Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Monsieur le Secrétaire général des Nations unies,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement.

L’an dernier, nous étions réunis à New York pour notre assemblée générale et j’appelais alors chacun d’entre vous à avoir le courage de bâtir la paix et d’exercer ensemble nos responsabilités. Ce courage, je dois le dire, a été plus que durement éprouvé par un choc sanitaire, économique, social, sécuritaire, d’une ampleur sans précédent, d’une immédiate globalité depuis la création de notre organisation il y a 75 ans. Et ce courage, ce fut d’abord celui de celles et ceux qui ont été dès le premier jour en première ligne, partout dans le monde, et qui le sont encore aujourd’hui pour soigner, nourrir, accompagner, épauler, tenir. Nos soignants, nos personnels humanitaires. Et je veux, en commençant ces quelques mots, penser à eux. Ils attendent de nous que nous nous engagions et que nous construisions des réponses concrètes, ensemble. Car cette crise, sans doute plus que toute aucune autre, impose la coopération, impose d’inventer de nouvelles solutions internationales.

D’abord, je crois en la science et en la connaissance, et l’humanité vaincra cette pandémie ; un remède sera trouvé. Mais dans cette attente, dont nul ne sait combien elle durera, chacun de nos pays n’aura d’autre choix que d’apprendre à vivre avec le virus, et le monde devra apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité qui s’impose à tous, révèle nos vulnérabilités, nous place devant nos immédiates responsabilités. Cette nouvelle réalité mondiale est claire, brutale, certainement vertigineuse, et nous devons la regarder sans nous laisser aller au désespoir ni au découragement, mais avec lucidité. Tous les défis auxquels nous étions confrontés ont été en quelques mois accentués et aggravés. Les succès obtenus ont été entravés et les reculs se sont accumulés.

Des années de progrès dans la lutte contre les autres maladies infectieuses comme le VIH, le paludisme, la tuberculose, dont nous pensions pouvoir venir à bout, ont pris du retard, parfois plus. Plus de 37 millions de personnes sont tombées ou retombées dans l’extrême pauvreté. L’insécurité alimentaire menace gravement et s’est accrue. Plus d’un milliard d’élèves ont été touchés par la fermeture des écoles, dans plus de 160 pays. 40 millions d’enfants n’ont pas pu bénéficier de la première année de leur éducation. Les femmes ont été en première ligne et ont vu s’accumuler contre elles toutes les formes de violences, sexuelles, domestiques, de genre.

Face à cela et à tant d’autres conséquences liées à la pandémie qui a frappé notre planète et qui continue de toucher tous les continents, la fracturation de nos moyens d’action collective s’est accélérée. Alors même que la seule solution viendra de notre coopération, les organisations internationales dont nous avons tant besoin, comme l’Organisation mondiale de la santé, ont été accusées par les uns de complaisance et instrumentalisées par les autres. Les tiers de confiance, scientifiques, journalistes, si essentiels pour comprendre et agir efficacement face à la crise, ont été remis en cause par la propagande des Etats, comme par l’épidémie de la désinformation. Notre organisation elle-même a couru le risque de l’impuissance. Le Conseil de sécurité des Nations unies, garant de la paix et de la stabilité, est difficilement parvenu à s’entendre sur une trêve humanitaire que nous avons soutenue de toutes nos forces. Imaginez-le. Avoir tant de mal à nous accorder sur si peu. Mais ses membres permanents n’ont pas pu, en des circonstances aussi exceptionnelles, se réunir comme nous l’aurions voulu, parce que deux d’entre eux ont préféré à l’efficacité collective l’affichage de leur rivalité. Toutes les fractures qui préexistaient à la pandémie, le choc hégémonique des puissances, la remise en cause du multilatéralisme ou son instrumentalisation, le piétinement du droit international, n’ont fait que s’accélérer et s’approfondir à la faveur de la déstabilisation globale créée par la pandémie.

Nous n’avons plus le droit de fermer les yeux. Nous n’avons plus l’opportunité, le luxe, si je puis dire, de tergiverser. Cette pandémie doit être, pour notre organisation, un électrochoc et le moment d’un réveil salvateur. C’est possible, parce que dans cette épreuve des motifs d’espérance sont apparus.

L’Union européenne, dont beaucoup en quelque sorte, prédisaient la division et l’impuissance, a fait à la faveur de la crise, un pas historique d’unité, de souveraineté, de solidarité, de choix de l’avenir. C’est l’Europe qui, avec ses partenaires africains, a pris l’initiative au G20 pour aider les pays les plus vulnérables à faire face à la pandémie, et alléger le fardeau de la dette qui pèse sur les économies et met en péril l’avenir du continent. Pour la première fois dans un G20 Finance, nous avons acté d’un moratoire sur la dette de ces pays les plus pauvres en Afrique. C’est l’Europe qui, avec ses partenaires, a permis de construire l’initiative ACT-A pour que les moyens de lutte contre la pandémie soient accessibles à tous. C’est elle qui, avec d’autres, a permis que l’Assemblée mondiale de la santé décide de tirer les leçons de la pandémie et d’améliorer les systèmes d’alerte et de réaction précoce, pour mieux prévenir de telles crises. C’est l’Europe qui, avec d’autres partenaires en Asie, en Amérique, en Afrique, a eu l’énergie de construire, de proposer, de porter des solutions concrètes de coopération, de solidarité et d’action.

