Présidence de M. Alain TOURRET, Président

M. Spithakis est introduit.

M. le président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commission d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du président, M. Spithakis prête serment.

M. Olivier SPITHAKIS : Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, Messieurs les députés, je souhaite, pour que votre information soit complète, éclairer le contexte dans lequel a été menée la politique de la direction générale de la MNEF et des conseils d’administration successifs, et préciser l’utilité sociale de ce contexte ; en d’autres termes, la MNEF n’est pas et ne s’est jamais considérée comme une caisse de sécurité sociale, et ne souhaite pas être jugée comme telle.

Pendant ces 15 dernières années, nous avons dû affronter plusieurs problèmes. Tout d’abord, il a fallu procéder au redressement économique de la MNEF, qui a nécessité une forme de stabilité. Ensuite, nous avons dû faire face à une concurrence extrêmement vive entre les mutuelles étudiantes, mais aussi avec les mutuelles parentales. Puis, face à l’évolution des effectifs universitaires et à la démocratisation de l’enseignement supérieur qui ont entraîné l’apparition de nouveaux besoins, les pouvoirs publics nous ont demandé de jouer un rôle d’intermédiation sociale. Enfin, les directives européennes ont imposé les règles du marché, aussi bien en termes juridiques que commerciaux, à toute la mutualité, et nous avons choisi de nous y conformer.

La MNEF a un triple rôle qu’il a toujours été nécessaire de concilier. La MNEF est tout à la fois une institution, parce qu’elle gère un régime de sécurité sociale ; elle est aussi une entreprise de santé dont le rôle est connu ; elle est enfin un mouvement social auquel les pouvoirs publics ont fait appel pour accompagner les politiques publiques ou comme élément de stabilité du milieu étudiant.

Après le redressement, qui a débuté en 1985/1990, la MNEF a entrepris, d’une part, la conquête de nouveaux droits pour les étudiants - les cinq mesures sociales pour le plan Universités 2000, l’affiliation des 18/20 ans au régime étudiant puis leur maintien dans ce régime jusqu’à 28 ans, etc., et, d’autre part, une diversification. Cette politique répondait à de multiples exigences. Elle se voulait une réponse à l’évolution des besoins des étudiants ; elle répondait à la nécessité d’une séparation juridique des différentes activités de la mutuelle ; elle constituait une stratégie de protection face à la concurrence ; elle visait non seulement à organiser les partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour le développement de l’enseignement supérieur, mais surtout à réguler ces partenariats. Les pouvoirs publics avaient accepté, sous certaines conditions, le principe d’un financement par des fonds privés d’actions destinés à améliorer les conditions de vie des étudiants.

Je souhaiterais insister sur ce contexte de concurrence qui constitue selon moi le problème le plus important.

La concurrence est un élément déterminant dans l’analyse de la situation de la MNEF, comme de l’ensemble du régime étudiant de sécurité sociale. Nous sommes confrontés à une situation de concurrence quasi-unique dans le système de sécurité sociale accentuée de surcroît par le taux de renouvellement de ses représentants et de ses affiliés qui est le plus élevé de France. Il s’agit du seul régime qui affronte une situation concurrentielle et qui renouvelle chaque année l’ensemble de ses affiliés. En votant la loi de 1948, le législateur n’a pas cru bon de préciser qu’un étudiant qui a choisi un centre de gestion doit y rester pour toute la durée de ses études. Cette concurrence, en matière de sécurité sociale, n’est pas un choix et, de ce point de vue, il ne serait pas raisonnable de comparer le fonctionnement de la MNEF ou des SMER à celui de la CNAM ou des mutuelles de fonctionnaires, même si la plupart des critiques applicables aux mutuelles étudiantes le sont également aux mutuelles de la fonction publique.

Je rejoins donc, en la matière, les analyses de la Cour des comptes : cette concurrence entre mutuelles étudiantes est extrêmement coûteuse, même si elle a eu des aspects très positifs depuis 15 ans. Elle a concerné le régime obligatoire puis elle s’est exacerbée dans le domaine de la protection complémentaire maladie. Les jeunes représentent en effet un marché très intéressant pour l’ensemble des mutuelles. C’est une population que l’on peut fidéliser - on est un peu l’entonnoir de la protection sociale -, et qui offre structurellement un bon rapport au regard du taux de sinistralité.

Il est vrai qu’il y a eu une démutualisation, en partie pour une raison sociale, liée à la démocratisation de l’enseignement supérieur, mais aussi en raison de la pénétration des assurances sur ce marché et surtout, et c’est la principale raison, à cause de l’offensive que les mutuelles parentales ont mené, sous couvert d’une solidarité familiale qui est tout sauf une solidarité sociale, dans le but de conserver des ayants droit. En effet, selon que l’on est fils d’enseignant, de postier ou de salarié d’une grande entreprise, on n’a pas droit à la même solidarité.

Les conséquences pour la MNEF et pour le régime étudiant de sécurité sociale financé par les remises de gestion du régime général sont très simples. Le dumping auquel se sont livrées pendant 10 ans les mutuelles de fonctionnaires, en particulier, a ponctionné la partie la plus rentable du marché de l’assurance complémentaire, la partie la moins risquée, pour laisser aux mutuelles étudiantes les jeunes dont les parents n’ont pas de couverture sociale complémentaire, les étrangers, ainsi que ceux qui ne font pas leurs études sur le lieu d’habitation de leurs parents.

Ce phénomène s’est accentué avec la démocratisation de l’enseignement supérieur. Ainsi, lorsqu’on dit que le régime général paie deux fois à travers la concurrence, il ne faut pas avoir peur de dire qu’il paie trois fois : une fois pour la MNEF, une fois pour les SMER et une fois au travers des remises de gestion des mutuelles de fonctionnaires qui permettent à ces dernières de faire du dumping sur les étudiants. Ce n’est pas un hasard si la mutualisation en milieu étudiant a baissé de 50 % ces dernières années. La première mutuelle étudiante, aujourd’hui, s’appelle la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN).

Cette concurrence a également eu des conséquences en termes de coût de gestion. Il y a eu des effets positifs, tels que l’alignement du montant des remises de gestion de la MNEF sur celles des SMER qui s’est traduit par une baisse en francs constants des remises de gestion de la MNEF. Les multiples dénonciations de la convention collective au travers du plan de redressement en témoignent. Et si l’on pouvait dire, dans les années quatre-vingt, que la MNEF était le premier territoire socialiste libéré, je crois que ce n’est plus le cas aujourd’hui, on a su casser cette référence.

A contrario, en termes économiques, cette concurrence a eu des effets extrêmement néfastes. Les budgets de communication et de développement ont effectivement explosé. Il s’est instauré une véritable chasse à " l’immatriculé " à laquelle se livrent les mutuelles étudiantes.

Autre conséquence de la concurrence : nous avons dû protéger notre marché. C’est d’ailleurs l’une des raisons de la diversification.

En 1989, l’UAP loue toute une série de fichiers et tente de conquérir le milieu étudiant en proposant des contrats d’assurance complémentaire maladie. Elle y réussit partiellement et essaie de rentrer dans le capital du groupe pour tester ses capacités d’intervention dans l’enseignement privé. Nous réagissons avec la création d’un pôle communication MÉDIA JEUNES, la création d’un pôle assuranciel par lequel nous nous assurons une certaine protection du marché. Enfin, nous mettons en place toute une série de services avec la création de cartes de services pour les jeunes.

A l’époque, la logique qui prévalait n’était pas économique, mais stratégique pour la raison que la MNEF, de 1990 à 1995, ne remplissait pas les obligations fixées par le Code de la mutualité en matière de réserve, de ratio de liquidité. Le développement d’un raisonnement économique, et des investissements qui en résultent, se met en place à partir de 1995, quand les exigences du Code de la mutualité finissent par être satisfaites.

Cette concurrence a des conséquences en matière de gestion - nécessité de souplesse -, et en matière de pénétration de nouveaux milieux, je pense notamment au milieu des corporations et des associations étudiantes.

Pour conclure sur cette question, le relevé de constatations provisoires de la Cour des comptes indique, à propos des frais de déplacement, mais c’est tout aussi vrai pour les budgets développement : " Il s’agit bien de coûts inhérents à un choix d’organisation et à une volonté de s’inscrire encore davantage dans un contexte concurrentiel ". Je souscris pleinement à cette analyse. Mais ce contexte concurrentiel, nous ne l’avons pas voulu mais subi, cette volonté de s’inscrire dans un système de concurrence a été créée par le législateur ; à partir de là, nous avons développé les conditions de notre survie.

Deuxième exigence pour la MNEF, la nécessité d’un redressement économique, passant par une certaine stabilité.

J’ai le sentiment, à ce sujet, que l’on nous reproche ce que l’on nous a demandé de faire pendant 10 ans ! Le plan de redressement de la MNEF a eu des effets, c’est incontestable. La Cour des comptes note, page 2 : " La séparation des fonctions entre la direction générale et la présidence a eu des effets positifs sur la gestion de la mutuelle de la même façon que cela est noté dans tous les rapports de l’inspection générale des affaires sociales successifs ".

En 10 ans, nous sommes passés, en termes de situation nette, d’une perte de 118 millions de francs à un excédent de 87 millions de francs en 1996/1997. J’ai quitté mes fonctions en laissant une situation nette de l’ordre de 100 millions de francs. Cela n’a été possible que parce qu’il y a eu une forme de stabilité. On se gausse sur l’association les Amis de la MNEF, mais elle est dans la droite ligne de ce qui a été souhaité, c’est-à-dire faire en sorte que le licenciement du directeur général, par exemple, ne soit pas seulement une décision des élus étudiants, même si ces derniers conservent le pouvoir de décision définitif.

Quand le plan de redressement a été signé, il était précisé qu’il fallait une direction générale forte dans un milieu en mutation constante.

De la même façon, le relevé de constatations provisoire évoque la dégradation des résultats d’exploitation. C’est vrai, mais c’est un choix délibéré, opéré par les instances de la mutuelle à partir du moment où nous répondions aux obligations du Code de la mutualité. A la différence de nombreuses sociétés mutualistes, nous avons préféré ne pas augmenter les cotisations mutualistes et mettre en place un certain nombre d’actions concernant les conditions de vie des étudiants. Nous avons choisi de ne pas thésauriser et, plutôt que d’acheter le casino de Libourne, financer les stages d’insertion professionnelle et le logement étudiant.

Ce redressement économique et cette stabilité se sont réalisés tout en développant un mouvement social qui a regroupé jusqu’à 1 500 élus sociaux. Je ne m’étendrai pas sur cette question, j’ai adressé une note exhaustive au président de votre commission sur la politique de collaboration avec les pouvoirs publics dans le domaine de l’humanitaire et de l’insertion professionnelle des jeunes (participation aux GEM mis en place par Mme Edith Cresson, élaboration du rapport Laurent, collaboration avec la DATAR, conférence des présidents d’université, etc.).

