« L’Irakisation : une stratégie perdante »

Iraqification- A Losing Strategy
Newsweek (États-Unis)
Iraqification : Losing Strategy
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Fareed Zakaria est rédacteur en chef de Newsweek International.

[RESUME] Si tout le monde s’accorde sur le fait que l’Irak n’est pas le Vietnam, Washington est pourtant en train de mener une politique similaire à la « vietnamisation » en développant une force irakienne. C’est une stratégie de sortie du conflit irakien, pas une stratégie de succès.
Le président George W. Bush, Donald Rumsfeld, le Congrès et beaucoup d’éditorialistes sont favorables à l’irakisation. L’administration Bush aimerait se désengager dans 18 mois et ne maintenir plus que 50 000 hommes en Irak en 2005. À l’approche de l’élection présidentielle de 2004, le président veut montrer que les Irakiens se gouvernent et que les Américains rentrent à la maison.
Il faut certes impliquer les Irakiens, mais compte tenu des problèmes ethniques, nous n’obtiendrons pas de bons résultats dans la pacification du pays si nous la leur confions. En outre, un désengagement américain serait perçu comme un encouragement pour les guérillas irakiennes. Pis encore, un transfert rapide de compétence à un gouvernement faible entraînerait le renforcement des autonomies de facto des différentes régions et aboutirait à l’éclatement du pays. Malgré tout, les néo-conservateurs veulent au plus tôt confier le gouvernement aux groupes d’exilés autour d’Amhed Chalabi, bien que ceux-ci ne disposent d’aucun soutien populaire.
Les États-Unis n’ont pas d’autres choix que le succès. Pour gagner la paix, il faut d’abord gagner la guerre qui se poursuit dans les territoires sunnites. L’irakisation n’est pas une solution.

« Bush doit ravaler son orgueil sur l’Irak »

Bush must swallow his pride on Iraq
The Age (Australie)

[AUTEUR] Malcolm Fraser est un ancien Premier ministre libéral australien (1975-1983). Il est membre de l’International Crisis Group.

[RESUME] Alors que le monde reste divisé sur l’Irak, la question qui se pose aujourd’hui est de déterminer comment nous pouvons parvenir à l’indépendance de ce pays. Les États-Unis veulent la subordonner à la stabilisation du pays alors que des Américains et des Irakiens meurent tous les jours et que le projet d’installer rapidement une démocratie est un rêve impossible. Sans aller trop loin dans l’analogie, l’Irak devient une guerre de guérilla comme le Vietnam, pays où la population soutenait également les États-Unis au début.
Les États-Unis sont actuellement incapables d’assurer la sécurité et sont donc loin de réussir leur mission. Rien ne nous dit que nous n’avons pas affaire sur place à une résistance nationaliste. Il n’est pas dans notre intérêt de voir les États-Unis humiliés comme à la fin de la guerre au Vietnam. La résolution du Conseil de sécurité est un mouvement dans le bon sens, mais les Américains conservent le contrôle de presque tout en Irak.
Il faut que George W. Bush revienne sur ses déclarations et laisse le contrôle total au Conseil de sécurité en échange d’une implication militaire et financière. Cette petite humiliation à court terme lui offrira une victoire sur le long terme.

« La collection croissante des "20èmes pirates de l’air" »

The Growing Collection of ’20th Hijackers’
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Jonathan Turley est professeur de droit à la George Washington University.