Il faudra compter à l’avenir avec ces nouveaux équilibres qui sont en train de se définir. Il faudra compter sur la force des bonnes volontés. Parce que le monde tel qu’il est aujourd’hui ne peut pas se résumer à la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, quel que soit le poids mondial de ces deux grandes puissances, quelle que soit aussi l’histoire qui nous lie, en particulier aux Etats-Unis d’Amérique. La crise, l’effondrement de nos cadres de coopération, les fragilités que je viens d’évoquer, nous imposent de rebâtir un nouvel ordre et imposent à l’Europe de prendre toute sa part de responsabilité ; c’est-à-dire de porter ses valeurs, son goût de l’avenir, et de savoir bâtir des solutions nouvelles. Parce que nous ne sommes pas collectivement condamnés à un pas de deux qui, en quelque sorte, nous réduirait à n’être que les spectateurs désolés d’une impuissance collective. Nous avons des marges de manoeuvre, à nous de les utiliser et à nous de savoir définir les priorités qui sont les nôtres dans cet environnement, de poser avec clarté nos choix et de construire des alliances nouvelles. Dans les semaines et les mois à venir, des choix fondamentaux seront à opérer, des décisions à prendre devant nos peuples, devant la communauté internationale. Et ces choix auront un impact immédiat sur la vie de nos nations, sur l’existence de nos concitoyens, sur la marche du monde. Nous ne devons pas nous dérober. Parce que c’est précisément quand tout vacille qu’il faut revenir à l’essentiel. Et je crois très profondément que, depuis le début de cette crise du Covid-19, ce n’est pas une parenthèse qui s’est ouverte et se refermerait. C’est la poursuite d’un monde traversé par des crises profondes qui sont aussi dues à nos interdépendances. Et il y aura sûrement un jour un remède à la pandémie. Mais il n’y aura pas de remède miracle à la déstructuration de l’ordre contemporain. Il n’y aura pas de remède miracle à cette espèce de paradoxe dans lequel nous sommes plongés. Jamais nos sociétés n’ont été aussi interdépendantes. Et au moment même où tout cela arrive, jamais nous n’avons été si désaccordés, si désalignés, si incapables de construire des solutions rapides, si en situation nous-mêmes, les mêmes, parfois de détruire les cadres de coopération que nous avons su créer durant les dernières décennies.

C’est pourquoi je tenais à dire devant cette assemblée les cinq priorités sur lesquelles la France souhaite construire, avec ses partenaires européens au premier chef, mais avec aussi toutes les puissances de bonne volonté, c’est-à-dire avec tous ceux qui seront prêts à s’y engager, les fondations d’un nouveau consensus contemporain qui nous permettra d’agir concrètement dans le monde tel qu’il est.

Le premier principe, ou le premier objectif, c’est la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et contre le terrorisme, qui menacent au premier chef notre sécurité collective.

La stratégie de la pression maximale, engagée depuis plusieurs années, n’a pas permis à ce stade de mettre fin aux activités déstabilisatrices de l’Iran, ni de nous assurer qu’il ne pourra pas se doter de l’arme nucléaire. C’est pourquoi la France qui, vous vous en souvenez, n’est pas le pays qui a initié à l’époque la négociation, puis conçu l’accord du JCPoA. Mais la France, avec ses partenaires, allemands et britanniques, maintiendra son exigence de mise en oeuvre pleine et entière de l’accord de Vienne de 2015 et n’acceptera pas les violations commises par l’Iran. Nous ne transigerons pas pour autant sur l’activation d’un mécanisme que les Etats-Unis, de leur propre chef, en sortant de l’accord, ne sont pas en situation d’activer. Ce serait porter atteinte à l’unité du Conseil de sécurité, à l’intégrité de ses décisions, et ce serait prendre le risque d’aggraver encore les tensions dans la région. Mais il nous faut bâtir dans la durée un cadre d’action utile, que je rappelais dans notre Assemblée générale même il y a maintenant plus de deux ans, c’est-à-dire la capacité à compléter l’accord de 2015. D’abord dans le temps pour s’assurer que dans la durée l’Iran n’accédera jamais à l’arme nucléaire, mais aussi en assurant que nous allons apporter les réponses à l’activité balistique de l’Iran, mais aussi à ses déstabilisations dans la région.

Sur la Corée du Nord, nous avons soutenu les efforts menés par les Etats-Unis d’Amérique pour permettre l’engagement d’une négociation. Même si les résultats tangibles ne sont pas encore là, ces initiatives étaient importantes et ce que nous attendons à présent, ce sont des gestes d’engagements concrets de la part de la Corée du Nord. Elle doit se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité et s’engager rapidement et de bonne foi dans un processus de dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible. C’est la seule voie possible pour parvenir à une solution politique, à une paix durable sur la péninsule coréenne. C’est incontournable pour la stabilité et la sécurité régionales comme pour la paix et la sécurité internationale.

