Procès-verbal de la séance du 2 avril 2003

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

Le témoin est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, le témoin prête serment.

M. le Président : Monsieur Fourier, vous avez la parole.

M. Paul FOURIER : J’ai préparé un mémorandum des différents dossiers sur lesquels nous avons travaillé ces dernières semaines. J’ai vu que la commission d’enquête portait sur les raisons économiques et financières de la débâcle d’Air Lib. Nous nous sommes également interrogés sur ce qui s’est passé dans cette entreprise. J’ai listé ces interrogations qui ne sont pas nouvelles. Nous en sommes souvent restés au stade des questions parce que, malheureusement, nous n’avons pas des pouvoirs d’investigation extrêmement forts et que nous pouvons seulement travailler sur la base des documents que l’on a eus en notre possession au fur et à mesure de la vie de l’entreprise.

Je vais vous citer les points sur lesquels nous nous interrogeons. Nous avons été obligés de travailler sur des documents qui, pour la plupart, étaient clôturés au 31 mars 2002, c’est-à-dire sur une période assez limitée de la vie de l’entreprise. En particulier, sur la dernière année, nous n’avons pratiquement aucune indication supplémentaire, ce qui est un véritable problème. En tout cas, ce travail nous a permis de poser un certain nombre de questions.

J’évoquerai d’abord la question des filiales et je traiterai ensuite les autres aspects. Vous avez vu qu’il y a un montage un peu particulier d’une holding avec de nombreuses filiales. Certaines sont recensées en particulier dans le rapport Mazars ; d’autres ne sont pas recensées, ce qui est d’ailleurs curieux. Dès que nous avons eu connaissance de la liste de ces filiales, c’est-à-dire dès le début du premier trimestre de l’année 2002, nous nous sommes interrogés sur certaines que nous ne connaissions pas, en l’occurrence Holco Lux et Mermoz. Nous connaissions déjà les filiales productives.

M. le Président : Quand avez-vous eu connaissance de l’existence de ces filiales ?

M. Paul FOURIER : Je pense que cela devait être en février ou en mars. Il faudrait consulter les procès-verbaux des comités d’entreprise.

M. le Président : Jusqu’en mars 2002, vous ne saviez pas qu’il existait des filiales d’Air Lib à l’étranger ?

M. Paul FOURIER : Absolument.

Nous avons découvert cela un peu par hasard parce que des documents avaient été remis de manière confidentielle à des membres du comité d’entreprise. Il se trouve que, refusant cette règle permanente de la paranoïa et de la confidentialité de M. Corbet, nous avions refusé d’accepter cette règle de confidentialité parce que nous estimions que le comité d’entreprise n’était pas tenu à tout bout de champ de le faire. Nous avons appris par l’un de nos collègues qui l’avait signée et qui avait consulté le document, l’arrivée de filiales qui s’appelaient Holco Lux et Mermoz. Nous nous sommes dès le début interrogés sur l’intérêt d’aller délocaliser des filiales au Luxembourg, en Hollande et en Irlande.

Pourquoi avait-on mis de la trésorerie dans ces filiales ? Pourquoi ces filiales existaient-elles ? On nous a dit que c’était pour des raisons fiscales. D’ailleurs, je crois me rappeler -il faudrait vérifier cela avec les procès-verbaux des séances du comité d’entreprise-, qu’un membre de la direction -je crois que c’était Me Léonzi, l’avocat de M. Corbet- nous a expliqué que c’était pour défiscaliser des avions et que, en cela, ils avaient été -je ne me rappelle plus du terme exact- conseillés, semble-t-il, par le Gouvernement pour domicilier ces avions dans des paradis fiscaux, ce qui nous avait quand même un peu surpris.

M. le Président : On vous a dit qui avait donné ce conseil ?

M. Paul FOURIER : Je ne me rappelle plus si c’était vraiment un conseil, mais en tout cas, on nous a bien confirmé que c’était en coordination avec le ministère des finances de l’époque. C’est vrai que cela nous avait surpris. Je suis un citoyen naïf ...

M. Gilbert GANTIER : A quelle époque ?

M. Paul FOURIER : Cela doit remonter à février ou mars 2002.

M. le Président : Au premier trimestre ?

M. Paul FOURIER : Oui, mais je vérifierai dans les procès-verbaux des réunions du comité d’entreprise.

Etant un citoyen un peu naïf, je m’étais étonné qu’un gouvernement propose à une entreprise d’aller défiscaliser des avions. Il n’y a pas très longtemps, au cours de l’émission Capital sur M6, M. Corbet a dit que toutes les compagnies aériennes faisaient cela et que c’était quelque chose de tout à fait normal. Tant mieux, si je puis dire, si c’est la règle de fonctionnement normal des compagnies aériennes dans ce pays. Je vous avoue que nous avons été surpris quand nous l’avons appris.

Évidemment, il y avait cette histoire de filiale Mermoz, et en particulier, nous avions constaté qu’il y avait, semble-t-il, de la trésorerie dans cette filiale. Nous avons eu ensuite la confirmation par le biais du rapport Mazars qu’il y avait - je n’ai plus les chiffres - 11 ou 12 millions d’euros. Il semblerait que ces fonds étaient destinés à la maintenance des avions domiciliés dans cette filiale Mermoz. Or, il apparaît aussi dans le rapport Mazars que l’on n’est pas certain que cette trésorerie ait été utilisée à cela. En l’occurrence, on ne comprend pas très bien qui a payé la maintenance des avions, si c’est la filiale Mermoz ou la filiale Air Lib. Cela nous a amenés à nous demander pourquoi il y avait de la trésorerie dans les filiales, et si cela ne servait à rien, pourquoi elle y restait et à quoi elle servait.

Et encore, la filiale Mermoz se justifiait d’un point de vue aéronautique. Plus problématique ...

M. le Président : Excusez-moi, je n’ai pas l’organigramme d’Holco sous les yeux. Il y a une filiale qui est chargée de la maintenance des avions ?

M. Paul FOURIER : Oui, c’est Air Lib Technics.

M. le Président : C’est Air Lib Technics SAS qui, normalement, doit s’occuper de la maintenance des avions ?

M. Paul FOURIER : Absolument.

M. le Président : Alors pourquoi avoir transféré 12 millions d’euros en Hollande pour faire la même chose que Air Lib Technics qui était domiciliée à Paris ?

M. Paul FOURIER : Je crois comprendre que Mermoz était juste la filiale de domiciliation des avions. En revanche, la maintenance était - je pense - assurée par l’autre filiale qui est Air Lib Technics. Normalement, si je comprends bien le circuit organisé, Mermoz aurait dû payer à la filiale Air Lib Technics probablement le montant de la maintenance des avions. C’est ainsi que je peux comprendre le montage tel qu’il avait été fait. Or, je ne suis pas sûr effectivement que ce soit Mermoz qui ait payé Air Lib Technics et je me demande si ce n’est par Air Lib elle-même, c’est-à-dire la compagnie aérienne productive qui a payé.

D’ailleurs, on a pu constater que souvent, la compagnie aérienne avait tendance à payer et malheureusement, à peu recevoir. C’est un peu le problème et c’est peut-être aussi une des raisons pour lesquelles cette compagnie a été liquidée, sachant que dans le même temps, on avait des filiales dans lesquelles il restait de l’argent. Nous n’avons pas les comptes aujourd’hui, mais, semble-t-il, il reste de l’argent dans des filiales.

M. le Président : Quand vous dites que la compagnie payait plus qu’elle ne recevait, à quoi pensez-vous en dehors de Mermoz ?

M. Paul FOURIER : Je n’ai pas en tête exactement l’ensemble du dossier. Je vous donne un exemple qui me vient tout de suite à l’esprit : les frais de management, ce qu’on appelle les management fees. Holco, la holding de tête, envoyait son président et son staff dans Air Lib pour y travailler et facturait à la compagnie Air Lib un certain nombre de frais de management non négligeables. Je peux retrouver les chiffres car j’ai le rapport dans mon sac.

M. le Rapporteur : Étaient-ils rémunérés en tant que conseils ?

M. Paul FOURIER : Je ne saurais vous le dire d’un point de vue juridique. Je ne pense pas qu’ils l’étaient en tant que conseils, mais on m’a expliqué que cela se faisait couramment dans les holdings, c’est-à-dire que la filiale paie à la holding des frais de management.

M. le Président : Nous en prenons note et allons en chercher les raisons. Si je comprends bien, Air Lib appartenait à 100 % à M. Corbet ?

M. Paul FOURIER : Absolument.

M. le Président : Holco appartenait à 100 % à M. Corbet ?

M. Paul FOURIER : Absolument.

M. le Président : Donc, vous êtes en train de dire que M. Corbet envoyait un staff technique de Holco qui faisait bénéficier Air Lib de ses conseils ou de son travail et que Air Lib payait à ces gens-là des honoraires.

M. Paul FOURIER : Absolument. A mon avis, c’est le cas de M. Corbet lui-même.

M. Xavier de ROUX : M. Corbet était salarié d’Holco. Il n’était salarié d’Air Lib à aucun titre ?

M. Paul FOURIER : Je suis sûr que c’était le cas jusqu’en janvier ou février 2002, c’est-à-dire jusqu’au moment où il était président du conseil de surveillance. A l’époque, le dispositif comportait un directoire et un conseil de surveillance. A ce moment-là, effectivement, M. Corbet n’était pas salarié d’Air Lib. Ensuite, il est devenu président de la compagnie après le départ de M. Bachelet. J’imagine qu’en tant que président, il aurait dû logiquement être salarié d’Air Lib.

M. Gilbert GANTIER : Quand M. Bachelet est-il parti ?

M. Paul FOURIER : M. Bachelet a dû partir à peu près à la même période, c’est-à-dire février-mars 2002. Cela peut se retrouver parce que son départ a été assez ubuesque.

J’en viens aux autres filiales, en particulier à celle qui nous a posé véritablement problème dans sa finalité. Je suis issu d’une compagnie aérienne qui s’appelait Air Liberté. Donc, j’imagine que lorsqu’on reprend une compagnie aérienne après un plan de cession, c’est pour faire de l’aérien. Cela me paraissait plutôt logique. Or, nous avons vu apparaître une filiale qui s’appelait Holco Lux. Il n’y a pas très longtemps, nous nous sommes procuré ses statuts.