[RESUME] Le vrai 20ème pirate de l’air peut-il se lever ?
Mercredi, le FBI a déclaré qu’il avait découvert l’identité du 20ème pirate de l’air, qui aurait dû se trouver dans le vol 93 qui s’est écrasé en Pennsylvanie et qui ne compte que quatre pirates de l’air contre cinq dans les autres vols. Le FBI n’a pas donné son nom, il s’agirait d’un homme obligé de quitter les États-Unis peu avant le 11 septembre. Quoi qu’il en soit, cette découverte innocente donc les deux précédents « 20èmes terroristes ». Il va prochainement rejoindre la collection de 20èmes de John Ashcroft, qui lutte en ce moment pour faire exécuter le premier Zacarias Moussaoui.
Le problème avec Moussaoui, c’est que s’il a admis être un membre d’Al Qaïda, il a nié être membre de la conspiration du 11 septembre. De toute façon, il n’avait pas de liens réguliers avec les autres et il s’est montré trop lunatique durant son procès pour qu’Al Qaïda ait fait confiance à un individu aussi instable pour travailler dans cette opération. Cela laisse peu de chance qu’il se fasse exécuter, comme le souhaite le gouvernement pour réconforter les familles des victimes et gagner en popularité.
Cette première bataille juridique n’empêche cependant pas Ashcroft de faire juger un autre « 20ème pirate de l’air » avec Bin Al-Sibh et le nouveau suspect dans des dimensions juridiques parallèles. Après tout, puisque 70 % des Américains pensent que Saddam Hussein a un lien avec les attentats du 11 septembre, on pourra également affirmer qu’il est le 20ème terroriste quand on l’arrêtera.
Il faut que le département de la Justice cesse d’être dirigé par son cabinet de communication et renonce à pousser à l’exécution de Moussaoui.

« Poutine face aux oligarques et aux démocrates »

Poutine face aux oligarques et aux démocrates
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Ancien conseiller sur les réformes économiques en Ukraine et en Russie et ancien ambassadeur au Koweït, en Pologne, en Suisse et en Russie, Anders Aslund est directeur du Programme d’études sur la Russie et l’Eurasie à la Carnegie Endowment for International Peace. Son dernier ouvrage s’intitule : Building Capitalism : The Transformation of the Former Soviet Bloc. Cette tribune est diffusée par Project Syndicate

[RESUME] L’assaut que mène Vladimir Poutine contre les oligarques en faisant arrêter Mikhail Khodorkovsky a créé une crise politique profonde dont l’enjeu est la fragile démocratie russe. Les accusations de Poutine contre le président de Yukos sont tendancieuses et en réalité, ce qui lui est reproché c’est d’être devenu trop puissant.
Poutine a, en quatre ans, fait progresser quatre grandes politiques. Si les trois premières, la réforme de l’économie de marché, le principe de légalité et une politique étrangère pragmatique, ont été applaudies à l’étranger, la dernière, la démocratie dirigée, n’a été tolérée que parce qu’elle apportait la stabilité, mais aujourd’hui elle menace les succès dans les trois autres domaines. L’arrestation arbitraire de Mikhail Khodorkovsky, malgré l’impopularité des oligarques, a suscité l’inquiétude dans la population russe. Aujourd’hui Poutine apparaît comme le président du KGB et les Russes ne se sentent plus à l’abri des abus de pouvoir.
Cette crise de confiance se répercutera sur l’économie. Cette arrestation a logiquement été critiquée par la presse économique et les gouvernements étrangers. Aujourd’hui, si Poutine veut sauver sa carrière face à l’union des milieux d’affaire, il doit se débarrasser des hommes du KGB qui l’entourent, faute de quoi, il pourrait bien perdre les élections législatives, puis les présidentielles.

« Perdre la nouvelle Europe »

Losing The New Europe
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Radek Sikorski est l’ancien vice ministre des Affaires étrangères (1998-2001) et de la Défense (1992) de Pologne. Il est directeur de la Nouvelle Initiative Atlantique de l’American Enterprise Institute.