Cette politique était connue et transparente - il suffit de reprendre les revues de presse importantes, et favorables, de l’époque. Nous avons également procédé à ce redressement économique en jouant un rôle d’intermédiation sociale. Vu la faiblesse, pendant longtemps, du syndicalisme étudiant, il fallait faire passer les messages aux pouvoirs publics pour leur faire connaître les besoins des étudiants - nous l’avons fait dans le domaine de l’ALS, de la santé, etc. - afin d’accompagner le développement universitaire.

Je vous disais que l’on ne pouvait pas me juger comme un directeur de caisse d’assurance maladie ; je le dis très tranquillement en matière d’intermédiation sociale. Je dois être le seul directeur général d’une société mutualiste ou caisse de sécurité sociale à avoir rencontré, à leur demande, l’ensemble des directeurs de cabinet de Premier ministre ou de Présidents de la République successifs pendant les moments de crise dans le milieu étudiant.

Ce redressement économique et cette stabilité politique ont été menés en développant, parallèlement, une entreprise de santé. Je ne m’y arrêterai pas, je crois que toutes les actions que la MNEF a menées dans ce domaine et la prise de conscience qu’elle a entraînée à propos de l’état de santé des jeunes - nous avons réussi à ce que le rapport du Haut comité de la santé publique traite cette question comme une priorité nationale - ont déjà été largement développées devant vous.

Troisième sujet, la politique de diversification menée par la MNEF a été dictée par plusieurs raisons.

Il y a tout d’abord les raisons liées à la concurrence que j’ai déjà évoquées. Il y a aussi un certain nombre de raisons techniques telles que nos choix en matière d’informatique, pour l’accueil téléphonique, les raisons légales comme l’application des directives européennes. Mais la diversification était surtout liée à l’évolution des besoins, à la croissance des effectifs. Partant du principe que l’étudiant n’est pas simplement un consommateur de savoir et que l’Etat ne peut pas tout faire, il s’est trouvé un domaine dans lequel intervenir pour répondre aux besoins nés de la démocratisation de l’enseignement supérieur ; petit à petit, la MNEF a quitté le terrain du sanitaire pour aller vers le social et intervenir dans le domaine du logement, de l’emploi et des services.

A ce stade-là, je voudrais dire que tout ce processus était connu. Nous avons organisé, à trois reprises, ces cinq dernières années, des rencontres sur le thème les étudiants et la ville où la totalité des ministères, des collectivités locales et un certain nombre de parlementaires étaient présents et où était débattue cette politique de diversification. Non seulement elle était connue, mais elle était publique. Je dépose devant la commission - puisque certains se sont étonnés de cette politique de diversification - l’accord cadre signé avec le président de la Mutualité de la fonction publique de l’époque, M. Jean-Pierre Davant, et qui retrace, dans les missions de la MNEF, cette politique de diversification en précisant qu’elle doit être menée dans le cadre de sociétés spécialisées.

Pour cela, il nous fallait trouver des partenaires car nous ne savons pas faire tous les métiers. Nous nous considérons surtout comme un vecteur de communication à destination des étudiants. Il convenait donc de créer des sociétés spécialisées avec des partenaires qui étaient soit des professionnels reconnus dans leur secteur - je pense à Gestrim, au groupe Vivendi -, soit spécialisés dans le milieu étudiant. Il y a eu, il est vrai, des succès et des échecs, mais le résultat est globalement positif.

J’ajoute que cette diversification était légale et même encouragée par les pouvoirs publics. Ce n’est pas nous qui avons voté la loi de 1985. Les instances étaient informées, nous avons tenu compte des recommandations de la Commission de contrôle.

Je terminerai en soulevant quelques contradictions de la législation.

La première concerne les indemnités des administrateurs. Sont-elles possibles ou non ? La législation est extrêmement floue à ce sujet, et ne précise pas comment, en ce qui concerne les élus étudiants, ces derniers peuvent être rémunérés.

Deuxièmement, on nous reproche d’avoir détaché des cadres de la MNEF dans des filiales. C’est vrai. On découvre aujourd’hui que cela pourrait constituer une prise illégale d’intérêts, or deux mois plus tard, nous recevons une lettre de la Commission de contrôle de la Mutualité nous demandant de payer ces cadres de la MNEF qui sont dans les filiales, mais sur les fonds de la MNEF. Excusez-moi, mais cela s’appelle un abus de bien social !

J’ajouterai que lorsque mon directeur du développement était président de Carte jeunes SA, il touchait 60 000 F par an - il était directeur du développement de la MNEF, il s’agissait donc d’un sursalaire - et assumait une responsabilité pénale comme mandataire social. Il a été remplacé par une personne qui touche, aujourd’hui, quatorze fois sa rémunération !

En ce qui me concerne, lorsque j’ai quitté mes fonctions dans les holding de la MNEF - je touchais 7 000 F pour les deux -, j’ai été remplacé par MM. Arditi et Eelsen ; ce remplacement coûte très précisément onze fois le montant de mes rémunérations sur ces filiales.

Ensuite, on nous parle de démembrement. Mais il y a les directives européennes ! On nous parle de démembrement, mais il y a la fiscalisation ! Enfin, la Commission de contrôle nous demande de créer une Union d’économie sociale holding mais à partir de cette structure, il y a des filiales et des sous-filiales. Le conseil d’administration de la MNEF est informé d’une façon générale de ce qui se passe dans l’Union d’économie sociale, dans les sous-filiales, mais ne peut pas, légalement, prendre de décisions sur ce qui s’y passe ; ce serait de la gestion de fait.

A l’époque où la MNEF gérait en direct ces filiales, le problème ne se posait pas. Autre contradiction !

J’ai donc le sentiment qu’il nous est reproché aujourd’hui ce que la puissance publique nous a demandé de faire pendant 10 ans. J’ai quitté la MNEF avec le sentiment d’avoir restructuré cette entreprise, d’avoir permis de répondre aux nouveaux besoins des étudiants, d’avoir été, à un petit niveau, l’un des éléments de la démocratisation de l’enseignement supérieur, d’avoir fait de la MNEF un pilier de la stabilité du milieu étudiant, d’avoir fait avancer la cause de la santé des jeunes dans notre pays, enfin, d’avoir fait diminuer le coût par affilié des remises de gestion du régime étudiant.

J’ai sûrement commis un certain nombre d’erreurs. J’ai considéré que j’étais dirigeant d’une entreprise de droit privé, confrontée au marché, menant des actions dictées par un souci d’efficacité économique, mais également sociale, sous l’impulsion des pouvoirs publics. Peut-être aurais-je dû mieux intégrer la dimension réglementaire de la gestion d’un régime de sécurité sociale. Peut-être, mais encore fallait-il que les règles du jeu soient connues, établies et écrites. Or ce n’est pas le cas.

Ce que j’ai fait, je l’assume et je souhaiterais que les élus étudiants qui ont accompagné ce processus n’en soient pas tenus pour responsables. Car même s’ils ont été informés, même s’ils ont défini et voté toutes les orientations, même si tous les grands débats de la MNEF les ont concernés, je pense que la différence de statut entre eux et moi, la permanence de mes fonctions, la force de mes propositions, liées à mon statut un peu particulier - les pouvoirs publics discutant avec moi et rarement avec eux -, font qu’il serait assez illégitime de leur faire porter une quelconque responsabilité.

Il en va de même pour mes collaborateurs. Si certains d’entre eux étaient directeurs de filiales, c’est parce que je leur ai imposé, et cela, je l’assume complètement.

Tout ce que j’ai fait pendant 15 ans, je l’ai fait avec la conscience d’améliorer les conditions de vie des étudiants, mais surtout, je l’ai fait en concertation étroite avec les pouvoirs publics quels qu’ils soient. A partir du moment où un jugement est porté sur ma gestion, sur la gestion de la MNEF, certes, il me concerne au premier chef et je l’assume, mais il concerne tout autant les politiques publiques qui ont encouragé ces processus.

Je vous remercie de votre attention.

M. le Rapporteur : Monsieur Spithakis, je vous remercie. Nous allons maintenant passer au jeu des questions réponses. Je vous poserai la première question.

Comment pouvez-vous justifier le contrat de travail que la Cour des comptes qualifie d’" exorbitant du droit commun " qui vous liait à la MNEF et qui prévoyait, hormis un salaire de 639 083 F en 1996, le remboursement de vos frais de trajets entre Marseille et Paris, l’autorisation d’exercer, sans avoir à en rendre compte, des activités rémunérées de votre choix à l’extérieur de la MNEF, et une clause prévoyant une indemnité de licenciement de trois mois de salaire par années d’ancienneté, calculée sur la base des douze derniers mois de salaires ?

Par ailleurs, quelles étaient vos autres responsabilités, rémunérées ou non, en dehors de la MNEF ?

M. Olivier SPITHAKIS : Je ne vois pas pourquoi je devrais justifier mon contrat de travail. Il s’agit d’un contrat de droit privé, je l’ai négocié. Le conseil d’administration n’était pas obligé de l’accepter. Seulement, il était conscient des résultats que j’avais obtenus : j’ai redressé l’entreprise de moins 118 millions de francs à plus 100 millions de francs. J’ai accepté de rester en posant mes conditions.

Il en va de même pour la clause de conscience, dans la mesure où je suis arrivé dans un contexte qui nécessitait, pour le redressement de l’entreprise, une forme de dépolitisation de la MNEF.

J’ai également souhaité pouvoir assurer un certain nombre de fonctions. Il n’existe pas de règle sur le cumul des mandats dans le Code de la mutualité.

J’ai travaillé pour le patronat français dans le domaine de la communication des jeunes à destination des entreprises. J’ai été directeur de sociétés mutualistes, mon poste le plus important ayant été directeur de la MIF. J’ai eu des mandats de président de sociétés mutualistes. Le total de mes revenus est connu, puisqu’il a été publié par la presse. Il était de l’ordre de 100 000 F par mois, dont 700 000 F par an, primes comprises, versées par la MNEF.

En 1997, j’étais directeur général de la MNEF, directeur de la MIF et je touchais une rémunération de Raspail Participations et Développement en tant que PDG d’environ 6 000 F - ce qui n’était pas le cas pour l’UES Saint-Michel. Par ailleurs, j’avais un certain nombre de mandats d’administrateur de sociétés mutualistes.

A côté de ces activités, j’exerçais un certain nombre d’activités privées.

S’agissant des éléments du contrat de travail, ceux-ci devaient garantir une certaine stabilité, afin qu’un directeur général ne puisse pas être révocable sans réflexion. Toute la philosophie de l’introduction des personnalités qualifiées au conseil d’administration a tourné autour de cela. Vous noterez d’ailleurs, qu’au début de ce processus, il y avait un inspecteur général des affaires sociales - à titre personnel -, et un conseiller de la Cour des comptes, qui étaient membres du conseil.

