Les experts nous disent que les électeurs n’ont pas de difficulté à faire leur choix dans l’élection présidentielle. Ils sont soit passionnément pour George W. Bush, soit passionnément pour John Kerry ou plutôt passionnément contre M. Bush. Nous n’avons pas réussi à trancher aussi facilement. Si nous nous sommes montrés très critiques contre certaines décisions de l’administration Bush, nous en admirons d’autres. De même, nous admirons les états de service et l’étendue des connaissances de M. Kerry, mais nous sommes moins enthousiasmés par certaines de ses positions. Toutefois, tout bien peser, nous pensons que Kerry est plus à même de diriger la nation.
Depuis le 11 septembre, M. Bush a changé sa vision du monde. Son engagement en faveur d’une lutte à long terme pour la liberté et la démocratie dans le monde arabe reflète sa compréhension des grandes menaces posées par le fondamentalisme musulman. Sa rhétorique n’a pas toujours été suivie d’effet et le recul de la démocratie russe ne semble pas le troubler. M. Bush a eu des succès dans la formation d’alliances contre les terroristes, dans la refonte d’une politique trop accommodante avec les dictatures. Il a promis d’accroître l’aide aux pays pauvres et à la lutte contre le sida. En outre, M. Bush a mieux réussi en Afghanistan que M. Kerry ne l’affirme. En Irak, on ne peut reprocher à Bush d’avoir cru à l’existence des armes de destruction massive comme Bill Clinton. Nous avons soutenu la guerre et pensons toujours que la mission états-unienne d’installer un gouvernement représentatif en Irak peut nous mettre davantage en sûreté. Nous reprochons à M. Bush ses exagérations concernant les informations qu’il recevait, la façon d’aliéner nos alliés traditionnels et surtout le manque de préparation de l’après-guerre. Cela est lié à la tendance de M. Bush de refuser les conseils en dehors d’un petit cercle de proche.
Sur le plan intérieur, nous applaudissons la campagne de promotion de la responsabilité dans les écoles primaires et secondaires, le degré de privatisation pour donner plus de contrôle sur leur retraite à la population et d’autres propositions, mais il n’a pas expliqué comment il allait les financer. Il s’agit là d’un autre grand problème : ses déductions fiscales ont aggravé les déficits. M. Kerry est plus réaliste sur la politique fiscale, il a un bon plan pour les questions de santé, il tient compte du réchauffement climatique et il est plus respectueux des libertés civiles. Ces questions ne nous feraient pas nous prononcer pour lui si nous ne pensions pas également qu’il garderait la nation sûre. Il est déterminé à ne pas fuir d’Irak et il comprend que la plus grande menace est la possible acquisition par des terroristes d’armes nucléaires ou biologiques. S’il est difficile de déterminer s’il sera plus efficace que Bush concernant l’Iran et la Corée du Nord, il a au moins placé ces pays dans les priorités. Nous pensons aussi qu’il sera plus efficace que M. Bush dans la gestion du génocide au Soudan.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Kerry for President », Washington Post, 24 octobre 2004. Ce texte est l’éditorial annonçant le soutien du quotidien à John Kerry. Non signé, il engage toute la rédaction