Cet article fait suite à :
1/3 « A quoi sert Salam Fayyad ? »
2/3 « Les fantassins français de Salam Fayyad »

Humiliation quotidienne en Palestine occupée

Trois balises pour un soutien sans réserves ni conditions

1) La satisfaction des droits d’un peuple opprimé se fait nécessairement au détriment de l’oppresseur

La cause palestinienne est la cause d’un peuple opprimé, victime d’une colonisation sioniste, historiquement encouragée par les puissances occidentales, et aujourd’hui menacé de destruction par un Etat colonial activement soutenu par l’impérialisme.

Comme dans tous les conflits qui opposent des adversaires de force très inégale - et comme dans toutes les situations d’oppression de longue durée - il y a place pour des actions humanitaires d’aide aux populations victimes de l’agression. Ce n’est pas faire offense à ces actions, pour certaines d’entre elles utiles aux populations, que de dire qu’elles n’ont rien à voir avec un soutien politique à la cause nationale palestinienne. Le mieux qu’on puisse attendre de ces actions humanitaires est qu’elles ne renforcent pas l’oppresseur en contribuant à anesthésier la volonté de lutte de l’opprimé.

De même, l’objectif de la paix s’étant transformé en un subterfuge sophistiqué pour prolonger l’occupation et pour s’opposer au droit à l’autodétermination du Peuple palestinien, toute solidarité qui met « la recherche de la paix » au centre de ses objectifs, en lieu et place de la pleine satisfaction des droits du peuple opprimé, devient inévitablement un instrument de canalisation de l’énergie populaire spontanément favorable au peuple qui lutte pour sa liberté et se retrouve placée au service d’un projet politique qui entrave la lutte des Palestiniens pour leurs droits.

La solidarité avec la cause palestinienne ne peut être qu’un soutien sans conditions ni réserves à la lutte de libération nationale du peuple colonisé opprimé. En tant que mouvement anticolonial, le mouvement de soutien défend le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, droit à l’autodétermination dont le droit au retour des réfugiés est une composante majeure. Ce droit s’oppose terme à terme à l’existence d’un Etat colonial, dont l’idéologie fondatrice et toujours active, exige l’expulsion des arabes palestiniens vivant sur la terre convoitée.

C’est pourquoi, sans devoir ni pouvoir trancher les termes de la solution que les peuples concernés mettront en œuvre, nous devons dire sans ambiguïtés que l’émancipation des peuples arabes exige le démantèlement de l’Etat sioniste, parce qu’il est l’incarnation d’un projet colonial et raciste au service de l’impérialisme.

Notre mouvement de soutien doit pouvoir le dire sans craindre d’être taxé d’ouvrir la porte à l’extermination des juifs israéliens et sans se retrouver soupçonné d’être antisémite voire parfois révisionniste ou négationniste.

Il est probable que ceux qui ont fait spécialité d’invoquer systématiquement « le risque d’antisémitisme », dès que le propos est une remise en cause de l’Etat sioniste d’Israël et pas seulement de la politique de ses gouvernements, ne croient même pas sérieusement que l’accusation est fondée. Mais l’existence d’une telle police de la pensée agit à deux niveaux : elle terrorise les militants qui craignent en permanence qu’un propos trop radical contre Israël les disqualifie aux yeux des acteurs de la solidarité ; et elle jette la suspicion sur ceux qui n’acceptent pas la censure et affirment leur analyse quand les procureurs sont incapables d’argumenter au fond.

Il se trouve que cette police est souvent exercée par des individus appartenant au courant qui s’oppose au droit à l’autodétermination de tout le peuple palestinien et au droit au retour effectif des réfugiés dans leurs foyers.

Le mouvement de soutien aux droits des Palestiniens devrait donc tracer un cordon sanitaire rigoureux. Non pas pour isoler celles et ceux qui, dans les manifestations notamment, expriment très sainement un antisionisme spontané qu’il convient de nourrir d’explications historiques et de perspectives politiques, mais pour isoler les spécialistes de l’insinuation et de l’amalgame, qui excellent davantage dans la recherche obsessionnelle des traces hypothétiques de liens avec des supposés antisémites que dans le soutien sans réserve à la résistance des Palestiniens.

