Etant donné son rôle privilégié au sein du Front National, il va de soi que le DPS doit disposer de tous les moyens lui permettant de tenir son rang et de remplir ses missions auprès du président. Au-delà des moyens financiers - pas vraiment autonomes - qui ont déjà été analysés, il convient de s’intéresser ici plus particulièrement à qui sont les membres du DPS, à ce que sont leurs liens avec les sociétés de sécurité et de gardiennage privées et aux entraînements et moyens matériels dont ils bénéficieraient.

Tous ces moyens sont théoriquement strictement réglementés. Afin de pallier d’éventuels débordements des membres du DPS, les premières directives de fonctionnement datées du mois d’avril 1986 fixaient sans équivoque les principes et modalités d’intervention du DPS et constituaient une forme de règlement intérieur. La directive n° 4 du 17 avril 1986 prescrivant l’entraînement physique et technique des membres, ainsi que la formation aux activités de maintien de l’ordre, aux transmissions et procédures radio, à l’entraînement aux liaisons et aux groupements rapides rappelait que " toute activité de membres ou de sections DPS ne doit en aucun cas porter préjudice à la réputation du Front National et contrevenir aux lois. Faute de quoi l’exclusion définitive serait immédiatement prononcée ".

A) LES MOYENS HUMAINS : UNE VERITABLE NEBULEUSE

En ce qui concerne les effectifs, un recensement des renseignements généraux de décembre 1998, avant la scission du Front National, aboutit à l’attribution au DPS d’un millier d’éléments plus ou moins stables et à la répartition géographique hétérogène. Dans son édition du 8 mai 1997, National Hebdo avançait le chiffre de 3 000 volontaires dont 1 700 régulièrement sollicités. Ce dernier chiffre était le plus souvent avancé par les responsables frontistes en public. On trouvait dans la presse des chiffres beaucoup plus fantaisistes, allant jusqu’à 9 000 membres !

Strictement hiérarchisé, le DPS a été dirigé successivement par MM. Roger Holeindre (1984-1985), ancien activiste de l’OAS, Jean Fort (1985-1993), ancien activiste favorable à l’Algérie française, Jean-Pierre Fabre (fin 1993), capitaine de gendarmerie en disponibilité, Bernard Courcelle (1er mai 1994 au 21 janvier 1999), ancien officier parachutiste devenu responsable de sécurité privée, Marc Bellier (février 1999), ancien membre du Service d’Action Civique (SAC) et responsable DPS pour la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Jean-Pierre Chabrut (depuis mars 1999).

Afin de pallier d’éventuels débordements des membres du DPS, les premières directives de fonctionnement datées du mois d’avril 1986 fixaient sans équivoque les principes et modalités d’intervention du DPS et constituaient une forme de règlement intérieur (RI). La directive n° 4 du 17 avril 1986 prescrivant l’entraînement physique et technique des membres, ainsi que la formation aux activités de maintien de l’ordre, aux transmissions et procédures radio, à l’entraînement aux liaisons et aux groupements rapides rappelait que " toute activité de membres ou de sections DPS ne doit en aucun cas porter préjudice à la réputation du Front National et contrevenir aux lois. Faute de quoi l’exclusion définitive serait immédiatement prononcée ".

- Le recrutement des membres du DPS

En ce qui concerne le recrutement, les responsables du DPS entendaient à l’origine se montrer sélectif. Un double filtre est censé prévenir les candidatures douteuses : présentation d’un extrait du casier judiciaire (article 3 du règlement intérieur) et double parrainage par des membres du mouvement se portant garants du postulant (article 4 du règlement intérieur).

Mme Fiammetta Venner, journaliste qui a infiltré le DPS, a bien confirmé qu’un extrait de casier judiciaire vierge lui avait été demandé lorsqu’elle s’est présentée. Il ne lui a par contre pas été posé de questions sur son passé. Si M. Bernard Courcelle est catégorique sur le casier judiciaire vierge (" Si nous ne l’obtenons pas, nous refusons systématiquement la candidature "), la pratique ne semble pas avoir été aussi rigoureuse puisque plusieurs membres du DPS ayant témoigné dans la presse comme Bob ou Dominique, ont indiqué n’avoir pas un tel casier judiciaire mais que les responsables du DPS n’ont pas été trop regardants.

Des dérives ont ainsi été constatées. Par exemple, M. Christian Launay, s’il a dû démissionner de son poste de responsable départemental DPS le 3 janvier 1989 pour avoir accroché un drapeau à croix gammée à la fenêtre de la permanence du Front National de Chalon-sur-Saône lors de la campagne pour les élections cantonales de 1988, a toutefois repris officiellement la tête du DPS bourguignon en 1995, tout en ayant dans l’intervalle conservé ses liens avec la mouvance néo-nazie et le service d’ordre frontiste. Autre exemple, M. Claude Jaffrès demeurait responsable régional Auvergne en décembre 1998 malgré les incidents survenus en marge du congrès de Strasbourg dans la nuit du 29 au 30 mars 1997 à Ostwald, qui lui ont valu d’être condamné par la Cour d’appel de Colmar le 9 avril 1998 à un an d’emprisonnement avec sursis et à la privation de ses droits civiques.

S’agissant de la sélection politique, déjà évoquée on rappellera simplement que, dès septembre 1993, M. Jean-Pierre Fabre décidait que l’adhésion au Front National ne serait plus une condition sine qua non pour l’appartenance au DPS. Cette décision a été implicitement entérinée par M. Bernard Courcelle qui, dans une note du 5 janvier 1996, instituait la possibilité expresse de recourir ponctuellement à des auxiliaires et supplétifs. Ils sont notamment chargés de servir de " tampon " avec leurs congénères skinheads trop remuants, ce qui n’a pas empêché pour autant tout dérapage.

Ces supplétifs sont bien connus du DPS même s’ils n’en font pas " officiellement " partie. Ainsi, après le drame survenu le 1er mai 1995, à Paris, lors de la manifestation traditionnelle organisée par le Front National, M. Bernard Courcelle, directeur national du DPS, a fait procéder à une enquête interne et a décidé de coopérer avec la brigade criminelle. Il a fourni aux enquêteurs des indications, cassettes vidéo et photos qui, ajoutées à celles communiquées par les renseignements généraux, leur ont permis d’identifier l’auteur des faits, Mickaël Fréminet, et les trois individus qui l’accompagnaient. Lors du procès devant la Cour d’assises de Paris, deux de ces complices ont déclaré avoir participé à plusieurs reprises à des services d’ordre du Front National, notamment des surveillances de nuit lors des BBR pour lesquelles un responsable du DPS de Reims aurait fourni à l’un d’entre eux un fusil chargé avec des balles de caoutchouc. Il faut bien noter également qu’ils se trouvaient dans des cars affrétés par le Front National pour aller à Paris.

Ce recours à des supplétifs non membres du Front National a été interdit depuis la scission du mouvement. M. Jean-Pierre Chabrut, actuel directeur national du DPS, a bien insisté sur le fait qu’il avait élaboré des directives imposant l’adhésion au parti pour faire partie du service d’ordre. Les raisons de fidélité politique sont semble-t-il devenues tout à fait essentielles aux yeux de M. Jean-Marie Le Pen.

- Le profil général des membres du DPS

Au cours des années 1994 à 1998, période de référence choisie par les renseignements généraux pour leur analyse en raison de la reprise en main du DPS par M. Bernard Courcelle, il est apparu que l’encadrement du DPS était très stable et n’avait guère varié. Seul le nombre de jeunes skinheads employés au sein du DPS semble avoir diminué au fil des ans en raison des consignes de M. Bernard Courcelle de les écarter, notamment après le meurtre de Brahim Bouarram.

Les jeunes militants du Front National semblent sous-représentés. Les moins de 30 ans ne dépassent pas les 10 % des effectifs du DPS. Outre les consignes précitées, cela tient sans doute au fait que la plupart des jeunes militants frontistes préfèrent rejoindre le Front National de la Jeunesse (FNJ) qui agit de manière autonome par rapport au DPS et dispose de son propre service d’ordre.

A l’inverse, les anciens sont plus nombreux au sein du service d’ordre du Front National que dans ceux des autres formations politiques ou syndicales : plus d’un quart a dépassé la cinquantaine, ce qui peut être mis en rapport avec les " inquiétudes " de M. Patrick Bunel, membre du DPA, sur l’" âge assez avancé " des membres du DPS. L’essentiel des militants se situe donc dans la tranche d’âge 30-49 ans.

Il est difficile de dresser un inventaire détaillé des professions du millier de cadres et de gardes qui composait le service d’ordre frontiste avant la scission du parti. On peut toutefois constater que la majorité des membres du DPS provient des milieux de la sécurité privée (protection des biens, protection des personnes, portiers de boîtes de nuit, vigiles). Près d’un dixième de l’effectif du DPS est composé de petits patrons ou de commerçants ; plusieurs d’entre eux tiennent ou ont tenu bars, restaurants ou hôtels. On peut aussi remarquer la présence d’un petit groupe de salariés de la RATP, très sensibilisés au thème de l’insécurité.