De la même manière, nous ne tolérerons pas que des armes chimiques soient employées en Europe, en Russie comme en Syrie. Au nom de la sécurité collective, je redis ici à la Russie la nécessité que toute la lumière soit faite sur la tentative d’assassinat contre un opposant politique à l’aide d’un agent neurotoxique, le Novitchok. Cette clarification doit être rapide et sans défaut, car nous ferons respecter nos lignes rouges. Et en la matière, la France a toujours été au rendez-vous de l’effectivité des lignes rouges fixées depuis que je suis président de la République. Notre sécurité collective, c’est aussi la lutte contre le terrorisme partout où cela est nécessaire. La France a été touchée il y a plusieurs années de manière répétée par le terrorisme sur notre sol, dans notre chair, avec des actes terroristes parfois fomentés au coeur même, à l’épicentre du terrorisme islamiste. Je pense en particulier aux attentats de 2015 conçus en Syrie. C’est pourquoi la France sera toujours fortement engagée au Levant et en appui à la souveraineté irakienne, et se tient aux côtés de ses partenaires sahéliens. Au Levant, nous continuerons d’être engagés au sein de la coalition internationale. Nous avons eu une première victoire, la fin du califat territorial. Cette victoire ne marque pas la fin de la guerre dans la région. Nous continuerons de nous battre contre tous les terroristes dans le cadre de la coalition internationale et aux côtés de tous nos partenaires régionaux. Je veux ici rappeler le rôle que les combattants kurdes en Syrie ont eu aux côtés de la coalition contre Daech et les terroristes. Je veux ici aussi rappeler le rôle essentiel que l’Irak et les Irakiens ont eu et continuent d’avoir dans ce combat. C’est pourquoi la France soutient avec force toutes les initiatives que l’Irak prend aujourd’hui et continuera de prendre pour sa souveraineté et son rôle dans la lutte contre le terrorisme.

Au Sahel, la France est, comme vous le savez, profondément engagée aux côtés principalement des cinq Etats sahéliens et les sommets de Pau puis de Nouakchott ont permis de poser les bases d’une coalition pour renforcer dans cette région la lutte contre nos deux ennemis, l’Etat islamique et Al-Qaïda. Ces deux organisations ont subi au cours des derniers mois des revers sans précédent. Les objectifs, fixés dès Pau, de se concentrer sur la zone des trois frontières et l’EIGS ont produit des résultats tangibles et inégalés jusqu’alors. Nous poursuivrons ce travail. Avec l’appui de Barkhane et de nos partenaires européens et américains, les armées du G5 Sahel ont repris l’avantage, ont réintégré des positions qui avaient été perdues. Cette dynamique doit se poursuivre : c’est le sens même de la coalition que nous mettons en place. Ce qui vient de se passer au Mali au cours des dernières semaines nous rappelle aussi une évidence : la démocratie et la lutte contre le terrorisme vont de pair. Ces deux combats ne sont pas séparables. Et seule la démocratie, la justice, l’Etat de droit, le développement, ramèneront une paix durable au Sahel. Ceux qui ont fait irruption au Mali au nom de ces principes ne doivent pas maintenant les trahir. Ils doivent mettre le Mali sur la voie irréversible du retour à un pouvoir civil et l’organisation d’élections rapides. La France, comme ses partenaires africains en particulier, ne pourra rester engagée qu’à cette condition. Je le dis et je le redis très clairement : la France n’est présente sur le sol malien, comme sur le sol des autres pays de la région, qu’à la demande des Etats souverains et des organisations régionales. À la seconde où ces Etats souhaiteront notre départ ou considéreront qu’ils peuvent se battre seul contre le terrorisme, nous nous retirerons. Et c’est donc la réitération de cette demande, de ce besoin de notre engagement, que j’ai demandé à Pau puis à Nouakchott et qui a été aussi reconfirmée par la junte au Mali, et c’est sur ce sujet sur lequel nous resterons extrêmement vigilants. Je crois dans la souveraineté des peuples et je pense que notre action contre le terrorisme ne peut être utile et durable que s’il se conjugue avec le respect de cette souveraineté, avec une démocratie effective et avec une vraie politique de développement, celle aussi que nous avons conçue avec l’Alliance pour le Sahel et qu’avec nos partenaires européens, africains, avec la Banque mondiale aussi, nous continuons de développer pour des actions utiles sur le terrain.

La deuxième priorité à mes yeux des prochains mois, c’est la construction exigeante de la paix et de la stabilité dans le respect de l’égale souveraineté des peuples. La grammaire de la paix et de la stabilité est à redéfinir parce que les lignes ont profondément bougé à la faveur de la crise, mais au fond bien avant elle. Le retrait américain, qui faisait office de garant en dernier ressort d’un système international aujourd’hui dépassé, l’affirmation hégémonique d’autres puissances à la faveur de ce désengagement, la projection de la Chine à l’extérieur de ses frontières, le renforcement de la souveraineté européenne - toutes ces tendances de fond doivent nous conduire à repenser les modalités de notre action collective pour garantir la paix et la sécurité. Nos principes d’action en la matière doivent être clairs et notre main ne doit plus trembler dans leur application : le respect des droits souverains des peuples, la consolidation des Etats de droit et de leurs moyens d’action, l’exigence et la responsabilité pour assurer la mise en oeuvre effective des décisions actées sous l’égide des Nations unies.

