Le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat a pris de manière inattendue, lundi 6 octobre 2003, un décret présidentiel dans lequel il instaure l’état d’urgence dans les territoire palestiniens, et décide de la formation d’un gouvernement d’urgence dirigé par Ahmad Qureih. Cette démarche a été vivement critiquée par les factions militantes palestiniennes, qui craignent que le gouvernement soit formé pour lutter contre la résistance.
Ce décret présidentiel est paru quelques heures à peine après qu’Ahmad Qureih ait annoncé à la presse que Yasser Arafat avait donné son accord à un gouvernement réduit de douze membres, qu’il souhaitait présenter au Conseil législatif, mercredi 8.
D’après des sources palestiniennes anonymes, décrites comme « bien informées » par le quotidien saoudien Dar Al Hayat, quatre raisons expliquent ce développement inattendu. La première concerne le président palestinien lui-même, dont la santé se détériore. C’est pour cette raison qu’il aurait accepté de transmettre les prérogatives de sécurité au ministre de l’Intérieur, le général Nasr Youssef. Deuxièmement, il y a l’extension des menaces contre l’Autorité palestinienne après le raid aérien contre la Syrie, qui incluent notamment une invasion de Gaza. Troisièmement, il existe des rumeurs selon lesquelles Washington aurait donné un feu vert à Israël pour répondre à l’attentat d’Haïfa, à condition que Yasser Arafat ne subisse pas de dommages. Enfin, quatrièmement, les factions militantes palestiniennes menacent de mener de nouvelles attaques en Israël.
Il se murmure également, selon Dar Al Hayat, que l’Autorité palestinienne s’est vue laisser deux mois pour mettre un terme à la « rébellion » du Hamas et du Jihad islamique, notamment en collectant leurs armes. Le mandat légal d’un gouvernement d’urgence est de 30 jours, renouvelables.
Le gouvernement d’urgence est composé de huit ministres, tous membres du Fatah, et dirigés par Ahmad Qureih. Ils doivent prêter serment devant le Président, ce mardi, étant donné qu’un tel gouvernement n’a pas besoin du vote de confiance du Parlement. L’ancien ministre de la Justice palestinien, Abdulkarim Abu Saleh, a déclaré que ce gouvernement d’urgence est « un gouvernement de sécurité », disposant, d’après la Constitution, du droit d’imposer des restrictions aux droits et libertés fondamentaux, si cela s’avère nécessaire.
Le Front Populaire de Libération de la Palestine a condamné un gouvernement « qui ne répond pas aux demandes des Palestiniens » mais constitue un « exécutif national unifié », ce qui pourrait augmenter les tensions internes. Le Jihad islamique a demandé des clarifications concernant les missions du gouvernement, tandis que le Hamas a déclaré que le gouvernement aurait la responsabilité de combattre les agressions israéliennes. Les 85 membres du Conseil législatif ne sont eux non plus pas satisfaits du décret présidentiel. Selon certains d’entre eux, la volonté annoncée du gouvernement de poser les bases « d’une unité nationale et de sa consolidation » est improbable, et il pourrait au contraire mettre un terme à l’unité du peuple palestinien, qui s’est réalisée avec l’Intifada.
Selon des sources anonymes citées par Dar Al Hayat, il est très probable que Qureih va prendre des mesures afin de mettre un terme au « chaos sécuritaire », à la production de missiles Qassam, fermer les tunnels d’approvisionnement, rassembler les armes et arrêter les attaques en Israël.

Source
Dar Al-Hayat (Royaume-Uni)
Dar al Hayatest un quotidien arabe de politique international, basé au Royaume-Uni. Tirant à 110 000 exemplaires, ce journal mêle des articles purement informatifs et un grand nombre d’analyses et d’éditoriaux écrits par des intellectuels du monde arabe. L’une des figures les plus éminentes de la rédaction est Jihad Al Khazen, figure détestée des éditorialistes néo-conservateurs états-uniens. Libanais à l’origine, il a été racheté en 1990 par le prince et maréchal saoudien Khaled ibn Sultan.

« Factions Call Upon Emergency Government To Bear Responsibility Of Confronting Israel », Dar Al Hayat, 7 octobre 2003.