M. le Rapporteur : Les activités privées que vous exerciez avaient-elles des rapports avec la MNEF ?

M. Olivier SPITHAKIS : Aucun.

M. Yves NICOLIN : Vous dites que vous avez négocié votre contrat de travail, ce qui paraît être la règle. Tous les membres du conseil d’administration ont-ils été informés des détails de ce contrat avant de se prononcer ?

M. Olivier SPITHAKIS : Le contrat de travail, tel que cela apparaît dans les procès-verbaux, a été lu en conseil d’administration - il y était annexé.

M. Yves NICOLIN : Etes-vous toujours, aujourd’hui, président de la Fondation santé des étudiants de France ?

M. Olivier SPITHAKIS : Non, car je ne souhaitais pas que la Fondation souffre de la campagne de presse. Il s’agit, je le précise, d’une fonction bénévole à laquelle je suis très attaché, puisqu’elle concerne l’insertion des étudiants handicapés dans l’enseignement. J’ai donc quitté la présidence, mais je reste membre du bureau.

M. Yves NICOLIN : Y a-t-il des administrateurs salariés dans cette Fondation ?

M. Olivier SPITHAKIS : C’est statutairement impossible, sauf pour les représentants des salariés et de la fonction publique. Tous les autres membres sont bénévoles.

M. Yves NICOLIN : La Fondation a-t-elle réalisé des investissements immobiliers lorsque vous étiez président ?

M. Olivier SPITHAKIS : Oui, bien sûr.

M. Yves NICOLIN : Et ils ont été réalisés dans des conditions de transparence, avec appel d’offres ?

M. Olivier SPITHAKIS : La Fondation est soumise à des règles extrêmement précises. Le ministère de l’Intérieur assiste à tous les conseils, comme les ministères de la Santé et de l’Education nationale. Les appels d’offres sont lancés selon la procédure du Code des marchés publics.

La Fondation est régie par le Code des marchés publics, contrairement aux sociétés mutualistes. Jamais un représentant d’un ministère n’a élevé la plus petite réclamation sur une procédure d’appel d’offres à l’intérieur de la Fondation.

M. André ANGOT : Monsieur Spithakis, j’ai relevé quelques contradictions dans certains de vos propos liminaires.

Vous dédouanez les étudiants élus des actions que l’on pourrait leur reprocher dans la gestion de la MNEF. Or nous avons auditionné un certain nombre d’anciens membres du conseil d’administration qui nous ont déclaré qu’ils ne jouaient aucun rôle et que toutes les décisions étaient prises par le directeur général ou le directeur financier.

Un des anciens trésoriers nous a même déclaré qu’il avait délégué sa signature et ne jouait aucun rôle dans le contrôle des comptes de la MNEF. Une ancienne présidente a affirmé qu’elle n’assistait jamais aux réunions, qui avaient lieu le mardi, jour où elle ne pouvait pas se libérer.

N’est-il pas alors contradictoire de soutenir que toutes les décisions de la MNEF, ainsi que votre contrat de travail, étaient soumises et avalisées par le conseil d’administration ?

M. Olivier SPITHAKIS : Les procès-verbaux de la MNEF ont toujours été approuvés et jamais contestés pendant les 15 ans au cours desquels des générations d’administrateurs, dont un certain nombre sont devenus parlementaires, ont siégé au conseil d’administration. Je suis donc étonné que toutes ces personnes, qui possédaient les qualités pour devenir des hommes publics ou des hauts fonctionnaires, soient frappées d’amnésie en ce qui concerne les procès-verbaux qu’elles avaient approuvés et votés.

M. Jean-Paul BACQUET : Pouvez-vous nous citer des noms ?

M. Olivier SPITHAKIS : Il faudrait reprendre la quasi-totalité des procès-verbaux !

M. Jean-Paul BACQUET : Vous venez de dire qu’un certain nombre de personnes, qui occupent des postes importants dans l’administration, ont été frappées d’amnésie. Pouvez-vous nous citer des noms ?

M. Olivier SPITHAKIS : Vous me dites que vous avez auditionné un certain nombre d’anciens administrateurs. Si ces derniers estiment, aujourd’hui, qu’ils n’ont pas participé aux décisions, à partir du moment où ils ont voté un certain nombre de délibérations, on peut considérer qu’ils sont frappés d’amnésie.

Si vous souhaitez obtenir la liste exhaustive de tous ceux qui ont été administrateurs à la MNEF et qui ont ensuite eu une carrière publique, je vous propose de vous faire une note.

Par ailleurs, vous faites référence à un ancien trésorier de la MNEF qui vous a dit avoir délégué sa signature. Je vous conseille pour juger les faits de demander à la MNEF la communication des 110 délibérations que M. Séguéla a votées concernant des engagements financiers. Je veux bien, là aussi, qu’il les ait votées les yeux fermés ! Ainsi que les procès-verbaux des réunions du Bureau auxquelles il a participé et qui, à chaque fois, faisaient état des apports en comptes courants qui devaient être faits ou des différents engagements financiers.

Vous avez soulevé le problème de la participation des élus étudiants en dehors du conseil d’administration. Il existait une commission permanente censée faire le lien entre les élus et les administratifs dans laquelle trois représentants du conseil d’administration étaient présents. S’il est vrai que la présidente n’assistait que de façon périodique aux réunions de cette commission, le trésorier en était membre et y assistait de façon assidue. Cette commission était également composée du secrétaire général et du délégué général qui représentaient, à l’intérieur du conseil d’administration, la présidente.

Dans le même ordre d’idée, il y avait également deux comités exécutifs, un comité exécutif sur les services de la MNEF dont je n’étais pas mais auquel le délégué général assistait, dont la mission était de s’assurer de l’application réelle des décisions, et un comité exécutif filiales au sein duquel le délégué général et moi-même étions présents, qui n’était qu’un outil de coordination et qui ne prenait pas de décision.

M. André ANGOT : Tout cela n’explique pas la contraction, car si les étudiants ont voté toutes les décisions, je ne vois pas pourquoi on devrait les dédouaner !

M. Olivier SPITHAKIS : Une équipe de direction composée d’un polytechnicien et d’un ancien directeur général du groupe Bata - je ne les cite pas tous - peut-elle être comparée à des étudiants âgés de 20 à 26 ans, qui sont en général intéressés par le social ? Pensez-vous que la capacité d’appréciation est identique ?

Pensez-vous que Marie-Dominique Linale, présidente de la MNEF, préoccupée par les questions de santé, et un certain nombre de directeurs de service, même s’il y a une égalité d’accès à l’information, appréhendent les problèmes de la même façon ? Il faut être objectif : l’égalité d’accès à la compréhension des problèmes n’existe pas totalement.

Si, en règle générale, les cabinets ministériels et l’administration centrale - mis à part les simples contacts politiques pour arrêter un certain nombre d’actions communes - travaillaient avec les directeurs, c’est bien pour des raisons objectives.

On touche là à un problème de fond : celui de la formation des élus mutualistes, notamment étudiants. Dans la mutualité interprofessionnelle, le président vient soit du monde patronal, soit du monde syndical. Il a donc une bonne connaissance des problèmes économiques. Dans la mutualité de la fonction publique, des fonctionnaires sont mis à disposition, font office d’élus et sont là à plein temps. Nous ne sommes absolument pas dans la même situation que dans la mutualité étudiante !

M. le Président : Je voudrais revenir, Monsieur Spithakis, sur la clause de conscience de votre contrat de travail. Pourquoi cette clause existait-elle ? A quoi faisait-elle référence et pourquoi l’avez-vous faite jouer ?

M. Olivier SPITHAKIS : Je suis arrivé à la MNEF dans un contexte tout à fait particulier, puisque j’ai été trésorier. A l’époque, il y avait eu l’explosion de 1968, l’explosion du syndicalisme étudiant et la MNEF était le seul terrain d’affrontement des organisations syndicales étudiantes et des organisations politiques en milieu étudiant.

J’ai toujours pensé que la mise en place d’un plan de redressement passait par une dépolitisation de la MNEF, de ses orientations et de sa gestion. Dans des conditions difficiles, nous avons fait en sorte que la génération de militants politiques ou syndicaux devienne davantage une génération de militants sociaux. J’étais tout à fait opposé à ce qu’il puisse y avoir une ingérence directe d’une formation politique ou d’une organisation syndicale quelle qu’elle soit, car c’est ce qui avait engendré le déficit cumulé auquel la MNEF était parvenue dans les années quatre-vingt.

C’est pour la même raison que j’avais milité pour l’UNEF-ID : pour déplacer le terrain d’affrontement syndical de la gauche non communiste de la MNEF sur le terrain syndical.

J’ai pris mes fonctions de directeur général avec une mission extrêmement précise, et j’ai souhaité poser un certain nombre de conditions en disant que s’il devait y avoir une autre révolution, je souhaitais pouvoir sortir dans des conditions honorables.

Par ailleurs, j’ai fait jouer cette clause de conscience à partir du moment où un rapprochement institutionnel s’est effectué avec, d’une part, l’UNEF-ID, et d’autre part, les autres organisations syndicales. La stabilité économique étant retrouvée, on a souhaité qu’il puisse y avoir une réappropriation du conseil d’administration de la MNEF par les forces syndicales. Or cette orientation était en totale contradiction avec la mission que l’on m’avait confiée dans les années quatre-vingt - indépendamment de mes amitiés personnelles que je ne nie pas.

M. le Président : Qui a décidé de cette clause de conscience ?

M. Olivier SPITHAKIS : Elle est dans mon contrat de travail qui a été approuvé en 1992.

M. le Président : C’est très étonnant !

M. Olivier SPITHAKIS : Je le conçois parfaitement. Mais je le répète : il s’agit d’une société de droit privé et j’ai négocié les conditions de mon contrat de travail.

Je tiens à souligner - et cela vaut pour un certain nombre de mes collaborateurs surdiplômés - que lorsqu’on consacre une vingtaine d’années de sa vie à une société mutualiste de cette nature, la réinsertion professionnelle n’est pas toujours facile.

M. Pierre LASBORDES : Monsieur Spithakis, vous venez de nous décrire l’environnement dans lequel vous travailliez, à savoir des élus étudiants peu formés et peu compétents pour bien appréhender les problèmes de gestion que vous maîtrisiez ainsi que votre entourage constitué de surdiplômés. Il y avait donc un déséquilibre face à la compréhension des problèmes. Or le conseil d’administration, qui jouait le rôle de potiche, a des responsabilités pénales.

Est-ce que cela ne vous a pas gêné, intellectuellement, de leur " faire avaler " un certain nombre de pilules, et notamment l’insertion, dans le cadre d’un contrat de droit privé, de conditions financières exceptionnelles obtenues au terme d’une négociation habile ?

