Avant que la plupart des Occidentaux ne trouvent le Kirghizistan sur une carte, un large mouvement de mécontentement concernant les élections parlementaires frauduleuses, la corruption et la pauvreté arrivait à son paroxysme à Bichkek. L’ordre autoritaire était renversé pour n’avoir pas su garder ses forces loyales. Toutefois, la révolution des tulipes peut encore évoluer aussi bien vers un nouveau régime autoritaire que vers une démocratie.
L’enjeu est important et ce qui se passe aujourd’hui au Kirghizistan peut avoir un impact sur les mouvements démocratiques dans la région. Si la révolution des Tulipes est une réussite, la contagion des soulèvements non-violents s’accélèrera et pourra gagner le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan et la Biélorussie. Cela pourrait même inspirer les citoyens russes. Ces régimes vont sans doute tous développer leurs appareils répressifs pour éviter des révolutions chez eux. Si la révolution des Tulipes échoue au Kirghizistan, cela fera décliner l’espoir placé par les population dans les changements démocratiques. Il y a également un risque que cela n’entraîne une condamnation de la méthode révolutionnaire plutôt que son exécution au Kirghizistan. En effet, contrairement à la révolution des Roses ou la révolution orange, le soulèvement populaire kirghize n’a pas été bien planifié.
Il faut que la direction de l’opposition rédige un vrai programme politique vers une transition démocratique et pour le développement économique. Sans cela, il y aura une vacance du pouvoir et Askar Akaïev pourrait revenir. Il est encourageant de voir le pouvoir travailler avec la police pour combattre les pillages nocturnes. C’est la dimension non-violente de ces révolutions qui justifie la non-intervention militaire du pouvoir ou de la Russie face aux manifestations. Dans ces conditions, renverser le pouvoir oppresseur n’est que la moitié du chemin, il faut aussi stabiliser le pays.

Source
The Independent (Royaume-Uni)

« The Tulip Revolution must not go wrong now », par Shaazka Beyerle, Independent, 28 mars 2005.