2) L’absence actuelle d’orientation stratégique palestinienne alternative à la faillite de l’OLP est une situation temporaire.

L’Histoire a placé le Peuple palestinien au centre d’une confrontation qui dépasse le simple face à face entre, d’un côté, une population autochtone qui résiste et, de l’autre, une puissance coloniale qui veut l’expulser de terres qu’elle convoite.

L’Etat israélien fait partie du dispositif impérialiste de domination de la région, il est même un élément clef de sa division. Parce qu’Israël et l’impérialisme s’opposent à l’émancipation de tous les peuples de la région, la seule issue pour les Palestiniens est dans le développement d’une lutte d’ensemble, contre l’état colonial sioniste, contre l’impérialisme et contre des régimes réactionnaires arabes soumis et disposés à normaliser leurs relations avec Israël pour prendre leur place dans le plan impérialiste de Grand Moyen Orient.

Même s’il ne peut vaincre seul et du fait même de la profonde interaction entre la cause de la Palestine et les luttes populaires de la région, il est essentiel qu’un mouvement de libération se reconstruise, tirant les leçons des erreurs et des défaites, pour sortir le Peuple palestinien de la spirale de l’échec et affirmer, dans les faits et par les actes, qu’il ne cèdera pas et que la reddition annoncée des « représentants » autoproclamés choisis par l’impérialisme ne mettra en aucune manière un terme définitif à la lutte pour ses droits fondamentaux.

Pour y parvenir, les Palestiniens ont besoin de temps, pour reprendre des forces, pour comprendre les raisons de la faillite de leur mouvement de libération, pour rebâtir une alternative.

Les choses changeront. La génération qui a fait la première Intifada et dont de nombreux membres, un temps frustrés et découragés, n’ont pas pour autant rejoint le camp de la normalisation avec l’occupant, saura tirer les leçons. Ils/elles permettront à la jeunesse palestinienne, -celle qui n’a pas connu les illusions destructrices des années Oslo et qui ne connait d’Israël que les colonies, les check-points humiliants, les arrestations arbitraires, la guerre contre le Liban et celle contre Gaza – de renouer le fil d’une lutte qui prend ses racines dans le combat pour la liberté, d’abord contre l’occupant britannique puis contre la colonisation sioniste.

Pour qui veut vraiment soutenir ce combat, l’impatience n’est pas de mise et les illusions néocolonialistes doivent être écartées : La libération du peuple palestinien ne peut être accomplie que par sa propre mobilisation et aucune solution ne viendra des instances de la « Communauté internationale » ni des Etats qui la composent. Il appartient et il appartiendra donc aux Palestiniens de choisir : leurs objectifs, leur stratégie, leurs formes de résistance à l’occupation, leurs représentants Etc.

Mais encore faut-il qu’ils aient les moyens de faire ces choix : du temps, un rapport de force moins défavorable, la rupture de l’isolement, une dépendance matérielle et financière moindre que seuls peuvent faciliter des « donateurs » qui ne conditionnent pas leur soutien au respect par les Palestiniens d’un projet politique qui va à l’encontre de leurs aspirations et de leurs droits fondamentaux.

Il y a là un immense chantier pour un mouvement de soutien qui se concevrait avant tout comme une ressource au service de la lutte ; et pas seulement comme investi d’une mission de protection en attendant que les choses changent sur le terrain. Car un vrai mouvement de soutien peut être un facteur qui influe sur le changement possible, sans décider à la place des Palestiniens ni prétendre mieux savoir qu’eux ce qu’il faut faire, mais comme une contribution aidant les Palestiniens à avoir réellement « le choix des armes ». Un tel mouvement affirmerait que sa responsabilité immédiate est d’abord de desserrer l’étau de l’occupation et du blocus qui asphyxient les Palestiniens dans leur vie quotidienne et dans leur action pour changer leur avenir.