Nous avons découvert que cette filiale était destinée, je cite : " à prendre des participations sous quelque forme que ce soit dans des entreprises ou sociétés luxembourgeoises ou étrangères au Luxembourg ". C’est un peu surprenant, surtout dans le cadre d’une entreprise qui allait quand même très mal. Je vous rappelle que, dès décembre 2001, c’est-à-dire 5 mois après la reprise, Air Lib mettait déjà à l’ordre du jour du comité d’entreprise : " possible dépôt de bilan ". Les convocations du comité d’entreprise démontraient que cette entreprise n’allait pas forcément mieux qu’auparavant alors qu’un milliard venant de Swissair avait été dépensé et que des filiales avaient été créées, disposant de fonds pour faire d’autres choses que de l’aérien. Cela me paraît quand même ubuesque parce que pour nous, la priorité était quand même de sauver la compagnie aérienne et d’assurer son activité.

M. le Président : Hier, des représentants syndicaux nous ont dit que le niveau de ces fonds n’était pas tel qu’il aurait permis de soutenir l’activité de la société. Je ne vais pas dire que ce niveau était négligeable, mais c’est ce que j’ai retenu de ce qui a été dit. N’est-ce pas votre avis ?

M. Paul FOURIER : Si l’on estime que quelques millions d’euros sont des sommes négligeables, je veux bien. On peut, bien sûr, considérer que c’est négligeable compte tenu de l’ardoise qu’a laissée Air Lib aujourd’hui. C’est évident.

Quoi qu’il en soit, je pense que dans la logique d’un redressement d’entreprise, il aurait été normal que tout l’argent issu en particulier de Swissair aille dans la filiale productive qui s’appelait Air Lib. Deux millions d’euros par-ci, douze millions par-là, cela fait quand même près de 100 millions de francs. Je ne considère pas que ces sommes soient particulièrement négligeables. Surtout quand on voit à quoi cela servait ! Holco Lux a pris une participation dans une société qui s’appelait I.P. Bus qui, semble-t-il, était destinée à la formation des pilotes. Cela a fait l’objet d’ailleurs d’une question en comité d’entreprise par ma collègue Sylvie Guillou-Faure.

Quand on a appris la possibilité pour Holco Lux de faire de la formation de pilotes, Sylvie Guillou-Faure a posé la question en disant : " Si l’on comprend bien, vous pourriez, à un moment donné, fermer la compagnie aérienne et garder votre filiale de formation des pilotes qui pourra être utilisée par n’importe quelle autre compagnie aérienne ". Effectivement, la réponse de la direction avait été claire. Ils avaient dit : " Oui, juridiquement, c’est tout à fait possible qu’à un moment donné, on ne garde que cette filiale ou que telle ou telle filiale et que la compagnie aérienne ait disparu ".

Pour cette raison, dès le début, nous les avons suspectés de vouloir mettre sinon de l’argent, en tout cas de l’activité de côté pour assurer un avenir à cette holding au-delà de la compagnie aérienne.

M. le Président : Vous dites " la direction ". Vous souvenez-vous de l’auteur de cette déclaration ?

M. Paul FOURIER : Je crois qu’il s’agit de Me Léonzi. Il s’exprime beaucoup en comité d’entreprise. C’est l’avocat de M. Corbet.

M. le Président : Me Léonzi s’exprime en tant que représentant de la direction au comité d’entreprise ?

M. Paul FOURIER : Oui. Me Léonzi est effectivement invité régulièrement au comité d’entreprise et en général, c’est lui qui parle sur ces questions-là.

Il existe également une filiale à propos de laquelle on ne sait rien, d’autant plus qu’elle n’apparaît pas dans le rapport Mazars, c’est Air Lib Finances.

Nous nous posons vraiment des questions sur Air Lib Finances parce que c’est visiblement un dispositif qui existait dans l’ancienne Air Lib. C’est quelque chose qui est destiné à utiliser l’argent de la compagnie. C’est quelque chose d’assez classique, probablement, qui prend des participations. Quoi qu’il en soit, cela ne figure pas dans les organigrammes et on aurait lu dans un article de La Tribune, il n’y a pas très longtemps, qu’en plus, cette filiale détenait des avions. J’avoue que je n’ai aucune information là-dessus.

J’en viens justement aux avions. C’est un vrai problème. Comme ces avions ont été mis dans des filiales, certains chez Mermoz et peut-être certains chez Air Lib Finances, ceci impliquait donc que les avions étaient loués à la compagnie aérienne.

La question s’était déjà posée au moment où la Sabena s’est retournée contre Swissair : à savoir le principe des loyers des avions. On a toujours tendance à se demander si les loyers pratiqués par une filiale à l’égard de la compagnie aérienne sont bien des loyers du marché, sachant que nos avions ne sont pas d’une jeunesse éclatante. Ce sont quand même des MD 80, des DC 10, des avions qui, aujourd’hui, ne sont plus fabriqués et pour lesquels il reste juste de la maintenance. McDonell Douglas a été avalé par Boeing, il n’y a donc plus d’espoir de revoir ces avions un jour sur le marché à l’état neuf.

Nous nous sommes donc interrogés sur les loyers des avions, mais je n’ai pas d’indication particulière sur ce point.

M. le Président : D’après vos informations, qui louait les avions à qui ?

M. Paul FOURIER : Normalement, la logique aurait voulu que ce soit Mermoz qui loue les avions à Air Lib. Maintenant, il faudrait effectivement vérifier dans le rapport en question si l’argent n’a pas été encaissé en fait par Holco. J’ai un doute là-dessus.

Mme Odile SAUGUES : Le verbe louer fonctionne dans les deux sens. Pourriez-vous me repréciser le sens de cette location.

M. Paul FOURIER : C’est la compagnie aérienne qui exploite les avions et Mermoz qui les détient. C’est donc bien Mermoz qui loue ses avions à la compagnie aérienne pour qu’elle les exploite.

M. Xavier de ROUX : Mermoz est le propriétaire, Air Lib le locataire.

M. le Président : D’après ce qui nous a été dit hier, Mermoz a fait l’objet d’un transfert de crédit venant de Swissair, d’après ce que nous avons compris, aux environs de 12,2 millions d’euros. Cette société, ensuite, a reçu des actifs, notamment des avions, 7 ou 8 venant d’Air Lib. Ces avions sont allés de France en Hollande. Cette société avec ses 12 millions d’euros a garanti ces fameux avions qui, ensuite, ont été loués par cette société-là, propriété à 100 % de M. Corbet, à Air Lib, aussi propriété à 100 % de M. Corbet, en France.

M. Paul FOURIER : Oui, tout à fait.

M. le Président : Pour 10 millions d’euros par an en location. Voilà, madame Saugues, le sens de la location.

M. le Rapporteur : Monsieur Fourier, vous avez parlé d’une société qui s’appelle Air Lib Finances. Etes-vous sûr qu’elle existe ?

M. Paul FOURIER : Oui, je suis sûr qu’elle existe parce que nous en avons trouvé la trace sur Internet avec un statut déposé. Malheureusement, je ne suis pas sûr d’avoir la pièce sur moi. Je me rappelle que le dirigeant de cette filiale est M. Pascal Perri.

Il faut bien rechercher là où l’on peut. Nous avions recherché sur Internet les différentes filiales. Nous avions trouvé Air Lib Finances avec un dirigeant, M. Pascal Perri. D’ailleurs, lorsque vous cliquez sur Pascal Perri, vous vous apercevez qu’il était également dirigeant d’une société immobilière créée fin 2001 à Charleville-Mézières. Nous avons pensé que, probablement, les nouveaux salaires de M. Perri lui permettaient de se lancer dans l’immobilier parallèlement. Excusez-moi de faire cette remarque, mais quand on découvre certaines choses, on a du mal à l’accepter.

A propos des avions, il y a évidemment le gros problème de savoir qui est propriétaire aujourd’hui des avions de Mermoz. On a vu la situation absolument ubuesque de M. Corbet disant qu’il s’était fait voler une filiale avec ses avions. Là, franchement, je suis consterné. De plus, on sait très bien que l’architecte de la holding Corbet est Me Léonzi. Pour l’avoir vu travailler, il n’a pas l’air d’être un amateur. En tout cas, il a été à même de construire une holding avec des filiales et des fonds ayant transité à droite et à gauche. Que l’on ne vienne pas me dire que pour des prétextes de traduction en néerlandais, il s’est fait voler une filiale avec les avions et les fonds qui vont avec. Tous les salariés étaient médusés lorsqu’ils l’ont appris. Nous verrons bien. La justice a été saisie de cette affaire. A mon avis, cela risque de faire rire les juges.

Un des gros problèmes de la saisie de la justice par M. Corbet aujourd’hui est le principe de l’inaliénabilité des filiales et des avions pendant deux ans. C’est quelque chose qui nous a aussi interpellés lorsque nous avons appris que M. de Vlieger serait peut-être devenu propriétaire des avions. Je vous rappelle que le jugement du tribunal de commerce d’août 2001 avait spécifié que les filiales et tout ce qui allait avec, en particulier les avions, étaient inaliénables, ne pouvaient être cédés sans l’accord du tribunal de commerce pendant deux ans. Cette période allant d’août 2001 à août 2003, si M. Corbet a cédé les avions, ce n’est pas conforme au jugement du tribunal de commerce de cette époque. Cela nous paraît évident, et c’est une des raisons pour lesquelles nous l’avions interpellé, y compris d’ailleurs en assemblée générale il n’y a pas très longtemps.

M. Jean DIEBOLD : Sait-on où sont les avions, physiquement ? Car un avion ne disparaît pas ainsi. Si l’on sait où ils sont, par définition, ces avions ont des livrets de bord les identifiant, des plaquettes les identifiant avec des numéros de série. Par ailleurs, ces avions sont toujours assurés.

M. le Président : Monsieur Diebold, nous poserons ces questions lorsque nous recevrons les dirigeants d’Air Lib, car, bien entendu, c’est à eux qu’il faut les poser.

M. Jean DIEBOLD : D’accord.

M. le Président : Effectivement, c’est une question très intéressante à poser. Mais laissons M. Fourier terminer son exposé.

M. Paul FOURIER : Ensuite, nous nous étions interrogés sur les chiffres apparus, en particulier ceux fournis par le cabinet Léonzi entre la cessation de la licence et la liquidation, courant février de cette année.