C’est exactement ce que nous faisons au Liban, où les aspirations du peuple libanais souverain doivent être respectés, entendues et soutenues, quoi qu’il en soit des errements inacceptables de la classe politique libanaise. Je veux ici redire tout mon soutien pour le peuple libanais et ma détermination à agir de là où je suis et en plein respect de la souveraineté libanaise, mais en amitié et exigence, comme je l’ai dit souvent, pour que le Liban puisse se redresser. Pour que la vie puisse s’améliorer, et pour qu’aussi le chemin d’un apaisement et d’une démocratie plus effective soit trouvé. Mais le Liban est un trésor pour l’humanité tout entière, un trésor parce qu’il est une forme d’exception, de démocratie et de pluralisme dans une région bousculée par le terrorisme et les puissances hégémoniques. Les Nations unies doivent être concrètement, comme elles l’ont été cet été et dans la durée, engagées aux côtés de la société civile et des ONG pour faire face aux besoins immédiats et engager la reconstruction. Et là aussi, nous ne lâcherons rien.

En Syrie, la reprise des pourparlers à Genève sous l’égide des Nations unies est une étape positive, mais ce processus ne peut se limiter à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Il devra passer par la tenue d’élections libres, régulières et transparentes pour respecter là aussi les aspirations et la souveraineté du peuple syrien. La France et ses partenaires européens continueront donc de conditionner le financement de la reconstruction et la normalisation des relations avec Damas à la mise en oeuvre d’une solution politique crédible, la seule durable, la seule qui permettra d’éradiquer le terrorisme dans la région.

La paix au Proche-Orient reste une nécessité d’abord pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour nous tous. Je me réjouis qu’Israël obtienne la reconnaissance de nouveaux pays arabes. C’est une reconnaissance légitime. C’est aussi un gage d’espoir pour l’avenir. Pour autant, une paix juste et durable nécessite avant tout de retrouver les voies et moyens d’une négociation décisive qui permette aux Palestiniens de disposer enfin de leurs droits. Il n’y a pas d’alternative à une négociation courageuse, qui nécessitera de s’entendre sur les questions les plus difficiles, dans le respect des aspirations légitimes de chacun, à une reconnaissance pleine et entière à la sécurité et à la souveraineté. Je ne crois pas à une paix qui se construira sur l’hégémonie ou l’humiliation. Quand bien même celle-ci serait compensée par de l’argent. Car nous savons trop qu’on ne compense pas l’humiliation d’un peuple par de l’argent. C’est à nous, collectivement, de bâtir cette solution ambitieuse.

En Libye, la crise a désormais un impact profond sur la stabilité régionale et a été aggravée par la multiplication des ingérences extérieures. La Libye est à mes yeux l’illustration parfaite des erreurs auxquelles nous pouvons nous mêmes conduire lorsqu’on ne respecte pas la souveraineté des peuples. Aucune puissance ne peut bâtir le bien d’un peuple sans qu’il l’ait souhaité et construit lui-même, par les voies de transition qu’il a souhaité. Aussi aujourd’hui, nous n’avons d’autre choix que d’agir très concrètement, c’est ce que fait l’Europe, pour faire respecter effectivement et par tous l’embargo sur les armes décidé par les Nations unies. Cet embargo aujourd’hui est violé par plusieurs puissances. Cela n’est pas durable. Plusieurs puissances aussi ont décidé de continuer d’importer des combattants du théâtre syrien, exportant le terrorisme dans cette région au mépris des intérêts de la Libye, de ses voisins du Sahel et de l’Europe. Nous avons été collectivement trop silencieux sur ces agissements et nous devons être beaucoup plus durs dans les semaines qui viennent. Nous travaillons avec l’ensemble de nos partenaires, dont les pays voisins de la Libye, pour obtenir un cessez-le-feu durable, puis enclencher une dynamique qui permette une résolution politique du conflit sous l’égide des Nations unies. C’est l’initiative que la France souhaite conduire dans les prochaines semaines en lien avec le secrétaire général des Nations unies : réunir tous les pays voisins pour aider à faire émerger la solution libyenne. Ce réengagement du voisinage libyen est indispensable dans la durée.

En Méditerranée orientale, il nous faut réengager un dialogue efficace et clarifier pour éviter un nouvel espace de confrontation et de remise en cause du droit international. Les pays méditerranéens de l’Union européenne se sont exprimés clairement en ce sens il y a quelques jours à Ajaccio. Nous respectons la Turquie, nous sommes prêts au dialogue avec elle, mais nous attendons qu’elle respecte la souveraineté européenne, le droit international et apporte des clarifications sur son action en Libye comme en Syrie. Les insultes sont inopérantes. Et toutes ces paroles et tous ces actes n’ont pas leur place dans des relations responsables entre Etats. Et l’appel à la responsabilité que l’Europe a voulu lui lancer. Nous, Européens, sommes prêts au dialogue, à la construction indispensable d’une Pax Mediterranea, mais pas au prix de l’intimidation, pas au prix de la logique du plus fort, dans le respect du droit international, de la coopération et du respect entre alliés. Ces principes sont non négociables.