La campagne BDS est évidemment un moyen privilégié pour isoler Israël et faire évoluer le rapport de forces encore aujourd’hui si défavorable aux Palestiniens.

Par ailleurs des initiatives devraient être prises contribuant à donner le maximum de marges d’action à tous ceux et celles qui n’abandonnent pas et qui n’acceptent pas d’être mis sous tutelle par les gouvernements et les ONG qui imposent des conditions politiques à leur « aide ».

Tous les moyens de la solidarité devraient être consacrés à des initiatives qui encouragent l’action collective, qui préservent l’autonomie de l’action de résistance populaire et l’indépendance politique de celles et ceux qui y participent. Les champs sont divers, comme le soutien à des initiatives concourant à l’indépendance économique (coopératives de production), le développement d’activités sociales et culturelles (bibliothèques, aides financières pour les études…), la défense des droits des femmes, l’aide directe à toutes les formes de résistance Etc.

3) L’impérialisme manifeste sa volonté d’en finir avec la question palestinienne et veut infliger une défaite politique majeure se traduisant par l’éradication, du moins pour une longue période, de toute ambition collective de libération et de satisfaction des droits fondamentaux. L’actualité de cet objectif s’explique par le fait que son accomplissement conditionne l’essor du plan américain de Grand Moyen Orient. Ce n’est pas la condition unique mais c’est une condition sine qua non. C’est ce qui explique le forcing exercé par Washington sur Abbas pour que l’OLP accepte la reprise des négociations bilatérales avec le gouvernement israélien, bien que celui-ci n’ait nullement accepté « la condition » de l’arrêt de la colonisation. C’est aujourd’hui chose faite et on nous annonce la tenue imminente de réunions au sommet.

Il est difficile de prévoir le devenir de cette nouvelle séquence de négociations qui peut tout aussi bien capoter très rapidement qu’inaugurer une nouvelle série de rencontres destinées à chloroformer toute velléité de résistance véritable, notamment par rapport au blocus de Gaza. On ne peut pas non plus exclure l’hypothèse d’une tentative de passage en force visant à imposer une capitulation rapide des Palestiniens avant que la caution d’Abbas n’ait perdu tout intérêt.

Pour que le mouvement soit capable d’affronter cette situation et ses possibles bifurcations, pour ne pas être une nouvelle fois manipulés, il est d’autant plus nécessaire de consolider les bases du soutien à long terme et aussi de clarifier quelques sujets actuels.

Dans l’immédiat, quelques clarifications nécessaires :

1. BDS

La campagne BDS peut être un bon vecteur pour nous aider à être aux côtés des Palestiniens qui résistent. Mais pas un BDS relooké, vidé de son contenu de libération nationale pour devenir un simple instrument de pression sur les gouvernements occidentaux, un nouvel outil au service des illusionnistes qui sont prêts à se rallier à « une solution » qui ne satisferait pas les exigences des Palestiniens.

BDS n’est pas qu’un sigle ; on ne peut pas faire la campagne à laquelle nous appellent les initiateurs de l’appel avec des organisations qui sont contre les exigences globales de l’appel et qui proposent de choisir ce qui leur convient, voir de remplacer par autre chose ce qui ne leur convient pas. Si dans ces campagnes on élimine la revendication du droit au retour des réfugiés dans leurs foyers, l’existence et les exigences des Palestiniens de 48 Etc. et si on ramène « l’état palestinien indépendant aux côtés de d’Israël » en lieu et place de l’exigence d’autodétermination de tout le Peuple palestinien, ceci voudrait dire que, au motif invoqué d’efficacité et d’unité, on met l’action au service d’autres objectifs politiques que ceux fixés et constamment rappelés par les initiateurs. [1]

2. Le blocus de Gaza.

Le message envoyé par les auteurs du blocus est limpide. Pour les habitants de Gaza c’est la misère croissante : vous refusez de vous soumettre, vous aurez le ventre vide ! C’est aussi leur rappeler que le déclenchement de la terreur, comme à fin décembre 2008, est à tout instant possible. A tous les Palestiniens le message est : voyez Gaza, c’est ce qui vous attend si vous vous obstinez à vouloir rester sur cette terre de Palestine ! La mort lente en attendant un nouvel épisode de Nakba.