Seconde question : comment présentiez-vous aux membres du conseil d’administration le suivi de votre activité ? Y avait-il des tableaux de bord, aviez-vous des contacts réguliers avec les administrateurs ?

M. Olivier SPITHAKIS : S’agissant des étudiants, je n’ai jamais dit qu’ils étaient incompétents ou pas assez formés. Les discussions avaient lieu, mais ils analysaient les problèmes dans leur globalité. On a parlé pendant des heures du partenariat avec Vivendi. Mais ce qui les intéressait, c’était la philosophie. Il s’agit d’un conseil d’administration ; il administre.

Lorsque vous parlez de mon contrat de travail, ce n’était pas une problématique compliquée. Il n’y a pas de difficultés à comprendre les clauses d’un contrat de travail. Quoi qu’il en soit, sachez que je n’ai pas jugé utile d’en tirer toutes les conséquences financières.

Il convient de faire la différence entre la capacité à analyser un taux de rendement interne et celle de discuter de trois clauses d’un contrat de travail. Par ailleurs, il y a le conseil d’administration d’un côté et le président de l’autre ; à l’époque, j’ai négocié mon contrat de travail avec Dominique Lévèque, président de la MNEF, " vieux " militant mutualiste tout à fait capable de maîtriser ces questions.

Quant aux rencontres avec les administrateurs, elles étaient extrêmement régulières. Je ne rencontrais pas tous les administrateurs, mais un certain nombre de membres du bureau. Les rencontres étaient plurihebdomadaires, au minimum hebdomadaires au travers de la commission permanente.

M. Pierre LASBORDES : Sauf avec la présidente qui ne venait pas le mardi !

M. Olivier SPITHAKIS : Une commission permanente est composée du secrétaire général, du trésorier et du délégué général. Il me semble que le bureau est bien représenté ! Par ailleurs, il n’y a jamais eu de conseil d’administration sans point d’actualité à l’ordre du jour ; on balayait la quasi-totalité des grandes questions. Ensuite, tous les investissements étaient votés point par point.

Les assemblées générales ont toujours été l’occasion d’un exposé exhaustif des points financiers - conformément au Code de la mutualité -, avec la présentation des comptes et les votes de budgets prévisionnels. J’estime donc que les membres du conseil d’administration disposaient d’une information suffisante.

M. Jean-Paul BACQUET : Vous avez jugé le bilan de votre action au sein de la MNEF comme globalement positif. Vous avez ajouté, courageusement, que vous assumiez la totalité de vos actes, dédouanant les élus étudiants en raison de leur formation insuffisante et de leur incompétence dans le domaine financier. Pourquoi êtes-vous aujourd’hui devant une commission d’enquête parlementaire et pourquoi y a-t-il une affaire MNEF ?

M. Olivier SPITHAKIS : Je me pose la question ! Je suis très serein en ce qui concerne les conséquences judiciaires. Je pense qu’il existe une véritable problématique, dans une démocratie, sur la façon dont la presse, par rapport à un certain nombre d’intérêts objectifs, est amenée à présenter certains sujets.

Je pense qu’une certaine presse a des comptes à régler à l’intérieur d’une mouvance issue de l’extrême gauche. L’article de Mme Thoraval, lorsqu’elle a fait l’état de l’évolution du trotskisme et du mouvement étudiant, m’a beaucoup étonné, car il y avait trois absents : ses trois supérieurs hiérarchiques, le chef de la rubrique société de Libération, le directeur adjoint et le directeur de la publication.

Deuxièmement, il y a toujours eu une véritable volonté de déstabiliser le milieu étudiant ; nous sommes l’entonnoir de la couverture sociale complémentaire maladie - y compris sur les assurances et toute une série d’autres services -, et un certain nombre de responsables de la mutualité française n’ont jamais accepté notre forme d’autonomie.

Un jour, le nouveau président de la Mutualité de la fonction publique m’a dit : " Avant, l’ex-président de la Mutualité de la fonction publique s’exprimait au nom de la Mutualité de la fonction publique. Depuis qu’il est président de la FMNF, je n’ai pas le droit de parler. Dans la Mutualité, il faut être riche et se taire. "

Or la MNEF est pauvre. On est en train de parler de chiffres, il faut relativiser. Je laisse 100 millions de francs de situation nette, à côté des 10 milliards de la Mutuelle de l’éducation nationale, on est un tout petit problème. Et je ne doute pas que dans les mois qui viennent, les politiques de diversification que l’on nous reproche, seront aussi discutées, avec une autre ampleur, dans le même cadre et avec la même objectivité.

Il y a donc des velléités de marché, et la presse n’a pas agi seule. J’ai été, à plusieurs reprises, mis en garde sur cette question, y compris par les intéressés qui m’ont reproché l’autonomie de la mutuelle, en disant qu’elle devait être un outil à la disposition de la FNMF, qu’il ne pouvait pas en être autrement. C’est surtout lorsque nous avons initié la mutualité interjeunes qui s’occupait de la mutualisation des jeunes en situation précaire, puis de celle des Rmistes que les pressions ont commencé.

En présence de l’un de mes collaborateurs et du secrétaire général de la mutuelle, j’ai eu une discussion avec le président de la FMNF qui n’a pas été tendre.

Je pense qu’il y a aujourd’hui toute une série d’intérêts en jeu et que beaucoup de choses ont été organisées. Les parlementaires, qui étaient déjà élus à l’époque, doivent se rappeler de la bataille de la majorité sociale. Sous prétexte de solidarité familiale, la mutualité vous expliquait qu’il était normal qu’une jeune fille issue de l’immigration de la deuxième génération essaie de parler de ses problèmes sexuels à la table familiale, alors qu’elle était majeure.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu d’erreurs. Je pense même qu’il y en a eu un certain nombre. Qui n’en fait pas ? Mais entre ces erreurs et la façon dont elles sont exploitées, il existe un décalage médiatique qui a assez peu de sens. On dirait que, tout d’un coup, les journalistes découvrent tout cela. Mais ils étaient invités à nos manifestations ! On me parle de démocratie ! Des assises ont été tenues en 1997 - six mois avant le début des " affaires " - où toutes les organisations étudiantes étaient présentes, à l’exception de l’UNI ; tous les présidents de ces organisations se sont exprimés. On venait de terminer le processus électoral ; quelles réserves ont été portées sur ce processus ? Les journalistes, les représentants des ministères étaient présents. Personne ne s’est levé pour dénoncer le scandale de la diversification !

M. Jean-Paul BACQUET : Vous avez été nommé directeur de la MNEF en 1992 ?

M. Olivier SPITHAKIS : Non, en 1983. En 1992, j’ai révisé les termes de mon contrat de travail.

M. Jean-Paul BACQUET : Aviez-vous, avant 1983, déjà occupé des fonctions à la MNEF ?

M. Olivier SPITHAKIS : Oui, tout à fait, j’ai été trésorier général de 1981 à 1983. A l’époque, le Code de la mutualité n’interdisait pas à un administrateur de devenir salarié.

M. Jean-Paul BACQUET : Votre contrat de travail, renégocié en 1992, est donc un contrat de droit privé. Il a été approuvé par le conseil d’administration, mais avec qui l’avez-vous négocié ?

M. Olivier SPITHAKIS : Avec le président.

M. Jean-Paul BACQUET : Comme vous l’avez fait remarquer, les élus étudiants ne disposaient pas d’une capacité d’analyse suffisante en matière financière. Les dédouanez-vous de l’éventuelle erreur de vous avoir engagé ?

M. Olivier SPITHAKIS : Non, je les en félicite ! Comme je le disais tout à l’heure, il existe une grande différence entre un taux de rendement interne et des clauses d’un contrat de travail ! Il n’est pas difficile de comprendre ce qu’est une clause de conscience, le montant d’une rémunération et une indemnité de licenciement !

M. Jean-Paul BACQUET : Les membres du conseil d’administration touchaient-ils des indemnités ? Leur montant était-il fonction de leur présence ?

M. Olivier SPITHAKIS : Bien entendu, les membres du conseil d’administration touchent des indemnités - en fonction de leur présence ou de l’étendue de leur mission. Mais je ne devrais pas répondre à cette question, car elle échappe à mes attributions.

Simplement, je puis vous dire que ces indemnités étaient décidées dans les règles par l’assemblée générale, et je n’avais en rien à intervenir dans la fixation de leur montant. Cependant, j’ai toujours considéré cela comme légitime : le Code de la mutualité le permet et 70 % des étudiants aujourd’hui travaillent pour financer leurs études. Il est évident qu’un étudiant qui doit assumer la responsabilité d’une entreprise de 700 salariés ne peut pas, en plus, travailler pour financer ses études.

On ne peut pas demander aux administrateurs de s’impliquer davantage dans les problèmes de gestion si on ne leur en donne pas les moyens. Je trouve que cela est comparable avec ce que touchent les maires adjoints ou les conseillers municipaux délégués dans les collectivités locales.

M. Jean-Paul BACQUET : Quel était le montant moyen de ces indemnités ? Par ailleurs, ce montant a-t-il varié de façon significative pendant la période où vous avez été directeur ?

M. Olivier SPITHAKIS : Les indemnités allaient de 1 000 à 10 000 F par mois - le trésorier, le secrétaire général, par exemple, touchant 10 000 F.

Le montant de ces indemnités a-t-il varié depuis 15 ans ? Personnellement, en 1982/1983, je percevais une indemnité - fondée sur des barèmes FMNF - de 4 800 F. Je pense donc qu’en franc constant elles ont plutôt diminué.

M. André ANGOT : Compte tenu des difficultés pour les étudiants élus de remplir leur mission et d’exercer un pouvoir de contrôle, nous aurons probablement des propositions de modifications législatives à formuler. Estimez-vous nécessaire de modifier la composition du conseil d’administration, et peut-être même son nom, afin qu’il ne s’agisse plus d’un conseil responsable à 100 % de la gestion de l’entreprise ?

Par ailleurs, vous avez parlé de la dépolitisation de la MNEF. Je voudrais signaler qu’elle a coûté très cher à la MNEF, puisque je crois me souvenir que l’UNEF-ID percevait 1 million de francs par an de subvention.

M. Olivier SPITHAKIS : S’agissant de votre première question, il est indispensable que la représentation étudiante pour qu’il y ait une responsabilisation des étudiants aux problèmes de protection sociale demeure. Il est indispensable que les étudiants gardent la majorité du conseil. Peut-être que ce qui a été fait avec les personnalités qualifiées a été mal fait.

La proposition de désignation de personnalités qualifiées à l’assemblée générale par l’association les Amis de la MNEF n’a peut-être pas bien marché, car, de fait, ces personnalités étaient assez peu présentes. Normalement elles ont vocation à aider les étudiants dans la compréhension des problèmes de gestion et à éviter qu’une organisation étudiante, tel un bateau un peu ivre, puisse donner un coup de barre d’un côté, puis de l’autre - du fait d’un taux de rotation un peu rapide. Imaginez la gestion d’une collectivité locale avec le renouvellement du maire chaque année !

