La France et l’Allemagne, dans le prolongement des engagements pris lors du Conseil des ministres franco-allemand en juillet 2017, à Meseberg en juin 2018 et dans le Traité sur la coopération et l’intégration franco-allemandes, signé à Aix-la-Chapelle le 22 janvier 2019, rappellent leur détermination commune à promouvoir une Union européenne plus souveraine et plus efficace en cette période où les défis géopolitiques se multiplient. Dans ce contexte, la France et l’Allemagne soutiennent sans réserve l’agenda stratégique adopté par le Conseil européen en juin 2019 et les priorités politiques de la prochaine Commission européenne présentées par Ursula von der Leyen.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE PRECONISENT L’ADOPTION RAPIDE DU PACTE VERT POUR L’EUROPE QUI SERA PROPOSE PAR LA PRESIDENTE ELUE, URSULA VON DER LEYEN.

Les deux pays souhaitent que l’Union européenne parvienne à la neutralité carbone d’ici à 2050. La France et l’Allemagne examineront les moyens de mettre en oeuvre une taxe carbone aux frontières compatible avec les règles de l’OMC. La France et l’Allemagne sont favorables à l’introduction dans le système d’échange de droits d’émission de l’UE (ETS) d’un prix minimum du carbone. En étroite coopération avec la Commission européenne, nous voulons travailler à l’introduction possible d’un système d’échange de droits d’émission européen (ETS) couvrant tous les secteurs. Pour faciliter la transition, il est aussi crucial de réorienter les flux financiers : la France et l’Allemagne soutiennent l’idée du renforcement du rôle de la Banque européenne d’investissement dans le financement de l’action climatique afin d’accroître les investissements publics et privés dans les projets verts et de faire de la BEI la "Banque du climat" de l’Union européenne.

En ce qui concerne la biodiversité, dans la perspective de la COP15, la France et l’Allemagne travailleront en étroite coopération afin d’intégrer la biodiversité dans toutes les politiques sectorielles concernées et agiront en vue de la conclusion d’ici à 2020 d’un traité des Nations unies sur la protection de la biodiversité des océans et le développement des pratiques durables. Les deux pays demanderont à la Commission de proposer des initiatives législatives ou non législatives de l’Union européenne, compatibles avec le droit de l’OMC, afin d’éviter les importations de produits issus de la déforestation.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE PARTAGENT L’OBJECTIF D’UNE ECONOMIE EUROPEENNE FORTE CAPABLE DE RELEVER LES DEFIS MONDIAUX ACTUELS.

Les tensions commerciales doivent être résolues et les deux pays réaffirment leur volonté de travailler dans le cadre de l’UE pour protéger et renforcer le système commercial multilatéral, fondé sur une OMC réformée :

 en travaillant à améliorer les règles (transferts de technologies, propriété intellectuelle, surcapacités, etc.) ;

 en renforçant les mécanismes de suivi et de mise en oeuvre des règles ;

 en mettant en place un système de règlement des différends à deux niveaux, qui soit robuste et efficace.

En particulier, l’UE doit rester déterminée à dialoguer avec les Etats-Unis et d’autres partenaires, tout en restant prête à défendre ses intérêts légitimes. L’UE doit poursuivre son soutien au système commercial multilatéral en conservant un agenda commercial ambitieux. La France et l’Allemagne soutiennent la prochaine Commission dans ses efforts pour définir un agenda commercial réformé, en faveur de l’égalité des conditions de concurrence internationale et de l’amélioration du suivi des règles et accords commerciaux. En outre, les deux pays sont favorables à ce que notre politique commerciale soit compatible avec les politiques climatiques de l’UE et leurs dimensions sociales et environnementales.

Les perspectives économiques dépendent également d’évolutions de fond, notamment la transformation numérique, la transition énergétique et la concurrence européenne et internationale. La France et l’Allemagne soulignent l’importance d’une base économique, technologique et industrielle durable et solide en Europe, ce qui nécessite d’améliorer le fonctionnement du marché unique, notamment dans ses aspects numériques, d’actualiser la réglementation pour éviter les charges administratives inutiles, de tenir compte du nouveau cadre concurrentiel international et du pouvoir de marché des plateformes numériques, de doter l’UE d’un budget qui soutienne davantage l’innovation et l’investissement, de mettre en oeuvre rapidement l’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro et d’améliorer la coordination bilatérale de nos politiques économiques.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE SONT FAVORABLES À UN NIVEAU D’AMBITION PLUS ELEVE EN MATIÈRE D’INNOVATION DANS LES TECHNOLOGIES DE RUPTURE ET D’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, EN TENANT COMPTE DES PRINCIPES ETHIQUES APPLICABLES AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES.

Au niveau bilatéral, l’Allemagne et la France encouragent le "Conseil pour l’Innovation" ("Grands défis") et l’"Agentur für Sprunginnovationen" à développer et à soutenir des projets communs en 2020. À cette fin, les deux gouvernements ont signé une feuille de route pour un réseau franco-allemand de recherche et d’innovation en matière d’intelligence artificielle.

