La nouvelle Constitution afghane adoptée dimanche a été rapidement présentée comme une avancée historique par les dirigeants états-uniens et afghans. On peut en effet se réjouir que cette constitution ait été négociée plutôt qu’obtenu par les armes et que le texte interdit les discriminations fondées sur le sexe.
Malheureusement, derrière cet aboutissement on trouve un processus sordide impliquant l’achat de vote et les menaces de morts lors de l’élection des délégués à la Loya Jirga. Ces méthodes ont permis l’élection de criminels de guerre avérés à la faveur de nombreuses irrégularité observées par Human Right Watch. Ainsi, la majorité des 502 délégués élus sont des membres de factions contrôlées par les seigneurs de la guerre. Le rassemblement de la Loya Jirga pose également problème puisqu’il ne s’est avéré être qu’une cérémonie d’enregistrement d’un texte déjà rédigé par Hamid Karzaï durant laquelle les délégués indépendants étaient systématiquement intimidés. Le débat n’a consisté qu’en une discussion entre seigneurs de guerre et délégués de Karzaï pour défendre des intérêts particuliers. Enfin, la Constitution elle-même, si elle énonce des libertés et des droits, n’offre pas la possibilité de garantir les Droits de l’homme de manière efficace et ne tranche pas le débat entre loi islamique et Droits de l’homme de sorte que dans quelques années certaines factions pourraient les menacer simplement en faisant accepter une version dure du droit islamique.
Les États-Unis et leurs alliés se sont d’abord appuyés sur des seigneurs de guerre avant de contrer leur influence en nommant Karzaï. Ils devraient plutôt instaurer un vrai pluralisme et une représentation réelle de la population en Afghanistan. Pour cela, il faut développer la présence militaire internationale dans tout le pays et demander à l’ONU d’envoyer plus d’inspecteurs vérifier la situation des Droits de l’homme.

Source
International Herald Tribune (France)
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« Flawed charter for a land ruled by fear », par John Sifton, International Herald Tribune, 7 janvier 2004.