S’il y a de tout au DPS, comme se plaisent à le souligner les responsables du service d’ordre entendus par la Commission, il semble cependant que certains milieux y sont sur-représentés.

- Les militaires, gendarmes et policiers

Un quart des effectifs du DPS, dont le parcours est connu, a servi dans l’armée française, la plupart dans des régiments parachutistes. Cette tendance est traditionnelle à l’extrême-droite où les associations d’anciens parachutistes sont régulièrement sollicitées depuis la guerre d’Indochine pour servir de troupes de choc ; elle a sans doute été amplifiée par la volonté de M. Bernard Courcelle, ancien officier parachutiste devenu directeur national du DPS.

La direction centrale des renseignements généraux a procédé à une analyse détaillée des professions des 79 cadres (de directeur national à responsable départemental) composant le DPS au 1er décembre 1998. Cette étude a permis d’établir que, parmi ceux-ci, on trouvait alors quatre policiers (dont trois révoqués) et dix militaires à la retraite (dont trois officiers et six sous-officiers).

. Les quatre policiers sont : M. Philippe Caplain, gardien de la paix révoqué en 1990, actuellement agent de la RATP et responsable départemental du DPS des Hauts-de-Seine ; M. Alain Camdessoucens, gardien de la paix révoqué le 1er avril 1994, ancien responsable de l’Alsace et du grand Est ayant démissionné de toutes fonctions fin 1994 ; M. Daniel Page, brigadier de police affecté au commissariat de Clermont-Ferrand, responsable départemental du Puy-de-Dôme ; M. Guy Carrère, ancien sous-brigadier, responsable départemental pour l’Isère.

. Les dix militaires sont : M. Bernard Courcelle, ancien officier parachutiste ; M. Patrick Moulin, capitaine de frégate, responsable du DPS de Bretagne ; M. Alain Sogni, colonel en retraite, responsable départemental du Cher ; M. Sylvestre Puertas, retraité de l’armée, responsable de la région Midi-Pyrénées ; M. Philippe Patary, ancien sous-officier, responsable départemental pour les Hautes-Pyrénées ; M. Christian Grenier, ancien sous-officier, responsable régional pour le Nord-Pas-de-Calais ; M. Patrick Blond, agent civil de l’Etat et gardien à l’ETAMAT24 de Brienne-le-Château, responsable régional pour la Champagne-Ardenne ; M. Jean-Louis Moulinier, retraité de l’armée, responsable départemental de la Corrèze ; M. Louis Veres, ancien légionnaire au 2ème REP, responsable départemental de l’Aude ; M. Marc Avize, sous-marinier retraité, responsable départemental des Côtes-d’Armor.

Pour compléter ces éléments, il faut indiquer que le nouveau directeur national du DPS, M. Jean-Pierre Chabrut, est un officier de réserve, avec le grade de commandant, qui a servi au 1er régiment d’infanterie de marine (1er RIMa).

Il faut également relever que, à l’occasion de l’enquête conduite sur le meurtre de Brahim Bouarram à l’issue de la manifestation organisée par le Front National à Paris le 1er mai 1995, la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) a eu connaissance qu’un officier de réserve servant en situation d’activité de l’armée de terre, le capitaine Frank Duplaquet, affecté à l’établissement du génie de Nancy, en civil et en situation régulière, était responsable d’une équipe du DPS. De même, M. Gilles Poulet, officier marinier, en retraite depuis 1997, a été observé, en octobre 1995, transportant le cercueil de M. Jean-Claude Poulet-Dachary, adjoint au maire de Toulon. Il était membre du service d’ordre de cette cérémonie. Cependant, son appartenance au DPS n’a jamais été formellement établie. Enfin, M. Bruno Jacquet, adjudant et ancien responsable du DPS pour les Vosges, aurait quitté le service d’ordre du Front National depuis 1996.

. La gendarmerie nationale a recensé quant à elle trois " brebis galeuses " dans ses rangs, liéés de près ou de loin au DPS. Outre M. Gérard Hirel, lieutenant-colonel en retraite (ER) et responsable régional des Pays-de-la-Loire, il faut mentionner le capitaine (ER) Jean-Pierre Fabre et le colonel (ER) Jean-Jacques Gérardin.

• Le capitaine Fabre

Le capitaine Jean-Pierre Fabre a intégré la gendarmerie en 1980. En juillet 1986, alors commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Bron, il s’est fait remarquer par un manquement au devoir de réserve en dévoilant des renseignements, dans le cadre d’une affaire judiciaire, à un membre du Front National. Ce manquement a entraîné un retrait de son habilitation d’officier de police judiciaire (OPJ) pendant un an, ainsi qu’un blâme du ministre de la défense.

Le 1er mai 1987, il a été placé, sur sa demande, en congé sans solde pour convenances personnelles. Le 1er janvier 1990, sur sa demande également, il a été rappelé à l’activité et a rejoint le centre de documentation et de pédagogie de la gendarmerie (CDP) à Maisons-Alfort. En 1993, il a demandé à être placé en disponibilité pour une période de 5 ans à compter du 3 mai. En 1998, le capitaine Fabre a demandé une nouvelle période de disponibilité qui lui a été accordée. Le capitaine Fabre, entre ses périodes de congé et d’indisponibilité, aura servi 10 ans sous le statut d’officier de gendarmerie en activité.

Pendant ses périodes de non-activité militaire, il aurait successivement exercé les fonctions de directeur de la sécurité auprès de la société Moët-Henessy, de chargé de mission au sein du groupe d’édition des Presses de la cité puis de la société PHL (M. Philippe Legorjus, ancien membre du GIGN).

A partir de juillet 1993, il a été chargé de la direction nationale du DPS jusqu’en 1994. Cette activité ne peut être antérieure au 3 mai 1993 puisqu’elle est absolument incompatible avec le statut d’officier de gendarmerie en position d’activité.

• Le lieutenant-colonel Hirel

Officier de gendarmerie à la retraite depuis 1986, M. Gérard Hirel a créé, après avoir quitté le service actif, une association dans la mouvance de l’extrême-droite, dénommée Euro défense, association à vocation de défense des libertés, des opprimés, persécutés et victimes de tous ordres.

Il a été responsable du DPS pour la région des Pays-de-la-Loire et chargé de mission à la direction nationale du DPS, jusqu’à son ralliement à M. Bruno Mégret et sa participation au DPA en tant que chargé de mission pour la formation.

Il s’est fait remarquer défavorablement à plusieurs reprises, en mêlant à son nom son ancien grade d’active et son ancienne appartenance à la gendarmerie nationale. Il est notamment intervenu à différentes occasions, soit par des articles de presse, soit par des communications téléphoniques à la suite de certains événements d’ordre public. Il a également eu, en 1997, des relations " difficiles " avec M. Jean-Louis Arajol secrétaire général du syndicat général de la police. Cela a été consigné dans un rapport du 16 juin 1997. A cette occasion, il a été écarté de toute responsabilité au sein des réserves.

• Le colonel Gérardin

Le colonel Jean-Jacques Gérardin a intégré la gendarmerie en 1956. Le 25 juillet 1983, il a été admis à la retraite, sur sa demande, et nommé dans le cadre des officiers de réserve à la même date.

Membre du Front National depuis 1985, il a été secrétaire fédéral de ce parti dans le département du Cher en 1985, membre du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen où il a rempli les fonctions de conseiller à la sécurité, conseiller régional des Pays-de-la-Loire et responsable national des élus du Front National. Il aurait récemment quitté le Front National.

Le colonel Gérardin était également le directeur de la publication " Le Glaive " qui est le bulletin d’information du Cercle national des gens d’armes (CNGA), association de type loi de 1901 qu’il préside. Cette publication a ouvert ses colonnes à des personnalités du Front National, tel M. Bruno Mégret. Cette revue a été adressée gratuitement dans de nombreuses unités de gendarmerie mais ne semble pas avoir obtenu de retentissement dans ses rangs.

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Enfin, quelques profils particuliers doivent être signalés. Ils permettent de bien se rendre compte que les membres du DPS sont loin d’être tous des enfants de choeur, comme ses responsables ont voulu le faire croire lors de leur audition par la Commission. Les faits n’ont pas été avoués, mais des informations concordantes permettent à la Commission d’en faire état dans son rapport.

- Le profil mercenaire

La présence de nombreux anciens militaires, légionnaires notamment, membres de l’Union nationale des parachutistes (UNP), ainsi que celles d’anciens " soldats perdus " de l’OAS, facilitent une capillarité certaine entre DPS et milieu mercenaire. Le phénomène fonctionne via notamment la fréquentation de sociétés de sécurité amies, dont certaines réputées pour fournir des " gros bras ", comme Serge Leleu, mercenaire dès 1976 au Liban au sein des Phalanges Chrétiennes, membre des groupes-choc en 1995-1996 et lié à l’OST ou à Torann pour le recrutement d’agents à destination de la Birmanie, Igor Peccatte, ancien gérant d’Acting Out International, Pierre Oldoni, employé par la société Ambassy en 1996 et supplétif du DPS ou encore quelques " bénévoles " du Groupe Onze France dirigé par M. Nicolas Courcelle, frère de Bernard, ou de la société Normandy.