Au niveau de l’Union européenne, les deux pays préconiseront un programme ambitieux en matière de recherche et d’innovation, dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel, notamment pour le Conseil européen de la recherche et le Conseil européen de l’innovation nouvellement créé.

Les deux pays travailleront ensemble pour renforcer la capacité de l’Europe à développer les technologies de pointe, notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle. À cette fin, la possibilité de lancer de nouvelles initiatives bilatérales et européennes sera étudiée d’ici à 2020.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE SONT EN FAVEUR D’UNE POLITIQUE SPATIALE EUROPEENNE PLUS FORTE.

Les deux pays soulignent la dimension stratégique de l’accès indépendant de l’Europe à l’espace. À cet égard, ils soutiennent le principe de préférence européenne concernant les lanceurs (Ariane 6) et ils reconnaissent que l’utilisation des services d’Ariane 6 par des utilisateurs institutionnels est un des facteurs déterminants pour consolider son exploitation. Des travaux conjoints sont également nécessaires concernant l’avenir de ce programme. Les gouvernements français et allemands appellent les acteurs industriels à développer des mesures de consolidation afin d’améliorer la maîtrise des coûts et la compétitivité internationale, ainsi que de renforcer le secteur européen des lanceurs spatiaux, en étroite coopération avec leurs partenaires européens, notamment l’Italie.

La France et l’Allemagne soutiennent la mise en place de la nouvelle Direction générale de la Commission européenne consacrée notamment à l’espace, en tenant compte du caractère civil des programmes spatiaux de l’UE.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE INTENSIFIENT LEUR COOPERATION EN MATIÈRE DE SECURITE ET DE DEFENSE EUROPEENNES.

Dans le cadre du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité qui s’est réuni aujourd’hui à Toulouse, les deux gouvernements ont réaffirmé leur entière détermination à bâtir progressivement une sécurité et une défense européennes efficaces, cohérentes et crédibles, ainsi qu’à renforcer le pilier européen au sein de l’OTAN et à utiliser pleinement l’Initiative européenne d’intervention visant à développer une culture stratégique commune. À cet égard, ils ont réaffirmé leur soutien au renforcement des capacités militaires européennes grâce aux projets de la Coopération structurée permanente et à d’autres initiatives de défense de l’UE ainsi qu’à la coopération industrielle, notamment les programmes que sont la prochaine génération de système d’armes/système de combat aérien futur (NGWS/FCAS) et le système principal de combat terrestre (MGCS).

Cette coopération requiert confiance mutuelle et règles communes : le gouvernement français et le gouvernement allemand sont convenus dans le Traité sur la coopération et l’intégration franco-allemandes d’élaborer une approche commune en matière d’exportation d’armements. Aujourd’hui, les deux parties ont conclu leurs négociations aboutissant à un accord juridiquement contraignant dont les dernières étapes vont être mises en oeuvre dès que possible.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE RELANCERONT LES REFORMES DE L’UE SUR LA MIGRATION ET L’ASILE.

Un accord a été trouvé à Malte concernant les débarquements en mer Méditerranée ; la présidente élue de la Commission a promis une nouvelle dynamique sur cette question d’ensemble. La France et l’Allemagne soutiennent ensemble la présentation et l’adoption rapides d’un nouveau paquet législatif réformant le régime d’asile européen (comprenant les règles de Dublin et de Schengen), sur la base d’une responsabilité équitable et d’une solidarité pragmatique.

Les deux pays encouragent également la Commission à proposer un véritable Office européen de l’asile harmonisant les règles et pratiques en matière d’asile dans toute l’UE, ainsi qu’une base de données européennes en matière d’asile qui offre une vision globale des demandes d’asile et de la manière dont celles-ci affectent les Etats membres.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE DEFENDENT LA CULTURE ET LA CREATION EUROPEENNES.

La France et l’Allemagne réaffirment leur détermination à mettre en oeuvre la nouvelle directive européenne sur le droit d’auteur et à assurer le plein respect de ces règles.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE ENTENDENT DONNER UNE NOUVELLE IMPULSION À LA DEMOCRATIE EUROPEENNE.

La France et l’Allemagne soutiennent la conférence sur l’avenir de l’Union européenne qui commencera en 2020. Elles feront des propositions communes pour que cette initiative implique les citoyens de l’UE et leur permette d’y participer activement, tout en reflétant le rôle essentiel des Etats membres de l’UE.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE BÂTISSENT UN AVENIR COMMUN EN RENFORÇANT LEUR COOPERATION ET LEUR INTEGRATION (TRAITE D’AIX-LA-CHAPELLE).

La France et l’Allemagne ont déjà pris des mesures concrètes pour mettre en oeuvre la vision du Traité d’Aix-la-Chapelle en portant une attention particulière à la nécessité de renforcer les liens entre nos concitoyens. Le Fonds commun pour les citoyens encouragera les projets citoyens franco-allemands dès le début 2020. Il soutiendra les initiatives des citoyens et associations afin de faciliter les rencontres, les programmes d’échanges et les projets communs. Les programmes de mobilité pour les jeunes seront développés en 2020. L’Office franco-allemand pour la jeunesse a pour objectif de toucher 20 % des jeunes ayant des besoins spécifiques dans ses programmes 2020.