Le cabinet Léonzi avait fini par transmettre une liste donnant le décompte des fonds venant de Swissair. Certaines lignes nous avaient quand même interpellés, particulièrement celle des cabinets d’avocats.

A propos des avocats, des cabinets de conseil, des frais de personnel ainsi que de la CIBC, la première question que nous nous étions posée était de savoir si cela correspondait au prix du marché. Il semble fondé de se demander si, effectivement, Me Léonzi en tant qu’avocat était rémunéré au tarif d’un avocat d’affaires. Nous avons pu constater simplement qu’il avait perçu sur la période de 8 mois considérée 4,163 millions d’euros, soit environ 30 millions de francs. Je ne suis pas un spécialiste des cabinets d’avocats d’affaires. Je pense que chacun pourra juger si ce sont les tarifs ou non des cabinets d’avocats.

Cela nous avait un peu surpris. D’autant que, si vous avez suivi les aventures d’Air Lib dans les dernières semaines, mais aussi avant, Me Léonzi avait une tendance à se porter en justice pour tout et n’importe quoi. En tout cas, c’est le sentiment que nous avons eu.

Dès qu’il se passait quelque chose, Me Léonzi déposait une plainte à droite, à gauche, attaquait, etc.

Nous avons pu constater que Me Léonzi travaillait beaucoup. C’était probablement l’un des salariés qui travaillait le plus dans cette entreprise. En particulier, il était tout le temps sollicité pour aller attaquer, pour monter des dossiers et probablement pour avoir les honoraires correspondants à ces dossiers. C’est effectivement une des questions que l’on s’est posée. Je n’ai pas la réponse. En tout cas, on l’a vu beaucoup intervenir dans différentes cours.

M. Xavier de ROUX : Combien de temps a duré la mission de Me Léonzi ?

M. Paul FOURIER : Elle a commencé au moment de la reprise. Nous avons vu apparaître Me Léonzi en avril ou mai 2001, c’est-à-dire au moment où M. Corbet a présenté son plan de reprise. Me Léonzi travaille toujours pour M. Corbet à l’heure qu’il est.

M. le Président : Le montant des honoraires dont nous avons connaissance porte sur 8 mois.

J’aimerais qu’à la fin de votre exposé, vous apportiez l’information que nous attendons également de la part de votre syndicat, sur le jugement que vous avez porté au début de l’affaire sur le plan de reprise. Que vous terminiez par cela pour que nous puissions vous interroger sur ce sujet.

M. Paul FOURIER : Nous avons eu les mêmes interrogations sur les cabinets de conseil dans l’entreprise. Nous en avons vu apparaître beaucoup. Nous n’en connaissons pas forcément le détail. Je peux juste en citer deux qui sont les gens qui ont travaillé avec nous : Pierre-Yves Lagarde qui s’est occupé en particulier du plan de licenciement de 2001 et qui est réapparu il n’y a pas très longtemps pour retravailler sur l’actionnariat salarié à trois jours de l’arrêt de la licence. Il était un peu tard, mais je crois que c’est parce que les pilotes commençaient à s’énerver de ne pas avoir leurs 34 % d’actionnariat.

Nous savons que sont aussi intervenus dans l’entreprise des gens qui se sont occupés du nouveau système d’exploitation pour les personnels navigants, ce qu’on appelle le système on-off. Vous vous rappelez peut-être que M. de Vlieger avait accusé mon organisation syndicale de ne pas avoir signé les accords sur ce système, ce qui l’empêchait de rentrer dans l’entreprise et de formaliser son achat. C’était l’une des raisons qu’il avait données. Nous croyons savoir qu’effectivement, les consultants s’en étaient occupés.

Au bout du compte, on a pu recenser 5,5 millions d’euros d’honoraires de cabinets de conseil dans l’entreprise. C’est un des chiffres figurant dans l’analyse du rapport Mazars. Je peux vous le transmettre.

M. le Président : Nous avons ce rapport.

M. Paul FOURIER : S’agissant du personnel intérimaire, nous nous sommes posés des questions. C’est le cas pour M. Asseline, ancien pilote d’Air France, qui a été intégré dans l’entreprise au début en tant qu’intérimaire et, semble-t-il, à des tarifs très intéressants. Par ailleurs, sauf erreur de ma part, quand vous êtes intérimaire, certaines primes s’ajoutent à votre salaire. Je pense que ce sont des primes de précarité.

Je comprends qu’il y ait des intérimaires au passage ou au trafic à Orly pour des pics d’activité, mais il est arrivé probablement en tant qu’ami de M. Corbet et probablement aussi pour s’occuper de la formation des pilotes, peut-être même dans le cadre d’I.P. Bus. En tout cas, c’est que nous avons entendu dire.

Autre point d’interrogation : la CIBC, banque canadienne qui a, semble-t-il, assisté M. Corbet au moment de la reprise, a touché 9,135 millions d’euros. En comité d’entreprise, M. Corbet nous a dit qu’ils avaient beaucoup travaillé, mais à notre connaissance, on n’a jamais vu la valeur ajoutée qui a été apportée par la banque canadienne CIBC. En tout cas, légitimement, on pouvait se demander pourquoi verser des honoraires aussi importants à une banque qui, somme toute, n’avait pas apporté d’investisseurs alors que c’était sa mission.

J’en viens aux frais de personnel de Holco. D’un point de vue moral, nous avons été très choqués de voir que le personnel de Holco - d’après SECAFI ALPHA, il s’agit de 4 personnes et d’une indemnité de licenciement - avait reçu 2,63 millions d’euros en 8 mois, soit 17 millions de francs. On peut lire dans le Canard Enchaîné - je ne sais pas si ses sources sont bonnes - qu’en arrivant, M. Corbet s’est octroyé une prime défiscalisée de 750 000 euros. Cela va dans le sens des remarques que j’avais faites auparavant sur cette entreprise en difficulté : de l’argent part dans des filiales et des salaires exorbitants sont versés...

En tant que syndicalistes, nous nous situons sur le plan moral et cela nous avait particulièrement choqués.

Un autre point : le droit d’alerte. Certaines questions que l’on se pose aujourd’hui sur Holco Lux, sur Mermoz, sur la rentabilité des lignes, nous les avions posées lors d’un droit d’alerte déclenché en avril 2002 parce que nous nous demandions comment l’entreprise fonctionnait.

M. le Président : Dans quelles conditions ce droit d’alerte a-t-il été déclenché ? Hier, vos collègues d’autres syndicats nous en ont parlé. On a le sentiment qu’il a été déclenché à la demande d’organisations syndicales et qu’ensuite, il a été abandonné à la demande d’autres organisations syndicales par le comité d’entreprise à la suite des élections professionnelles survenues entre-temps.

M. Paul FOURIER : Oui, absolument.

Comme nous ne recevions aucune réponse sur un certain nombre de questions importantes, une des possibilités ouvertes au comité d’entreprise était de déclencher un droit d’alerte qui oblige, en quelque sorte, la direction à répondre à ces questions. Il est vrai qu’avant les élections, avec une autre majorité, nous avons déclenché le droit d’alerte.

M. le Président : A quelle période ?

M. Paul FOURIER : En avril 2002.

Il y avait une petite difficulté dans cette entreprise. C’est un secret de polichinelle, mais un syndicat fort, d’ailleurs le syndicat majoritaire de cette entreprise, a été quand même assez proche de M. Corbet pendant tous ces mois. Nous avions cru comprendre que ce syndicat s’opposait en particulier à la mise en place du droit d’alerte. D’ailleurs, nous l’avons très bien compris par le biais du vote, puisque, quand le droit d’alerte est venu à l’ordre du jour du comité d’entreprise, ce syndicat s’y est opposé. Le droit d’alerte a quand même été mis en place.

Didier Petit, que vous entendrez après moi, pourra vous donner plus d’informations, d’autant plus qu’il est accompagné de Claude Bonan, l’expert-comptable qui a travaillé sur le droit d’alerte. Je pense qu’il vous donnera plus d’informations là-dessus.

Après les élections, le comité d’entreprise a essayé de faire abandonner le droit d’alerte, ce qui n’est pas possible juridiquement. Ensuite, il y a eu des problèmes avec M. Bonan et, d’après ce que nous croyons savoir, ils ont fini par changer d’expert-comptable.

En bref, le droit d’alerte a été sinon abandonné, en tout cas jeté aux oubliettes sans que nous ayons forcément toutes les réponses que nous en attendions. C’est quand même assez problématique parce que cela fait partie de nos prérogatives.

M. le Président : Êtes-vous en train de dire au nom de la CGT que la nouvelle majorité a fait en sorte d’étouffer le droit d’alerte en changeant d’expert et en allongeant la durée de l’étude ? Est-ce votre sentiment ?

M. Paul FOURIER : C’est le sentiment que nous avions puisqu’il a été conforté par le vote justement de ces élus au moment du droit d’alerte. Nous savions donc que ces élus étaient opposés à la mise en œuvre du droit d’alerte. Cela n’a pas été une surprise de voir qu’une fois la majorité changée, la procédure a été infléchie et que M. Bonan a eu maille à partir avec le secrétaire du comité d’entreprise.

M. Bonan n’est pas forcément quelqu’un de toujours très adroit dans sa façon de s’exprimer, mais des lettres recommandées ont été envoyées de part et d’autre. Au bout du compte, oui, je pense que la nouvelle majorité a fait le choix d’abandonner le droit d’alerte.

Un membre de la direction m’a raconté que, le jour où le droit d’alerte avait été voté en comité d’entreprise, le chef de la délégation de la fameuse organisation syndicale ...

M. le Président : Pouvez-vous nous dire son nom ?

M. Paul FOURIER : La raison pour laquelle j’hésite à donner les noms, c’est que cette anecdote m’a été racontée et que je n’étais donc pas moi-même témoin de la scène.

On m’a raconté que M. Nicoli se serait fait sermonner par M. Corbet pour ne pas avoir été capable de s’opposer à la mise en œuvre du droit d’alerte par le comité d’entreprise. Voilà l’anecdote que l’on m’a racontée.