Pour se faire une idée de ce qu’on peut entendre par " profil mercenaire ", quelques portraits de mercenaires liés de près au DPS ne sont pas superflus.

• M. F-X S

Fils de M. F. S., co-fondateur et président de Jeune Nation, mouvement d’extrême-droite dissous en mai 1958, et neveu de M. P. S., actuel président du mouvement antisémite et ultranationaliste l’Œuvre Française, M. F-X. S., dit " capitaine FX ", a initié son parcours " public " par un engagement, en 1986, en qualité d’" officier " de la garde présidentielle des Comores, dirigée jusqu’à la fin de l’année 1988, par le chef mercenaire français Bob Denard. Il figure à ce titre sur le décret d’interdiction du territoire des Comores du 9 janvier 1990.

Proche de ce dernier, M. F-X. S. est apparu, lors de l’exil sud africain de Bob Denard (décembre 1989/février 1993), comme un de ses relais privilégiés en France. Il aurait ainsi recruté des gardes du corps pour la famille royale saoudienne et des mercenaires pour la guerilla Karen en Birmanie. Cette symbiose fut publiquement démontrée en 1995 : M. F-X. S. alors directeur-adjoint du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen et rédacteur en chef adjoint de " La lettre de Jean-Marie Le Pen ", appartenait à l’équipe qui, sous les ordres de Bob Denard, a tenté de perpétrer un coup d’Etat aux Comores. Les 38 mercenaires ont été délogés par l’armée française et rapatriés sur le territoire national. Le 16 octobre 1995 a été ouverte une information judiciaire des chefs d’arrestation et séquestration arbitraire en bande armée, à propos de la rétention du président Djohar, et d’association de malfaiteurs. M. F-X. S. demeure mis en examen dans cette affaire.

Son activité dans les milieux mercenaires s’est faite dès lors plus discrète. Fin 1996, un rôle d’intermédiaire lui a été attribué dans le recrutement d’éléments d’extrême-droite - dont trois membres du DPS - pour approvisionner la filière mise en place par l’alter ego belge de Bob Denard, Christian Tavernier, en faveur du régime du président Mobutu au Zaïre25. Début septembre 1997, il aurait aussi participé au montage d’une opération similaire au Congo, dirigée au profit du président Denis Sassou N’Guesso, par deux proches de Bob Denard, Jean-Marie Desalles et Emmanuel Pochet. M. F-X. S. reste actuellement très proche de ce dernier, et fréquente assidûment les figures du réseau Denard, participant vraisemblablement à des missions au Congo et en Guinée équatoriale en septembre 1998.

Fin 1997, à l’occasion de la révélation de l’affaire tchétchène mettant en cause M. Bernard Courcelle, le nom de M. F-X. S., présenté comme chef de cabinet de M. Jean-Marie Le Pen, est avancé par M. Stéphane Ravion, journaliste de l’agence Capa, auteur d’un reportage pour Le vrai journal de Canal Plus sur le sujet, comme étant la personne à contacter au siège du Front National dans le cadre de la mission de vente d’armes.

La ligne et le profil baroudeur de M. F-X. S. lui ont conféré sans aucun doute une certaine aura au sein du Front National, et notamment dans les rangs de son service d’ordre. S’il n’apparaissait pas dans l’organigramme du DPS, il en suivait statutairement les activités depuis 1994. En témoigne un courrier du 28 août 1994 à en-tête du DPS, signé par M. Marc Bellier - alors directeur national adjoint du DPS - et destiné uniquement aux directeurs territoriaux du DPS, ainsi qu’à M. Bernard Courcelle, directeur national, et à M. F-X. S., en raison de ses fonctions au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen. Ce lien structurel a été vérifié lorsque, le 29 juin 1997, il a présidé, au nom de M. Jean-Marie Le Pen, une réunion festive du DPS en Bretagne. Selon les renseignements généraux, à cette occasion, il aurait abreuvé son auditoire de propos plutôt " musclés ". Notons que cette information est démentie par l’intéressé qui ne se " souvient " pas de cette réunion.

Dans les rangs du service d’ordre frontiste, on prêterait à M. F-X. S. un intérêt constant pour le DPS. Aujourd’hui encore, certains observateurs privilégiés lui attribuent la volonté d’un " droit de regard " sur la nouvelle structure de sécurité mégrétiste, le Département Protection Assistance (DPA). En effet, rallié au camp mégretiste, dont il est devenu à l’occasion de la scission du Front National un actif propagantiste, M. F-X. S.a été élu au comité central du FN/MN à l’occasion du congrès de Marignane.

• M. Jean-Claude Sanchez

C’est un détective privé et agent de sécurité à Genève, dont les activités se développent également à l’étranger, notamment en Israël. Adhérent du Front National à partir de 1984, il en a dirigé le DPS de Haute-Savoie de sa création, la même année, à mi-1997.

Très proche de Bob Denard, il a pris une part très active (pour les repérages et le recrutement) à l’opération mercenaire menée par ce dernier en 1995 aux Comores. Sa mise en examen consécutive à cette affaire l’a amené à prendre quelques distances, au moins officielles, avec le service d’ordre frontiste, dont il a laissé la responsabilité, au printemps 1997, à un militant du Front National sans passé sulfureux, M. Bernard Large.

Il faut noter que M. Jean-Claude Sanchez est président de l’Union Nationale des Parachutistes (UNP) en Haute-Savoie depuis 1984.

• M. Gilles Rochard

Il s’est engagé durant quatre ans dans les troupes parachutistes d’infanterie de marine, de 1967 à 1970.

Militant depuis de nombreuses années de l’UNP, il fut l’adjoint de M. Jean-Claude Sanchez à la tête du DPS de Haute-Savoie. Toujours membre du service d’ordre frontiste et de son noyau lepéniste (4 à 5 militants sur 20), il pourrait, en dépit de son profil sulfureux, être nommé responsable de son service d’ordre par la hiérarchie lepéniste locale.

Il fut membre de l’équipe de Bob Denard lors de la tentative de coup d’Etat aux Comores, en 1995. De même, à l’été 1998, il aurait servi en qualité d’instructeur militaire en Guinée équatoriale.

• M. Thibaut Demay

Il fut un permanent du DPS affecté à la garde du siège du Front National à Saint-Cloud et le responsable lorrain du DPS, jusqu’à son ralliement public à M. Bruno Mégret, le 16 janvier 1999.

Selon les renseignements généraux, il n’a pas d’antécédents activistes. Pourtant, début 1996, il est apparu comme auxiliaire de M. Bernard Courcelle, à contacter au " Paquebot ", dans le cadre de l’affaire tchétchène. De même, fin 1996, il aurait fait partie du petit contingent levé par le chef mercenaire belge Christian Tavernier en faveur du président Mobutu au Zaïre.

• M. Jean-Paul Amiot

C’est aussi un ancien militaire d’active, au 3ème RPIMa de 1977 à 1982.

Militant alsacien du DPS, notamment chargé de la protection rapprochée de M. Jean-Marie Le Pen lors de ses déplacements en Alsace, M. Jean-Paul Amiot est considéré comme un mercenaire chevronné. Il serait allé au Zaïre fin 1996 et au Congo en 1997. Il partagerait également certaines activités du Groupe Onze France.

D’autres noms de mercenaires membres du DPS ou liés à lui sont également connus des renseignements généraux : M. Christian Ollivier (DPS Alpes-de-Haute-Provence, en Bosnie en 1992), M. Daniel Martau (DPS Haute-Savoie, aux Comores en 1995), M. Stéphane Simon (DPS de Haute-Savoie, au Zaïre fin 1996), MM. Pierre Oldoni et Erwan Hoizey (anciens du GUD, au Zaïre fin 1996 et au Congo en 1997), MM. Jean-Marc Bodin, Jean-Philippe Tragin, Marc Garibaldi,...

- Le profil néo-nazi

En dépit des orientations strictement légalistes définies pour le DPS par M. Bernard Courcelle et son successeur actuel, la pénurie de cadres et de troupes de qualité, un certain laxisme et le système de cooptation, ont permis la constitution d’îlots activistes et pro-nazis au sein de certains groupes locaux.

Parmi les plus notoires figure le DPS d’Alsace, dont les responsables, néo-nazis orthodoxes au début de la décennie 1990, ont défrayé la chronique par l’expression de leurs menées activistes au sein de l’Heimattreue Vereinigung Elsass (HVE), organisation dissoute le 2 septembre 1993 (en application de la loi du 10 janvier 1936)26. Tel fut le cas de M. Alain Camdessoucens, gardien de la paix, responsable DPS d’Alsace dès 1987, puis responsable régional pour l’Alsace et le Grand Est en 1989, démissionnaire le 1er novembre 1994. On peut aussi citer le DPS du Calvados, autour de MM. Gérard Le Vert, Christian Launay, Philippe Chapron, Jean-Luc Ménard, Pascal Havard, Patrice Halope et Samuel Bellenger.