C’est évidemment un blocus criminel. Mais, pas plus que pour le Mur ou les colonies, il ne s’agit pas d’une question de droits de l’homme mais d’un épisode particulièrement violent de l’offensive contre un peuple qui lutte pour sa libération nationale.

Il en résulte que la revendication doit être la levée du blocus, immédiate et sans conditions, avec libre accès pour entrer comme pour sortir, côté Israël comme côté Egypte et aussi côté maritime, sans contrôle ni par les Israéliens ni par une force internationale. Parce que l’exigence de levée du blocus est une exigence politique : les Palestiniens de Gaza ont le droit de vivre débarrassé de l’occupation et ont le droit de disposer d’eux-mêmes. Si ces droits sont reconnus, comme ceux de tous les Palestiniens, il n’y aura plus de problèmes de nourriture ou de pénurie de médicament à Gaza qui n’est pas un territoire sous-développé et sans ressources.

Si la bataille contre le blocus concerne au premier chef Israël, la question des responsabilités de l’Egypte ne saurait être négligée. La profonde interaction entre les luttes populaires de la région, notamment en Egypte, et la cause palestinienne, le fait qu’aucun mouvement progressiste ne peut se développer au Moyen Orient sans se lier à la cause palestinienne, impose en retour qu’un mouvement de solidarité avec les Palestiniens contre le blocus de Gaza, ne peut pas respecter la politique de Moubarak et doit se lier aux militants égyptiens.

La question du libre accès est également fondamentale.

Accepterons-nous demain la mise en œuvre de la proposition du Parlement européen réclamant un contrôle des points de passage et une force internationale pour surveiller le rivage ? [2]

Evidemment non, car d’une part la revendication de la souveraineté s’y oppose et d’autre part nous ne sommes pas pour que les Palestiniens soient dans l’incapacité de se défendre.

Cette exigence devrait donc être appliquée aux « bateaux de la liberté » et les organisateurs doivent refuser par avance tout contrôle, au départ et à chaque éventuelle étape. Seuls les Palestiniens, à l’arrivée à Gaza, doivent être en mesure de contrôler ce qui leur est amené.

Encore une fois il faut s’interroger sur l’objectif de toutes les actions contre le blocus. Leur finalité est-elle d’arriver à Gaza (« briser le siège ») ou de construire un rapport de forces permettant d’exiger la levée inconditionnelle du blocus ? Pourquoi la revendication « Dénoncer et briser le siège israélien contre Gaza » et pas la levée immédiate et sans conditions du blocus ? Le siège est-il seulement israélien ? Et comment critiquerons-nous cette atteinte à la souveraineté si nous acceptons le contrôle des bateaux ? Voulons nous démontrer que « nous ne sommes que des humanitaires » ?

3. L’attitude à l’égard de l’Autorité palestinienne de Abbas et Fayyad

« Les Palestiniens et leurs alliés doivent rester clairement axés sur la simple vérité que ceux qui continuent à se coordonner avec les forces d’occupation israéliennes pour traquer les Palestiniens la nuit, ne peuvent endosser le manteau de la résistance populaire le jour. » [3]

Aucun comité, aucun collectif réellement engagé en défense de la cause palestinienne ne devrait accepter de rencontrer ici des représentants de l’Autorité palestinienne, à commencer par celles et ceux qui ne sont que les agents diplomatiques et les « ministres » salariés d’Abbas et de Fayyad et qui ne « représentent » donc aucunement les Palestiniens qui ne les ont pas choisis ! En Cisjordanie et à Jérusalem aucune délégation ne devrait accepter de les rencontrer pour les mêmes raisons.