En Europe continentale, sur la crise ukrainienne, le format Normandie nous a permis cette année, avec la chancelière fédérale d’Allemagne, d’obtenir de premières avancées. Mais la situation en Biélorussie comporte le risque d’une nouvelle fracture sur notre continent. Le courage du peuple biélorusse force l’admiration de tous. Ses aspirations doivent être respectées et nous sommes à ses côtés, je veux le dire avec beaucoup de force. Un dialogue politique national doit être mis en place et toute intervention extérieure doit être évitée. Nous avons eu l’occasion avec la chancelière d’Allemagne, avec le président du Conseil, d’échanger avec le président Poutine et de plaider pour une médiation proposée par l’OSCE. Nous ne voyons pas d’autre chemin que celui-ci. Non à l’ingérence, non au silence coupable. L’Europe, là aussi, sera au rendez-vous de sa responsabilité, de son histoire et de sa géographie. Mais croire à la paix et la stabilité dans notre région, c’est aussi vouloir bâtir, pour l’Europe continentale, les nouvelles grammaires en quelque sorte d’une stabilité durable et celle-ci ne saurait se réduire ni aux accords historiques ni, au fond, au démantèlement de ces accords durant les dernières années. Lorsqu’on parle de paix et de stabilité, de sécurité collective pour l’Europe, je ne peux pas taire aujourd’hui le fait que nous vivons dans une situation où notre sécurité et stabilité dépendaient très largement d’accords signés jadis entre les Etats-Unis d’Amérique et l’URSS et que ces accords ont progressivement été démantelés durant la dernière décennie. La fin du traité FNI a marqué une étape importante sur laquelle nous ne devons rester silencieux. C’est pourquoi je souhaite que nous, Européens, puissions réengager le cadre d’une discussion complète et ambitieuse avec tous nos voisins pour notre sécurité collective et construire le cadre nouveau qui prenne en compte la fin de ces traités historiques. Je le dis aussi avec beaucoup de clarté ; nous ne déléguerons pas notre sécurité collective à d’autres puissances qu’à l’Europe.

Troisièmement, nous devons protéger les biens qui nous sont communs. C’est notre responsabilité à tous, cela va au-delà de nos intérêts nationaux, de nos équilibres régionaux. Protéger nos biens communs n’est pas contradictoire avec l’exercice de notre souveraineté. C’est au contraire la seule manière de la préserver réellement en gardant le contrôle de nos destins. C’est exactement ce que la crise que nous traversons démontre une fois de plus de manière incontestable.

La santé d’un seul face à une épidémie, c’est la santé de tous et nous avons une occasion unique de faire des moyens de lutte contre la pandémie des biens publics mondiaux auxquels chacun devra avoir accès. C’est le sens de l’action que nous conduisons dans le cadre d’ACT-A et que nous consoliderons dans les prochains mois sur l’ensemble des piliers, notamment sur le renforcement des systèmes de santé. La santé, bien public mondial, c’est un combat que nous avons mené durant toute l’année qui vient de s’écouler, que nous avions mené aussi à Lyon, quand il s’est agi de remobiliser la communauté internationale pour financer la lutte contre des épidémies historiques. C’est ce que nous continuerons de faire et nous devons y donner plus de force dans les mois qui viennent.

Le climat et la biodiversité doivent être plus que jamais aussi au coeur de notre agenda collectif. Pas dans les mots, mais dans les actes. En décembre, l’accord de Paris aura 5 ans et nous savons d’ores et déjà que les objectifs que nous nous étions collectivement fixés ne pourront pas être atteints. La réponse à la pandémie peut changer la donne. Les plans de relance massifs adoptés dans tous les pays sont une occasion historique de transformation de nos modèles économiques et de développement. Cela doit être au coeur de l’ambition de l’Union européenne et je remercie la présidente de la Commission qui s’est fortement engagée. Cela doit être au coeur des travaux du G7 et du G20. C’est indispensable. C’est aussi pour cela que je veux que la France puisse, le jour anniversaire des 5 ans de l’accord de Paris, mobiliser à nouveau la communauté internationale afin, chacune et chacun d’entre nous de regarder où nous en sommes de nos engagements sans en changer en quelque sorte la mesure, sans brouiller les cartes, mais en remobilisant très fortement l’ensemble de nos pays et de nos régions dans une transparence complète, mais dans un volontarisme qu’il faut renouveler.

L’Europe parviendra dans les prochaines semaines, j’y suis déterminé, à un accord pour rehausser le niveau de son ambition pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La présidente de la Commission européenne a fixé l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à au moins 55% en 2030. Cela suppose d’aller plus vite, plus fort sur un ETS ambitieux, un prix du carbone minimum, un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières. L’ensemble de ces mesures constitue un tout. L’une sans les autres n’aurait pas la même efficacité.

Aux côtés de nos partenaires britanniques et européens, nous irons chercher sur cette base, un par un, les engagements des grands émetteurs en vue de la COP26 et nous serons aux côtés de nos partenaires, notamment africains, pour atteindre nos objectifs communs. Le rendez-vous de décembre, sur ce chemin, sera essentiel. En novembre, nous réunirons à Paris un sommet des banques de développement pour faire en sorte que l’ensemble des flux financiers contribue à une relance écologique et solidaire en ligne avec l’accord de Paris. Sur la biodiversité, dont les liens avec le changement climatique comme la santé humaine sont désormais établis, nous organiserons dans les prochains mois à Marseille, avec les Nations unies, avec la Banque mondiale, un One Planet Summit qui nous permettra de bâtir un agenda d’actions concrètes sur les aires protégées terrestres et marines, l’agroécologie, le financement de la biodiversité et la lutte contre la déforestation, la protection aussi des écosystèmes et des espèces. Les océans, les pôles, les forêts tropicales appartiennent au patrimoine commun de l’humanité. Nous devons les protéger et nous le ferons en vue des échéances décisives que seront pour les Nations unies les COP climat, biodiversité et lutte contre la désertification. Pour être au rendez-vous, je vous propose qu’un sommet soit organisé l’an prochain à New York, en amont de ces 3 COP, pour leur donner une impulsion décisive et aboutir à des résultats tangibles.