• M. Gérard Le Vert

Récemment nommé responsable du service d’ordre mégretiste, le DPA, M. Gérard Le Vert dirigeait avec M. Christian Launay, actuel conseiller régional lepéniste de Bourgogne, les opérations du DPS à Montceau-les-Mines, le 25 octobre 1996.

Responsable DPS au sein du mouvement frontiste de Saône-et-Loire depuis 1985, connu pour ses liens avec les milieux néo-nazis, M. Gérard Le Vert aurait fondé, en 1989, un groupe pro-nazi au sein du DPS local, alors même que les responsables hauts-rhinois de cette formation créaient une structure identique, le Cercle Charlemagne, lequel devait devenir Cercle National Socialiste (CNS), puis Heimattreue Vereinigung Elsass (HVE).

Selon les renseignements généraux, M. Gérard Le Vert était en contact avec plusieurs mouvements néo-nazis français, notamment le Parti Nationaliste Français et Européen (PNFE), et participait à des manifestations de nostalgiques du IIIème Reich. Ainsi, à plusieurs reprises (23 juin 1986, 18 et 19 juin 1991 et 1er juillet 1995), il aurait rassemblé plusieurs dizaines de militants dans sa propriété de Saint-Léger-sous-Beuvray, à l’occasion, par exemple, du solstice d’été, pour les " feux de la Saint-Jean ". Devant la Commission M. Gérard Le Vert a dénié tout caractère idéologique à ce type de manifestation et a préféré soutenir qu’il s’agissait seulement de perpétuer des traditions locales. Par ailleurs, le 2 juillet 1995, il aurait mené une quarantaine de militants d’extrême-droite, dont de nombreux skinheads, en " excursion " sur le site archéologique du Mont-Beuvray, dans la Nièvre. M. Gérard Le Vert a été interpellé à cette occasion.

Il a également reconnu avoir participé, les 6 et 7 octobre 1990, à un voyage en Bavière chez l’ancien officier Waffen SS Egon Bartenbach27 et le 2 octobre 1994 aux cérémonies de l’Ulrishberg (Autriche) en mémoire des combattants allemands et autrichiens, mais pour des raisons affectives et familiales, a-t-il déclaré à la Commission. Ne comprenant pas l’allemand, il aurait assisté à une messe et à des discours sans vouloir en connaître le contenu pendant toute une matinée ! Il se souvient bien par contre avoir rencontré à cette occasion M. Jörg Haïder, chef du parti nationaliste autrichien. Par ailleurs, sa voiture a été aperçue le 24 août 1994 lors de la traditionnelle messe en mémoire des soixante-seize miliciens fusillés au Grand-Bornand le 24 août 1944.

• M. Christian Launay

Véritable alter ego de M. Gérard Le Vert au sein du DPS jusqu’en 1998, M. Christian Launay apparaissait comme la deuxième " figure " du DPS bourguignon. Témoin lui aussi de la déviance néo-nazie du service d’ordre frontiste en Saône-et-Loire, ce co-animateur du groupe bourguignon avait contribué aux dérives collectives des militants vers l’ultra-droite, établissant des structures marginales en s’appuyant sur un noyau extrémiste.

Ainsi, comptant plusieurs néo-nazis sur un effectif d’une soixantaine de membres, cette entité semble avoir adopté, à l’initiative des deux activistes, un cérémonial copié sur celui des Sections d’Assaut (SA) des débuts du nazisme - " intronisation " de nouveaux membres, goût prononcé pour le secret et la clandestinité.

L’élection, en mars 1998, de M. Christian Launay au conseil régional de Bourgogne sur la liste Front National n’est sans doute pas étrangère à la " disparition " de ses activités néo-nazies.

• M. Philippe Rosso

Militant néo-nazi proche des milieux skinheads, il s’est signalé pour la première fois, le 13 mai 1988 à Nice, pour avoir saccagé une cabine téléphonique en compagnie de trois autres skinheads. Le 20 août 1989, il a participé à une agression raciste commise dans le vieux Nice par un groupe skin. Le 12 septembre 1989, il a été interpellé dans un appartement parisien d’où avait été tiré un coup de pistolet à grenaille ayant blessé une ressortissante malienne. Plusieurs armes et de la documentation pro-nazie ont alors été saisies.

Il est réapparu en 1993, en relation avec le Front National. Le 1er mai de la même année, il a été interpellé à Paris dans le cadre des incidents ayant émaillé le traditionnel défilé de Jeanne d’Arc. En septembre suivant, il aurait participé à la fête des " Bleu Blanc Rouge ". A la fin de l’année 1997, il a été interpellé à Nice après une tentative de vol par effraction au préjudice d’une société de bureautique. Une perquisition à son domicile a permis la découverte de plusieurs armes.

Actuellement, il militerait au sein du groupe niçois affilié au mouvement Unité Radicale, coalition des formations ultranationalistes (Groupe Union Défense et Renouveau Etudiant) et nationalistes-révolutionnaires (Union des Cercles Résistance et Jeune Résistance). Dirigé par M. Fabrice Robert, ce groupe compterait une vingtaine de militants.

Occasionnellement, il prêterait main forte au Front National, notamment à l’occasion de missions de protection et de sécurité pour le DPS.

De la même façon, on peut citer MM. Robert Ottavioni, rédacteur en chef du bulletin interne du DPS " Le Lien " et membre du DPS de 1993 à 1995, qui est un ancien skinhead, Régis Kerhuel, skinhead havrais, intégré au dispositif DPS lors des BBR de 1997, qui est incarcéré depuis le 12 juin 1998 pour le meurtre d’un Mauricien, James Dindoyal, le 19 juin 1990, Gérard Poitou, proche du Parti nationaliste français et européen (PNFE), incarcéré à la suite d’une agression par arme à feu à caractère raciste, Eric Colin, militant nationaliste-révolutionnaire, Philippe Grosbois, militant de l’OEuvre française jusqu’en 1993, Philippe Frizac, proche du GUD et du FNJ, Bruno Busson, militant du GUD et membre violent des jeunesses nationalistes révolutionnaires,...

Ainsi, malgré la volonté affichée et dans une certaine mesure réelle des dirigeants du DPS de ne pas avoir de skinheads dans leur rangs, un certain nombre d’entre eux ont continué à participer aux activités du service d’ordre.

- Les conséquences de la scission du Front National sur les membres du DPS

Conséquence de la scission de fait opérée au sein du Front National au début de l’année 1999, le DPS a subi une crise qui se traduit par une quasi-partition des troupes, bien que la cassure soit loin d’être franche. Le DPS " canal historique " ne conserverait en fait qu’à peine plus de 300 membres28, les autres ayant rallié le camp mégretiste et son nouveau service d’ordre, le DPA (Département Protection Assistance).

Soupçonné de tiédeur et sévèrement réprimandé par M. Jean-Marie Le Pen pour n’avoir pas su empêcher les deux mégrétistes exclus

 M. Hubert Fayard et Mme Nathalie Debaille - d’assister au conseil national réuni le 5 décembre 1998 à la Maison de la Chimie à Paris - cause immédiate de la crise ouverte -, M. Bernard Courcelle, ayant conservé un temps ses attributions, s’est trouvé écarté le 21 janvier 1999, au profit de M. Marc Bellier, ancien directeur central adjoint et responsable de la zone Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon. A son tour, celui-ci a été remplacé par M. Jean-Pierre Chabrut en mars 1999, pour des raisons de fidélité politique.

De son côté, M. Bruno Mégret a nommé, dès le 12 janvier 1999, M. Gérard Le Vert, ancien responsable DPS de Saône-et-Loire, directeur national du DPA, nouveau service d’ordre du Mouvement National. Un nouvel organigramme a été défini, dont les premiers éléments sont les suivants : directeur adjoint, M. Claude Cotte ; chargé de mission pour les relations humaines, M. André Pupier, ancien responsable du DPS Rhône-Alpes ; chargé de mission pour la logistique, M. Daniel Falcoz ; chargé de mission pour la formation, M. Gérard Hirel, qui est comme chacun sait, un ancien officier de la gendarmerie.

Alors que trois responsables zonaux sur six et huit responsables régionaux ont basculé dans le camp mégretiste, les hésitations paraissent plus fortes à mesure que l’on descend dans la hiérarchie. C’est ainsi que, parmi les responsables départementaux, beaucoup persistent à ne pas vouloir se prononcer : une vingtaine l’a fait ouvertement pour M. Bruno Mégret, tout comme une quinzaine pour M. Jean-Marie Le Pen, tandis que la majorité reste prudente. A la base, la situation semble encore plus incertaine : les déclarations des hiérarques mégrétistes évoquant le ralliement de 80 % du DPS à leur cause sont sujettes à caution.

Initialement, deux tendances contraires semblaient animer les éléments de base du DPS, rendant la situation difficile à cerner. Par nature acquis aux concepts de chef et d’obéissance, les gardes paraissaient naturellement portés vers un réflexe légaliste. Mais plus exposés que les simples militants frontistes, ils étaient également particulièrement sensibles au népotisme lepéniste dénoncé par les mégretistes. En fait, le ralliement à M. Bruno Mégret de " DPS félons " semble s’effectuer essentiellement sur des critères d’efficacité, l’ancien délégué général du mouvement paraissant à certains mieux armés que le chef historique pour mener le combat de l’extrême-droite tel qu’ils le conçoivent.

