Comment sous-entendre aujourd’hui qu’Al Qaïda, en relation, directe ou indirecte, avec l’Iran est en train de s’activer pour construire une « bombe sale » qui menacerait l’Europe quand on n’a pas l’ombre d’une preuve de ce qu’on avance ? En utilisant la juxtaposition d’informations sans liens entre elles. C’est à cet exercice que se livre le journaliste Lewis Smith du Times de Londres, dans un article daté du 6 octobre 2006 intitulé « La saisie de matière radioactive alimente la crainte d’une bombe sale » (« Seizures of radioactive materials fuel ’dirty bomb’ fears »). L’auteur lie deux informations et un élément douteux pour étayer son propos.

M. Smith commente un rapport de l’AIEA qui assure que le nombre d’arrestations liées au trafic de matériaux nucléaires est en constante augmentation depuis quelques années. Cela peut signifier soit que la police a affiné sa capacité à démanteler les réseaux de trafiquants soit que le marché noir se développe. Seule la seconde hypothèse est prise en considération. L’auteur ne nous dit pas non plus de quel type de matériaux radioactifs il est question et de l’usage militaire qui pourrait en être fait.

S’appuyant sur des allants-de-soi non démontrés, le journaliste assure que le premier destinataire de ce trafic est sans aucun doute Al Qaïda. Pour étayer cette imputation, le journaliste cite des déclarations attribuées à des responsables « d’Al Qaïda », à des membres anonymes de la CIA et à des spécialistes assurant qu’effectivement ce matériel pourrait servir à faire des bombes sales, mais qui n’assurent nullement que c’est forcément le cas ou que le marché noir n’ait pas d’autre finalité.

Enfin, le journaliste conclut en rappelant que des responsables états-uniens, britanniques, français, allemands, chinois et russes vont se rencontrer à Londres le 7 octobre pour discuter du programme nucléaire iranien, ce qui n’a aucun rapport avec les éléments précédents. Mais pour le lecteur, il restera une impression diffuse que les menaces d’Al Qaïda, le trafic de matériaux radioactifs et le dossier iranien sont liés.