Les gouvernements ont le réflexe de mettre en avant les préoccupations de sécurité quand ils entreprennent des actions controversées. C’est souvent un prétexte pour justifier quelque chose ayant d’autres motivations. C’est le cas de la soi-disant « barrière de sécurité » d’Israël étudiée aujourd’hui à la Cour de justice de La Haye.
Nul n’aurait critiqué le droit d’Israël de se protéger, même en construisant un mur, si celui-ci avait respecté le tracé de la ligne verte établit après la Guerre de 1948-1949. On notera d’ailleurs que, bien que le Royaume-Uni soutienne l’opposition de « l’Amérique » au procès de La Haye, Jack Straw a affirmé que la barrière était illégale et une commission parlementaire britannique a demandé à ce que la barrière respecte le tracé de la frontière antérieure à 1967.
En réalité, l’objectif de ce mur est de prendre possession des territoires palestiniens et de former des Bantoustan, imitant ainsi la politique de l’Afrique du Sud durant l’apartheid. Aujourd’hui, avant même la construction du mur, la population palestinienne est, selon l’ONU, regroupée dans 50 enclaves déconnectées les unes des autres. Le mur va couper la Cisjordanie en 16 enclaves isolées regroupant les 42 % des territoires qu’Ariel Sharon est prêt à céder pour former un État palestinien.
Le mur a permis la captation des terres les plus fertiles de la Cisjordanie et a étendu le contrôle israélien sur les ressources d’eau alors que la population indigène souffre déjà d’un manque d’eau potable. De son côté, Gaza est aujourd’hui une cage où un million de Palestiniens survivent difficilement. Il ne faut pas appeler cela une politique israélienne, mais une politique israélo-américaine car elle n’a été rendue possible que par le soutien sans compromis de Washington à Israël. Le tribunal de La Haye déclarera sans doute le mur illégal, mais cela ne changera rien. Le seul changement peut venir des États-Unis.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.

« A Wall as a Weapon », par Noam Chomsky, New York Times, 23 février 2004.