Bien avant les déchirements que connaît le DPS, une structure de fait s’était déjà constituée autour de M. Bruno Mégret, aux fins de remplir pour le compte de ce dernier, les missions d’un DPS sur lequel le délégué général du Front National n’avait statutairement et fonctionnellement pas prise.

C’est ainsi que, dès 1996 à Paris, à partir d’éléments du Groupe Union Défense (GUD) de l’université d’Assas, s’est formée une équipe de sécurité s’étoffant après la victoire électorale de Vitrolles. Parmi ceux-ci, MM. Philippe Chapron, Pierre Oldoni, mercenaire au Zaïre en 1996 et leader d’un groupe de supplétifs d’une quarantaine de militants FNJ le 22 avril 1997 à Boulogne-Billancourt, Yvain Pottiez, activiste violent leader du groupuscule Verwolf constitué le 5 décembre 1998 et intérimaire dans les sociétés de sécurité Normandy, Acting Out International (en 1992) et Ambassy (en 1994) ainsi que Patrick Bunel, chargé de mission pour la sécurité à la mairie de Vitrolles et chauffeur-garde du corps de M. Bruno Mégret à l’époque.

Les éléments les plus jeunes et les plus néo-nazis semblent s’être délibérément tournés vers M. Bruno Mégret, qui ne s’est pas fait prier pour les intégrer au sein du DPA.

B) LE DPS ET LES SOCIETES DE SECURITE ET DE GARDIENNAGE PRIVEES

Il existe des liens étroits entre les membres du DPS et certaines sociétés de sécurité dirigées par des militants d’extrême-droite. Parmi ces derniers, certains exerceraient d’ailleurs des responsabilités au sein du Front National. Tel est en substance le contenu d’un rapport des renseignements généraux sur les sociétés de sécurité et l’extrême-droite en France. La Commission regrette de ne pas avoir pu en obtenir communication en temps utile pour l’élaboration de son rapport.

- Une capillarité naturelle au sein d’un même vivier

Une certaine capillarité existe de fait " naturellement " entre la mouvance d’extrême-droite et une certaine proportion des professionnels de la sécurité privée qui, au gré d’une adhésion ancienne ou actuelle à ses thèses, voient, dans cette activité, la possibilité de prolonger leurs choix idéologiques en faveur d’un " ordre musclé ". La direction centrale des renseignements généraux a ainsi comptabilisé, sur les 79 cadres du DPS au 1er décembre 1998, 9 agents de sociétés de sécurité. En effet, les services d’ordre mis en place par le DPS au cours des dernières années ont révélé de nombreuses carences, qui résultent de l’inexpérience et du manque de motivation de la majorité des bénévoles utilisés par le DPS. Aussi, tout naturellement, les responsables du DPS se sont tournés vers les sociétés de sécurité amies, afin que celles-ci leur fournissent des véritables professionnels de la sécurité, beaucoup plus efficaces.

Selon M. Jean-Pierre Pochon, directeur des renseignements généraux de la préfecture de police, " toutes ces sociétés amies peuvent, à l’occasion, épauler le DPS en lui fournissant du matériel - matériel radio, scanners pour écouter les fréquences de la police -, et des hommes sûrs, qui ne sont pas des cadres de ces sociétés mais viennent prendre en main les opérations aux côtés de MM. Bernard Courcelle et Eric Staelens. Le travail de ces hommes de main au sein du DPS ne donne lieu à aucune rétribution, à notre connaissance, sauf en cas de mission longue - par exemple la garde du " Paquebot ", le siège du Front National, pendant les campagnes électorales. Ces sociétés y trouvent néanmoins un avantage, car leur contribution au service du DPS leur servira de caution pour décrocher plus facilement des contrats intéressants. [...] Les sociétés de sécurité puisent dans un vivier où se côtoient extrémistes de droite et aventuriers. On y retrouve notamment beaucoup d’anciens militaires, légionnaires et parachutistes, qui se sont professionnellement reconvertis en participant à ces opérations souvent très rémunératrices. Certains de ces hommes de main participent également au service d’ordre mis en place par le DPS. " Il y a bien un lien évident, au niveau des hommes, entre DPS, sociétés de sécurité et activités de mercenariat. L’emploi du temps de ces personnes fonctionne comme des vases communicants. Ainsi que l’a indiqué M. Stéphane Ravion, journaliste à l’agence Capa, " aux anciens mercenaires sans le sous revenant à Paris, on disait : " Embarque-toi dans le DPS, cela te fera toujours un peu d’argent. " "

La direction des renseignements généraux de la préfecture de police a recensé sur Paris et la région parisienne plus de 80 sociétés de sécurité ayant attiré l’attention par leurs liens passés ou actuels avec l’extrême-droite. Il s’agit généralement de sociétés qui ont été prises en main par des éléments connus pour leur activisme, passé ou présent, et qui ont favorisé, voire privilégié, le recrutement, dans ce secteur, de militants d’extrême-droite. Dans certaines de ces sociétés dont ils ont pris la direction, ces éléments d’extrême-droite se sont signalés par l’emploi de méthodes très particulières conformes à leur idéologie, tels que commandos anti-piquets de grève contre des salariés à l’occasion de conflits sociaux, expulsions musclées de squats ou recrutement de mercenaires.

- Quelques sociétés amies

• Le Groupe Onze France, SARL au capital de 50 000 francs, a son siège 9, rue Lantiez, à Paris (17ème).

En date du 14 septembre 1998, sa dénomination sociale à été modifiée : le Groupe Onze France se nomme désormais Société Internationale de Logistique et de Sécurité-International Logistics Security (ILS), traduisant la nouvelle vocation que ses dirigeants veulent développer.

Le gérant du Groupe Onze France, M. Nicolas Courcelle, ancien légionnaire parachutiste au 2ème REP puis au 3ème REI et responsable du Front National de la Jeunesse (FNJ) dans les Yvelines au milieu des années quatre-vingt, est le frère de M. Bernard Courcelle, directeur national du DPS du 1er mai 1994 au 21 janvier 1999 et lui-même également professionnel de la sécurité privée.

Chargé de mission en Angola pour le Groupe Onze avec M. Nicolas Courcelle en 1996-1997, M. Jean-Pierre Chabrut, remarqué en 1995 et 1996 au sein du DPS lors de plusieurs manifestations franciliennes du Front National, est devenu le nouveau directeur national du DPS en mars 1999.

Ces dernières années, le Groupe Onze France aurait fournit ponctuellement des agents de protection issus de son personnel au DPS, effectif estimé à 20 personnes par les renseignements généraux. Selon cette même source, démentie par M. Nicolas Courcelle lors de son audition, il aurait participé au recrutement de mercenaires pour le Zaïre en 1996.

• La société Normandy, SA au capital de 250 000 francs, a son siège 48/50, rue de Sèvres, à Boulogne-Billancourt.

Rendue célèbre par une intervention nocturne, le 7 février 1982, contre des grévistes de la fromagerie Besnier à Isigny dans le Calvados, Normandy a été fondée par l’ancien militant OAS - décédé le 29 décembre 1993 - Fernand Loustau. Ses fils, Philippe - actuel directeur général et administrateur de la société - et Axel - administrateur également - comptaient, il y a quelques années, parmi les principaux animateurs de Groupe Union Défense (GUD). Durant la campagne électorale des régionales de 1992, M. Axel Loustau assurait la coordination entre Normandy et le GUD pour la fourniture de renforts au service d’ordre du Front National. A cette occasion, M. Fernand Loustau lui-même a été remarqué à plusieurs reprises, dirigeant les effectifs sur le terrain.

Les liens privilégiés et historiques de la société Normandy avec le Front National et son service d’ordre (chargé de l’organisation d’un dispositif de sécurité pour le Front National lors de la célébration nationaliste parisienne de la fête de Jeanne d’Arc, le 10 mai 1981, l’ancien mercenaire Dominique Erulin était directeur technique de Normandy cette même année) en font, actuellement encore, selon toute vraisemblance, une des principales filières d’approvisionnement, notamment en matériel, du DPS. En effet, lors d’une perquisition au siège de la société le 22 janvier 1997, 32 armes à feu, la plupart en vente libre, ainsi que des manuels de fabrication d’engins explosifs, ont été découverts par la brigade criminelle.

Le fichier de la société a également pu être utilisé au profit du DPS à l’insu de son président actuel, M. Gilles Kuntz. Par exemple, vingt-quatre agents de la société conduits par des militants du GUD se sont rendus en février 1997 à la compagnie papetière de Corbeil-Essonne pour s’opposer à un éventuel coup de force de la CGT. Il faut également souligner que cette société a embauché plusieurs mercenaires, comme Pierre Oldoni, Erwan Hoizey et François Robin, ce dernier étant poursuivi pour homicides avec actes de barbarie (cannibalisme) perpétrés en Birmanie.