M. le Rapporteur : Qui vous l’a racontée ?

M. Paul FOURIER : C’était un membre de la DRH.

M. le Président : Vous ne souhaitez pas citer son nom ?

M. Paul FOURIER : Non, je préfère ne pas le citer.

M. Xavier de ROUX : Vous avez cité M. Nicoli. Quelle est la fonction de l’épouse de M. Nicoli au sein de la société ?

M. Paul FOURIER : Je ne me suis pas intéressé à la fonction de Mme Nicoli. Ce que je sais, c’est qu’elle a eu, semble-t-il, une promotion après l’arrivée de M. Corbet. Elle a été nommée à la DRH, d’après ce que j’ai compris, mais je ne connais pas sa fonction exacte.

Nous nous sommes posés également des questions à propos des gens qui se sont promenés dans cette entreprise et dont nous ne savions pas trop qui ils étaient. Des consultants ? Des salariés ? Des salariés d’Air Lib ou des salariés d’Holco ? Nous ne savions pas trop.

Je vais citer quelqu’un avec qui beaucoup de syndicalistes ont eu maille à partir : M. Christian Paris, pilote d’Air France, membre du conseil d’administration d’Air France, visiblement grand ami de Jean-Charles Corbet et qui a été beaucoup vu dans l’entreprise à divers titres. D’ailleurs, je l’ai eu plusieurs fois au téléphone, y compris parfois pour des menaces.

M. le Président : Des menaces de quel ordre ?

M. Paul FOURIER : Comme c’était sur mon portable et que malheureusement, je ne sais pas comment enregistrer les messages, j’avais retranscris la chose car c’était assez drôle. M. Paris me disait que j’étais un menteur, un manipulateur. C’était l’époque où je préconisais un rapprochement d’Air Lib avec Air France. En gros, il m’avait dit : " De toute façon, les salariés d’Air Lib, tant que je serai chez Air France, ne rentreront jamais chez Air France ".

J’ai eu d’autres altercations avec lui. En particulier, un jour, M. Paris m’a appelé pour me dire que l’AFP avait un document confidentiel que je leur aurais fourni. J’ai appelé l’AFP pour leur demander de m’informer de cette histoire. L’AFP m’a confirmé qu’ils n’avaient pas ce document. En gros, M. Paris me disait : " Tu as fourni un document à l’AFP, et donc on va t’attaquer pour violation de la confidentialité des débats du comité d’entreprise, etc. "

M. Paris est quand même assez coutumier de ces faits.

M. le Président : Vous parlez du comité d’entreprise d’Air Lib ?

M. Paul FOURIER : Oui.

M. le Président : Parce que M. Paris participait au comité d’entreprise d’Air Lib ?

M. Paul FOURIER : Non, il n’y participait pas physiquement, mais visiblement, il était très au courant de ce qui s’y passait. En tout cas, c’est lui qui m’a appelé sur ce point-là.

M. le Rapporteur : Quel était le rôle de M. Christian Paris ?

M. Paul FOURIER : Je ne sais pas.

M. le Rapporteur : Quelles relations avez-vous eues avec lui ?

M. Paul FOURIER : M. Paris, après la reprise, a appelé un certain nombre de syndicalistes, dont moi, pour nous raconter ce qui se passait dans l’entreprise, nous expliquer qu’il fallait faire en sorte que l’entreprise fonctionne bien. Donc, il ne fallait pas trop faire le syndicaliste.

Bref, ce sont des choses qui peuvent être légitimes. C’est-à-dire que M. Paris appelait pour calmer un peu le jeu. A chaque fois que je l’ai eu, il expliquait qu’il était à la recherche d’investisseurs. Peut-être qu’il assurait la liaison entre M. Corbet et la compagnie nationale Air France puisqu’il y a eu quand même des accords de code share conclus entre Air Lib et Air France.

M. le Rapporteur : D’après ce que vous savez, quelle était la fonction de M. Paris au sein d’Air Lib ou du groupe Holco ?

M. Paul FOURIER : Je n’en ai aucune idée puisque, lorsque nous lui avons posé la question, il nous a toujours répondu qu’il était là à titre amical et gracieux pour conseiller M. Corbet, mais qu’il n’avait aucune fonction officielle dans l’entreprise. C’est ce qu’il nous a dit. Je ne pense pas qu’il était salarié de l’entreprise.

M. le Président : Pas de fonction, mais un grand rôle ?

M. Paul FOURIER : Visiblement un rôle puisqu’il était très présent.

Mme Odile SAUGUES : Je souhaiterais poser plusieurs questions. Puis-je les poser maintenant ou après, monsieur le Président ?

M. le Président : Portent-elles sur M. Paris ?

Mme Odile SAUGUES : Non.

M. le Président : Monsieur Fourier, achevez votre exposé et ensuite, nous passerons aux questions.

M. Paul FOURIER : La dernière chose que j’avais à dire a trait aux liens entre Air Lib et Air France. Comme je vous le disais, un partenariat s’est établi entre Air Lib et Air France, en particulier par le biais d’un code share sur les Antilles. A mon avis, c’était une très bonne chose puisque nous avons toujours plaidé plutôt pour la complémentarité et pour que les compagnies puissent, plutôt que de mener des luttes fratricides à coup de guerre des prix, avoir une politique plus intelligente.

Or, Air Lib est une petite compagnie et nous avions déjà connu le cas avec Air Liberté et AOM, nous avons eu le sentiment que M. Corbet a pris l’initiative d’envenimer les relations avec Air France. Cela nous a d’autant plus surpris qu’à notre avis, Air Lib n’avait pas les moyens de le faire.

Je vais vous dire pourquoi, à un moment donné, nous avons été amenés à nous poser ces questions.

Chacun peut avoir sa stratégie. Nous l’avions fait à l’époque d’Air Liberté en sachant que nous étions soutenus par British Airways qui est un concurrent reconnu d’Air France et qui pouvait se permettre d’affronter, y compris financièrement, frontalement, la compagnie nationale Air France. Or, à aucun moment, Air Lib n’a eu les moyens d’affronter financièrement la compagnie nationale Air France. On l’a vu quand ils ont demandé les droits sur l’Afrique au Conseil supérieur de l’aviation marchande alors que l’on savait très bien qu’il était extrêmement délicat d’aller sur ce terrain.

Le problème était de savoir si M. Corbet avait comme objectif de garder cette compagnie aérienne et de lui donner les moyens de se développer ou de survivre ou si à un moment donné, on irait au conflit qui allait tuer l’entreprise. C’est vraiment la question que nous nous sommes posée.

La dernière question que je pose est la suivante : est-ce qu’à un moment donné, M. Corbet est allé à la liquidation de cette entreprise de manière contrainte ou y est allé de manière voulue ? J’ai toujours en tête les propos de M. de Robien, de M. Bussereau, les ministres en exercice, nous racontant la fameuse nuit de l’arrêt de la licence. J’ai tendance à les croire sur ce point alors que je ne suis pas forcément un camarade de jeu des ministres actuels et que mon étiquette ne plaide pas forcément dans ce sens-là. Ils nous ont dit : on a accordé à M. Corbet les lignes sur l’Afrique, on lui a accordé un certain nombre de choses. L’avis du CSAM était clair : la licence était donnée si l’investisseur arrivait, si M. de Vlieger arrivait.

Or, au dernier moment, M. de Vlieger a rajouté une condition suspensive supplémentaire qui était l’achat d’Airbus au même prix qu’EasyJet. Effectivement, cela posait un problème à la compagnie Airbus parce qu’elle n’avait pas forcément à négocier de cette façon. On s’est aperçu qu’en fait, les négociations avaient échoué là-dessus. On peut se demander si M. de Vlieger ou si M. Corbet n’ont pas décidé de faire échouer ces négociations pour liquider cette entreprise.

M. le Président : Vous venez de dire très clairement que vous avez le sentiment au fond de vous-même que l’on peut avoir des doutes - je suis prudent - quant à la volonté de M. Corbet d’éviter la liquidation d’Air Lib en raison des surenchères de dernière minute.

M. Paul FOURIER : C’est assez difficile de comprendre ce que M. Corbet a voulu faire pendant les dernières semaines, y compris avec le dernier repreneur, CGM Virgin. M. Nicoli, hier, en assemblée générale, nous a expliqué qu’en quelque sorte, CGM Virgin aurait joué la liquidation. La CGM aurait estimé qu’il était plus facile de récupérer un morceau de l’entreprise après la liquidation qu’avant. Donc, on peut se demander si la liquidation était utile et dans quel cadre.

Le problème est que cela fait apparaître d’autres choses. Je vous rappelle qu’il y a quand même 2 500 chômeurs aujourd’hui. En attendant la liquidation, cela permet aussi de faire payer les indemnités de licenciement à la collectivité publique plutôt qu’à l’entreprise elle-même. Ce sont des sommes non négligeables.

M. le Président : Nous pouvons maintenant passer aux questions. Je vous propose de les regrouper. Monsieur Fourier, vous voudrez bien noter les questions et y répondre ensuite, car je présume qu’elles vont se recouper, d’une manière globale.

Mme Odile SAUGUES : Effectivement, je pense qu’il convient de noter les questions parce qu’hier, je n’ai pas pu poser toutes mes questions, et surtout, je n’ai pas eu de réponse à toutes. Or, il est important que nous puissions poser les questions sur lesquelles il est intéressant d’entendre quelques réponses. Sinon, ce n’est pas la peine d’être là.

Avant de revenir sur la fin de ce qui s’est passé ces derniers jours, je voudrais revenir sur la période de la reprise par M. Corbet. Seize projets concurrents se sont affrontés, ce qui paraît quand même important. Quels regards avez-vous portés sur ces projets de reprise ? M. Corbet, à cette période-là, vous est-il apparu fiable ?

Une autre question en découle : pensez-vous qu’il y a la place pour un autre pôle aérien à côté d’Air France ? C’est une question que chaque élu peut se poser.

Les organisations syndicales ont, semble-t-il, divergé dans le jugement qu’elles ont porté sur cette reprise. Au comité d’entreprise du mois d’août 2001, comment avez-vous accueilli le plan social qui a donné lieu quand même à 1 405 licenciements dont 750 départs volontaires ?

Pour ce qui est de la période plus récente, d’une manière générale, on a remis en cause la crédibilité du plan de reprise présenté par M. de Vlieger et la fiabilité de cet investisseur. C’était une position des organisations syndicales. Confirmez-vous la divergence entre les positions syndicales sur ce point ?