S’agissant d’évènements publics non organisés par l’Autorité palestinienne (comme une conférence à l’initiative d’un comité populaire), toute délégation devrait signifier clairement son refus de collaborer avec des « représentants » non légitimes et sa volonté de travailler directement avec les organisations populaires. Ce sera d’ailleurs une aide pour les Palestiniens qui sont parfois obligés d’accepter une forme de tutelle, notamment pour des raisons financières.

4. Soutenir les actions de résistance populaire sans imposer aux Palestiniens les formes de résistance : la question de la non-violence

Il ne s’agit pas ici de traiter de la stratégie de la non-violence et de sa pertinence éventuelle dans le cas de la lutte des Palestiniens contre l’occupation israélienne. Cette question devra être sérieusement discutée au sein du mouvement de soutien. Pour s’interroger sur son efficacité : au fond, qu’est-ce que la résistance non violente a apporté aux Palestiniens depuis l’abandon, de fait, des actions armées en Cisjordanie et à Gaza ? La colonisation a-t-elle reculé ? Le mur est-il tombé ? Le blocus a-t-il été levé ? Des prisonniers ont-ils été libérés ? La fin de la lutte armée a-t-elle interrompu le cycle occupation/annexion des terres/expulsion ?

Les évènements tragiques de la flottille de la liberté auraient sans doute mérité plus d’attention et il faudra y revenir. Car qui peut nier que l’impact de cet événement est directement corrélé aux 9 militants assassinés par l’armée israélienne ? Et pourquoi y a-t-il eu 9 morts sur ce bateau et pas sur les autres ?

Le débat devra donc être mené, d’autant qu’on voit poindre des notions assez étranges : « Intifada sans pierres », « Intifada blanche » Etc.

Le problème qu’on veut ici poser est le suivant : appartient-il à ceux qui déclarent soutenir un mouvement de résistance de choisir la forme de résistance appropriée ? Est-il convenable de conditionner son soutien au choix de la forme de résistance retenue ? Pendant des années les responsables du mouvement de solidarité ont gardé une certaine réserve.

On percevait que certains étaient défavorables à la lutte armée, mais un consensus semblait établi : un peuple occupé a le droit de résister, il lui appartient de choisir les moyens…Parfois le doute s’exprimait, mais sur le registre de l’efficacité recherchée : la lutte armée était-elle le moyen le plus adapté dans le cas de la Palestine ?

Il semblerait qu’on soit passé du droit reconnu à la conditionnalité. Il y a désormais une exigence à respecter pour bénéficier de la solidarité : résister de façon exclusivement non violente.« Cela fait 5 ans que nous vous soutenons. Et je veux dire : plus que jamais nous vous soutenons. Cela pour au moins deux raisons fondamentales. La première découle du fait que, si tout peuple occupé dispose du droit absolu de résister, ce droit, ici, vous l’exercez pleinement sous une forme appropriée que vous appelez « la résistance populaire et non violente ».C’est une déclaration de J.C. Lefort, s’exprimant en qualité de Président de l’AFPS à Bil’in lors de la 5ème conférence en avril 2010.

C’est à ma connaissance la première fois qu’est affirmée la déconnexion entre le soutien apporté et le droit du peuple occupé de résister. J.C. Lefort reconnaît aux Palestiniens leur « droit absolu de résister » mais il leur dit que ce n’est pas pour cette raison qu’il les soutient. La raison du soutien « découle du fait que le droit de résister est exercé sous une forme appropriée ».Le président de L’AFPS considère que la non-violence est « la forme appropriée » et donc il soutient cette résistance.

Outre l’arrogance manifestée par le touriste occidental qui vient passer une journée par an à Bil’in et donne la leçon à celles et ceux qui y souffrent quotidiennement, on doit bien constater que J.C. Lefort, Président de l’AFPS, vient d’expliquer aux habitants de Bil’in que ce n’est pas le droit de résister à l’occupation qui justifie le soutien mais seulement le choix d’une modalité de résistance conforme à ce que J.C. Lefort juge « approprié ».