Il convient que ce collège de personnalités soit constitué de telle sorte que la présence d’un certain nombre de représentants du ministère de l’Education nationale, par exemple, soit garantie. Mais il est indispensable, je le répète, de laisser une majorité aux étudiants qui sont tout à fait capables de décider des orientations - ces personnalités qualifiées devant être désignées de façon statutaire.

L’exemple de la Fondation santé des Etudiants de France me paraît intéressant. Tous les ministères concernés sont représentés, et je vous assure que leurs représentants ne se privent pas d’intervenir.

Vous dites que nous avons acheté la dépolitisation un million de francs par an ! Vous avez raison, les autres organisations syndicales touchent beaucoup moins, pour une raison très simple. Ces subventions reposent sur une convention de partenariat commercial. L’UNEF-ID fait la promotion de la MNEF d’une façon exhaustive à l’occasion de chaque rentrée universitaire. La FAGE, les corpos, le faisaient moins, puis ont commençé à le faire davantage - d’ailleurs leurs subventions, ces deux dernières années, ont augmenté de façon significative.

Bien entendu, vous allez me dire " mais il y a d’autres organisations syndicales étudiantes ". Certes, mais elles n’ont jamais souhaité signer de partenariat commercial avec la MNEF.

Si nous avions demandé à une société de participer à des campagnes d’affichage, de distributions de tracts ou de promotion des ventes, le montant des dépenses aurait été bien plus important. Le coût d’une campagne de rentrée est de l’ordre de 30 à 40 millions de francs.

Je parlais tout à l’heure d’intermédiation sociale. Il est évident, à partir du moment où les pouvoirs publics souhaitent qu’un lien soit maintenu avec les organisations syndicales, on a tendance à maintenir ce lien avec la plus grande organisation syndicale.

Je ne crois pas que cette pratique soit très différente de celle des caisses primaires d’assurances maladie.

M. Yves NICOLIN : Selon vous, le président de la MNEF assume-t-il des responsabilités civile et pénale ?

M. Olivier SPITHAKIS : Juridiquement, oui.

M. Yves NICOLIN : Alors qu’il peut avoir à assumer des responsabilités civile et pénale, n’est-il pas choquant qu’il ne siège pas à la commission permanente ?

M. Olivier SPITHAKIS : Je crois que vous faites une erreur sur le rôle que joue la commission permanente. Vous la comparez à celle des conseils régionaux ; or elle n’a pas la même vocation. Il ne s’agit pas d’un organe délibératif. Elle assure un suivi du détail de chaque décision. Elle a en fait été créée afin que des habitudes de travail soient prises de façon régulière entre les élus étudiants et les personnels administratifs. Elle n’est en rien un organe décisionnel.

M. Yves NICOLIN : Sous votre direction, la MNEF a-t-elle financé des activités politiques ?

M. Olivier SPITHAKIS : Non.

M. Yves NICOLIN : La MNEF a-t-elle financé des salaires qui auraient pu aider des partis politiques ?

M. Olivier SPITHAKIS : Non, elle n’a financé aucun salaire pour aider des partis politiques. Un amalgame a été fait en la matière. Nous sommes, d’une certaine façon, une école de citoyenneté. Certes, la MNEF recrute dans le milieu syndical étudiant, mais elle se trouve dans le milieu étudiant ! C’est notre univers ! Il n’existe pas de diplôme de troisième cycle " connaissance de l’enseignement supérieur " ! Selon moi, un bon cadre est une personne qui a fait du syndicalisme étudiant et qui a été vice-président élu d’une université. Si, en plus, il a passé trois ou quatre ans dans une entreprise, il devient une personne que l’on recherche ! Par ailleurs, après du syndicalisme étudiant, il fait parfois de la politique. Je ne pense pas qu’il existe une génération spontanée de parlementaires ; on a une vie avant, on a parfois une vie après.

L’action de la MNEF se situe à la fois dans le domaine social et institutionnel. Ce rôle institutionnel fait que, lorsqu’il y avait un changement de majorité politique, il m’arrivait de recruter certaines personnes venant des cabinets ministériels. Il est évident que pour travailler sur des problèmes de protection sociale, il était intéressant de proposer un poste à quelqu’un qui sortait du cabinet du ministère des Affaires sociales !

En sens inverse, le fait qu’un collaborateur soit appelé dans un cabinet ministériel - pour traiter, par exemple, des conditions de vie des étudiants - ne pouvait que faire avancer les intérêts de la MNEF.

Les passerelles entre les ministères et la MNEF ont donc existé, de même que les passerelles entre le syndicalisme étudiant et les activités politiques.

M. Yves NICOLIN : Ces passerelles ont existé avec tous les gouvernements ?

M. Olivier SPITHAKIS : Pour être objectif, je dirai que les passerelles ont plus existé avec les gouvernements de gauche - mais cela n’a pas toujours été le cas. Tout simplement parce que la conception de la MNEF s’inscrit du côté des " forces de progrès ".

M. le Rapporteur : Selon une expression journalistique, la MNEF a été la " pouponnière du parti socialiste ". Quel est votre commentaire ?

M. Olivier SPITHAKIS : Il s’agit véritablement d’une expression journalistique qui ne correspond pas à la réalité. Si l’on fait la liste des parlementaires qui sont passés par les rangs de la MNEF, on en compte une dizaine. Mais il s’agit d’un parcours classique : syndicalisme étudiant, militantisme, puis parcours politique.

Je tiens à préciser que certains responsables d’agence de la MNEF ont des responsabilités politiques locales dans d’autres formations politiques que le parti socialiste. A Montpellier, un directeur régional est au PR ; notre directeur financier a eu des responsabilités chez les centristes. Dès qu’il ne s’agit pas de pourvoir un poste dans le secteur du développement, qui nécessite la connaissance du milieu étudiant, on passe par des cabinets de recrutement et l’on ensuite découvre les affinités politiques d’un directeur financier ou d’un directeur du personnel, au travers des relations personnelles.

M. le Président : Y a-t-il eu, oui ou non, des emplois fictifs à la MNEF ?

M. Olivier SPITHAKIS : J’ai déjà répondu à cette question : il n’y a pas eu d’emplois fictifs à la MNEF. Il nous est arrivé, comme toutes les caisses primaires de France, de détacher du personnel dans un syndicat - par exemple, un salarié de la MNEF a longtemps travaillé à la CFDT.

M. Jean-Paul BACQUET : Dans ce domaine, la caisse nationale d’assurance maladie vous a précédé de loin !

Les administrateurs de la MNEF sont dans une école de citoyenneté. Un certain nombre font une carrière politique. Peut-on considérer que le fait d’être administrateur à la MNEF est une bonne école politique - de la même façon que l’on retrouve dans l’hémicycle d’anciens attachés parlementaires ou conseillers ministériels ?

M. Olivier SPITHAKIS : Cela n’est pas propre aux administrateurs ou aux salariés. Par ailleurs, avant que le Code de la mutualité ne soit modifié, les administrateurs devenaient souvent des salariés.

Par rapport à la triple dimension que j’ai évoquée tout à l’heure - rôle d’institution, mouvement social et entreprise -, la MNEF, me semble-t-il, est une bonne école de formation.

J’ai arrêté mes activités politiques, mais j’ai le sentiment d’avoir fait davantage qu’un élu ; j’ai obtenu, en dix ans, plus de modifications législatives et réglementaires que beaucoup de parlementaires !

Je pense donc que la MNEF est une excellente école de formation, parce que les étudiants sont obligés, comme tout homme politique, d’identifier les besoins d’une partie de la société, de les faire valoir après du législateur et du gouvernement, de se battre comme un parlementaire pour faire en sorte que leurs projets avancent. S’agissant de la majorité sociale, il a fallu dix ans !

M. Pierre LASBORDES : Vous venez de démontrer que vous êtes un bon commercial, du moins à titre personnel ! Quand on est un bon commercial, on défend les intérêts de sa maison. Pouvez-vous nous dire sur quels critères vous avez fixé les montants des subventions versées aux syndicats étudiants ? Un bon commercial fixe des montants non pas forfaitaires, mais en fonction du résultat.

M. Olivier SPITHAKIS : Monsieur le député, j’aurais rêvé faire ce que vous dites ! Mais c’est expressément interdit par le Code de la mutualité.

M. Pierre LASBORDES : En tant que directeur général, vous considériez-vous comme le secrétaire d’une mairie ou comme le directeur de cabinet ?

M. Olivier SPITHAKIS : J’avais la chance d’être un peu les deux !

M. le Président : Lorsque vous étiez trésorier de la MNEF, aviez-vous délégué votre signature ? Il nous a en effet été expliqué par l’ancien trésorier qu’il avait signé, le deuxième jour de sa prise de fonctions, un cahier général et qu’il n’avait ensuite plus exercé de responsabilité de signature.

M. Olivier SPITHAKIS : J’ai agi exactement de la même façon ! Le système de délégation de gestion du régime étudiant impose plusieurs comptes bancaires par département. Plusieurs millions de chèques sont émis chaque année - de l’ordre de 4 millions de francs. Je veux bien qu’un trésorier refuse de déléguer sa signature, mais je lui souhaite bon courage !

Nous avons mis en place deux groupes : les ordonnateurs et les payeurs. Le groupe A délègue au directeur général, le groupe B au directeur financier, les deux groupes subdéléguant à la quasi-totalité des responsables d’agence. Il s’agit d’une pratique logique qui a toujours existé, sans laquelle il serait impossible de fonctionner.

M. le Président : J’ai parfaitement compris qu’il n’appartient pas au trésorier national de signer les remboursements de soins !

M. Olivier SPITHAKIS : Il en va de même pour les charges de gestion.

M. le Président : Mais pour les chèques importants correspondant à des opérations d’envergure, il y avait bien émission de chèques de plusieurs millions de francs ?

M. Olivier SPITHAKIS : Le trésorier ne signait pas les chèques importants, la réglementation du conseil d’administration imposait une décision du bureau pour tout engagement financier supérieur à 1 million de francs. Le trésorier devait signer la délibération du bureau, cette pièce exécutoire était alors transmise à la direction financière.

Je souhaite que vous puissiez vous pencher sur ce fonctionnement, que vous puissiez demander le tableau des engagements et la présentation des procédures applicables selon leur montant ainsi que toutes les délibérations.

M. le Président : A quoi sert alors le trésorier ? J’ai dû mal à saisir son rôle, puisque d’après votre description, le conseil d’administration transmet un ordre de paiement sur pièce à la direction financière qui l’exécute.