Vous avez déclaré par ailleurs à l’Humanité, je vous cite : " On a l’impression d’avoir affaire à une bande de requins qui viennent se servir sur la bête et que les Aeris, les compagnies d’outre-mer, les EasyJet et Ryanair attendront qu’on soit mort pour grossir sur la dépouille d’Air Lib ". Pouvez-vous nous en dire davantage et nous dire ce que vous entendiez par là, même si, on croit le comprendre.

Je voudrais aussi vous poser une dernière question : Air Lib était-elle vraiment structurée pour pouvoir faire du low cost ? Y avait-il une possibilité de trouver un créneau dans ce type de fonctionnement du transport aérien ?

M. Xavier de ROUX : Avez-vous le sentiment que M. Paris agissait comme une sorte d’associé, informel, de M. Corbet ou avez-vous le sentiment qu’il pouvait représenter d’autres intérêts que les siens propres ?

Lorsque Me Léonzi intervenait au comité d’entreprise, le faisait-il sur des points de droit ou sur la marche générale de l’entreprise ?

M. Gilbert GANTIER : Que veut dire Holco ? Quand ce groupe Holco a-t-il été créé ? Est-ce lié au départ de M. Bachelet ? Parce que c’est M. Corbet, personne physique, qui en est le président. Est-ce au moment du départ de M. Bachelet que Holco a été créé ?

M. le Rapporteur : Certaines de mes questions se recoupent avec celles qui viennent d’être posées.

Première question : quelle a été la position de votre organisation syndicale en mai-juin 2001 lors du choix par le tribunal de commerce de la solution Holco alors qu’il y avait deux autres solutions ?

Deuxième question : vous avez dit tout à l’heure que la CFDT avait été assez proche de la direction. Pourriez-vous être plus précis ? En effet, nous avons auditionné trois organisations syndicales hier. Deux d’entre elles nous ont dit des choses assez précises d’après lesquelles, par exemple, il y avait eu des avancements faits pour " tenir " certaines personnes. A cette occasion, l’un de vos collègues, M. Laurent Duhayer, délégué de la CFTC, nous a dit qu’il y avait eu aussi des tentatives " d’avoir de bonnes relations avec la CGT " en promouvant une dame, dont ils nous ont donné le nom, Mme Cohen. Elle appartenait, semble-t-il, à votre organisation syndicale et elle a remplacé d’ailleurs M. Laurent Duhayer pour s’occuper du personnel PNC. Ceci a-t-il été fait dans le cadre des pressions, des menaces que vous avez évoquées tout à l’heure et dont vous avez fait l’objet ? Cela faisait-il partie d’une stratégie concertée pour circonvenir la CGT afin qu’elle adopte une attitude plus compréhensive ?

Troisième question : les relations avec Air France. Certains de vos collègues nous ont dit que M. Paris s’était présenté comme le porteur des intérêts d’Air France. Nous vérifierons, bien entendu, avec M. Spinetta si c’est exact. Ils ont ajouté qu’au fond, il souhaitait que la compagnie soit peu compétitive, mais pas forcément qu’elle meure.

Quatrième question : quel jugement portez-vous sur la façon dont l’entreprise a été gérée par M. Corbet et son groupe ?

Question subsidiaire : à partir de quand - puisque vous avez voté pour la solution Corbet - avez-vous commencé à avoir des doutes sur la gestion de la compagnie ?

Enfin, étiez-vous au courant des pratiques concernant le personnel navigant commercial qui vendait, avec l’accord de la direction, des sandwiches et des boissons pour se rémunérer et qui se partageait uniquement entre le personnel navigant commercial et non entre le personnel navigant technique, les recettes des ventes dans les avions ? Vos collègues syndicaux nous ont dit que cela représentait en moyenne 3 000 à 4 000 francs par mois de salaires, non déclarés, sans impôts, etc.

M. Jean-Claude LEFORT : Je crois, sauf erreur de ma part, qu’il y a eu en 1999 une offre de reprise d’Air Lib par Air France. Avez-vous été informé de cette proposition et pourquoi a-t-elle capoté ?

M. Paul FOURIER : Je vais essayer de répondre en faisant la synthèse des questions posées.

A propos de la position de mon organisation syndicale au moment de la reprise, il faut savoir que le processus de reprise de l’entreprise en 2001 a été très long et extrêmement douloureux pour tout le monde. Je vous rappelle que les difficultés ont commencé en janvier 2001, puisque c’est le moment où Swissair a annoncé qu’ils allaient faire défaut et qu’ils allaient se débarrasser de l’entreprise. Cela s’est clôturé en août 2001. Cela a fait quand même 7 mois de manifestations, de rencontres avec des parlementaires, avec des ministres, etc. Cela n’a pas été simple.

Lorsque nous avons vu arriver des projets de reprise, naturellement, nous avions tendance à les accueillir avec bienveillance parce qu’il s’agissait quand même de l’avenir, à l’époque, d’environ 4 000 personnes, si je me rappelle bien.

Moi, je me rappellerai toujours le jour où effectivement, nous avons eu l’exposé, en tout cas la première présentation des seize candidats repreneurs. Vous me dites seize, je crois me rappeler que c’était cela environ. Je me rappelle également l’avis du comité d’entreprise ce jour-là disant que certains candidats étaient franchement fantaisistes et que même ceux qui sortaient du lot ne tenaient pas franchement la route. Les procès-verbaux du comité d’entreprise l’attestent.

Après, trois propositions se sont dégagées ou plutôt d’abord deux avant que M. Rochet ne vienne présenter son projet dans un deuxième temps. Il ne l’a pas présenté tout de suite. Il l’a présenté en fait en coordination avec la MAAF.

Il se trouve que sur ces trois, nous avons considéré que aucun ne tenait franchement la route. Je vous l’avoue. C’était notre sentiment. Mais quand une branche se présente, on la saisit. Et d’ailleurs, vous aurez remarqué que les salariés d’Air Lib ont encore essayé de saisir la branche CGM Virgin il n’y a pas très longtemps. Hier, les gens pleuraient parce que CGM Virgin était parti.

Nous avions le choix entre ces trois-là. Nous avions le sentiment - après je vous donnerai mon sentiment non seulement sur la façon dont nous l’avons vécu à l’époque, mais sur la façon dont nous le jugeons aujourd’hui - que le projet FIDEI était un projet plus financier qu’aéronautique. Effectivement, nous nous demandions - d’ailleurs nous aurions bien fait de nous poser la question pour tout le monde - si, en gros, ils ne venaient pas pour mettre le grappin sur des actifs, sur le milliard des Suisses puisque les Suisses étaient censés mettre 1,4 milliard si je me souviens bien...

Donc, c’était une vraie question. Nous ne voulions pas voir arriver des gens qui allaient, en gros, prendre l’argent et puis disparaître dans la nature.

Donc, nous nous sommes interrogés sur FIDEI, et également sur Corbet naturellement, mais peut-être avec un peu moins de lucidité, dirais-je.

Pour décrire ce qu’il se passait du côté de M. Rochet, il faut revenir un peu sur l’histoire. M. Rochet était -je vous l’avoue- détesté par une bonne partie des salariés et de leurs représentants, c’est-à-dire les organisations syndicales. Nous avions eu maille à partir avec lui. Dans la période allant du départ de Swissair jusqu’à la reprise, il est arrivé avec des projets qui nous paraissaient extrêmement déstructurants pour la compagnie.

Nous nous étions donc affrontés dès le début avec M. Rochet. C’est vrai qu’en quelque sorte, cela disqualifiait M. Rochet à nos yeux. Je dois vous avouer que je ne porterais pas forcément le même jugement aujourd’hui.

M. Corbet, lui, nous a fait aussi une très belle danse du ventre. Il nous a dit qu’il apportait les meilleures garanties sociales, il nous a fait des promesses sur les statuts ; il nous a dit qu’il faudrait faire des efforts de productivité - il y a des papiers qui en attestent -, mais qu’il ne toucherait pas à certaines choses etc. Je crois - je vais faire un peu d’humour - qu’il n’est pas un ancien syndicaliste pour rien et qu’il a su nous séduire.

Je crois que c’est en grande partie sur ce discours que, au bout d’un moment, nous avons choisi le projet Corbet. Je ne suis pas sûr que cela soit sur des critères purement économiques, purement financiers et purement en raison de la solidité du projet Corbet. C’est en tout cas mon sentiment aujourd’hui.

Nous sommes de petites équipes syndicales. Au terme d’un processus de huit mois de manifestations, de démarches au Sénat, à l’Assemblée nationale, dans les ministères etc., je ne suis pas complètement persuadé que nous n’ayons pas été quand même un peu manipulés, purement et simplement, y compris jusqu’au dernier jour.

Je me rappellerai toujours avoir déposé un préavis de grève en disant : " Si M. Rochet arrive dans l’entreprise ce soir, on est en grève demain ". Donc, c’était un acte pour montrer notre hostilité au projet Rochet. Mais c’est vrai qu’aussi, c’était fait largement sur la base de la fatigue, de l’énervement, du stress etc. Il faut aussi l’analyser dans cette optique.

M. le Rapporteur : Vous n’avez pas fait l’objet de pressions au moment de la reprise ? Par exemple, M. Rochet ou M. Corbet ont-ils pris contact avec vous ?

M. Paul FOURIER : Tout le monde a pris contact avec nous. A vrai dire, non. M. Rochet n’a pas vraiment pris contact avec nous. D’abord, parce que c’est un homme que nous connaissions plutôt bien. Les rapports étaient donc francs dans l’hostilité générale.

M. le Président : Peut-être trop francs.

M. Paul FOURIER : Voilà. Par contre, M. Corbet, comme FIDEI d’ailleurs, sont entrés en contact avec nous pour nous expliquer leurs projets. Je tiens à vous assurer que ces contacts n’ont jamais dépassé les pratiques normales. Ils consistaient à inviter une organisation syndicale pour lui montrer le projet, en gros pour nous séduire.