En outre, la France et l’Allemagne encourageront la reconnaissance mutuelle des diplômes et des filières ainsi que les nouveaux "campus des métiers" et programmes de doubles diplômes franco-allemands intégrés, élaboreront des stratégies en faveur du bilinguisme dans les régions frontalières et encourageront l’apprentissage des langues en général.

Le comité de coopération transfrontalière a été créé et commencera à apporter des solutions aux difficultés transfrontalières quotidiennes.

Nous avons adopté un cahier des charges pour permettre au Forum pour l’avenir franco-allemand de débattre des processus de transformation de nos sociétés en nous inspirant notamment du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies. Les premiers projets débuteront en 2020, le Forum servant de plateforme de dialogue entre experts, acteurs et citoyens sur les principaux enjeux sociaux, environnementaux, technologiques et économiques.

Dans le même esprit d’amélioration de l’entente et de coordination, le Conseil franco-allemand d’experts économiques a été mis en place et a commencé ses travaux.

Pour faire progresser et suivre la mise en oeuvre du Traité d’Aix-la-Chapelle, les deux gouvernements continueront de mettre en oeuvre et d’adapter le programme pluriannuel de projets de coopération défini à l’article 23 du Traité d’Aix-la-Chapelle.

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE OEUVRENT ENSEMBLE POUR LA PAIX ET LA STABILITE, EN S’APPUYANT SUR LEUR CONVICTION QUE LA DIPLOMATIE ET LE DROIT INTERNATIONAL PRIMENT LORSQU’IL S’AGIT DE TROUVER DES SOLUTIONS DURABLES À DES CRISES COMPLEXES TOUCHANT À LA SECURITE DE L’EUROPE.

Nous nous félicitons de l’évolution positive récente dans la mise en oeuvre des accords de Minsk et nous attendons avec intérêt la tenue d’un sommet à Paris en format Normandie afin de progresser vers le règlement du conflit à l’Est de l’Ukraine.

Nous soulignons notre position de principe sur l’annexion illégale de la Crimée par la Russie. Nous réaffirmons également notre volonté de poursuivre notre dialogue avec la Russie sur la base des principes communs de l’UE, notamment dans le domaine du contrôle des armes et de la non-prolifération.

Au Proche-Orient, nous condamnons les activités militaires menées actuellement par la Turquie dans le Nord-Est de la Syrie et nous demandons instamment à ce pays de changer de politique, tout en rappelant les obligations de la Turquie en vertu du droit international, notamment du droit humanitaire international. La reprise des hostilités dans le Nord-Est de la Syrie risque de porter atteinte à la stabilité de l’ensemble de la région, d’exacerber les souffrances des civils et de provoquer de nouveaux déplacements de populations. L’action militaire unilatérale dans le Nord-Est de la Syrie remet gravement en cause les progrès accomplis par la Coalition internationale contre Daech, à laquelle la France, l’Allemagne et la Turquie participent. Les critères internationaux de retour des réfugiés tels que définis par le HCR (retour volontaire, dans la sécurité et la dignité) doivent être respectés. La fin des actions militaires et le début d’un processus politique facilité par l’ONU sont nécessaires de toute urgence. Nous demeurons vivement préoccupés par l’aggravation des tensions dans la région du Golfe à la suite de l’attaque contre une infrastructure saoudienne et contre la liberté de la navigation dans le détroit d’Ormuz. La France et l’Allemagne sont déterminées à poursuivre leurs efforts diplomatiques, aux côtés de la Grande-Bretagne, pour créer les conditions propices et faciliter le dialogue avec tous les partenaires soucieux de réduire les tensions au Moyen-Orient. Nous réaffirmons notre ferme volonté de préserver et de mettre en oeuvre intégralement le Plan d’action global commun. Dans ce contexte, nous demandons instamment à l’Iran de se conformer à nouveau à toutes ses obligations en vertu de l’accord nucléaire. En nous appuyant sur le Plan d’action global commun, nous sommes convaincus de la nécessité d’ouvrir des négociations avec l’Iran sur le cadre de long terme de son programme nucléaire ainsi que sur les questions liées à la sécurité régionale, notamment son programme de missiles et d’autres vecteurs.

Concernant la Libye, la France et l’Allemagne ont la conviction que seule une solution politique pourra apporter la stabilité. Nous entendons nous engager avec nos partenaires pour permettre la mise en place d’un cessez-le-feu et le retour à un processus politique facilité par l’ONU, en particulier grâce au processus de Berlin.

La France et l’Allemagne sont attachées à leur engagement en faveur de la région du Sahel, comme le démontre notre dernière initiative commune de Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel, qui vise à renforcer la résilience des forces de défense et de sécurité locales grâce à un soutien international accru et mieux coordonné, et nous attendons avec intérêt la conférence de haut niveau qui se tiendra d’ici la fin de l’année.