Il y a dix ans, commençait le génocide au Rwanda qui, en 100 jours, entraîna la mort de pus de 800 000 personnes, majoritairement Tutsis. Ces meurtres furent dirigés par le gouvernement rwandais avec le soutien des responsables militaires et des médias et exécutés à la machette par des milliers de Hutus. Pour ceux qui, comme moi, occupaient des responsabilités à cette époque (j’étais conseiller de l’ambassadeur des États-Unis à l’ONU), le souvenir de notre timidité et de notre inaction face à l’horreur ne s’éteindra jamais.
Nous avons répondu de façon conventionnelle à une crise qui ne l’était pas, estimant qu’il s’agissait d’une guerre civile et tentant de faire respecter les accords de paix d’Arusha alors que le nombre de morts augmentait. Notre inaction face aux massacres au Burundi l’année précédente a encouragé les génocidaires Hutu mais, à ma grande honte, j’avais affirmé en 1993 à des responsables du Congrès que cette absence de réaction, peu après la crise en Somalie, démontrait que désormais nous avions une attitude raisonnée des missions de maintien de la paix et que nous n’allions plus nous jeter immédiatement sur toutes les catastrophes humanitaires. Nous sommes également restés inactifs devant les prémisses du massacre et les assassinats politiques.
Une fois la catastrophe enclenchée, nous avons tenté en vain de persuader les dirigeants politiques d’appliquer les accords de paix. Aujourd’hui, nous savons que ce type de calamité nécessite une réaction immédiate. Pour cela, il faut que les États-Unis, dans l’intérêt global, renforcent l’ONU. Nous avons mis trop de temps à envoyer des troupes, à accepter les informations transmises par des ONG et à accepter de parler de génocide. Il faut nous donner les moyens légaux d’identifier les génocides et de réagir efficacement.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Shameful Inaction in Face of Genocide », par David Scheffer, Los Angeles Times, 5 avril 2004.