M. le Président : Il n’y a pas eu de menace disant que si vous ne faisiez pas cela, attention...

M. Paul FOURIER : Non, nous n’avons jamais eu de choses de cet ordre.

M. le Président : A ce moment-là, puisque vous parlez de ce point précis, y a-t-il eu des réunions organisées avec des représentants de l’Etat pour pousser vers une solution ou vers une autre solution ? Soit au ministère, soit au cabinet du ministre, je ne sais pas. Pouvait-on avoir l’impression qu’il y avait des positions convergentes entre l’Etat et, éventuellement, les syndicats et les organisations professionnelles ?

M. Paul FOURIER : A l’époque, j’ai eu le sentiment - c’est toujours un peu difficile parce que cela se base simplement sur des sentiments - que le ministère de l’époque, en fait le ministre Gayssot qui s’était occupé du dossier à l’époque, a plus suivi les organisations syndicales qu’il ne les a précédées.

A un moment donné, nous disions par exemple que nous ne voulions pas de Rochet. J’ai le sentiment - c’est le sentiment que nous avions à l’époque - que si le ministre devait intervenir dans le dossier, il n’interviendrait pas pour le dossier Rochet par exemple.

Il est vrai que l’on a senti que FIDEI et Corbet tenaient la corde, y compris d’ailleurs au ministère. C’est la seule chose que je peux dire parce qu’au-delà de ça...

M. le Rapporteur : Avez-vous participé à des réunions au ministère et à quel niveau sur la discussion du plan de reprise ?

M. Paul FOURIER : Il faudrait que je retrouve mes notes de l’époque, mais oui, nous avons participé à plusieurs réunions au ministère, soit avec M. Gayssot, soit avec M. Ricono, M. Lostis, c’est-à-dire l’équipe du ministère.

M. le Rapporteur : Votre sentiment était-il que le ministère avait une préférence pour l’un des trois, poussait plutôt l’un que l’autre ?

M. Paul FOURIER : Non.

M. le Rapporteur : Parce que vous nous avez dit que vous aviez plutôt le sentiment que le ministère suivait.

M. Paul FOURIER : Oui, c’est le sentiment que j’ai eu. En même temps, c’est peut-être par aveuglement que nous avions tendance à penser que c’est parce que nous avions émis un choix que le ministère s’y rangeait. En tout cas, c’était notre sentiment à l’époque. C’est-à-dire que c’était plutôt le ministère qui nous écoutait et qui avait tendance à pencher pour le projet pour lequel on penchait.

Il faudrait que je relise mes notes de l’époque. L’histoire a été particulièrement fournie depuis.

M. le Président : Monsieur Fourier, si vous voulez bien répondre aux autres questions.

M. Paul FOURIER : Après, je reviendrai sur les questions purement syndicales de Mme Saugues sur l’existence d’un deuxième pôle aérien français.

M. le Président : Et puis les divergences entre les syndicats sur l’affaire IMCA. Mme Saugues vous a interrogé là-dessus.

M. Paul FOURIER : Oui.

M. le Président : Et vos déclarations sur les requins.

M. Jean-Paul LEFORT : Dans l’Humanité.

M. Paul FOURIER : Vous avez de drôles de lectures.

M. le Président : C’est M. Lefort qui le lit tous les jours, ce n’est pas nous.

M. Paul FOURIER : A propos des gens qui étaient susceptibles d’investir d’une manière générale, on peut dire qu’il y avait d’un côté les vrais investisseurs et de l’autre côté, ceux que l’on a pu qualifier de requins, c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas des investisseurs, mais qui attendaient les slots.

M. le Président : Mais où sont les investisseurs ? Est-ce qu’à un certain moment vous avez vu les investisseurs qui ont été promis dès le départ par M. Corbet ?

M. Paul FOURIER : Non. On nous a parlé, si je me rappelle bien, du Club Med. Je crois même avoir retrouvé un document d’août 2001 disant que le Club Med avait été approché. Je vous réponds à partir de souvenirs. Ce n’est donc pas forcément très clair. Nous avons entendu divers noms, mais ce n’était que des rumeurs. Des vrais investisseurs, nous n’en avons pas vu arriver.

De toute façon, je pense que Me Léonzi, si vous le recevez, vous expliquera aussi toute l’architecture qui était la sienne. C’est-à-dire qu’il y avait toute une histoire de GIE fiscal, des gens qui allaient rentrer dans le GIE fiscal par la base des avions, etc. C’est un peu compliqué.

M. le Président : Qui étaient ces gens ? Nous avons posé la question à plusieurs reprises hier. Le tribunal de commerce a organisé une reprise sur la base annoncée d’investisseurs à hauteur de plusieurs milliards d’investissement. Or, nous n’avons pas, jusqu’à présent, la preuve qu’un seul investisseur soit venu. La question est : comment a-t-on pu donner cet avantage à une reprise sans avoir la certitude que les investisseurs annoncés étaient bien là ?

M. Rochet a fait des promesses financières. Je ne sais pas s’il était capable de les tenir. FIDEI a fait aussi des promesses financières et M. Corbet également. Or, à l’évidence, à moins que vous nous disiez le contraire, on n’a pas vu arriver le moindre investisseur. Le confirmez-vous ?

M. Paul FOURIER : Oui, absolument. Il se trouve qu’une bonne excuse est intervenue entre-temps - c’est triste de dire cela pour un événement aussi tragique -, mais il y a eu le 11 septembre.

Juillet-août 2001 et 11 septembre 2001, cela a été proche. En tout cas, M. Corbet nous a dit que la CIBC était là pour chercher des investisseurs. En gros, le 11 septembre a servi d’excuse, véritable ou non - je ne sais pas -, pour dire que les investisseurs n’allaient pas investir dans le transport aérien dans l’état où il se trouvait.

En tout cas, nous n’avons jamais vu arriver le moindre petit bout d’un investisseur dans cette entreprise. C’est clair.

Après, il y a eu l’épisode IMCA-de Vlieger. Mais le problème est que M. de Vlieger ne nous a pas paru très sérieux. D’ailleurs, nous en avons eu confirmation. Je ne pense pas que M. de Vlieger lui-même soit en cause ; je pense que c’est un industriel tout à fait sérieux, reconnu en Hollande. Il a des entreprises qui sont certainement très sérieuses en Hollande ; mais c’est plutôt le sérieux de sa démarche dans ce cas précis qui est en cause.

M. le Président : Il est dans l’immobilier.

M. Paul FOURIER : Oui, dans l’immobilier, dans les chantiers navals et les machines à coudre. Il est dans l’aérien également puisqu’il est propriétaire ...

M. le Président : ... de compagnies aériennes.

M. Paul FOURIER : Nous nous interrogeons à ce propos. Il semble que la compagnie Sky Europe vienne d’avoir quelques créneaux d’Air Lib sur Bratislava. Nous nous demandons si M. de Vlieger n’est pas derrière.

Nous n’avons pas la confirmation, mais nous nous posons la question parce qu’à un moment donné, il avait parlé d’une compagnie de ce genre. Hier, nous avons cherché la réponse à cela.

Sur M. de Vlieger, en fait, nous avons eu un peu la confirmation que la démarche n’avait pas l’air très sérieuse. Je ne sais pas si vous avez reçu M. Béquet ou M. Lafosse-Marin, je crois qu’il y était.

M. le Président : M. Lafosse-Marin, oui.

M. Paul FOURIER : Ils ont rencontré M. de Vlieger en Hollande qui, d’après le compte rendu qu’ils en ont fait, était un peu étonné de la démarche de M. Corbet lui-même. C’est-à-dire que M. Corbet disait chercher un investisseur et au moment où M. de Vlieger dit qu’il peut investir dans l’entreprise, il n’a plus de nouvelles de M. Corbet. Plus personne ne l’appelle pendant des semaines. Il s’étonne donc de cette compagnie qui cherche des investisseurs, mais qui ne semble pas très pressée de le voir arriver.

Au bout du compte, nous nous sommes interrogés sur l’honnêteté de la démarche. Lorsque l’on veut avoir un investisseur, tant qu’à faire, on l’invite à déjeuner, on le bichonne et on le fait rentrer dans l’entreprise. On ne le laisse pas sans nouvelles pendant des semaines.

Je vous conseille d’interroger à ce sujet M. Béquet ou M. Lafosse-Marin qui ont vu directement M. de Vlieger.

Par ailleurs, à propos des achats d’Airbus. IMCA a rajouté des conditions suspensives au fur et à mesure. C’est quand même le meilleur moyen de faire capoter un projet de reprise. Ils ont accusé deux organisations syndicales de ne pas avoir signé le protocole. Je rappelle que le code du travail ne demande pas l’unanimité pour signer les accords d’entreprise. Pour être délégué syndical depuis longtemps, je sais qu’il suffit d’avoir l’accord d’une organisation syndicale pour qu’un accord d’entreprise soit valable. M. de Vlieger avait dit que cela ne marchait pas à cause de la CGT. Ensuite, il y a eu l’histoire des Airbus.

Madame Odile Saugues m’a demandé également comment nous avions accueilli le plan social d’août 2001.

De la même façon, il faut se resituer dans le cadre général, c’est-à-dire 8 mois de luttes pour essayer de trouver une solution et qui avaient permis une reprise que nous approuvions et soutenions. Je crois qu’il fallait aller jusqu’au bout de la démarche et, effectivement, ce plan de reprise comportait entre 1 400 et 1 500 licenciements.

D’ailleurs - je vous fais une confidence - on me l’a reproché dans ma propre organisation syndicale puisque c’est moi qui ai rédigé l’accord portant sur les critères de licenciement pour les personnels navigants.

En effet, parmi les personnels navigants commerciaux, des volontaires voulaient partir parce que des portes s’ouvraient chez Air France, mais d’autres ne voulaient pas partir. Nous savions très bien que l’application de la loi risquait de laisser dans l’entreprise des gens voulant partir et d’en faire sortir des gens qui souhaitaient rester.

Mme Odile SAUGUES : Ils avaient senti la lame du couperet.

M. Paul FOURIER : Le principe, pour nous, était de mettre en adéquation les départs avec la liste des gens qui voulaient partir et de garder ceux qui voulaient rester. C’est aussi cela faire du social, madame Saugues que de faire en sorte que les gens voulant rester dans l’entreprise puissent y rester. Ceux qui voulaient partir ont reçu des indemnités de licenciement, je vous le rappelle.

