Une des marques des régimes autoritaires est leur effort pour arrêter la diffusion des savoirs et de la liberté d’expression. En 1933, les sympathisants nazis brûlaient les livres des auteurs juifs ou antifascistes. Ici, les propriétaires d’esclaves étaient si effrayés par le pouvoir des mots que les lois du Sud considéraient comme un crime d’apprendre aux esclaves à lire et à écrire. Aujourd’hui, Lynne Cheney, la femme du vice-président Dick Cheney et ancienne présidente de la National Endowment for Humanities, s’est placée sur la liste des dictateurs et des propriétaires d’esclaves en faisant détruire par le département de l’Éducation 300 000 manuels scolaires. Elle a jugé que ces ouvrages se concentraient trop sur ce qui s’était mal passé dans l’histoire des États-Unis (comme le Ku Klux Klan ou le McCarthysme) et pas assez sur les succès des États-Unis.
Lynne Cheney aurait pourtant beaucoup à apprendre. Notamment que la démarcation entre démocratie et autoritarisme n’est pas si large qu’il y paraît. Il s’en est fallu de peu que les Américains élisent Lindberg, un admirateur d’Hitler, à la place de Roosevelt en 1940. Cheney en fait s’oppose à « l’histoire sociale », une branche de l’enseignement de l’Histoire qui estime que l’histoire enseignée est trop souvent celle des figures blanches fameuse, des partis politiques ou des grands industriels.
Détruire les livres qui ne correspondent pas à sa vision de l’Histoire ne nous rapproche pas de la vérité et de la liberté.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« 21st Century Book-Burning », par Steven J. Ross, Los Angeles Times, 13 octobre 2004.