De toutes les batailles qui ont lieu en Irak, l’une des plus déterminantes est celle qui voit s’affronter Amhed Chalabi et Lakhdar Brahimi, une bataille dans laquelle chaque camp est soutenu par des intérêts puissants et dont il est difficile de prédire l’issue. Chalabi veut gouverner l’Irak après le 30 juin et Brahimi veut l’en empêcher.
Brahimi est l’homme sur lequel les États-Unis et le Royaume-Uni comptent pour les sortir du désastre dans lequel ils se sont mis eux-mêmes. Il devra proposer comment et par qui l’Irak sera gouverné entre le 30 juin 2004 et janvier 2005. Chalabi est pour sa part un ancien banquier convaincu de fraudes et qui dirige l’Iraqi National Congress, un groupe d’exilés irakiens qui a poussé Washington à renverser Saddam Hussein en l’alimentant en fausses informations et qui toucherait 340 000 dollars par mois par le Pentagone. Chalabi est membre du Conseil de gouvernement irakien et a placé ses hommes aux postes importants. Il a plaidé la dissolution de l’armée irakienne et la déba’assification. D’un côté, nous avons donc une coalition soutenant l’ONU et les aspirations nationales irakiennes et arabes et, de l’autre, nous avons les néo-conservateurs et les amis d’Israël.
Le problème de Chalabi est que ses amis néo-conservateurs sont en train de perdre leur influence à Washington et que L. Paul Bremer ne lui fait plus confiance. Ce dernier est d’ailleurs revenu sur la politique de déba’asification, ce qui a provoqué la colère de Chalabi. Toutefois, Bremer sera parti le 1er juillet alors que Chalabi conservera des moyens d’action. Chalabi mène campagne contre Brahimi, l’accusant d’être un sunnite qui n’a aucun lien avec les chiites. Brahimi a également vu ses récentes déclarations imputant à la politique israélienne dans la région une large part des problèmes du Moyen-Orient condamnées par les États-Unis et Israël. Ces propos ont été tenus à Paris alors que Brahimi fiançait sa fille au prince Ali de Jordanie.
En fait, les États-Unis ont besoin de Brahimi, mais craignent qu’il ne prenne trop d’influence en Irak. Brahimi sait cela et tout ce qu’il espère, c’est parvenir à constituer en Irak une organisation d’Irakiens de tous bords qui pourra faire contrepoids aux États-Unis.

Source
Gulf News (Émirats arabes unis)
Gulf News est le principal quotidien consacré à l’ensemble du Golfe arabo-persique, diffusé à plus de 90 000 exemplaires. Rédigé à Dubaï en langue anglaise, il est principalement lu par la trés importante communauté étrangère vivant dans la région.

« Brahimi versus Chalabi : The daggers are drawn », par Patrick Seale, Gulf News, 30 avril 2004.