• On peut aussi citer la Société de Prestations de Gardiennage et de Maintenance (SPGM), installée à Créteil, qui a pour actionnaire le responsable du DPS pour le département du Val-de-Marne, M. Jean Marquette. Celui-ci détient 210 des 700 parts sociales de la SGPM, actuellement confrontée à d’importantes difficultés financières.

• L’Organisation Gestion Sélection (OGS), située 5, rue Alexandre Parodi, à Paris (10ème), est spécialisée dans le recrutement d’anciens légionnaires et parachutistes. Cette société sert de vivier aux réseaux de mercenaires. Son PDG, M. Gonzague du Cheyron du Pavillon, est un ancien dirigeant de l’OAS, ainsi que M. Daniel Godot, administrateur d’OGS. Elle a pour commissaire aux comptes M. Christian Baeckeroot, cadre frontiste francilien et ancien trésorier du parti de M. Jean-Marie Le Pen.

OGS a recruté, en 1996, des mercenaires pour assurer la sécurité d’infrastructures pétrolières de la société Total en Birmanie. Cela a d’ailleurs abouti à une situation tout à fait originale, puisque, tandis que des personnes étaient recrutées pour protéger les installations de la société Total, d’autres l’étaient aussi pour encadrer la guérilla Karen. En juin 1997, OGS a également accepté un contrat de la direction de l’entreprise Valéo basée à Evreux. Une trentaine de vigiles parmi lesquels figuraient plusieurs membres du DPS composaient cette équipe, dirigée par un membre de réseau de mercenaires, dont la mission consistait à déménager les machines-outils de l’entreprise alors en grève. Une seconde opération, conduite par un membre du DPS, a eu lieu chez Valéo le 29 juillet 1997.

• La société Ambassy, située 84, rue de Wattignies, à Paris (12ème), a pour directeur M. Gilles Sereau, qui dirige également une société de conseil en entreprises, Ambassy Conseil. Il est connu depuis 1977 pour son militantisme d’extrême-droite. Il est également l’associé de M. Gilles Soulas dans la librairie d’extrême-droite L’Aencre. On peut noter que l’épouse de ce dernier était chargée d’organiser les manifestations du Front National. Et M. Bernard Courcelle a indiqué que M. Gilles Soulas était un responsable du DPS d’Ile-de-France avant son arrivée à la tête du DPS. Ce dernier, entendu par la Commission, a cependant nié toute participation au DPS. Il n’en reste pas mois qu’Ambassy a fourni des hommes de main, mercenaires ou militants du GUD, au DPS en période électorale.

• La société Eric SA, installée dans le 17ème arrondissement de Paris, a pour objet les études et installations pour la protection et la sécurité du travail et le conseil en risque-management. Elle a recruté une grande partie de son personnel chez d’anciens militaires, en particulier ceux issus du 2ème REP et du 17ème RGP, et coiffe un réseau de mercenaires actifs dans les milieux d’extrême-droite. Elle a notamment obtenu des contrats de sécurité en Birmanie et en Algérie.

• Les locaux de l’importante société de sécurité Agence Centrale De Services (ACDS), situés à Vert-le-Grand dans l’Essonne, ont reçu, le 11 février 1998, la visite de M. Jean-Marie Le Pen, venu soutenir " une entreprise contrainte à la fermeture à cause de l’insécurité ". L’agence de Vert-le-Grand était dirigée par M. Régis de la Croix Vaubois, conseiller régional Front National de la Nièvre. Selon M. Michel Soudais, journaliste à Politis, " il avait organisé cette visite en accord avec son patron [M. Pierre Morel], qui était également présent ". Cette société, victime de plusieurs vols à main armée depuis décembre 1996, a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement en date du 3 novembre 1998.

Enfin, on peut relever que quelques sociétés de sécurité sont directement gérées par des militants du Front National et du DPS. Ce fut notamment le cas du Groupe Action Protection, créé pour assurer la protection rapprochée des députés européens du Front National. Une autre société, SAFE Organisation, a également été gérée par des militants du Front National qui l’ont utilisée pour assurer la protection de personnalités du Front National.

En province, M. Jean-Pierre Dellac, ancien chargé de mission à la direction centrale du DPS et responsable de la zone Grand Est, était au mieux avec la société Alpha Sécurité, objet d’une liquidation judiciaire le 27 janvier 1997. Par le biais de cette société, il achetait diverses armes dont le port est interdit (gomme cogne - 6ème catégorie -, fléau japonais

- 7ème catégorie -) pour équiper les membres alsaciens du service d’ordre du Front National.

La gendarmerie nationale a également confirmé l’appartenance au DPS de certaines personnes, régulièrement employées au sein de ces sociétés de sécurité privée. Les informations fournies par la gendarmerie portent sur quelques sociétés du Nord et de l’Est de la France.

C) LES MOYENS MATERIELS : UN BEL ATTIRAIL !

- Un mot d’ordre : " pas d’armes ! "

Service d’ordre d’un parti d’extrême-droite, le DPS compte fort logiquement dans ses rangs bon nombre de passionnés d’armes, souvent inscrits dans des clubs de tir, ce qui les autorise à détenir des armes de 4ème catégorie mais non à les porter lors des activités militantes et des collages d’affiches. Mais il faut pour cela toujours rappeler la consigne : " Pas d’armes ! ". La circulaire interne n° 3 du 15 avril 1986 rappelle ainsi que " toute arme est interdite quelle que soit la tenue ". De même, une note de M. Bernard Courcelle en date du 29 juin 1995 demande aux responsables régionaux de prendre connaissance de la nouvelle réglementation des armes et de faire en sorte que " tous les DPS, quelle que soit leur fonction [appliquent] scrupuleusement le texte afin d’éviter de regrettables incidents pouvant porter préjudice au mouvement ". Enfin, à la veille de la fête des BBR de 1998, la direction du DPS aurait donné verbalement pour consignes aux cadres du DPS de " faire le ménage " à leur domicile pour parer à d’éventuelles perquisitions.

Selon les renseignements généraux de la préfecture de police de Paris, le DPS a pour habitude, lors des manifestations et réunions à risque, de prendre des dispositions afin de stocker à proximité, dans les coffres de voiture par exemple, divers matériels tels que matraques, bombes à gaz lacrymogène ou barres de fer. Parfois également, certains militants portent sur eux, à l’insu semble-t-il des responsables du DPS, des matraques télescopiques ou des poings américains. Toutefois, lors des différents rassemblements ou manifestations du Front National à Paris, les militants du DPS ont toujours pris soin de ne pas exhiber ou utiliser ce matériel à la vue des forces de l’ordre. M. Renaud Dély, journaliste à Libération, confirme ces faits : " Cet individu, membre d’une brigade légère d’intervention, m’a raconté que si la direction du DPS ne leur fournissait pas d’armes à feu, elle fermait les yeux sur celles qui pouvaient circuler ou être détenues par les membres du DPS. "

Mme Fiammetta Venner, journaliste à Prochoix infiltrée au DPS, a indiqué à la Commission ce qu’elle a vu en matière d’armes : " "Le matériel de camping" peut servir d’armes en cas de besoin. On y trouve des gants plombés, assez utiles ; les poings américains sont "limites", mais il y en a ; les râteaux sont efficaces pour rayer des voitures ; on y trouve également des couteaux de peintre, habituellement utilisés par les militants de divers partis pour retirer les affiches qui ne leur plaisent pas. Ils peuvent aussi servir d’objets coupants. Ajoutons une arme dissuasive, dont je ne sais dans quelle mesure elle peut se révéler mortelle : les matraques électriques. Cela ressemble à un bloc en métal, avec deux émetteurs, l’électricité passant entre les deux. On accroche quelqu’un et on lui fait passer un courant électrique. Pour nous amuser, nous le testions. On ressentait un petit choc, parce que le voltage était mis en position faible. Les personnes avec moi n’ont jamais revendiqué d’avoir tué quelqu’un, mais les UMI disent que c’est un bon moyen pour faire évanouir quelques secondes une personne au cours d’une manifestation afin de la mettre dehors. J’ignore les voltages utilisés ".

• De nombreux incidents signalés avec port d’armes

De nombreuses interpellations ont eu lieu pour l’utilisation ou le port d’armes de 6ème catégorie - armes blanches ou par destination - témoignant du comportement laxiste de la hiérarchie du DPS concernant la dotation en pistolets G 27 ou G 54, bombes lacrymogènes, manches de pioche, pistolets à décharges électriques et fusils à pompe.

A l’occasion des incidents mentionnées en première partie de ce rapport, des armes ont été trouvées en possession de membres du DPS à de nombreuses reprises. Le détail de ces incidents n’est pas repris ici, seules les armes sont détaillées.

Le 15 janvier 1992 à Nancy, six membres du DPS sont trouvés porteurs de fusils " flashball ", pistolets à grenaille, battes de base-ball, bombes lacrymogènes, poings américains et couteaux.