L’Espace numérique est aussi un bien commun, un bien commun, unique, ouvert et de confiance, qui doit faire l’objet d’une gouvernance nouvelle pour éviter qu’il ne soit capté, piraté, instrumentalisé. C’est le sens des initiatives que nous portons dans le cadre du Partenariat Information et démocratie, de l’Appel de Christchurch ainsi que du Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle. Nous devons consolider chacun de ces partenariats, avancer aussi sur le Processus d’Aqaba et je remercie l’engagement de la première ministre néo-zélandaise comme du roi de Jordanie sur cet agenda. Ce sont maintenant des solutions concrètes, mais surtout maintenant nous avons besoin pas simplement des engagements, des actions des grands opérateurs, des actions des grandes plateformes et d’un engagement de notre part à tous à légiférer, à réglementer au niveau de nos régions, s’ils ne sont pas au rendez-vous des engagements pris. La lutte contre la haine, la lutte contre le terrorisme, la création au fond d’un ordre public commun de l’internet sont aussi importants que l’innovation technologique et que la liberté, car il n’y a pas de liberté sans ordre public. C’est à nous de le créer par un engagement international et je ne crois pas que la protection de la liberté d’expression puisse s’accommoder du discours terroriste, des discours de haine, de l’anonymat qui couvre en quelque sorte la désinhibition de la violence. Cet agenda est essentiel pour nous tous et toutes. Nous continuerons d’y agir avec force.

Enfin, et je le dis dans un contexte qui est celui de l’épidémie que j’ai rappelé ; l’éducation est un bien commun essentiel sur lequel nous continuerons de nous engager dans l’année qui vient. Des centaines de millions de nos jeunes ont été sortis de l’éducation à cause de l’épidémie, mais l’éducation, en particulier l’éducation des jeunes filles, continue d’être une priorité, tout particulièrement en Afrique. Aux côtés du président Macky Sall, nous nous sommes engagés pour le Partenariat mondial pour l’éducation. Nous avons levé des fonds nouveaux afin de financer les actions de ce partenariat. Le rôle aujourd’hui de la Banque mondiale, des Nations unies, du Partenariat mondial pour l’éducation, de l’Unesco, le rôle aussi de nos actions bilatérales doivent être renforcés afin d’agir plus efficacement encore dans les mois et les années qui viennent pour améliorer l’éducation et tout particulièrement l’éducation des jeunes filles. Ce combat n’est pas terminé, loin de là, et nous ne saurions l’oublier. Il est au coeur, en tout cas, de l’engagement français en matière de défense et de lutte pour les biens publics mondiaux.

La quatrième priorité, c’est la construction d’une nouvelle ère de la mondialisation. La première ère de la mondialisation fut ouverte par les voyages de Christophe Colomb, de Magellan ; celle de la découverte. Des premières invasions aussi, d’un tâtonnement en quelque sorte, d’une forme de fascination ou parfois de malentendus réciproques. La seconde fut celle des empires coloniaux et de la révolution industrielle du 19ème siècle. Ce fut la mondialisation par le commerce, les premières ouvertures, mais aussi les routes de l’esclavage, de l’exploitation, du développement des uns, de l’asservissement des autres, des premiers déplacements de population et d’une recomposition de notre monde à l’aune de ces dominations. La troisième a commencé en 1989 avec la chute du mur de Berlin, l’ouverture des frontières, la croyance en la possibilité que la circulation des biens et des personnes puis la généralisation de l’Internet conduisent à des convergences d’intérêts, de valeurs, d’idées. Au fond, c’est en cette ère de la mondialisation, et je passe là en cavalcade, on pourrait séparer chacune de ces ères en bien d’autres périodes, mais c’est cette troisième ère qui a été remise en cause depuis maintenant une dizaine d’années. Parce que la conviction profonde, la téléologie qui l’accompagnait, c’était que cette mondialisation serait une mondialisation de la paix, un rapprochement des valeurs, une universalisation du respect de l’autre et elle a été remise en cause par la crise financière, les transformations du monde, le retour des peuples, des consciences nationales et enfin, la pandémie mondiale. Remise en cause aussi par une crise profonde, la crise des classes moyennes occidentales qui, à un moment, ont douté de ce que cet ordre nouveau, de ce que certains avaient pu appeler cette mondialisation heureuse, pouvait le rappeler. Ces classes moyennes qui, partout en Occident, ont souvent été les variables d’ajustements économiques puis culturels de ce monde ainsi ouvert.