Et si Bil’in et les autres comités populaires changeaient et diversifiaient leurs formes de résistance ? Et si ils décidaient d’user autrement de leur « droit absolu de résister », seraient-ils abandonnés à leur sort ?

Et si demain, refusant la capitulation de ses « représentants » autoproclamés et refusant de voir brader ses droits, la jeunesse palestinienne se révolte et s’affronte à l’armée d’occupation, renouant avec l’expérience de la 1ère Intifada, on la soutient ou on est avec l’armée sioniste et les flics de Dayton et de Fayyad qui la répriment ?

Nous reproduisons à la suite de cet article le texte que M. Vidal a publié sur le site france-palestine bien que nous n’ayons jamais reçu de sa part de demande pour un droit de réponse, et bien que ce texte ne réponde pas au fond de l’article incriminé.
Cliquez ici pour lire le texte sur son site de publication d’origine.

Droit de réponse


Pierre-Yves Salingue, au fil d’un long triptyque consacré à la situation en Palestine, nous présente – l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et moi - comme des « fantassins français » du Premier ministre palestinien Salam Fayyad, tous nos efforts visant, selon lui, à lui assurer le soutien le plus large dans notre pays. À l’appui de cette affirmation fantaisiste, il cite brièvement deux rapports que j’ai présentés – au nom du Bureau national de l’AFPS – au Conseil national de celle-ci, fin septembre 2009, puis à la Conférence nationale de ses groupes locaux, fin mai 2010.

Faire dire n’importe quoi à des phrases extraites de leur contexte n’est certes pas un procédé vraiment nouveau. Mais l’auteur pousse ici l’exercice un peu trop loin pour prétendre à l’honnêteté minimale qui rend un débat intéressant. Comme le lecteur pourra le vérifier sur le site de l’AFPS, les passages concernant Salam Fayyad comportent en effet, dans le premier rapport, 1 289 signes sur 28 602, soit 4,5 % du texte, et le second 589 signes sur 35 963, soit 1,6 % ( ). Le moins qu’on puisse dire est que, quantitativement, l’appréciation portée sur Salam Fayyad n’est donc pas centrale dans ma démarche et dans celle de l’AFPS.
Qualitativement, l’appréciation de Pierre-Yves Salingue n’est pas moins absurde. Loin d’espérer un quelconque « miracle » sur le terrain, toute la démarche de l’AFPS consiste à souligner que la responsabilité essentielle dans la solution du problème palestinien revient aux acteurs internationaux, au premier rang desquels les États-Unis et l’Union européenne. Nous entendons en particulier agir auprès de l’opinion publique pour que notre gouvernement, aligné comme jamais sur le gouvernement israélien, revienne à la défense du droit international et exerce, avec ses homologues de l’Union européenne, des pressions suffisamment fortes pour que Tel-Aviv s’y conforme. C’est tout le sens de la campagne de Boycott/Désinvestissement/Sanctions (BDS), à laquelle les groupes de l’AFPS apportent une contribution active.
Car nous partons du constat du blocage total sur le terrain, du fait de la politique du gouvernement israélien, le plus extrémiste que ce pays ait connu. La colonisation qui se poursuit malgré un gel partiel et temporaire qui se termine fin septembre, le mur qui continue à se construire sur les terres palestiniennes, les opérations militaires incessantes à Gaza comme en Cisjordanie, la répression de toute forme de protestation, même non armée, bloquent toute avancée.

