Alors que le pays s’enfonce dans l’anarchie et la crise économique le commerce des diamants n’a jamais été aussi florissant. Dans le Haut Zaïre, à Kisangani, au Shaba, au Kasai occidental et oriental, au Kivu et au Bandundu, des dizaines de milliers de sans espoir, cédant à la fièvre du diamant, s’enfoncent dans la forêt pour travailler dans des conditions éprouvantes. Les seuls à faire fortune sont les commerçants qui achètent, pour une bouchée de pain, leurs trouvailles et les revendent à des clients venus du monde entier. Selon un journal belge, des membres du cartel de Medellin auraient ainsi acquis des diamants zaïrois, auprès d’intermédiaires agissant pour le compte du maréchal Mobutu. Mais les latinos ne sont pas les seuls à blanchir ainsi l’argent de la drogue. De hauts fonctionnaires zaïrois ont confié au correspondant de l’OGD que des Libanais contrôlaient aujourd’hui 80% du commerce des diamants qui a été privatisé dans les années quatre-vingt. Ils recyclaient ainsi des profits provenant des cultures de cannabis et des laboratoires d’héroïne et de cocaïne de la plaine de la Bekaa. Ces opérations ont été facilitées par la législation qui, pour pallier le manque de réserves en devises de la Banque nationale, permet aux hommes d’affaires zaïrois et étrangers d’acheter des marchandises à l’extérieur ou des matières première dans la pays (diamants, or, cobalt) avec des devises détenues à l’étranger, sans avoir à justifier leur provenance. Les banques étant fermées depuis deux ans, les particuliers doivent se procurer les billets (zaïres) - que le général Mobuto fait imprimer en Europe - sur le marché parallèle, ce qui entraîne une spéculation effrénée sur les cours du change. Les Libanais arrivent donc au Zaïre en possession d’importantes quantités de dollars en billets qui leur permettent : d’une part de s’acheter la protection physique de militaires et de soudoyer les autorités afin d’avoir l’autorisation d’ouvrir un "comptoir" dans les zones diamantaires ; d’autre part d’acquérir des zaïres qui leur permettent de régler leurs achats de pierres précieuses. Ces dernières sont ensuite revendues sur le marché international. Les bénéfices seraient notamment réinvestis au Liban. Ces Libanais n’appartiennent pas à l’ancienne génération de musulmans sunnites établie depuis longtemps au Zaïre et qui, tout en faisant des "affaires", en particulier dans le commerce de l’or en relation avec Mobutu, respectaient certaines règles du jeu. Depuis l991, les nouveaux arrivants sont des musulmans chiites d’une trentaine d’années, experts dans le maniements des armes, et n’hésitant pas à user de la violence, même à l’encontre de leur compatriotes lorsqu’ils leur font ombrage. Le parrain le plus redouté est un certain "Aziz" qui passe précisément pour avoir fait fortune dans le commerce de la drogue. L’exploitation sauvage des gisements de diamants entraîne leur épuisement rapide. La baisse de la production est estimée à 30% entre l991 et 1992. Mais ce manque à gagner est compensé par l’écoulement au Zaïre de la production angolaise de diamants contrôlée par le chef de l’UNITA, Jonas Savimbi, l’allié de Mobutu. Les leaders de l’opposition voudraient bien se débarrasser de "la nouvelle mafia libanaise", mais ils reconnaissent qu’elle est à l’origine des seules activités économiques qui subsistent encore dans un Zaïre exsangue (correspondant de l’OGD au Zaïre ; Syfya).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 25