les mêmes critiques, quelles qu’aient été les observations des juridictions de contrôle appelant à les modifier et les engagements pris par la collectivité pour le faire.

Plus grave, il apparaît que les propres conseils de la commune, et plus particulièrement le conseil financier, rémunérés par la ville, ont, le plus souvent, vu leurs recommandations également ignorées, comme ce fut le cas des alertes du conseil financier relatives à la gestion, qualifiée de préoccupante, du port de plaisance Ch. ORNANO et du stationnement payant souterrain et de voirie.

De fait, comme cela apparaîtra dans les observations qui suivent, la gestion de la ville est marquée par une absence, à la fois, de réactivité face aux problèmes qui se posent à elle, parfois depuis plusieurs années, et de prospective pour planifier, dans un ensemble cohérent et coordonné, le choix et la réalisation des équipements répondant aux besoins de la population.

Pour certains secteurs, cependant, des améliorations dans leur gestion commencent, semble-t-il, avoir été apportées, mais l’engagement tardif de réformes n’a pu encore aboutir. Pour certaines données financières très récentes, la ville a pu faire valoir, au cours de la contradiction, une amélioration qu’elle qualifie de sensible. Cependant, la juridiction qui prend acte de ces informations, ne peut, toutefois, les valider* aujourd’hui. Elles le seront à l’occasion du prochain contrôle.

Nonobstant ces données, et au travers de l’examen de différents domaines de la gestion municipale, les observations définitives formulées ici par la juridiction vont apporter les exemples qui fondent cette critique essentielle. Sans représenter l’exhaustivité des secteurs d’activité de la collectivité, ces secteurs peuvent être jugés comme représentatifs des pratiques de sa gestion. En effet, d’une part, ils concernent des pans importants de la vie locale et, d’autre part, les dysfonctionnements relevés y sont généralement de même nature.

Ainsi vont être examinées :

A. l’organisation des services municipaux et la gestion du personnel,

B. la gestion d’un certain nombre de services publics locaux :

 stationnement payant,

 port de plaisance Ch. ORNANO,

 eau et assainissement,

 transports urbains et scolaires,- les relations de la commune avec le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Corse-du-Sud.

C. la situation financière de la collectivité, car elle présente, à elle seule, la synthèse de l’impact des décisions de gestion sur le budget communal.


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc