Le vice-amiral Robert R. Monroe plaide en faveur du programme de recherche et développement des « mini-nukes » dans le Washington Post. Il récuse l’objection selon laquelle la production d’armes nucléaires tactiques encouragerait la prolifération nucléaire stratégique. Dans son élan, il va même jusqu’à affirmer qu’en fabriquant ces nouvelles armes, les États-Unis œuvrent à la dénucléarisation puisque les « mini-nukes » se substituent à des bombes atomiques de plus grande capacité. Le plus étonnant dans ce sophisme, ce n’est pas le ridicule du raisonnement (nous produisons des armes nucléaires pour limiter le danger nucléaire), mais le fait que l’énoncer suffise à donner bonne conscience à son auteur.

La bataille de Falloudja est finie. La ville a été libérée, nous dit-on. Mais de quelle bataille s’agissait-t-il et de quelle armée d’occupation a-t-on libéré Falloudja ? Le romantisme des mots ne masque pas l’horreur du crime : la Coalition anglo-saxonne a imposé la terreur en Irak en martyrisant une ville de plus, après Samarra, Falloudja.
Le docteur Barham Salih, ancien co-Premier ministre du Kurdistan irakien, regrette dans le Guardian qu’on en soit arrivé là. Mais il n’y avait pas d’autres solution que le recours à la force pour pacifier Falloudja. Ce massacre serait le prix à payer pour la tenue d’élections libres. Pour notre part, nous ne comprenons pas bien ce que signifient des « élections libres » lorsque la campagne électorale se résume à exterminer l’opposition.
Amnon Rubinstein justifie dans le Jerusalem Post ce carnage en affirmant que la Coalition a détruit le centre du terrorisme islamique dont les horreurs surpassent celles du nazisme et du communisme. Son argumentation est d’autant plus convaincante qu’elle est lapidaire et très chargée émotionnellement. Elle est construite au moyen d’un enfilement d’amalgames présentés comme des concepts évidents. Ainsi, la résistance nationaliste irakienne est assimilée au « terrorisme islamique », les crimes des nazis sont assimilés à ceux des communistes, la ville de Falloudja est collectivement assimilée au « terrorisme ». Pour étayer l’ensemble, des éléments sont présentés hors contexte et érigés en exemples. Ainsi, il s’indigne à juste titre des enlèvements d’otages, en établissant une distinction entre victimes irakiennes et étrangères, et en confondant enlèvements politiques et crapuleux. Surtout, il occulte l’internement par la Coalition de dizaines de milliers de personnes sans charges contre elles, c’est-à-dire le recours à la prise d’otage à très vaste échelle par les Anglo-Saxons en violation des Conventions internationales.
Pragmatique, le général Wesley K. Clark analyse la bataille de Falloudja dans une longue tribune publiée en première page d’un cahier spécial du Washington Post, puis reprise par Gulf News. Avec doigté, il souligne que la victoire militaire ne fait pas de doute, mais qu’elle ne sera pas une victoire pour autant. En effet, cette bataille ne pacifiera pas l’Irak et les insurgés, dont le nombre ne cessera de croître en réponse à la bataille, ne manqueront pas de bénéficier d’aide extérieure, notamment de Syrie, d’Arabie saoudite et d’Iran. De fait, alors que l’odeur des cadavres se répand dans Falloudja, déjà les combats se déplacent à Mossoul.
Alan I. Leshner, rédacteur en chef de Science, s’inquiète dans le Boston Globe des assassinats systématiques de scientifiques irakiens. Certes, la plupart des victimes refusaient de collaborer avec la Coalition et paraissaient sympathiser avec les insurgés, mais leur disparition hypothèque l’avenir même du pays. Il demande donc qu’on assure mieux leur sécurité. Notons que, pour l’efficacité de son propos, M. Leshner ne précise pas que ces scientifiques sont assassinés par des commandos israéliens agissant pour le compte de la Coalition afin de s’assurer que l’Irak ne soit pas en mesure de redevenir une puissance régionale avant longtemps. Cette information, largement diffusée dans le monde, reste ignorée aux États-Unis.
L’artiste irakienne Haifa Zangana relate dans le Guardian comment le gouvernement d’Iyad Allaoui, un instant porteur d’espoir, a perdu toute crédibilité dans la population irakienne. Tous ceux qui espéraient la liberté pour leur pays sont désormais réprimés. Les journaux d’opposition sont interdits, les manifestants sont arrêtés et torturés, des villes entières sont bombardées. Après avoir soutenu pendant des décennies la dictature de Saddam Hussein pour lutter contre l’Iran, les Occidentaux soutiennent une nouvelle dictature, toujours au détriment du peuple irakien.

Enfin, dans un long entretien au Figaro, l’ancien Premier ministre socialiste français, Michel Rocard, prend position pour le Traité constitutionnel européen et pour l’adhésion de la Turquie à l’Union.
En premier lieu, M. Rocard considère que le rêve des États-Unis d’Europe est mort depuis l’adhésion des Britanniques et, qu’en conséquence, l’Union n’aura jamais de politique étrangère et de défense intégrée. Les États membres préféreront toujours se placer sous la protection des États-Unis pour garantir leur sécurité. Observons que ce raisonnement est moins réaliste qu’il n’y paraît : certains États européens pourront un jour préférer le parapluie nucléaire français à l’états-unien.
D’autre part, transformer l’Union en un club chrétien l’éloignerait des démocraties non-chrétiennes. Alors qu’accepter la Turquie dans une Union de démocraties ouvrirait une perspective aux démocrates musulmans et isolerait les islamistes. Une analyse qui reprend à son compte comme une évidence l’idée huntingtonnienne que le clash des civilisations serait un projet politique des islamiques, alors qu’il s’agit d’une doctrine stratégique élaborée pour le Conseil de sécurité nationale US.