Il y a deux semaines, j’ai entendu Condoleezza Rice affirmer qu’il fallait soutenir au maximum les voix de la modération et de la tolérance dans le monde musulman. Pourtant, une personne répondant à cette définition a été interdite de séjour sur notre territoire : Tariq Ramadan. Le département de la Sécurité de la Patrie a refusé de fournir une explication mais a suggéré qu’il était possible d’interdire l’entrée sur le territoire à ceux qui soutiennent le terrorisme. Tariq Ramadan devait parler cette semaine devant l’Islamic Society à North America et les 30 000 personnes qui l’attendaient méritent plus d’informations sur les raisons qui les ont privé de son discours. Celles retransmises par Daniel Pipes ne sont pas concluantes.
Ramadan a des positions à l’opposé de celles du terrorisme, c’est une voix progressiste. Oui, il est le petit fils du fondateur des Frères musulmans mais il a souvent marqué sa différence vis-à-vis de l’idéologie de son grand père, fruit de la lutte anti-coloniale en Égypte. Ramadan a critiqué ses collègues intellectuels français pour ne pas avoir dénoncé la politique d’Ariel Sharon et comme beaucoup sont juifs, il a été taxé d’antisémitisme alors qu’il a dénoncé l’antisémitisme. Ramadan demande aux Musulmans de se réclamer des valeurs universelles de l’islam et il appelle au dialogue avec les non-musulmans. Interdire à Ramadan l’entrée aux États-Unis donne le mauvais signal, celui de la paranoïa.

Source
The Boston Globe (États-Unis)

« Why exclude a Muslim voice ? », par Diana L. Eck, Boston Globe, 6 septembre 2004.