Le 21 janvier 1992 à Caen, le DPS était doté d’un arsenal de casques, foulards, tenues para-militaires, masques à gaz, bâtons, manches de pioche, bombes lacrymogènes, matraques et pulvérisateurs de gaz lacrymogène à dos avec lance. Par ailleurs, un garde du DPS était en permanence à l’écoute des liaisons-radio des services de police à l’aide d’un scanner (ayant la forme d’un portable avec écouteur discret).

Le 19 février 1992 à Toulouse, deux militants de l’OEuvre Française recrutés pour le DPS ont été interpellés alors qu’ils transportaient dans le coffre de leur voiture un revolver à grenaille, un fusil à pompe à canon scié, une carabine de calibre 22 Long Rifle, des munitions, deux poignards, un poing américain et des battes de base-ball aux extrémités entourées de fil de fer barbelé, qu’ils ont brandies lors de la réunion.

Le 14 mars 1993 à Gardanne, 13 membres du DPS ont été interpellés par les forces de l’ordre qui ont saisi matraques et bombes lacrymogènes.

En avril 1993 à Saint-Denis-de-l’Hôtel, le responsable DPS de la région Centre, M. Jean-Marie Petit, a utilisé un fusil de type " Riot Gun " pour tirer en l’air une balle en caoutchouc.

Le 3 juin 1993 à Châtillon, dans le véhicule de M. Philippe Chapron et de trois militants du DPS du Calvados ont été découverts un fléau japonais, un poing américain, un pistolet lance-fusées calibre 12 et des balles en caoutchouc, un sabre d’exercice japonais en bois ainsi que 26 manches de pioche.

Le 15 janvier 1995 à Tours, un militant du DPS a été trouvé porteur d’un couteau, d’un pistolet à gaz et de deux bombes lacrymogènes.

Le 21 février 1995, lors du collage d’affiches à Marseille qui s’est terminé par le meurtre d’Ibrahim Ali Abdallah, les trois personnes condamnées, MM. Robert Lagier, Mario d’Ambrosio et Pierre Giglio, soupçonnées d’être membres du DPS, ont été interpellées en possession d’un pistolet automatique calibre 22 long Rifle et de deux pistolets automatiques de calibre 7.65 mm, armes de 4ème catégorie29.

Le 29 août 1995, à Toulon, suite à l’assassinat de M. Jean-Claude Poulet-Dachary, des perquisitions effectuées chez des membres du DPS ont permis de saisir deux pistolets mitrailleurs, quatre pistolets automatiques, un fusil de guerre, une carabine et soixante cartouches.

Au début de l’année 1996, un garde du Loir-et-Cher, M. Gérard Poitou, a procédé à des essais d’explosifs, à base de chlorate de soude et de sucre glace, placés dans un tube métallique, comptant fabriquer un engin plus performant encore.

Le 25 octobre 1996, à Montceau-les-Mines, d’importantes volutes de fumée blanche ont été remarquées et de fortes détonations entendues par les fonctionnaires des renseignements généraux présents sur place, ce qui laisse planer le doute sur l’utilisation de grenades.

Le 15 novembre 1996 à Mende, le lendemain de la tenue d’un dîner-débat animé par M. Bruno Mégret en présence d’un service DPS constitué de 70 militants, une grenade lacrymogène, un pistolet calibre 12 x 50, un nunchaku et un couteau ont été découverts à proximité du lieu de stationnement de quatre véhicules de la mairie de Vitrolles. La veille, M. Patrick Bunel, directeur de la sécurité de la mairie, a été interpellé alors qu’il tentait de se soustraire à un contrôle d’identité.

Les 29 et 30 mars 1997, pour le congrès du Front National à Strasbourg, le DPS aurait disposé de 500 grenades lacrymogènes (75 ml), 240 bombes de gel lacrymogène (75 ml), 50 bonbonnes au format extincteur (300 ml), 5 grandes bonbonnes de gaz (5 l), le tout non marqué pour éviter une mise en cause d’éventuelle en cas d’incidents.

Le 14 novembre 1997 à Mende, des pistolets gomme cogne 12 mm et des grenades lacrymogènes ont été trouvées à proximité du lieu de stationnement de véhicules appartenant à une équipe du DPS.

Le 9 décembre 1997 à Toulouse, M. Bernard Oge, membre du DPS, a été mis en cause pour détention illégale d’armes et de munitions de 5ème, 6ème et 7ème catégories, ainsi que de scanners radio.

Le 9 février 1998 à Tarbes, deux membres du DPS ont été interpellés devant la préfecture en possession d’armes illégalement détenues, dont un pistolet automatique calibre 22 Long Rifle avec chargeur engagé rempli de 8 cartouches.

Peu avant Noël 1998, MM. Gérard Hirel et Claude Cotte ont adressé aux membres du DPS une correspondance dans laquelle ils conseillaient " d’avertir la police que des trublions peuvent se manifester et qu’ils transportent des armes de 6ème catégorie (matraques, gaz) ", visant ainsi les DPS restés fidèles à M. Jean-Marie Le Pen.

En janvier 1999, M. Jean-Marie Le Pen aurait demandé à M. Bernard Courcelle de transformer le siège du parti à Saint-Cloud en camp retranché. Ordre lui aurait été donné de préparer une équipe de protection à différents points stratégiques et de mettre des hommes armés en faction sur le toit du " Paquebot ". Le 14 janvier 1999, les gardes du DPS affectés au siège se seraient vus demander par M. Jean-Marie Le Pen : " Etes-vous prêts à tirer avec vos armes sur des mégretistes qui tenteraient de pénétrer dans la propriété ? "30. Cette information n’a pas été contestée ni démentie par M. Jean-Marie Le Pen.

Le 23 mars 1999 à Bruxelles, la police belge a découvert dans le coffre de la voiture officielle de M. Jean-Marie Le Pen, un fusil à pompe avec trois cartouches à balle en caoutchouc, 50 cartouches 38 spécial, deux gilets pare-balles, deux grenades lacrymogènes, un " spray " au poivre, une matraque télescopique et un détecteur de radar. Son garde du corps, M. Thierry Légier, portait sur lui un revolver Smith & Wesson 357 Magnum dont le permis était périmé. M. Jean-Marie Le Pen a reconnu, lors d’une conférence de presse, que ce matériel " de protection " appartenait à son " équipe de sécurité ".

• La préparation au tir

La recherche d’armes hors des circuits commerciaux classiques, les entraînements au tir et au paint ball seraient largement pratiqués par les militants du DPS, sous couvert d’entreprises amies tels les établissements Vouzellaud, aux Sables-d’Olonne, dirigés par la famille de M. Guillaume Vouzellaud, directeur national adjoint du FNJ. M. Jean-Pierre Dellac, ancien chargé de mission à la direction nationale, en relation avec les extrémistes du DPS Alsace, semblait, dans un passé récent, jouer un rôle central dans ce domaine. Le paint ball est une pratique qui a été encouragée par le bulletin interne du DPS " Le Lien " n° 1 d’avril-mai 1995.

Certains membres du DPS s’inscrivent sans doute individuellement dans les clubs de tir, démarches effectuées généralement pour obtenir de la Fédération française de tir (FFT) l’autorisation de détenir des armes de 1ère et 4ème catégories. Mais la FFT rappelle régulièrement les divers responsables de clubs à la vigilance quant aux recrutements, sous peine de sanctions. Ce verrouillage semble avoir fonctionné en ce qui concerne un éventuel investissement structurel des sociétés de tir par le DPS. Toutefois, M. Yves Bertrand, directeur central des renseignements généraux, a considéré que " les membres du DPS [...] peuvent même se rendre dans la société de tir où s’entraîne la police nationale ; il suffit pour cela de payer une cotisation. "

Des comportements plus erratiques ont été constatés par les renseignements généraux dans le cas de pratiques du tir " sauvage " par certains adhérents du service d’ordre frontiste, notamment des Alsaciens, qui se livraient régulièrement, en 1998 encore, à des séances dans le massif vosgien. M. Pascal Ceaux, journaliste au Monde, a aussi interrogé " un membre du DPS qui m’a affirmé qu’il organisait, dans sa propriété en Bretagne, des stages de tirs pour tous les membres volontaires du DPS de l’Ouest. "

Comment ne pas relever également que l’actuel directeur national du DPS, M. Jean-Pierre Chabrut, était instructeur de tir pour le centre d’entraînement et de préparations des réserves de l’armée à Satory et que c’est dans ce cadre qu’il est entré en relation avec les responsable du Groupe Onze, comme il l’a lui-même indiqué à la Commission ?

- Comment être efficace sans entraînement ?

Le DPS est apparu à la Commission comme intervenant de manière assez coordonnée, ce qui suppose un entraînement préalable.

• Les sessions de formation pour les cadres

Des réunions de préparation et d’organisation du service d’ordre frontiste se tiennent trois ou quatre fois par an, en plus des réunions préparatoires spécifiques aux deux principales manifestions du Front National qui sont la fête de Jeanne d’Arc, le 1er mai, et celle des " Bleu Blanc Rouge ", fin septembre ou début octobre. Ces rencontres ont le plus souvent lieu dans l’enceinte du château Saint-Louis de Neuvy-sur-Barangeon dans le Cher géré, au nom du Cercle national des combattants (CNC) - association satellite du Front National - par M. Roger Holeindre, vice-président du Front National et premier organisateur, en 1984, du service d’ordre frontiste. Ce château a également pour fonction d’accueillir les sessions de formation des cadets d’Europe - l’association scout de M. Roger Holeindre - et celle du FNJ. Le siège du Front National à Saint-Cloud est également un lieu privilégié pour les réunions nationales du DPS.

