Texte intégral de la Note de la Direction de la surveillance du territoire (DST) adressée le 19 janvier 2001 à la police judiciaire de Paris.
Depuis plus d’une dizaine d’années, l’homme d’affaires français d’origine libanaise Iskandar Safa donne régulièrement de considérables sommes d’argent à l’ex-préfet et député européen Jean-Charles Marchiani.
Ces sommes sont versées à la demande directe de J.-C. Marchiani et proviennent d’un compte en banque en Suisse (Genève) dont I. Safa est le titulaire. Ce compte porte le n° 011978-00001.
En fait, ce compte en Suisse est la source principale d’un processus clairement établi de financement qui emprunte deux voies distinctes vers la France :
– La plupart des sommes sont virées à l’agence du Crédit commercial de France du 121, avenue des Champs-Elysées (siège social du CCF). Ces virements sont faits officiellement au nom d’un des employés de I. Safa, en l’occurrence au nom de M. Abbas ou M. Sayes. Ces sommes sont ensuite retirées, toujours en liquide, par un des employés de I. Safa, qui les porte alors immédiatement au siège de l’association France-Orient, sise 50, rue de Berri (75008 Paris). L’argent liquide est réceptionné par J.-C. Marchiani lui-même ou, le plus souvent, par sa secrétaire, Mme Danièle Faure (phonétique). Il semble qu’il y ait en moyenne, sur la longue période, un à deux versements hebdomadaires se montant environ à chaque fois à 200 000 ou 300 000 francs. Ainsi, pour le seul mois d’octobre 2000, les versements en liquide (connus) se sont élevés à 850 000 francs.
Chaque retrait d’espèces fait l’objet d’un bordereau de retrait d’espèces. On en trouvera ci-joint onze (11) exemplaires originaux, au nom de Al Sayes ou de Abbas, datés d’octobre, novembre et décembre 2000. Ces 11 bordereaux cumulés représentent 1 725 000 francs français.
Il convient de noter que I. Safa passe ses ordres de virements en téléphonant directement à son banquier suisse, qui doit alors s’exécuter immédiatement.
– Par ailleurs, I. Safa a fait ouvrir un compte étranger au nom d’Isam Abbas à l’agence principale du Crédit lyonnais du boulevard des Italiens à Paris. A partir de ce compte, également alimenté depuis Genève, des chèques sont tirés au profit de J.-C. Marchiani (et de son fils), et portés directement à Mme Danièle Faure (phonétique), 50, rue de Berri. Ainsi, à l’été 2000, quatre chèques de 55 000 francs ont été signés et remis au député européen. Ce compte est géré au Crédit lyonnais par Mme Michèle Khalil. I. Safa a fait fermer ce compte, en urgence, début décembre 2000, suite aux développements judiciaires de l’affaire Falcone.
La source à l’origine de ces renseignements semble persuadée que l’argent du compte en Suisse provient de l’affaire des otages français du Liban, au milieu des années 80. Il s’agirait d’une partie de la rançon débloquée par l’Etat français et conservée par les négociateurs, en l’occurrence MM. Marchiani et Safa. Dans ce système, J.-C. Marchiani apparaît comme le donneur d’ordres et I. Safa comme l’exécutant, nonobstant les relations d’amitié unissant les deux hommes.
Il convient de noter que la procédure judiciaire engagée contre Pierre Falcone (nov.-déc. 2000) et les actes coercitifs subséquents (perquisitions, incarcérations, etc.) ont provoqué une réelle panique chez MM. Marchiani et Safa. Ainsi, les deux hommes se sont longuement et à plusieurs reprises concertés dans la semaine du 4 au 8 décembre 2000. I. Safa s’est ensuite livré à la destruction de divers documents en sa possession pouvant prouver certaines de ses relations : noms supprimés de son agenda, talons de chèques déchirés, fermeture du compte Crédit lyonnais, etc. Par ailleurs, des documents ont été mis à l’abri dans une petite valise noire qui, courant décembre, a régulièrement changé de localisation. Tous ces indices démontrent que I. Safa redoutait manifestement une perquisition.
Les relations particulières de MM. Safa et Marchiani sont attestées également par un autre détail fort révélateur. J.-C. Marchiani a l’habitude d’organiser ses rendez-vous "discrets" dans un hôtel situé à proximité immédiate des bureaux parisiens de I. Safa. La chambre d’hôtel est alors réservée par et au nom d’un employé de I. Safa, ou par Safa lui-même. J.-C. Marchiani va ensuite retirer la clef, non à la réception de l’hôtel, mais chez I. Safa.
Commentaires : les déclarations de la source ont débuté au début du mois d’octobre 2000 afin de se prémunir contre d’éventuels développements judiciaires de versements dont l’ancienneté, les volumes et l’origine ont suscité ses plus grandes craintes. L’histoire semble lui avoir donné raison (affaire Falcone).
Source : http://www.lemonde.fr
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