Le royaume du Cambodge offre aux différentes organisations criminelles internationales des facilités remarquables, qui ont transformé Phnom Penh en pôle mafieux régional. Ce pays prend ainsi une part croissante dans le transit des exportations d’hérooene du Triangle d’or, notamment de la drogue raffinée en Birmanie et importée via le Laos ou la Thaoelande. Selon diverses sources diplomatiques occidentales, ce trafic porterait sur 600 kilos d’hérooene par semaine (soit, annuellement, environ 15 % de la production birmane). L’administration locale n’exerce aucun contrôle sur les étrangers qui peuvent résider librement sans limitation de durée et sous les identités les plus fantaisistes, au point qu’Interpol a identifié plus de 300 individus de toutes nationalités activement recherchées qui se livrent sans entraves à leurs activités illicites. La corruption dans les services des douanes, la police et l’armée garantit l’impunité aux trafiquants qui sont souvent associés à de hauts responsables de l’Administration. En particulier à M. Bong Plang Keason, le puissant gouverneur de l’"le de Kho Kong, qui jouit de la double nationalité thaoelandaise et cambodgienne et aurait transformé son fief (qu’il occupe depuis plus de 10 ans) en plate - forme de trafics et de contrebande, avec lieux de stockage, de conditionnement, mouillages sûrs pour les bateaux, etc. Il dispose de moyens financiers d’une telle ampleur qu’il lui est arrivé de subvenir, sur sa cassette personnelle, aux fins de mois difficiles du gouvernement de Phnom Penh. Des propriétés personnelles du gouverneur seraient devenues des plantations de cannabis de la meilleure qualité et des raffineries d’hérooene y fonctionneraient avec le concours d’organisations thaoelandaises qui y sont plus en sécurité que dans leur pays. Des dirigeants d’entreprises foresti"res, comme l’Irrawady Chao Phraya, précédemment actives en Birmanie, tout en pillant all"grement la forêt cambodgienne, utilisent aussi les grumes pour y dissimuler de l’hérooene, qui parvient ainsi, via Kho Kong, sans risque et à peu de frais, jusqu’en Australie. Autre grande figure du trafic de drogues au Cambodge : M. Teng Bunma, sino - cambodgien, patron du groupe Thai Boon Roong, dont les activités vont de la contrebande de cigarettes au casino, en passant par l’exportation de bois. Surnommé Sugar Daddy par la Far Eastern Economic Review, il n’a pas hésité à financer de ses deniers le budget militaire cambodgien. Du point de vue du blanchiment, Phnom Penh présente l’avantage de l’absence de tout contrôle, assorti à celui de transactions exclusivement en cash (dollar et baht). Des organisations mafieuses sino - malaises, parmi lesquelles la mystérieuse firme Ariston, g"rent des casinos et divers jeux de hasard grand public sans contrôle. L’absence de réglementation bancaire a favorisé l’éclosion d’une trentaine de banques au fonctionnement des plus opaques qui permet d’amorcer des opérations de blanchiment prolongées sur d’autres places financi"res. L’émergence du Cambodge comme paradis mafieux est trop récente pour que la toxicomanie atteigne les niveaux de la Birmanie, de la Thaoelande ou du nord - est de l’Inde, mais le transit de quantités aussi importantes de drogue ne tardera pas à produire les mêmes effets. Le régime dépend étroitement des pays donneurs d’aide, au premier rang desquels figurent la France, l’Australie, les Etats-Unis et le Japon. Partant de ce constat, les représentants de la société civile cambodgienne s’étonnent du fait que les bailleurs de fonds, parfaitement informés de la situation, n’exercent pas de mani"re plus décisive leur influence pour imposer un minimum d’entraves à la criminalisation du Cambodge (rédaction de la Dépêche Internationale des Drogues).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 52