M. Olivier SPITHAKIS : Dans le cadre des réunions de bureau auxquelles quatre personnes participent, le trésorier a une voix en quelque sorte prépondérante sur les décisions financières qui n’ayant pas été prises en conseil d’administration sont traités par le Bureau. Par ailleurs, le trésorier a une autonomie complète de toute la gestion du secteur étudiant. Pour éviter toute mainmise, la direction générale ou un directeur ne sont donc pas autorisés à verser les indemnités, à rembourser les frais ou à assurer le suivi des budgets des sections locales concernant les opérations de solidarité ou les actions humanitaires. En d’autres termes, l’appareil administratif s’interdisait d’avoir un droit de regard sur toutes ces activités décidées de façon totalement autonomes. Toutes ces activités étaient ordonnancées directement par le trésorier. Il signait non pas les chèques, mais les pièces comptables qui ordonnaient le paiement.

M. le Président : Nous nous interrogeons sur le rôle exact et les capacités des présidents et des trésoriers étudiants de l’ensemble des mutuelles. Nous souhaiterions connaître votre sentiment à ce sujet.

Peut-on réellement, à 22 ans, se retrouver président ou trésorier d’un organisme tel que le vôtre ?

Nous avons reçu les élus de la MGEL. Premièrement, le président de la MGEL n’est plus un étudiant, deuxièmement, il n’est pas rémunéré, puisqu’il exerce par ailleurs une activité professionnelle En revanche, la présidente de la MNEF, qui elle est étudiante dans l’obligation de travailler, nous indiqué qu’entre un travail de " pion " et une responsabilité rémunérée à la MNEF, cette dernière fonction était beaucoup plus valorisante.

Tout cela amène notre commission à se poser des questions en ce qui concerne les capacités réelles de jeunes étudiants, même s’ils peuvent insuffler toute une politique de générosité sociale, pour être président ou trésorier d’un tel organisme, avec des responsabilités pénales à la clé.

M. Olivier SPITHAKIS : Tout d’abord, je pense que les étudiants doivent conserver un rôle important ; c’est une question de responsabilisation et d’appréhension des problèmes de santé. Il est important d’avoir un réseau de militants sociaux qui travaillent sur ces questions. On ne peut pas en même temps vouloir maîtriser les déficits en matière de sécurité sociale et ne pas sensibiliser les jeunes consommateurs de soin sur cette question.

En revanche, les élus étudiants doivent être encadrés, d’une part, par un collège de personnalités qualifiées composé de représentants des pouvoirs publics, d’autre part, par une direction générale qui doit être redéfinie. Au niveau du régime général, le conseil d’administration est composé de partenaires sociaux, et le directeur général de la CNAM est nommé en conseil des ministres.

Sans qu’il y ait une nomination au conseil des ministres, le directeur général pourrait être nommé par le conseil d’administration sur deux ou trois propositions du ministère des Affaires sociales ou de l’Education nationale. Il convient de trouver un système qui puisse satisfaire la démocratie étudiante et un certain nombre de garanties - puisqu’il y a des fonds publics, il est nécessaire qu’il y ait une continuité d’une politique de gestion.

Quoi qu’il en soit, un président non étudiant serait un non-sens. La mutuelle étudiante perdrait son identité et deviendrait une mutuelle comme les autres, voire même une mutuelle interprofessionnelle qui proposerait des produits pour les étudiants. J’irai même plus loin. Imaginez, avec ce que l’on a entendu sur l’association les Amis de la MNEF, que celle-ci ait eu un président qui ne soit pas étudiant !

La MGEL peut se le permettre, parce qu’il s’agit d’une identité régionale. Mais imaginez la même problématique de mainmise s’il y avait eu un président qui ne soit pas étudiant ; c’était l’hallali ! Pour récapituler, je pense que les étudiants doivent conserver la présidence de leurs mutuelles, qu’un tiers du conseil d’administration doit être constitué de personnalités qualifiées dont la présence effective sera assurée et que la nomination du directeur général soit soumise à des modalités dans lesquelles interviendrait la puissance publique.

M. le Rapporteur : Vous étiez membre de l’association les Amis de la MNEF ?

M. Olivier SPITHAKIS : Oui, et c’est effectivement une grossière erreur.

M. le Rapporteur : Vous étiez donc membre d’une association qui devait dire ce qu’elle pensait de vous ?

M. Olivier SPITHAKIS : Il était prévu que les anciens administrateurs étudiants étaient automatiquement membres de l’association. C’est en ma qualité d’ancien trésorier que je m’y suis trouvé.

M. le Rapporteur : Quel était par rapport à cette association la composition et le rôle du comité national consultatif ?

M. Olivier SPITHAKIS : Le comité consultatif était en quelque sorte un comité des sages. Il y avait d’ailleurs " le papa et la maman " du régime étudiant - aujourd’hui seule Marcelle Devaux est encore en vie et participe régulièrement aux travaux. Cette instance se réunit deux ou trois fois par an. Au cours de cette réunion, sont exposés les problèmes que rencontre le régime étudiant, les conditions de vie des étudiants, les prises de position de la MNEF. A partir de ces sujets, on procède à des échanges de vues entre personnes possédant des compétences variées, chefs d’entreprises, responsables syndicaux, fonctionnaires...

Le comité consultatif est également, ne nous le cachons pas, un outil de lobbying, qui essaie " d’irriguer " de propositions un certain nombre de forces sociales.

M. le Rapporteur : Quelle est sa composition ? Comment est-il désigné ?

M. Olivier SPITHAKIS : Je ne saurai vous répondre très précisément. Je pense que les membres du comité consultatif sont d’anciens administrateurs et qu’ils doivent être désignés par le conseil d’administration de la MNEF - il y a environ 30 ou 40 membres. Aux derniers dîners auxquels j’ai assisté - je n’étais pas très assidu - une quinzaine de personnes étaient présentes. Pour être franc, ces questions qui relèvent du CA, d’organisation et de nomination ne m’ont guère passionné, même si j’ai proposé un nom.

M. le Rapporteur : Une instance de lobbying est pourtant intéressante.

M. Olivier SPITHAKIS : L’association les Amis de la MNEF était peut-être plus efficace...

M. le Rapporteur : A la lecture des différents rapports qui ont été mis à notre disposition, il semblerait qu’il existait de véritables monopoles concernant certains prestataires de services, en particulier dans le domaine de l’informatique, avec Consult SA, de la communication, avec l’agence Policité, et de l’imprimerie, avec EFIC puis la SPIM.

Les différents organes de contrôle affirment que cela a entraîné des surcoûts énormes pour la MNEF qui a, par ailleurs, été amenée à renflouer plusieurs fois certaines entreprises - 5 millions de francs en compte courant auraient été versés à la SPIM. Considérez-vous cela comme de la bonne gestion ?

M. Olivier SPITHAKIS : Vous me reprochez une situation de monopole en matière informatique, mais très franchement, je n’en connais pas d’autre, s’agissant des équipements lourds, ce qu’on appelle " le hard ". Personne ne fait appel à quinze prestataires de services en informatique ! Or depuis que je suis directeur général, nous avons tout de même eu cinq prestataires différents. Je rappelle que personne ne change chaque année son système informatique et que, s’agissant de l’achat des micro-ordinateurs, nous avons fait jouer la concurrence. Par ailleurs, la société informatique à laquelle nous faisons appel travaille pour 72 sociétés mutualistes. Elle est donc hyper-spécialisée sur cette question. Elle est d’ailleurs avec une autre société la seule à avoir été agréée par IBM et a été choisie sur la base d’une consultation. Nous avons d’ailleurs pris ensuite une participation dans cette société informatique avec le réseau Mieux être, gros réseau mutualiste français.

En matière de communication, la société Policité n’est pas une filiale. Je n’ai pas eu connaissance d’une situation de monopole dans ce domaine. Nous avons commencé à travailler avec cette société qui existe depuis 1989, seulement en 1993. J’ai hésité à le faire pendant longtemps, parce qu’elle était dirigée par M. Obadia dont la femme faisait partie de mon équipe de direction. Et puis, lors d’un appel d’offre, que personne n’a contesté même s’il ne correspond pas précisément aux règles du marché public, je me suis dit qu’il était anormal d’exclure cette société de l’appel d’offre au prétexte qu’elle était dirigée par M. Obadia.

Vous avez récemment voté un article modifiant le Code pénal et qui pose le problème de la discrimination. J’aurai vraisemblablement l’occasion, devant d’autres instances, d’introduire un certain nombre de recours sur cette question. Comment, en tant que responsable d’une entreprise de droit privé, aurais-je pu exclure l’entreprise de M. Obadia d’un appel d’offre au prétexte qu’il était l’époux de Mme Obadia ? Cela aurait été contradictoire avec l’article relatif à la discrimination, récemment adopté par le législateur.

Un audit a été réalisé par mon successeur. Demandez-le. Regardez si les charges de communication sont plus importantes que dans les autres mutuelles. Le budget de communication confié à l’agence était de 2 millions de francs. Il est vrai que l’on n’a pas procédé à une nouvelle consultation, lorsqu’il a été décidé de recentrer les activités de la MNEF sur la santé, que l’on a mis en place, en partenariat avec le ministère, les Espaces santé-pleine forme, les salons...

Je pars en effet du principe qu’à partir du moment où l’on choisit une ligne de communication, on doit s’y tenir pendant au moins trois ans. Il s’agit d’un problème d’orientation stratégique. On ne change pas de logo tous les 15 jours ! On a déjà de gros problèmes, à l’intérieur de la MNEF. Il y a, d’un côté, la direction du développement, avec de gros budgets et une vision très commerciale et très agressive, de l’autre, la direction de la communication institutionnelle qui développe le côté sanitaire et la problématique sociale. Il était déjà difficile de les faire coexister dans la même entreprise, nous n’allions pas, en plus, changer d’agence tous les ans ! Mme Obadia n’était en la matière que très peu ordonnatrice des dépenses, c’est un choix que je lui ai imposé.

En ce qui concerne l’impression, il y a effectivement un problème. La politique de fidélisation était liée au volume considérable que nous avions à imprimer. Cela étant, nous avons hérité, dans les années quatre-vingt-dix, d’une imprimerie en situation extrêmement difficile que nous n’avons pas su gérer. Cette imprimerie était, en plein mois de mai, en train d’imprimer notre brochure de rentrée quand un administrateur provisoire est arrivé et nous a dit : " Je liquide. Soit vous prenez la majorité de la société, soit je mets tout au pilon ". Or si la MNEF n’a pas cette brochure dans les délais requis, elle perd une année de " chiffre d’affaires " et n’a plus qu’à mettre la clé sous la porte.

M. le Rapporteur : EFIC a donc été filialisée à ce moment-là. EFIC est donc devenu EDITIF, et la SPIM a repris l’ensemble du passif.