A l’époque, c’est vrai que nous avons participé à la définition du plan de licenciement. Je ne vais pas vous dire qu’un plan de licenciement me fait plaisir, mais par contre, je vous dirai que dans la mesure où l’on nous a accusé souvent d’être une organisation syndicale non constructive dans l’entreprise, je crois que nous avons montré à plusieurs reprises que nous étions à même de faire ce genre de travail que, d’ailleurs, la nouvelle équipe Bachelet-Corbet refusait de faire. Ils se sont totalement mis en dehors de cela en disant que le plan social ne les concernait pas eux, mais les organisations syndicales et que cela se passait avec les AGS. Ils nous ont jeté dans la nature avec charge aux élus des comités d’entreprise et aux délégués syndicaux de le gérer.

M. le Président : Vous êtes en train de dire que M. Corbet ne s’est pas impliqué dans l’élaboration du plan social qui était aussi un des objets de la reprise, qu’il ne s’en est pas occupé, n’a pas pris ses responsabilités à ce niveau et qu’il s’en est déchargé sur les organisations syndicales.

M. le Rapporteur : Il a été géré par des organisations syndicales. C’est ce que vous dites ?

M. Paul FOURIER : En fait, il a indiqué le périmètre de son entreprise en désignant ce qu’il souhaitait ou pas garder. Je me rappelle avoir eu un échange particulièrement vif avec François Bachelet sur le principe de la réservation de Paris. Il y avait une réservation à Paris et une à Tours. Nous considérions que les deux étaient utiles. Dans le plan Corbet, la réservation de Paris était totalement supprimée et le personnel licencié.

Les postes à supprimer étaient définis par le projet Corbet, mais l’application des licenciements qui en découlaient, n’était pas l’affaire de M. Corbet ni de M. Bachelet. M. Corbet a délégué Pierre-Yves Lagarde pour s’occuper de ce dossier ; il a été notre interlocuteur représentant la Direction.

M. le Rapporteur : Qui est Pierre-Yves Lagarde ?

M. Paul FOURIER : Un consultant.

M. le Président : Il n’était pas membre de l’entreprise.

M. Paul FOURIER : A ma connaissance, non. Il a toujours déclaré être un consultant extérieur à l’entreprise.

M. le Président : Pouvez-vous répondre aux dernières questions posées ?

M. Paul FOURIER : Mme Odile Saugues me demandait également si Air Lib était structurée pour faire du low cost. Je ne pense pas compte tenu d’une flotte non homogène, vieillissante, de statuts de personnels divers et variés, du code du travail français qui, à mon avis, n’est pas forcément très conforme à l’optique des low cost anglo-saxonnes qui ont tendance à niveler par le bas. J’ai tendance à penser que non.

Je vous rappelle que dans le low fare comme dans le low cost, il y a aussi beaucoup de marketing. Lorsque l’on annonce un billet à 29 ¤, c’est joli, mais ça ne sera pas forcément le prix réel. Le développement des low fare par Air Lib a été tout autant une opération marketing qu’une opération vraiment de mise à niveau low cost.

M. de Roux m’a posé une question difficile sur le rôle de M. Paris. Lorsque vous voyez apparaître ce que j’appellerais des éminences grises, vous avez beaucoup de mal à comprendre ce qu’elles font là. C’est un peu le sentiment que nous avons eu à propos de M. Paris. J’ai cru comprendre, d’après ce que M. Paris disait, et si je me rappelle bien nos quelques discussions, d’une part qu’il était là pour rechercher des investisseurs...

M. le Président : Lui aussi ?

M. Paul FOURIER : Oui. Je crois me rappeler que c’est ce qu’il avait dit. Et d’autre part, effectivement pour assurer le contact avec la compagnie nationale Air France. C’est ce que j’ai cru comprendre.

M. le Président : Pourquoi ? Était-il cadre de la compagnie nationale Air France ?

M. Paul FOURIER : Il était surtout membre du conseil d’administration.

M. le Président : Au titre du syndicat des pilotes ?

M. Paul FOURIER : Oui, c’est pour cela que nous ne comprenons toujours pas le rôle de M. Paris. Il a tellement de casquettes. En général, les pilotes ont une casquette, lui en a un certain nombre sur la tête.

M. le Président : Nous allons l’auditionner.

Mme Odile SAUGUES : Il me semble qu’au travers du travail de M. Paris et de son rôle, il faut se poser la question du rôle d’Air France.

M. le Président : Oui, nous allons nous la poser.

M. Paul FOURIER : D’autant plus, je le dis pour ceux qui n’ont pas vu le magazine Capital sur M6, que M. Corbet a dit qu’il était en mission commandée pour Air France. Il l’a dit. Vous m’avez demandé si Me Léonzi intervenait uniquement sur les questions de droit ou sur la marche générale de l’entreprise. J’ai tendance à dire qu’il intervenait évidemment sur les questions de droit, mais également sur tous les projets futurs d’investissements, sur les projets de GIE fiscal, sur le prêt FDES accordé par le gouvernement. Donc oui, pour moi, Me Léonzi intervenait sur la stratégie future de l’entreprise. C’est d’ailleurs lui qui, à mon avis, intervenait de la manière la plus pointue sur ces sujets. C’était bien Me Léonzi.

M. le Président : M. Gantier avait posé une question.

M. Paul FOURIER : Holco signifie : " Holding Corbet ".

M. le Président : Selon nos informations, ce n’est pas exactement cela. M. Corbet aurait dit un jour au cours d’une réunion qu’il était heureux de découvrir que cela pouvait vouloir dire " Holding Corbet ". Je ne me souviens plus de la signification d’origine, peut-être que M. Léonzi nous la donnera. Cela veut peut-être dire " corporate ".

Passons là-dessus, ce sont des questions sémantiques qui ne sont pas très importantes.

Avez-vous répondu à toutes les questions ?

M. Paul FOURIER : Je vous ai donné la position de mon organisation syndicale sur le projet Holco.

Sur les bonnes relations que l’on aurait essayé d’avoir avec la CGT, en particulier la nomination de Mme Cohen Lévy, je vais vous raconter comment cela s’est passé. Lorsqu elle est devenue directrice du personnel navigant commercial de l’entreprise, Mme Cohen Lévy n’était plus membre de la CGT puisqu’elle en avait été exclue.

M. le Rapporteur : Pourriez-vous nous expliquer dans quelles conditions elle a été exclue ?

M. Paul FOURIER : Une association s’était créée dans l’entreprise s’appelant la SDTA (société de développement du transport aérien) au moment du projet de reprise. Elle était destinée, semble-t-il, à porter principalement les intérêts des salariés d’AOM. Vous savez qu’il y avait deux entités : AOM et Air Liberté. En particulier, cette SDTA se battait pour que les Airbus A340 soient conservés car c’étaient des avions d’AOM et donc, des pilotes d’AOM.

Cela ne correspondait pas à notre optique de la reprise et, en tout cas, de l’intérêt des salariés. Nous considérions que les salariés devaient être traités équitablement, qu’ils viennent d’AOM ou d’Air Liberté.

Nous avons découvert que Mme Cohen était l’une des dirigeantes de la SDTA, cela nous a choqués car l’action de la SDTA ne correspondait pas forcément à ce que nous essayions d’obtenir, c’est-à-dire que cela soit fait dans l’intérêt de tout le monde. Ensuite, on a découvert que Mme Cohen, semble-t-il, ou que la SDTA était en contact étroit avec M. Rochet à propos du projet de reprise. Des relations sont possibles entre les organisations syndicales et les dirigeants d’entreprise comme ceux dont nous parlions précédemment, mais dans ce cas précis cela ne nous a pas paru très clair. En tout cas, c’était moins clair que la position des investisseurs vis-à-vis de nous. A ce moment-là, nous avons demandé à Mme Cohen de ne plus travailler dans notre syndicat parce qu’elle ne représentait pas nos valeurs. Donc, Mme Cohen est sortie de notre syndicat...

M. le Rapporteur : Quand ?

M. Paul FOURIER : Je pense que cela devait être en mai ou en juin 2001.

M. le Rapporteur : Au moment de la reprise.

M. Paul FOURIER : Avant la reprise. Oui. Il est exact que Mme Cohen a été propulsée directrice.

M. le Rapporteur : Puisque vous l’avez bien connue, avait-elle les compétences pour diriger le personnel navigant commercial ? Ils nous ont dit qu’ils avaient été suffoqués par cette nomination. Partagez-vous le sentiment de vos collègues de la CFTC ?

M. Paul FOURIER : Je crois que tout le monde a été suffoqué par la nomination de Mme Cohen. Depuis, elle n’a pas démérité particulièrement. J’ai de bonnes relations avec Mme Cohen et cela se passe bien.

Mais nous avions vraiment le sentiment qu’il fallait appâter des poissons syndicaux ou ex-syndicaux. Par exemple, la CFDT avait son bureau à côté de celui de M. Corbet. Autre exemple, Sylvie Guillou Faure, ma collègue de la CGT, m’a dit que lors d’une discussion avec M. Corbet au moment de la reprise - je ne sais plus si c’était bien avec M. Corbet, il faudrait demander éventuellement à Mme Faure -, il lui aurait dit qu’elle ferait une bonne directrice. Comme ce n’est pas le genre de Sylvie, elle l’a renvoyé dans ses buts en lui disant qu’il aurait fort à faire avec elle. A l’époque, elle l’avait interprété comme étant un hameçon qu’on lui tendait ; si elle l’avait saisi, cela aurait peut-être pu aller plus loin.

M. le Président : Décidément, les patrons ne changeront pas, même quand ce sont des syndicalistes qui deviennent patrons.

M. le Rapporteur : Ce sont les pires.

M. Paul FOURIER : Surtout quand ils sont syndicalistes.

M. le Président : Je n’osais pas le dire.

M. Paul FOURIER : Ai-je répondu à toutes les questions ?

M. le Rapporteur : Pas tout à fait. A partir de quand avez-vous commencé à douter, à dire qu’ils vous conduisaient dans le mur ?

M. Paul FOURIER : Il faudrait relire les procès-verbaux du comité d’entreprise. C’est souvent ce qu’il y a de plus révélateur. Nos interventions reflètent en général ce que l’on pense à un moment donné.

De toute façon, les relations avec l’équipe Corbet se sont dégradées extrêmement rapidement, ne serait-ce que par la gestion du plan social de 2001. Nous avons vu qu’il nous faisait faire le " sale boulot ". On nous avait promis des choses claires, c’est-à-dire du dialogue social, des négociations et cela n’arrivait pas. Les relations se sont vraiment dégradées dès novembre-décembre 2001.

