En se rendant cette semaine au Caire, le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, n’avait qu’un objectif : négocier, à travers l’Égypte, la libération des deux journalistes français détenus depuis 10 jours en Irak. Arrivé dans la capitale dans la nuit de dimanche à lundi, le responsable français s’est notamment entretenu avec le chef de la diplomatie, Ahmad Aboul-Gheit, et le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa.
Mais pourquoi l’Égypte ? « L’Égypte entretient de très bonnes relations avec le gouvernement irakien comparé à d’autres pays comme l’Iran, l’Arabie saoudite ou même la Syrie », explique Hicham Ismaïl, politologue. Il ajoute que Le Caire possède également une expérience non négligeable du terrain irakien. « Plusieurs citoyens égyptiens ont été enlevés au cours des mois écoulés en Irak et l’Égypte a réussi à les libérer grâce à des contacts avec le gouvernement irakien ou avec les ravisseurs », poursuit le politologue. Le dernier en date est le diplomate Mohamad Mamdouh Qotb, numéro trois de la section des intérêts égyptiens à Bagdad, qui avait été retenu en otage pendant plusieurs jours, fin juillet, avant d’être libéré. Qotb, 49 ans, a acquis une bonne connaissance des groupes de ravisseurs irakiens. Selon Hicham Ismaïl, il est peu probable que la loi sur le voile soit le vrai motif de l’enlèvement des deux journalistes. « L’anarchie règne en Irak. Dans de telles conditions, il n’est pas exclu que les ravisseurs des deux journalistes soient de simples semeurs de troubles mettant en avant des revendications hasardeuses », explique le politologue. Et d’ajouter : « L’Égypte a des interlocuteurs tant dans les milieux chiites que sunnites en Irak. À travers des contacts avec ces milieux, elle peut jouer un rôle pour libérer les deux otages », explique Hicham Ismaïl. La France entretient d’excellentes relations avec l’Égypte. Et cette dernière a constamment dénoncé les prises d’otage en Irak et condamné les exécutions qui les avaient suivies.
Au Caire, le responsable français a lancé un appel solennel aux ravisseurs pour qu’ils libèrent les deux journalistes. Il a souligné dans un message lu à l’ambassade de France que « les principes d’humanité et de respect de l’être humain sont au cœur même du message de l’islam et de la pratique religieuse des musulmans ». « L’islam est une religion de paix et de tolérance. Il respecte la vie humaine », a en outre déclaré M. Barnier, rappelant que l’islam est la deuxième religion de France et que la France assure l’égalité et la protection de toutes les religions. « L’impartialité de la République française à l’égard des religions fait partie de notre identité. La France a toujours récusé la vision d’un choc entre l’Occident et l’islam ». Le chef de la diplomatie française a exprimé l’attachement au monde arabe et au monde musulman des deux journalistes enlevés qu’il a qualifiés de « deux hommes de bien ».
Pour sa part, Amr Moussa a appelé à la libération des deux journalistes. « J’exhorte tout le monde à en finir avec cette affaire le plus rapidement possible afin de nous épargner des conséquences dont nous pouvons nous passer », a déclaré Moussa.
Outre les officiels égyptiens, Michel Barnier a rencontré au Caire l’influent dignitaire musulman sunnite cheikh Youssef Al-Qardawi. Objectif : tenter de faire pression sur les ravisseurs pour obtenir la libération des deux journalistes. Le dignitaire musulman tient une chronique religieuse régulière sur la chaîne Al-Jazeera, très suivie dans le monde arabe et notamment au Proche-Orient. Il s’était opposé à une fatwa de cheikh Mohamad Sayed Tantawi, grand Imam d’Al-Azhar, qui avait, en dernier, reconnu le droit à la France d’interdire le port du foulard islamique dans les établissements publics sur son territoire.

Source
Al-Ahram (Égypte)

« Paris cherche le soutien du Caire » par Chérif Soliman, Al Ahram, 1er septembre.