M. Olivier SPITHAKIS : Non, la SPIM n’a pas repris le passif, et c’est de là que vient une grosse erreur. Je dirais même une trop grossière erreur de la Cour des comptes. Je suis étonné qu’une institution aussi sérieuse puisse commettre, à froid, ce type d’erreur - même si je ne nie pas qu’il y a des problèmes judiciaires avec EFIC, mais nous les découvrons, en quelque sorte, ensemble.

Dès que la société SPIM est constituée avec un nouveau tour de table et un nouveau responsable, elle prend EFIC devenue EDITIF en location gérance. Il y a donc transfert du fonds de commerce - et si l’on ne l’avait pas fait, on aurait pu nous reprocher un détournement de fonds de commerce ! Cette location gérance est là pour rétribuer le transfert du portefeuille de clientèle - dont la MNEF ne représentait à l’époque que 40 %. La location gérance est donc payée chaque année.

Lorsque la Cour des comptes analyse le dossier, elle confond la location gérance avec une location immobilière et déclenche une instruction au prétexte qu’il n’est pas possible de payer 2,7 millions de loyer par an pour un local de 80 m ?. Je comprends sa surprise ; ce que je ne comprends pas c’est qu’elle n’ait pas creusée la question et qu’une institution aussi éminente ait pu commettre une telle confusion.

M. le Rapporteur : Au cours de votre exposé, vous nous avez expliqué qu’il avait fallu diversifier pour répondre aux besoins des étudiants. Bien. Mais nous devenons perplexes quand on fait le compte du nombre de filiales, de sous-filiales et sous sous-filiales qui peuvent exister. Avez-vous une idée du nombre exact de filiales et de sous-filiales de la MNEF ? Quelle était l’utilité de cet enchevêtrement de participations qui semble exister ?

M. Olivier SPITHAKIS : Tout d’abord, je ne vous ai pas expliqué que nous avions diversifié que pour répondre aux seuls besoins des étudiants. Je vous ai également parlé de la nécessité de protection de notre marché et des outils techniques. Lorsque vous évoquez l’informatique ou l’imprimerie, je n’ai pas la prétention de dire que c’était pour répondre aux nouveaux besoins des étudiants !

Ensuite, vous parlez de l’enchevêtrement. Je vous ai expliqué tout à l’heure qu’il y avait une nécessité de trouver des partenaires spécialisés par métier. Nous ne savons pas faire tous les métiers. Ainsi, par exemple, Publicis, qui est intéressée par les panneaux d’affichage, n’est pas forcément intéressée par les résidences universitaires. Il est donc impératif de constituer des pôles par secteur : assurance, immobilier, publicité ...

Par ailleurs, il convient de ne pas confondre les activités ou nous sommes majoritaires et celles où nous sommes minoritaires et dans lesquelles, comme en informatique, existent des structures en cascades. Dans ce cas, nous ne faisons qu’entrer dans le capital de la " maison mère ". On ne va pas, par exemple, reprocher, demain, aux mutuelles qui viennent de rentrer au capital de la Caisse nationale de prévoyance, la totalité des filiales de cette caisse privatisée. Il convient donc déjà de sortir les pôles assuranciel et informatique où nous sommes actionnaires minoritaires.

Reste le domaine des conditions de vie des étudiants où, effectivement, il y a beaucoup de filiales. Franchement, je pense qu’il n’y en pas assez. Pourquoi ? C’est une règle de prudence économique de base. Il devrait y avoir une filiale par immeuble et une filiale par galerie marchande sur les campus. En effet, au moment où Rouen bat de l’aile, il n’y a pas de raison que cela affaiblisse Grenoble.

Les nombreuses structures que vous trouvez sous Raspail Participations et Développement démontrent que l’on en a beaucoup fait. Nous sommes intervenus à la fois dans le domaine du logement, des cafétérias, du service au promoteur, etc. Les différents outils qui ont été mis en place au travers de Raspail Participations et Développement ont permis de drainer entre 8 et 11 milliards de francs du secteur privé à destination des résidences universitaires - somme que l’Etat n’a pas eu à verser.

S’il y a autant de sociétés filiales, c’est parce qu’on en a fait beaucoup. Et que l’on ne vienne pas nous imputer, comme le font certains corps de contrôle, les filiales des organismes dans lesquels on est minoritaire, car c’est un processus que la MNEF ne contrôle pas.

M. le Rapporteur : Il y a tout de même aussi beaucoup de filiales dans le domaine assuranciel : FIGERIS, CAP PARTENAIRE, AJE SA, CAP IRAM. Toutes ces filiales ont le même dirigeant et sont interdépendantes. C’est ce type de montage que je ne comprends pas.

Il en va de même dans le secteur de la communication avec Carte Jeunes SA, GIE, Phone Campus, MÉDIA JEUNES, Je communique, SPIM, Coeur de cible, EDITIF, etc. On ne discerne pas quelle a été, au départ, l’intention politique de la MNEF.

M. Olivier SPITHAKIS : Vous ne voulez pas différencier les secteurs où nous sommes majoritaires et ceux où nous sommes minoritaires. Quand on est minoritaire, on n’a pas le contrôle du processus. Mais je peux vous l’expliquer quand même.

Prenons l’organigramme du secteur assuranciel. Vous trouverez une société qui fait du courtage en assurance en milieu étudiant et jeune - CAP IRAM, au-dessus, il y a la société AJE SA, qui est vide ! Il s’agit d’une société issue d’une technique financière connue, dans laquelle les banques demandent de loger les prêts bancaires - elle n’a pas d’activité, donc pas de passif, seules les dividendes remontent. Lorsque tous les prêts bancaires seront remboursés, elle disparaîtra.

Au-dessus, vous trouvez Cap partenaire. Il y a là un investisseur, la société de prévoyance bancaire, deuxième courtier en France, qui souhaitait être non pas sur tous les secteurs d’activité, mais sur un seul. Et au-dessus, vous voyez FIGERIS. Ce n’est pas une société qui fait de l’assurance, mais une holding de distribution de produits de masse.

Si vous demandez l’organigramme de FIGERIS, vous trouverez une dizaine d’autres sociétés. Ses dirigeants viennent de lancer E TRADE NET BOURSE, qui est le courtage boursier par Internet ; ils ont racheté Club des Clubs au Chèque déjeuner. Nous sommes minoritaires, dans cette société. On ne va pas reprocher aux dirigeants de la MNEF dans quatre ans, si FIGERIS crée sept ou huit sociétés dans des secteurs d’activité différents, d’être responsables de ce montage, alors que la MNEF ne représente que 13 % !

M. le Rapporteur : Aujourd’hui, mais la MNEF a représenté jusqu’à 40 %.

M. Olivier SPITHAKIS : C’est la raison pour laquelle je suis compétent pour vous expliquer le montage qui a été fait à l’origine avec les trois niveaux. Il n’y a pas les mêmes partenaires dans chaque niveau.

M. le Rapporteur : Et dans le cadre de la promotion sociale des étudiants, que faisaient Force 1 et Dérya Tour ?

M. Olivier SPITHAKIS : La MNEF possédait à l’époque une sous-filiale dans laquelle elle détenait sans pouvoir décisionnaire 15 % du capital. Cette sous-filiale avait elle-même une participation de 5 % dans une société d’incentive qui possédait un bateau. Lorsque nous avons pris la majorité du capital de cette société de communication qui détenait ces 5 %, nous avons demandé que cette participation soit liquidée. Mais cela a suffi à la presse pour titrer " Le bateau de la MNEF ".

Je ne pense pas que demain vous puissiez reprocher à la mutuelle du Trésor d’avoir acquis de cette façon le casino de Libourne ! On est bien loin, là aussi, des orientations mutualistes !

Avec le même raisonnement, analysons toutes les participations de la Caisse nationale de prévoyance et imputons ce qu’on y trouve à toutes les mutuelles qui viennent d’entrer.

La MNEF est actionnaire d’un certain nombre de sociétés avec GESTRIM qui est le deuxième opérateur français en matière de logement. Pourquoi ne nous impute-t-on pas les filiales de GESTRIM ? Pourquoi cela n’intéresse personne ?

M. le Rapporteur : Il n’y avait pas de rapport non plus entre MÉDIA JEUNES et Force 1 ?

M. Olivier SPITHAKIS : Si, MÉDIA JEUNES détenait 5 % de Force 1 à l’époque où l’UES Saint-Michel détenait 15 % de MÉDIA JEUNES. Le jour où l’UES Saint-Michel, dont j’était président, a pris la majorité de MÉDIA JEUNES, elle a demandé que cette participation, qui ne servait à rien, soit cédée.

M. le Rapporteur : Donc tout ce que nous avons pu lire sur les croisières du directeur général sur le Derya est faux ?

M. Olivier SPITHAKIS : Ce n’est pas la question que vous m’avez posée, Monsieur le rapporteur !

M. le Rapporteur : Eh bien je vous la pose.

M. Olivier SPITHAKIS : Premièrement, la MNEF ne possède aucun bateau. En ce qui me concerne, j’ai effectivement été amené à utiliser à quelques reprises ce bateau : deux fois pour un séminaire et quelquefois pour usage personnel, comme j’ai utilisé d’autres bateaux avant, comme je continue à en utiliser depuis que Derya a coulé ! Dans ce cadre-là, j’ai réglé mes vacances comme tout le monde.

M. Jean-Paul BACQUET : Monsieur le président, tout cela est bien complexe. Nous découvrons un directeur qui a un certain nombre de pouvoirs, une présidente qui est souvent absente et un conseil d’administration incompétent.

Il me semble que nous touchons là à un vrai problème de démocratie.

Vous avez évoqué le principe des holding, et l’on peut, dans l’intercommunalité, trouver les mêmes principes avec des décisions pouvant se prendre au 4e ou 5e degré.

Par rapport à toutes ces ambiguïtés, ma question est simple : un régime étudiant se justifie-t-il encore ? Vous avez répondu en disant qu’il risquait de disparaître. Donc manifestement vous le soutenez. Mais je vous demande tout de même votre avis.

Par ailleurs, les régimes non étudiants de mutuelles ont-ils des fonctionnements aussi opaques que celui qui vous amène aujourd’hui a être auditionné par une commission d’enquête parlementaire ? Je précise : dans les grandes mutuelles françaises, je pense à deux d’entre elles, le directeur général a-t-il les mêmes pouvoirs que vous, le président du conseil d’administration est-il aussi compétent que celui de la MNEF, et les administrateurs - qui ne sont pas des étudiants - sont-ils mieux formés ou insuffisamment formés par rapport aux décisions qu’ils ont à prendre ?

M. Olivier SPITHAKIS : Le régime étudiant se justifie-t-il ? Je répondrai oui. Même si j’ai expliqué tout à l’heure à Monsieur le président les modifications qu’il conviendrait d’y apporter. Il se justifie socialement car il permet l’identification des besoins ; simplement, il convient de l’aménager dans son mode de fonctionnement.