Alors, il serait infondé, en quelque sorte, de nier tout ce que cette période a permis de faire, d’avancer, tout ce que cette troisième ère de la mondialisation a permis d’apporter en termes de prospérité. Elle a sorti des centaines de millions de personnes de la grande pauvreté, précisément par une redistribution du commerce et de la production mondiale, et l’ouverture a permis une prise de conscience des voyages, des circulations qui ont aussi pacifié pour partie nos relations. Et il serait dangereux de nous enfermer dans un bégaiement de l’histoire, dans un protectionnisme généralisé à coups de droits de douane, de guerres commerciales, dans une espèce de doute qui nous conduirait au renfermement ou à la logique des puissances. Parce qu’on le voit bien, le risque, c’est de répondre à cette crise de la mondialisation par un repli nationaliste, par la violence des populismes, des extrêmes plutôt, et par le retour des puissances. Mais il est clair que les chaînes de valeur mondiales doivent être aujourd’hui repensées parce que la crise a démontré que la dépendance sur des secteurs stratégiques tels que la santé, le numérique, l’intelligence artificielle, l’alimentation aussi, peuvent mettre en question dans le monde tel qu’il est le libre exercice de la souveraineté. Mais nous avons aussi vu qu’il y a des bonnes dépendances et il y a des dépendances qui nous fragilisent. Nous avons besoin de garder le commerce international et les ouvertures parce que c’est bon pour nous sur le plan économique et social, parce que nous ne saurions d’ailleurs tout réinternaliser, parce que cela conduit à des justes dépendances qui impose la coopération. Mais la dépendance complète à l’égard de certaines puissances, qu’elles soient technologiques, qu’elles soient alimentaires ou industrielles, crée des vulnérabilités qui ne permet plus les équilibres qui vont avec l’ordre du monde. Ensuite, les inégalités de ce nouvel ordre mondial sont devenues insoutenables. Nous avons sorti des centaines de millions de personnes de la grande pauvreté dans certains pays. Nous avons réduit pour partie des inégalités Nord-Sud, mais nous avons creusé les inégalités au sein de nos pays. Et ce nouvel ordre rend insoutenable démocratiquement le cours des choses tel qu’il va. Puis, nous avons créé une mondialisation des consciences qui est aujourd’hui une mondialisation, en quelque sorte non plus du savoir qui était le sous-jacent d’Internet, mais qui est devenu une mondialisation de l’émotion et du ressentiment.

Sur chacune de ces crises, nous devons apporter une réponse. C’est cette stratégie dont l’Union européenne est en train de se doter, comme d’autres puissances. Il est impératif que nos règles internationales soient adaptées pour tenir compte de ces nouvelles réalités, nous doter des moyens d’une coopération internationale plus équilibrée, qui se fasse dans le respect de la souveraineté de chacun, au bénéfice de tous. À cet égard, la lutte contre les inégalités devra être très clairement au coeur de cette mondialisation repensée. La France a porté des initiatives qui ont permis des résultats sur l’entrepreneuriat féminin, sur le Partenariat mondial pour l’éducation, sur la santé pour tous, pour lutter contre toutes les inégalités de destin, mais il faudra aller plus loin.

En quelque sorte, vous le voyez bien, ce monde dans lequel nous avons vécu reposait sur un consensus académique devenu un consensus politique et de marché, ce qu’on a souvent appelé le consensus de Washington. Il a vécu. Nous devons reposer ensemble les bases d’une mondialisation plus juste, plus équilibrée, plus équitable, plus durable. Nous devons penser les termes d’une mondialisation qui accepte de revenir et de repenser les termes d’une juste souveraineté et du juste échange qui intègre en son sein, au coeur de son modèle, la lutte contre les inégalités sous toutes leurs formes, qu’elles soient de genre, de conditions ou économiques, la lutte contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité, et qui permette de manière durable d’intégrer les conditions d’un nouvel équilibre du monde. Nous aurons là aussi à porter des propositions concrètes dans quelques semaines au Forum de Paris et le travail engagé avec la Commission européenne, avec le Fonds monétaire international et beaucoup d’autres puissances de bonne volonté sera essentiel à cet égard. L’Afrique sera, avec l’Europe, le moteur de cette redéfinition des termes de la mondialisation. C’est pourquoi nous continuerons nos efforts dans le cadre de l’initiative que nous avons construite pour aider les pays africains à faire face à la pandémie sur le plan sanitaire, économique, social et humanitaire. Le G20 de novembre sera un rendez-vous décisif pour la mise en oeuvre du moratoire sur la dette que nous avons acté et pour aller plus loin. Nous devons aussi mieux accompagner les immenses énergies des sociétés civiles, de cette jeunesse du continent qui est sa force et son avenir. C’est le sens des initiatives que nous porterons dans les prochains mois avec les diasporas et en soutien au secteur privé africain.

Enfin, le cinquième objectif que je veux ici, essayer de proposer à notre collectif, c’est le respect du droit international humanitaire et des droits fondamentaux de chacun. Pour moi, cet objectif est essentiel à la survie même de notre organisation. En effet, nous assistons dans ce domaine à une série de reculs et bien souvent trop de silence. Depuis la création par les Nations unies d’une Journée mondiale humanitaire, 5.000 travailleurs ont été victimes d’attaques, 1.800 ont été assassinés. L’année dernière a été la plus meurtrière. Et j’ai une pensée toute particulière pour ces jeunes Françaises et Français qui, au sein de l’organisation ACTED oeuvraient exactement dans ce cadre, au Niger, et ont été tués dans des conditions atroces au mois d’août dernier. Non, les Nations unies ne peuvent pas rester inactives devant une telle régression. C’est pourquoi avec les ONG françaises, avec nos partenaires internationaux, nous construisons une initiative pour assurer l’effectivité du droit international, la protection du personnel humanitaire et la lutte contre l’impunité. L’Espace humanitaire est un patrimoine commun qu’il nous faut protéger en garantissant l’accès aux populations civiles comme la protection des personnels qui les soutiennent. Nous avons vu des reculs sur ce sujet, inexcusables. Nous avons vu des pratiques, y compris de membres permanents du Conseil de sécurité, en Syrie en particulier, inacceptables. La neutralité de l’action humanitaire doit être respectée et sa criminalisation endiguée.