Dans cette fuite en avant provocatrice, Israël exploite évidemment la division profonde du mouvement national palestinien entre le Fatah et le Hamas, l’un et l’autre en situation d’échec stratégique : la ligne politico-diplomatique du premier n’a pas débouché sur l’État promis, la lutte armée menée un temps par l’autre n’a pas non plus libéré la Palestine.
Dans ce cadre, au passage, nous observons que des forces palestiniennes tentent de sortir de cette impasse. C’est le cas des différentes composantes de la gauche palestinienne, mais aussi et surtout du mouvement de lutte non violente qui s’est développé à partir de l’expérience de Bil’in. L’AFPS vient de lui consacrer un important colloque, dont les actes paraîtront bientôt. Or, contrairement à la tradition de l’Autorité palestinienne, réticente devant toute mobilisation populaire, le gouvernement de Salam Fayyad apporte désormais son appui à cette bataille.

Pourquoi ? Fayyad, comme chacun sait, a été parachuté du Fonds monétaire international, dont il était un haut fonctionnaire, au poste de Premier ministre palestinien. Il incarne la vision néolibérale chère au FMI. C’est donc naturellement sur le terrain économique et sécuritaire qu’il a choisi de construire les bases du futur État palestinien sous occupation. Il a ainsi obtenu à la fois, depuis trois ans, une certaine croissance économique (grâce, il faut le préciser, à une aide internationale massive), et une certaine amélioration de la sécurité (avec une police formée par les instructeurs américains). Ces deux « acquis » ne sont bien sûr pas indifférents à la « clientèle » électorale de l’Autorité palestinienne, en premier lieu dans les couches moyennes. C’est sans doute pour élargir sa base de manœuvre que Fayyad, depuis quelque temps, affirme un peu plus son autonomie à l’égard de l’occupant, construisant en zone C, organisant le boycott des produits des colonies et affichant sa solidarité avec la résistance non armée.

Écrire cela ne vaut évidemment ni approbation, ni illusion : comme je l’ai écrit dans la préface à la dernière brochure de formation de l’AFPS, intitulée « Solidarité critique » ( ), notre solidarité va au peuple palestinien, pas aux différentes factions qui prétendent le représenter. Et nul ne dit – en tout cas pas nous - que, dans le cadre étroit dessiné par la politique israélienne, cette ligne débouchera sur une véritable percée. Visiblement, elle se veut complémentaire de l’idée, fréquente dans les milieux diplomatiques, d’une déclaration prochaine de l’État palestinien, lequel serait ensuite admis au sein des Nations unies par l’Assemblée générale de celles-ci, sur proposition du Conseil de sécurité. Fayyad, au fond, ferait en sorte, sur le terrain, de donner une certaine réalité à l’entité que l’ONU adouberait. Avancée ou chimère ? La question vaut d’être posée et débattue.

Au nom de quel dogme faudrait-il sacrifier toute approche fine au discours ultra-radical (Dayton et Fayyad sont, écrit Pierre-Yves Salingue, « le flic et le banquier au service de la paix pour le capital ») ? Quiconque sort des canons du purisme trotskyste doit-il être jeté en pâture à la vindicte populaire ? Personnellement, ce terrorisme intellectuel ne me fait ni chaud ni froid : le temps où les insultes, des « vipères lubriques » aux « hyènes dactylographes », stérilisaient toute pensée est heureusement dépassé. Et l’essentiel, en définitive, c’est le mouvement de solidarité avec la Palestine. Puisse Pierre-Yves Salingue y participer concrètement avec autant d’ardeur qu’il en met à vouer aux gémonies quiconque ne partage pas la moindre de ses idées. Quant à nous, nous poursuivrons sur le seul chemin qui vaille à nos yeux : lutter pour l’union des forces et des personnes résolues à faire appliquer le droit international, et non à diviser ce rassemblement nécessaire. Car l’issue est là : dans l’union la plus large sur une base claire, et non dans l’excommunication à partir de considérants qui sont loin d’être limpides….

(1) Voir respectivement http://www.france-palestine.org/article12661.html et http://www.france-palestine.org/article15439.html (2) http://www.france-palestine.org/article14624.html

Dominique Vidal,
historien et journaliste.

[1Cf. Pierre-Yves Salingue : « En défense de BDS ».

[2Texte de la proposition sur le site du Parlement européen : http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/09/st17/st17281.fr09.pdf