Quand ma famille quitta le Sud de Londres, où vivaient de nombreuses communautés, pour s’installer à Surrey au milieu des années 80, ce fut un choc car nous y étions une des premières familles asiatiques. À 13 ans, j’ai voulu porter le hijab, mais mes parents, des musulmans pratiquants pourtant, me l’interdirent car ils pensaient que cela nuirait à mon intégration. J’ai passé la décennie suivante à m’immerger dans la société anglaise et aujourd’hui, je me sens anglaise. Je ne pense pas qu’être anglaise exclue d’être musulmane et inversement. Aussi, je ne peux pas comprendre l’intolérance qui se développe et qui, de l’autre côté de la Manche a conduit à l’interdiction du voile dans les écoles.
Les musulmans dans le monde se sont unis pour dénoncer l’enlèvement des journalistes français en Irak par un groupe qui place l’abrogation de la loi sur le voile comme condition de leur libération. Ce groupe, sous le masque d’une désignation islamique, terni l’image de l’islam. Les musulmans d’Europe veulent voir disparaître cette interdiction, mais par des moyens pacifiques.
Peut-être mon père avait il raison de m’empêcher de porter le voile pour favoriser mon intégration, mais le porter aurait peut-être aidé à installer de la diversité et à construire une école multi-religieuse. Bernard-Henry Lévy a présenté le foulard comme un symbole de haine et de fanatisme, mais en réalité c’est un choix personnel de foi, pas quelque chose d’imposé. Le porter depuis un an ne m’empêche pas d’être anglaise. En le portant, j’assume mon identité de femme musulmane anglaise progressiste. L’argument laïque en faveur de l’interdiction est un déni de la liberté, mais il ne faut pas utiliser la violence pour y mettre un terme.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« Liberals can also be fundamentalists », par Yasmin Ataullah, The Guardian, 3 septembre 2004.