Prendre nos responsabilités dans le domaine humanitaire, c’est aussi faire preuve de solidarité et d’humanité dans le domaine migratoire. La situation en Grèce à Moriah est aujourd’hui très difficile. La France, aux côtés de l’Allemagne et de ses partenaires, prendra ses responsabilités pour accueillir les réfugiés et nous devons agir tous ensemble dans la gestion des flux migratoires pour mettre fin aux trafics d’êtres humains, aux traversées de la mort, aux routes de la nécessité. Ce sera au coeur de l’agenda européen des prochaines semaines, j’aurai l’occasion d’y revenir. Nous devons intensifier la lutte contre ces trafiquants et être au rendez-vous de nos responsabilités.

Enfin, les droits fondamentaux ne sont pas une idée occidentale que l’on pourrait opposer comme une ingérence à tous ceux qui s’y réfèrent. Ce sont des principes de notre organisation, inscrits dans des textes que les Etats membres des Nations unies ont librement consenti à signer et à respecter. C’est la raison pour laquelle, notamment, la France a demandé qu’une mission internationale sous l’égide des Nations unies puisse se rendre au Xinjiang afin de prendre en compte les préoccupations que nous avons collectivement sur la situation de la minorité musulmane ouïghoure.

Et c’est parce que nous ne pouvons pas tolérer que 25 ans après la conférence de Pékin, les droits des femmes dans le monde connaissent un profond recul que nous organiserons l’été prochain le Forum Génération égalité, avec ONU Femmes, avec la société civile pour l’émancipation de toutes, l’éducation des filles et le respect réel et effectif des droits de l’Homme.

Voilà les 5 principes sur lesquels la France veut reconstruire avec vous les fondements de l’ordre international pour que les fondements de notre organisation ne soient pas emportés par la pandémie, au contraire. "Il faut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge", disait Winston Churchill.

Cela nécessite, en méthode, l’établissement d’une coopération internationale fonctionnelle, fondée sur des règles claires définies et respectées par tous. Le multilatéralisme n’est pas seulement un acte de foi, c’est une nécessité opérationnelle. Aucun pays ne se sortira seul de cette épreuve. La coopération internationale peut être difficile, mais elle est objectivement impérative.

Pour autant, nous ne pouvons plus nous contenter d’un multilatéralisme des mots qui ne permet d’agréer, qu’au fond, le plus grand dénominateur commun, manière de masquer des divergences profondes sous un consensus de façade. Il faut changer de méthode, inverser les termes du contrat, être aussi haut et clair quand certains se piquent d’adhérer à des alliances et à leurs principes, à des organisations et à leurs principes, pour les fouler aux pieds au réel. Soyons honnête entre nous, lucides, exigeants. Le multilatéralisme contemporain doit aussi associer les organisations internationales, les acteurs privés, les entreprises, les ONG, les chercheurs, les citoyens pour que chacun soit partie prenante des actions engagées. Il se construira sur la base d’accords solides, respectés, vérifiés entre partenaires de bonne foi, autour d’objectifs et de règles claires, avec une vraie responsabilité et des mécanismes de redevabilité.

C’est pourquoi, au Forum de Paris pour la paix, en novembre, nous nous efforcerons avec nos partenaires européens et africains, avec tous ceux qui le souhaitent en Asie, en Amérique et ailleurs, de consolider les bases de ce nouveau consensus international au bénéfice de l’avenir de notre organisation.

Je ne crois pas au grand jour de refondation. Je crois en un travail déterminé, méthodique, rigoureux, de construction d’un ordre international contemporain qui permettra de tenir les générations futures à l’écart du fléau de la guerre, d’affirmer les droits de l’Homme et l’égalité entre les nations, de favoriser le progrès social dans une liberté plus grande. C’est la promesse même de notre charte. Elle est d’actualité. Je crois en la force de la volonté, en la valeur de la sincérité et du courage. Et en vous parlant en ce moment même, malgré la distance que crée l’écran, j’ai en mémoire le regard d’une enfant libanaise rencontrée il y a quelques jours, qui avait tout perdu, tout perdu, mais qui avait fait le serment de se battre envers et contre tout pour ce en quoi elle croit. C’est la même mémoire pour les jeunes Français assassinés au Niger parce qu’ils croyaient en un monde d’humanité, de solidarité et de fraternité. Mais c’est le même souvenir que beaucoup d’entre vous ont sûrement et doivent avoir qui nous oblige, qui nous oblige à agir et qui nous interdit le cynisme. Qui nous oblige à agir et qui nous interdit le découragement ou la facilité. Il y a des vies, mais il y a surtout des jeunes filles, des jeunes garçons qui, partout dans le monde, s’engagent parce qu’ils croient à nos mots, parce qu’ils vivent pour et par nos principes. Si nous les trahissons, nous sommes les premiers coupables de leurs désillusions ou du fait qu’ils perdent tout. Alors, c’est à nous de faire. Je nous en sais capable. En tout cas, là où nous sommes, nous ferons tout pour agir et je sais que beaucoup de collègues y sont prêts aussi. Je compte sur chacune et chacun d’entre vous.

Merci./.