L’Europe se trouve de nouveau à un croisement. Après avoir réussi l’intégration politique de dix nouveaux États, nous devons faire de cette Europe élargie un succès. La ratification du Traité constitutionnel sera, en soi, un véritable tour de force. Mais peut-être que notre premier défi concret sera, ce printemps, la révision de notre stratégie pour faire de l’Europe un continent avec plus d’emplois et de meilleure qualité, un espace de bien-être social et de durabilité environnementale.
Le modèle social européen est admiré dans le monde, mais nous sommes convaincus qu’une bonne part de son potentiel reste inexploité. En effet, la croissance stagne et la part des personnes actives dans la population en âge de travailler reste bien en deçà de nos objectifs. Le chômage est trop élevé et nous sommes confrontés à un problème démographique qui risque de mettre en péril nos systèmes de sécurité sociale. L’agenda de Lisbonne jette les bases d’une stratégie pour un développement de l’Europe. Établi en 2000, il visait à dénoncer le sophisme selon lequel la compétitivité économique était incompatible avec de hauts niveaux de protection sociale et de durabilité environnementale. Les modèles adoptés par les pays scandinaves le montrent. Des progrès ont été faits dans la poursuite des objectifs de la stratégie de Lisbonne. Mais il reste encore un long chemin à parcourir.
Au Conseil européen du 23 mars 2005, nous nous apprêtons à entreprendre une révision à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne. Il nous faut reconnaître qu’une stratégie globale de développement peut être également ciblée. L’achèvement du marché intérieur et l’amélioration des mécanismes européens de compétitivité commerciale s’inscrivent dans un cadre plus large. Il est essentiel que la stratégie de Lisbonne se transforme en un pacte avec les travailleurs, les citoyens et les entreprises d’Europe et nous proposons que la stratégie de Lisbonne soit transformée en un plan quinquennal d’action. Il s’agit :
 De maintenir l’approche tridimensionnelle associant progrès économiques, sociaux et environnementaux.
 De se donner l’objectif de réduire de moitié le chômage d’ici à 2010.
 De garantir les ressources financières nécessaires afin de mettre en œuvre l’agenda de Lisbonne, tant au niveau du budget communautaire que des budgets nationaux.
 D’axer Lisbonne sur un nombre réduit d’objectifs clés pour chacune des trois dimensions.
 De renforcer la transparence et la responsabilité politique afin de réussir la mise en œuvre dans tous les pays de l’Union européenne, avec les plans d’actions nationaux élaborés en coopération avec les Parlements nationaux, d’un développement social et économique fort et durable.

Source
Le Monde (France)

« Cinq pistes pour une prospérité européenne durable », par Göran Persson, Poul Nyrup Rasmussen et José Socratès, Le Monde, 22 mars 2005.