[RESUME] Les nouvelles démocraties d’Europe centrale ont risqué la colère de la France et de l’Allemagne en s’engageant avec les États-Unis en Irak, alors qu’elles ont besoin de leur soutien pour entrer dans l’Union européenne. Elles ont envoyé des troupes dans la zone dirigée par les Polonais et, hier, la Pologne a enduré son premier mort.
Les démocraties d’Europe centrale font confiance aux États-Unis car c’est grâce au président Wilson que la Pologne a été ressuscitée et la Tchécoslovaquie créée, car Ronald Reagan a soutenu les dissidents quand l’Europe apaisait l’URSS, et parce que Washington a étendu l’OTAN alors que l’UE traînait les pieds. En outre, les dirigeants de ces pays ont été informés par Radio Free Europe et ont bénéficié des programmes Fulbright. Pourtant leurs opinions publiques ne partagent pas les vues des États-Unis sur l’Irak, ne pensaient pas être menacés et ne croient pas aux renseignements sur les armes de destruction massive.
Les dirigeants des pays d’Europe centrale ont fait face à l’opposition de leurs populations parce qu’ils pensaient en tirer des avantages. Pourtant, la Pologne et la Bulgarie n’ont pas touché l’argent que l’Irak leur devait ; elles n’ont pas reçu d’aide pour moderniser leurs armées, et leurs ressortissants ont toujours autant de problèmes pour émigrer et travailler aux États-Unis. En outre, chaque déclaration du président Bush en faveur de Poutine, leur fait craindre un nouveau Yalta.
Dans le même temps, les pays d’Europe occidentale investissent massivement en Europe centrale. C’est pourquoi les États-Unis doivent investir davantage s’ils veulent rester dans le jeu.

« Tout le monde n’a pas sa place au FSE »

Tout le monde n’a pas sa place au FSE
Le Monde (France)

[AUTEURS] Auteur de Les Derniers Jours de la classe ouvrière, Aurélie Filippetti est élue du 5e arrondissement de Paris et porte-parole des Verts. Elle a plusieurs fois pris position contre le « discours radical pro-palestinien » chez les Verts.
Christophe Girard est adjoint au maire de Paris en charge de la culture.
Pénélope Komites est adjointe au maire de Paris chargées des personnes handicapées.
Alain Riou est président du groupe Verts au Conseil de Paris.
Michel Vampouille est vice-président du conseil régional d’Ile-de-France chargé de l’environnement.
Arlette Zilberg est adjointe au maire du 20e arrondissement de Paris chargée de la petite enfance.

[RESUME] En tant que militant(e)s et élu(e)s Vert(e)s engagés dans le mouvement altermondialiste, nous estimons que le FSE qui se tiendra à Saint Denis est un événement majeur qui risque d’être parasité, voire dévoyé, par des polémiques qui lui sont étrangères. C’est pourquoi nous pensons que Tariq Ramadan n’a rien à y faire et que les Verts doivent au minimum émettre des réserves sur sa venue.
Nous devons nous battre autant contre l’islamophobie que contre l’antisémitisme. Or, les propos que M. Ramadan a tenus camouflent mal l’antisémitisme. Le projet qu’il développe n’est rien d’autres qu’un nouveau populisme teinté d’intégrisme soft et de misogynie. Nous récusons ceux qui prétendent défendre les jeunes dit « de banlieue » sans les connaître, mais qui cherchent à faire prendre de l’antisémitisme pour de l’antisionisme. Nous récusons ceux qui comparent les Israéliens à des nazis afin de frapper les juifs qui ont souffert de l’Holocauste là où ça fait mal.
Les démocrates doivent critiquer le gouvernement Sharon, mais ils doivent reconnaître le droit à l’existence d’Israël. Dire qu’il y a de l’antisémitisme qui cherche à se glisser dans le mouvement altermondialiste, ce n’est pas dire que les altermondialistes sont antisémites ou que la cause palestinienne n’est pas légitime. Nous ne voulons plus entendre que c’est la « politique de Sharon qui entraîne l’antisémitisme ».
Nous irons au FSE parce que c’est notre place et nous y discuterons avec Ayalon et Nusseibeh qui soutiennent une nouvelle initiative pour la paix, pas avec M. Ramadan.