Détenu un an en Afghanistan sans voir la lumière du jour, puis deux ans à Guantanamo dans les conditions que l’on connaît, Moazzam Begg, citoyen britannique, a réussi à faire remettre une lettre à ses avocats. Elle est publiée par le Los Angeles Times. Un courrier qui témoigne que les États-Unis d’Amérique, ex-pays de la liberté, sont devenus un Empire d’arbitraire.

Noam Chomsky rappelle dans El Periodico quelques évidences mal admises sur la doctrine Bush. Cette théorie stratégique permet de justifier n’importe quelle agression et c’est bien ce qui a eu lieu à propos de l’Irak. Les États-Unis ont argué d’une menace imaginaire pour établir des bases au centre de la plus grande réserve énergétique du monde. Une fois dissipé le mirage des armes de destruction massive, ils ont justifié le maintien de leurs troupes en évoquant l’extension de la démocratie, ce qui n’est pas plus crédible. Dans la pratique cette théorie ne sert pas la paix, mais la guerre, et provoque partout dans le monde le réarmement de tous ceux qui se sentent menacés. Depuis qu’elle est mise en œuvre, la doctrine Bush a conduit la Chine à renforcer son armée et la Fédération de Russie à tripler son budget de défense.
Répondant dans les colonnes de son quotidien à un de ses collègues du Washington Post, le néo-conservateur Robert Kagan prend le contre-pied de Chomsky et défend la doctrine Bush. Selon lui, elle n’a rien de neuf, car elle reprend les principes qui avaient cours avant la Guerre froide. On pourrait objecter que cet argument n’est ni tout à fait vrai, ni tout à fait faux. Il révèle le fond du problème : la doctrine Bush marque un retour en arrière, à l’époque où il n’existait pas de droit international. Ce qui implique que, pour Kagan, le droit international et l’ONU ne sont que des accidents de l’Histoire, qu’il fallut supporter à l’époque lointaine où les États-Unis étaient rivalisés par l’URSS.

Debra Burlingame, représentante des familles de victimes du 11 septembre pour Bush, s’en prend dans le Wall Street Journal à ses homologues de l’association des familles de victimes du 11 septembre pour Kerry. Le lecteur laissera de côté les arguments affligeants de cette polémique électorale pour ne retenir qu’une curiosité. Les deux candidats se sont adjoint le soutien de familles de victimes et prétendent défendre leurs intérêts et ceux des Etats-Unis. Pourtant, quelle que soit l’interprétation que l’on a des attentats, il est désormais établi et admis par tous que les autorités en avaient été informées à l’avance et ne les ont pas empêchés. Dès lors, on se demande bien quel réconfort les familles de victimes peuvent espérer de gens qui ont montré soit leur incompétence, soit leur responsabilité dans ce drame.

Quoi qu’il en soit, complètement largué dans les sondages, le ticket Kerry-Edwards a décidé un brusque changement de stratégie à un mois de l’élection présidentielle. Adoptant un à un tous les thèmes des néo-conservateurs, les démocrates se vautrent dans la doctrine Bush. Et cela semble marcher, ils remontent dans les sondages d’opinion depuis que Kerry s’est prononcé pour les frappes préventives et le passage outre le droit international.
John Edwards a accordé un entretien au Figaro Magazine. Le candidat démocrate à la vice-présidence des États-Unis commence par se désolidariser du bilan des années Clinton pour mieux enfourcher les dadas sécuritaires de ses adversaires néo-conservateurs. Il assure que Kerry et lui seraient plus efficaces pour conduire la politique de Bush que Bush lui-même. En effet, les démocrates sauraient impliquer les alliés des États-Unis dans leurs aventures militaires, tandis que les républicains ont isolé le pays et lui font porter, seul, le coût de son impérialisme. Surtout, les démocrates n’hésiteraient pas à recruter en masse pour les armées et les forces de sécurité quand l’équipe Bush hésite à se donner des moyens. Enfin, les démocrates joueraient à fond la carte de l’ingérence soft via la NED/CIA. Ainsi, sachant que George W. Bush a déjà doublé le budget de cette agence, John Edwards s’engage à faire mieux encore et à le doubler à nouveau.

L’Australie a joué un rôle crucial, bien que peu médiatisé en Europe, dans la Coalition des volontaires contre l’Irak. Ce sont, par exemple, les commandos australiens qui se sont infiltrés les premiers en territoire ennemi pour guider l’armada états-uno-britannique. Cet engagement a été voulu et soutenu par les élites du pays, comme jadis le soutien apporté aux États-Unis au Vietnam. Il a, par contre, été largement désavoué par la population qui est descendue dans la rue pour le dire. Ce n’est que tardivement, lorsque le fiasco militaire est devenu patent, que l’opposition parlementaire a commencé à plaider pour un retrait des troupes. S’ingérant dans la campagne législative locale, en juin dernier, le président Bush a adressé ses félicitations à M. Howard et conspué son challenger M. Latham. Cette intervention, si elle n’a pas pesé sur le scrutin et la réélection du Premier ministre, a ravivé un vieux débat sur l’indépendance de l’Australie.
C’est dans ce contexte qu’Hugh Crone, ancien directeur du service scientifique du département de la Défense australien, rappelle dans The Age que son service disposait de son propre moyen d’évaluation de la menace irakienne. Selon lui, les rapports du DSTO étaient suffisamment précis pour écarter le soupçon d’une menace imminente, mais John Howard, a choisi de ne pas en tenir compte. Ce faisant, le gouvernement pensait s’intégrer dans la coalition anglo-saxonne, il ne faisait, en réalité, que s’aligner sur les anciennes puissances coloniales.
Si elle se pose en termes différents, la question de l’indépendance face à Washington est aussi présente à Londres qu’à Canberra. L’establishment britannique tient à son alliance particulière, mais il s’inquiète de la lourdeur états-unienne. Avec quelques milliers d’hommes la couronne réussit à gouverner l’Empire des Indes, tandis qu’avec 200 000 hommes, le Pentagone s’enlise en Irak. C’est pourquoi l’ancien ministre des Affaires étrangères, Malcolm Rifkind, souligne dans The Independent qu’il faudrait persuader l’administration Bush de changer de méthode : maintenir ses troupes, mais en changeant leurs casques. Si les GI’s donnaient l’illusion d’apporter la paix au nom de l’ONU, ils rencontreraient moins de résistance qu’en manifestant trop visiblement les véritables raisons de leur présence.

Enfin, Kamal Kharrazi, ministre des Affaires étrangères d’Iran, a accordé un entretien au Washington Post. Il y souligne Téhéran n’est pas une menace, mais un facteur de stabilisation régionale comme l’a montré la médiation de Nadjaf dont a bénéficié la Coalition. Selon lui, les États-Unis n’ont donc aucun intérêt à s’en prendre à l’Iran et la pression exercée au sein de l’AIEA ne s’explique que pour satisfaire Israël.