Quand avons-nous vraiment douté de la capacité de M. Corbet à remettre à flot cette entreprise ? C’était à peu près à la même date car en décembre 2001, le point " possible dépôt de bilan de l’entreprise " a été mis à l’ordre du jour du comité d’entreprise. Nous nous sommes demandés comment le milliard de francs versé par les Suisses avait pu être absorbé en l’espace de trois mois. Cela nous a interpellés. A partir de là, nous nous sommes demandés où il nous emmenait.

M. le Rapporteur : Question terminale : il y a eu -on ne sait pas très bien- 120 ou 130 millions d’euros de fonds publics, dont le prêt du FDES. Quelle appréciation portez-vous, en tant qu’organisation syndicale, sur la bonne utilisation des fonds publics ?

M. Paul FOURIER : A propos du prêt FDES, la direction vous expliquera qu’il n’était pour elle qu’un des morceaux du dispositif de l’entreprise. Il y avait outre le prêt FDES, le GIE fiscal, l’avion que Air Tahiti leur a pris etc.

En tout cas, comme je le disais à propos des filiales, que l’on aille demander 30 millions d’euros au gouvernement alors qu’il y en avait 15 qui dormaient dans une filiale, me paraît surprenant.

M. le Président : Vous parlez de Mermoz ?

M. Paul FOURIER : De Mermoz et d’Holco Lux et peut-être même d’Air Lib Finances, je ne sais pas.

Ensuite, il y a eu un plan de management avec un système low fare. Mais la stratégie de M. Corbet était problématique, en particulier au moment où il a rompu les relations stratégiques avec Air France. En rompant ces relations, on savait très bien que les conditions iraient en s’aggravant.

Il est sûr que le business plan indiquait qu’il continuerait à y avoir des pertes. Il n’est donc pas illogique que ces pertes se soient produites. Par contre, ce qui est plus choquant, c’est que M. Corbet n’ait pas payé toutes les charges qui étaient les siennes. Je suis dans une entreprise et je considère que quand les recettes doivent faire vivre l’entreprise, si d’autres entreprises n’ont pas les recettes qui leur sont dues, c’est aussi des manques à gagner. Ceci était un véritable problème. En quelque sorte, il faisait une dette envers l’Etat, par entreprise interposée. C’était vraiment choquant.

Par ailleurs, je suis dans une organisation syndicale où l’on aime bien que les choses soient tranchées. Donc, quand une entreprise est publique, elle bénéficie de fonds publics. Cela ne nous paraît pas aberrant. Cela nous paraît même une bonne idée d’avoir des entreprises publiques, y compris des compagnies aériennes. De l’autre côté, si l’entreprise est privée, elle trouve des investisseurs privés et elle ne va pas réclamer à tout bout champ de l’argent à l’Etat. En tout cas, elle ne menace pas les ministres les uns après les autres.

Je n’ai pas une sympathie particulière pour M. de Robien ou M. Bussereau. Mais l’on ne doit pas menacer les ministres parce que ceux-là ne mettent pas d’argent dans la coupelle d’Air Lib en permanence.

M. le Rapporteur : Vous voulez dire par là que le paradoxe de la situation est qu’Air France étant une entreprise publique n’avait pas un sou d’argent public alors qu’Air Lib était privée et avait de l’argent public.

M. Paul FOURIER : Oui, c’est un des paradoxes. Surtout, cela me surprend beaucoup que M. Corbet - c’était peut-être dû à son passage chez Air France - qu’il ait à ce point, en permanence, y compris avec des mots assez durs, dit qu’il fallait de l’argent pour notre entreprise privée et que le gouvernement était vraiment très méchant.

D’ailleurs, c’est un des propos que l’on a surtout retrouvé dans la bouche de la CFDT.

M. le Rapporteur : Vous n’avez pas répondu à l’une de mes questions qui était votre appréciation sur la gestion par Corbet de l’entreprise. En un mot, vous diriez : " bonne gestion, médiocre, très mauvaise... "

M. Paul FOURIER : Je dirais qu’il a probablement eu des bonnes idées. Le low fare était sûrement une bonne idée marketing en particulier. Mais, globalement, tout cela ne tenait pas la route. D’abord, c’est parti dans tous les sens. Ensuite, l’ensemble du processus pénalisait d’un côté ce qui pouvait être bon de l’autre, en particulier sur les DOM.

Sur la Libye par exemple, c’est un véritable mystère. Ils se sont battus pour faire ouvrir une ligne sur la Libye. Ensuite, il y avait trois passagers dans chaque avion. Alors, de tels business plan...

M. le Président : Pour l’anecdote, monsieur Fourier, je suis allé en Libye il y a trois semaines. J’y ai rencontré des personnes qui m’ont raconté que, pendant un mois, ils n’ont jamais pu avoir un billet d’Air Lib, car il n’y avait aucun service de commercialisation. La seule possibilité était d’aller au comptoir au moment du départ pour avoir le billet sur place sans aucune possibilité de réservation. Dans ces conditions, comment auraient-ils pu prendre des billets ?

Là, vraiment, il y avait une carence commerciale absolument extraordinaire. Cela a été confirmé par ailleurs pour l’Algérie aussi.

M. Paul FOURIER : Oui, sur l’Algérie, il y a eu effectivement le même problème, semble-t-il, avec les agences Khalifa.

M. le Président : Ce n’est pas forcément la preuve d’une bonne gestion.

M. Paul FOURIER : Tout à fait.

M. le Président : Vous avez parlé de Khalifa...

M. Paul FOURIER : Nous avons cru comprendre que l’ouverture de l’Algérie s’était faite en coordination avec Khalifa Airways.

A propos des investisseurs, la rumeur a longtemps couru que Khalifa ou Khalifa Bank allait être notre investisseur. Cela ne s’est jamais concrétisé.

Il a été évoqué également la difficulté de rapatrier les fonds, les recettes faites en Algérie dans ces agences.

M. le Rapporteur : A propos du partage des recettes des ventes à bord entre le personnel navigant commercial, vous n’avez pas répondu à ma question. Étiez-vous au courant ?

M. Paul FOURIER : Absolument. Il y a des procès-verbaux de comités d’entreprise que je tiens à votre disposition. Le low fare a été lancé le 1er avril. On nous a expliqué alors, à propos du commissionnement, que la marchandise rentrait sans inventaire et que le personnel n’avait qu’à la vendre et se mettre toute la recette dans la poche. On m’a raconté des anecdotes assez ubuesques à ce sujet.

M. le Rapporteur : Le personnel a accepté ?

M. le Président : M. Gouriou souhaite intervenir.

M. Alain GOURIOU : J’ai été voyageur sur Air Lib pendant la précédente législature. J’ai pris l’avion d’Air Lib toutes les semaines, aller-retour. J’ai donc vu se dégrader les services commerciaux à bord.

Au début, quand vous partiez le matin de bonne heure, on vous servait un petit-déjeuner. Et puis, le soir, quand vous rentriez, vous aviez un sandwich. J’ai vu disparaître le tout. Il n’y avait plus ni petit-déjeuner, ni sandwich, ni journaux, ni rien. C’était un peu spartiate. Pour autant, on partait, on arrivait, ce qui était l’essentiel.

Je n’ai jamais vu vendre quoi que ce soit à bord sur Air Lib. On ne m’a jamais réclamé un centime pour quoi que ce soit. Cela existait peut-être sur certaines lignes, mais il faudrait que vous nous précisiez lesquelles.

M. Paul FOURIER : D’avril 2002 à la fermeture après l’arrêt de la licence, le système low fare a fonctionné sur Nice, Toulouse, Perpignan, Lourdes et Tarbes, enfin l’ensemble des lignes radiales au départ de Paris. Ensuite, ce système a été étendu aux Antilles avec plus ou moins de succès. Les autres lignes internationales n’étaient pas touchées. Pour cela, je pourrai vous donner l’information.

Effectivement, les sandwiches et les boissons étaient payants.

M. le Président : Sur les lignes Nice, Perpignan, Toulouse ?

M. Paul FOURIER : Oui, en tout cas, les grandes radiales au départ de Paris.

M. le Président : Avez-vous pris ces lignes, monsieur Gouriou ?

M. Alain GOURIOU : Je parle de ma ligne : Paris-Lannion.

M. Paul FOURIER : Sur le régional, le low fare n’a pas été mis en place.

Quand nous avons vu arriver ce procédé, nous nous sommes élevés contre. Les procès-verbaux du comité d’entreprise témoignent que nous disons oui au commissionnement, mais pas dans ces conditions-là. Nous avons dit que d’un point de vue fiscal, cela poserait d’énormes problèmes au personnel parce que beaucoup seraient tentés de ne pas déclarer cet argent " au noir ".

Nous avons donc interpellé, y compris en comité d’entreprise, la direction sur ce sujet. Il nous a été répondu que l’on ne savait pas faire autrement, et que l’on essayerait de régulariser tout cela. Cela n’a jamais été fait.

Je crois que M. Lefort voulait que je réponde à sa question rapidement. Je lui réponds donc rapidement...

M. le Président : Je souhaiterais que vous nous donniez les photocopies des procès verbaux dont vous avez parlé. Pas forcément aujourd’hui, vous pouvez nous les envoyer. Il est important que nous les ayons.

M. Paul FOURIER : M. Lefort a demandé s’il y avait eu une offre de reprise par Air France de la compagnie Air Liberté en 1999.

Oui, effectivement, il y a eu une proposition de reprise d’Air France, à l’époque où Swissair nous a repris. L’étude a été assez loin puisqu’elle aurait été évoquée en conseil d’administration d’Air France avec un business plan sur les lignes d’Air Liberté. On nous a dit qu’en gros, la Direction de la concurrence de Bercy avait empêché la chose de se faire parce que l’affaire présentait beaucoup trop d’inconvénients pour la compagnie Air France. Elle l’obligeait à abandonner beaucoup trop de lignes par rapport aux gains que cela pouvait apporter.

C’est ce que l’on nous a donné comme information.

M. le Président : Merci, en tout cas, pour la clarté de votre exposé et pour tous les documents que vous voudrez nous transmettre.


Source : Assemblée nationale (France)