Ces sessions permettent à la hiérarchie du DPS de motiver les cadres locaux et de leur fournir une " formation continue ", notamment en matière juridique, d’accueil du public ou d’incendie. Propos militants musclés de motivation et rappel des missions et des consignes du DPS seraient le lot commun de ces réunions, dont l’ouverture a déjà pu être symbolisée par une levée des couleurs commandées, dans l’enceinte de la propriété, par M. Roger Holeindre, en présence des militants vêtus de la tenue n° 1 (chemise bleue, pantalon gris, veste-blazer bleu marine).

A l’échelon central du DPS, aucun entraînement physique ne paraît avoir été organisé depuis 1998 au château de Neuvy-sur-Barangeon, ni dans aucun autre lieu d’ailleurs. Lors d’une réunion organisée le 28 juin 1997 en Bretagne aurait toutefois été évoquée la création de séminaires de formation physique, devant, selon toute vraisemblance, inclure des exercices à caractère paramilitaire. Depuis l’évocation de ce projet, aucune concrétisation n’a été signalée par la police. Par contre, la direction nationale du DPS a organisé des stages de cohésion paint ball, auxquels étaient conviés une trentaine de militants.

• Les entraînements des gardes

Les sorties de terrain peuvent se tenir à l’échelon local sans concertation avec la direction nationale, voire regrouper une poignée d’individus en dehors de leur structure DPS stricto sensu. Par définition, ces activités, organisée en petit comité, en fonction de la disponibilité des membres, voire du charisme du chef local, sont particulièrement difficiles à repérer. Mme Fiammetta Venner a " subi " plusieurs formes de formation et d’entraînement lorsqu’elle a intégré le DPS au titre de son enquête journalistique. Cela permet de se rendre compte de la réalité de l’emprise de la structure DPS sur chacun de ses membres.

Les gardes du DPS effectuent donc plusieurs types de formation.

Une formation militante et idéologique tout d’abord. " On me demandait : "Il y a trop d’étrangers ici ; comment répondrais-tu à une telle affirmation ?"... Non, tu ne devrais pas répondre de telle manière. Au lieu de dire "Il y a trop d’étrangers", il faudrait plutôt dire : "Chacun est différent et les gens sont bien chez eux.". C’est-à-dire un discours assez policé et assez agréable, mais qui ne change rien sur ce que l’on sait déjà du Front National. Tous les militants sont incités à ce type de discours, ce qui ne les empêche pas de craquer dès qu’il y a une occasion publique. " (Mme Fiammetta Venner)

Une formation générale aux manifestations ensuite. " Ils assistent à des sessions de formation sur l’organisation de réunions publiques, sur des notions d’évacuation et de tenue de meeting à grande échelle. Ils sont formés, de façon un peu rudimentaire, à la gestion des foules. " (M. Michaël Darmon) Il s’agit des fameuses sessions de formation contre l’incendie si souvent évoquées par les responsables du DPS.

Puis une formation physique individuelle. " L’entraînement physique [...] s’organise par réseaux de sociabilité. Des gens connus au DPS lancent :" Ce soir, justement je vais faire ceci ou cela, veux-tu venir avec moi ?" C’est à travers ces réseaux de sociabilité que l’on m’a proposé de participer à des collages d’affiches. [...] Là où je suis allée mener mon enquête, le DPS louait des salles d’entraînement à des entreprises du genre "gymnase club" pour la soirée ou pour la nuit. " (Mme Fiammetta Venner)

De véritables entraînements paramilitaires enfin, mais seulement pour les membres des groupes-choc ou des unités mobiles d’intervention (UMI). Pour M. Yves Bertrand, directeur central des renseignements généraux, " les membres des unités mobiles d’intervention [...] subissent même un entraînement bien plus poussé que les simples gardes.[...] Je crois que les UMI ont organisé un entraînement collectif et qu’il s’agit de groupes pointus sur ce plan. " Pour cela, il y a des lieux d’entraînement : " Il existe des châteaux où, de temps en temps, sont organisés des stages de remise à niveau. Il en existe deux ou trois. " (M. Yves Bertrand) " Le témoignage de Bob montre qu’à Toulon, c’est la mairie qui leur prête la salle. " (Mme Fiammetta Venner). M. Thierry Meyssan, représentant du Réseau Voltaire, a évoqué quant à lui la salle de sport du " Paquebot " à Saint-Cloud. Selon ce témoin, des entraînements auraient également lieu en forêt de Fontainebleau voire à l’étranger, notamment dans le cadre des universités d’été de Chrétienté solidarité.

M. Guy Konopnicki a aussi évoqué, dans un cadre un peu plus large, celui du vivier des supplétifs du DPS, les entraînements organisés par le GUD. " Le GUD a repris son entraînement paramilitaire qui semblait interrompu depuis quelque temps, il s’est restructuré. J’ai vu un reportage photo [qui] montre l’entraînement paramilitaire - batte de base-ball, matraque, casque portant la croix celtique, le folklore habituel du GUD -, mais je pense que cela signifie quelque chose, le message étant : "Voyez, nous sommes encore là." [Cela se déroule] dans une usine désaffectée de la banlieue parisienne - lieu, m’a-t-on dit, connu des services de police. "

• Les tenues

Entendant explicitement conférer au DPS le caractère d’une vitrine respectable, ses responsables l’ont doté de tenues réglementaires. C’est ainsi que la " tenue d’honneur " (TH) comporte veste blazer bleu marine, cravate, pantalon gris, écusson DPS, épingles de fonction variant selon le grade, et que la " Tenue Unité Mobile d’Intervention " (TUMI) se caractérise par une tenue sport, non uniformisée.

En fait, la tenue officielle porté par la majorité des membres du DPS est la tenue n° 1 qui se compose d’un blazer bleu marine, d’un pantalon gris, de chaussures noires, d’une cravate à dominante rouge et bleu et d’une chemise blanche. Un écusson DPS est brodé sur le blazer. Pour les BBR ou le défilé du 1er mai31, il y a également un badge avec photographie. Ces éléments sont chargés de la protection de M. Jean-Marie Le Pen, de l’accueil lors des meetings et de l’encadrement des manifestations organisées par le Front National.

La tenue n° 2 est réservée quant à elle aux unités mobiles d’intervention. Elle n’est pas uniformisée et donc moins voyante, dans le sens où elle doit permettre de combattre facilement, c’est-à-dire de neutraliser le cas échéant les éventuels perturbateurs. Elle se compose d’un blouson bombers noir rembourré, d’un jean de couleur noire, de gants noirs, d’un bonnet noir quant il fait froid, ainsi que de rangers ou de chaussures de sport. Pour se reconnaître, les gardes qui portent cette tenue utilisent un signe distinctif discret, par exemple une épingle à tête jaune fixée au niveau de la poitrine.

La tenue n° 2 peut être complétée par un équipement de type maintien de l’ordre qui consiste à entretenir délibérément la confusion avec les forces de l’ordre. Il s’agit de casques bleu clair à visière plexiglas amovible, de boucliers rectangulaires transparents anti-émeute, de matraques et de bombes lacrymogènes à la ceinture. A Montceau-les-Mines où cette tenue a été arborée pour la première fois devant les caméras (elle était déjà apparue au début des années 1990), tant les journalistes présents sur place que les contre-manifestants ont cru avoir affaire à des gendarmes mobiles, tant la ressemblance était frappante. Certes, la nuit, tous les chats sont gris, mais il y a alors justement l’intention de la part des DPS d’être pris pour des policiers et d’entretenir la confusion dans l’esprit de leurs " assaillants ".

Ces trois tenues (n° 1, n° 2 et n° 2 bis si l’on peut dire) sont en fait interchangeables selon les circonstances. Lors des défilés du 1er mai ou des fêtes BBR, on constate à la fois la présence de gardes en tenue n°1 et de gardes des UMI en tenue n° 2. Les gardes des UMI peuvent arborer soit l’une, soit l’autre. Selon M. Renaud Dély, journaliste à Libération, qui était en contact avec un membre des UMI, Dominique : " pour la campagne législative de 1997, sur la région parisienne - il [Dominique] m’a fourni son emploi du temps de l’époque -, il arborait tantôt la tenue n° 1, pour des manifestations anodines, tantôt la tenue n° 2, notamment sur les marchés ou pour les visites de candidats ". De même " le fait de participer à des actions musclées n’empêche pas [les membres des UMI] d’enfiler de temps en temps la tenue n° 1 pour faire de la sécurité dans les meetings ". Enfin, le matériel spécial d’intervention, conservé à l’abri des regards dans les coffres des voitures, est rapidement revêtu pour constituer la tenue n° 2 bis, comme cela s’est produit sur le parking du centre nautique à Montceau-les-Mines.