En ce qui concerne l’exercice de la démocratie, la comparaison avec les autres mutuelles est difficile : nous sommes dans une situation où une commission de contrôle nous demande de faire une holding. On se retrouve ainsi dans des filiales de deuxième et troisième niveau. Et si les décisions étaient prises en conseil d’administration de la MNEF, on nous aurait accusé d’effectuer une gestion de fait, ce qui est interdit par la loi.

Quand la MNEF gérait toutes ses filiales, elle pouvait intervenir directement comme actionnaire majoritaire. Il y a donc là une incohérence notoire qui n’a pas été perçue à l’époque lors de la création des UES suggérée par la Commission de contrôle des mutuelles.

En ce qui concerne les autres grandes mutuelles, je les différencie de deux façons. Dans une interprofessionnelle, le processus que vous évoquez peut exister. Dans une mutuelle de fonctionnaires, nous assistons - dans le domaine de la compétence, le problème ne se pose pas -, au niveau de la démocratie, à une violation bien plus grave. En effet, il s’agit de professionnels de la Mutualité payés par l’Etat ! Et ce, en violation totale d’un texte réglementaire : l’article 13 de la Mutualité précise que l’on ne doit pas avoir d’intérêts directs ou indirects.

L’Etat est coupable, puisque la Mutuelle de fonctionnaires lui verse de quoi rétribuer les fonctionnaires qui sont mis à disposition. Le principe de démocratie n’existe pas, puisque se retrouvent en situation élective des personnes compétentes, les " mis à disposition " qui se retrouvent dans une situation d’assumer à vie des fonctions d’élus.

Les données sont donc différentes : les problèmes de la compétence et de la rotation ne se posent plus. Il s’agit d’un vaste système de cooptation auprès duquel l’association les Amis de la MNEF n’est qu’un enfantillage. J’aimerais connaître depuis plusieurs années le nombre de listes qui se sont constituées aux élections de la MGEN.

M. Yves NICOLIN : La MNEF a été amenée, lorsque vous étiez directeur général, à réaliser ou faire réaliser d’importants travaux. Pensez-vous qu’il y ait eu, à l’occasion de l’attribution de ces marchés, des reversions de commissions à des partis ou à des hommes politiques ?

M. Olivier SPITHAKIS : Non. Et si j’avais eu connaissance de ce type de pratique, j’aurais porté plainte.

M. Yves NICOLIN : Vous nous avez expliqué pourquoi vous aviez été obligé de reprendre l’imprimerie SPIM. C’était à quelle époque de l’année ?

M. Olivier SPITHAKIS : Au moment de la préparation de la campagne de rentrée, en avril-mai. Les brochures doivent être livrées aux universités afin qu’elles les mettent dans les dossiers d’inscription.

Puisqu’on parle d’imprimerie, de concurrence, parlons du surcoût d’impression. Je serais curieux de connaître les tarifs de mes concurrents !

Nous sommes obligés d’imprimer, de façon rapide, 4 millions de brochures, dans des conditions extrêmement difficiles, et nous avons besoin d’un service souple et discret - afin que les concurrents ne se procurent pas nos brochures. Or l’incident s’est produit au moment du lancement du processus. Nous avons donc été mis devant le fait accompli. On ne peut pas changer d’imprimeur en trois jours : il y a 40 ou 50 documents différents à imprimer dans des quantités différentes, livrables sur 2 000 points différents, et le tout en une semaine !

M. Yves NICOLIN : Je voudrais revenir sur le contrat de travail que vous avez négocié avec le président. Qui était le président ?

M. Olivier SPITHAKIS : Dominique Lévèque.

M. Yves NICOLIN : Enfin, pourquoi avez-vous démissionné si vous estimez être innocent des soupçons qui pèsent sur vous ?

M. Olivier SPITHAKIS : Je n’ai pas démissionné, contrairement à ce que dit la presse, à l’exception du journal Le Monde ! La procédure de licenciement a été mise en place à partir du moment où j’ai fait jouer la clause de conscience. Je n’ai d’ailleurs aucunement l’intention de revenir, comme semblent l’indiquer les journalistes.

M. le Président : Combien avez-vous perçu d’indemnités de licenciement ?

M. Olivier SPITHAKIS : En application de mon contrat de travail, j’aurais eu droit à 3,9 millions de francs. J’ai reçu ce chèque que j’ai rendu immédiatement à la MNEF, en lui disant que je n’entendais pas, compte tenu du contexte, percevoir autre chose que mes indemnités conventionnelles - d’un montant de 500 000 F.

Six mois plus tard, j’ai fait savoir à la MNEF que je comptais faire valoir mes droits, mais que je souhaitais toucher non pas le montant intégral, mais un montant raisonnable pour un cadre supérieur qui avait mené une entreprise - de droit privé - de moins 100 millions de francs à plus 100 millions de francs.

Nous avons donc formulé une demande d’arbitrage. Arbitrage rendu par Mme Simone Rozès, première présidente honoraire de la Cour de cassation, qui a considéré que je devais percevoir 1,7 million de francs. Il a ensuite été demandé une interprétation, afin de savoir si les 500 000 F d’indemnités conventionnelles étaient ou non compris dans cette somme.

M. le Président : Au cours de l’année 1996, de nombreux cadres de la MNEF ont été licenciés. Comment ont été fixées leurs indemnisations, notamment celles de M. Henri Zwirn ?

M. Olivier SPITHAKIS : La seule indemnité importante est celle de M. Zwirn, les autres ne dépassant pas 400 000 ou 500 000 F. Vous connaissez la jurisprudence en matière de droit du travail : une année de salaire pour un cadre supérieur ; ce n’est pas exorbitant de droit commun. En général, s’il y a désaccord, on essaie de s’entendre entre douze et dix-huit mois, sauf s’il y a faute.

M. Zwirn, quant à lui, a touché environ 2 millions de francs. En effet, il s’agit d’une personne que je suis allé chercher pour lui demander de restructurer, d’abord l’informatique de la MNEF, ensuite l’organisation, à une époque où j’en avais énormément besoin. En effet, quand je me suis retrouvé en commission de suivi du plan de redressement, j’étais entouré de toute une brochette d’énarques qui prenaient avec peu de sérieux le jeune directeur général que j’étais. Le fait de me présenter quelques semaines après accompagné d’un polytechnicien, X, Mines, a tout de suite fait évoluer le discours. Il a donc, pendant treize ans de sa vie, au détriment de son évolution professionnelle, consacré sa carrière à la MNEF. Il était très compétent en ce qui concerne la restructuration, mais n’appréhendait pas du tout les problèmes de développement. Nous en avons tiré les conséquences, il s’agissait d’un désaccord concernant des orientations - cela aurait pu se plaider longtemps -, j’ai donc considéré, compte tenu de ce qu’il avait apporté à l’entreprise, que cette somme, si elle était un peu élevée, n’était pas illégitime. Et à l’heure actuelle, il cherche encore du travail.

M. le Président : Cette somme représente combien de mois de salaire ?

M. Olivier SPITHAKIS : Deux ans et demi de salaire.

M. le Président : C’est énorme !

M. le Rapporteur : Le désaccord portait-il sur la politique de diversification ?

M. Olivier SPITHAKIS : Ce désaccord concernait effectivement la politique de diversification, non pas les investissements, mais les services. M. Zwirn était un gestionnaire qui avait du mal à intégrer la logique du marché. Il y avait donc un désaccord, non seulement sur la logique du développement, mais également sur la logique institutionnelle, car pour lui, travailler sur la santé des étudiants était inutile économiquement ; il ne voulait pas prendre en compte l’utilité sociale.

M. le Président : J’ai lu de nombreux articles de presse concernant le grand nombre de conseils que vous avez reçus, et les honoraires qui auraient été versés : 7,6 % du montant des frais généraux de la mutuelle. C’est énorme !

M. Olivier SPITHAKIS : Je suis incapable de vous confirmer ce chiffre. Il est vrai que lorsque nous avons mené la négociation avec Vivendi, le montant total des honoraires de conseil était très élevé. La diversification a entraîné toute une série de conseils. Voyez comment est critiqué le système de la mutuelle : ses cascades de sociétés, de filiales et sous-filiales ; imaginez ce que cela aurait pu être si nous ne nous étions pas entourés de conseils ! Par ailleurs, nous recourions souvent à la sous-traitance, afin de ne pas augmenter les charges fixes.

M. le Président : Pour conclure cette audition, que souhaitez vous dire, quels conseils pouvez-vous donner ? En termes d’avenir et en particulier sur les conséquences du jugement qui a été rendu hier par le tribunal de grande instance et qui annule toutes les délibérations du conseil d’administration depuis le mois de juillet 1998, ce qui va entraîner des conséquences juridiques importantes ?

Les étudiants ne devraient-ils pas avoir recours à la couverture médicale universelle ?

M. Olivier SPITHAKIS : Il ne m’appartient pas de commenter cette décision de justice, simplement elle ne va pas arranger les choses. Par ailleurs, tous les actes n’ont pas été annulés ; le jugement laisse le choix aux plaignants de les faire annuler. Seuls les actes concernant le processus électoral ont été annulés.

Le problème, ce sont les conséquences médiatiques. Le président Pouria Amirshahi a voulu faire une conférence de presse, il a convoqué les télévisions, alors que la presse avait traité cette décision comme un non-événement. Les effets médiatiques auront donc des conséquences en termes de campagne de rentrée.

La couverture médicale universelle pourrait être une solution, à condition que demeure un régime étudiant, dont le champ soit étendu, ainsi qu’une gestion étudiante, même si elle a une forme de paritarisme, mise en place avec les pouvoirs publics. Cette solution répondrait essentiellement au problème de la précarité.

M. le Président : Avez-vous l’impression d’être une victime ?

M. Olivier SPITHAKIS : J’ai surtout le sentiment que de nombreuses institutions me reprochent ce qu’elles m’ont demandé de faire pendant 10 ans. Maintenant, je ne m’apitoie pas sur mon sort. J’ai toujours assumé mes responsabilités, je savais qu’il s’agissait d’un poste exposé, et je l’assume. Et les procédures judiciaires en cours en tireront toutes les conséquences.

Ce n’est pas une situation qui m’amuse. Elle me rend triste pour la MNEF car je me suis battu pour elle. Je la quitte avec 100 millions de francs de réserve - ce qui n’est jamais arrivé -, et je crains fort qu’avec la pression médiatique et les décisions de justice prises à la légère, elle ne se retrouve, à moyen terme, dans une impasse. Politiquement, cela entraînera tout le régime étudiant dans cette même impasse.

C’est une situation que je regrette beaucoup plus pour les salariés et les étudiants sur lesquels des choses ont été dites et qui se sont battus pendant des années pour cette mutuelle, que pour mon cas personnel.

M. le Président : Monsieur Spithakis, je vous remercie.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr