Séoud et Franklin D. Roosevelt
Le roi saoudien et le président des États-Unis à bord du Quincy, en février 1945.

Le moment est venu pour Washington de renégocier l’Accord signé pour cinquante ans entre Ibn Séoud et Franklin D. Roosevelt à bord du Quincy, le 13 février 1945. L’Arabie saoudite devrait remettre en cause le monopole des concessions pétrolières accordé aux USA et le montant des royalties qu’elle perçoit. Dans cette perspective, il est devenu obsessionnel pour les grandes compagnies pétrolières de contrôler le processus de succession monarchique. En cas de décès du roi Fadh, gravement malade depuis des années, le prince régent Abdallah devrait accéder au pouvoir. Or celui-ci est réputé souhaiter rechercher des rapports d’égalité et non plus de vassalité avec Washington. S’il était empêché, son demi-frère, le prince Sultan, réputé plus pragmatique, pourrait succéder au roi Fadh.

Dès le 13 septembre 2001, l’administration Bush a affirmé que les attentats qui venaient d’être commis à New York et Washington l’avaient été par dix-neuf pirates de l’air, dont quinze auraient été de nationalité saoudienne. Cependant, le FBI n’a jamais indiqué comment il avait établi la liste de ces suspects, lesquels ne figuraient pas sur les listes fournies par les compagnies aériennes de passagers embarqués. En outre, le gouvernement saoudien a retrouvé vivants cinq des suspects prétendus morts dans ces supposés attentats suicides (Abdulaziz Alomari, Mohand Alshehri, Salem Alhazmi ett Saeed Alghamdi vivent en Arabie saoudite, tandis que Waleed M. Alsheri est pilote à Royal Air Maroc). Quoi qu’il en soit et contre toute évidence, le FBI maintient ses accusations fantaisistes, lesquelles sont reprises sans discussion par les politiciens états-uniens et la presse occidentale.

Par la suite, des opérations de désinformation ont été conduites pour faire croire que certaines personnalités et sociétés saoudiennes avaient financé ces attentats. Ainsi en France, un enquêteur du groupe Vivendi, Jean-Charles Brisard, ancien conseiller parlementaire au Congrès des États-Unis, a réalisé une étude sur L’Environnement économique d’Oussama Ben Laden. Il y mettait en cause le milliardaire Khalid Ben Mafouz et la Société de banque arabe (SBA). Selon nos confrères du Pli, ce document fut remis en main propre par le directeur général de Vivendi, le très américanophile Jean-Marie Messier, au président Jacques Chirac pour l’alerter sur les agissements en France de la SBA. Ce rapport fut publié par Guillaume Dasquié sur le site internet de la revue Intelligence Online, dont il était le rédacteur en chef. Il fut également transmis par Vivendi à la Mission d’information parlementaire sur le blanchiment des capitaux et annexé à un rapport public de l’Assemblée nationale. Or les imputations formulées dans ce document relatives à Khalid Ben Mahfouz et à la SBA étaient fausses. Découvrant qu’ il avait été manipulé, le rapporteur parlementaire, Arnaud Montebourg, publia immédiatement un rectificatif et fit retirer de la distribution le texte litigieux.

Les mêmes Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié écrirent bientôt une version remaniée de ce document. Elle fut publiée par les Éditions Denoël sous le titre Ben Laden, la vérité interdite. Si les imputation relatives à la SBA avaient été retirées, cette nouvelle version comprenait des mises en cause de la famille d’Oussama Ben Laden. Jugé diffamatoire par les tribunaux helvétiques, le livre fut interdit en Suisse où vivent plusieurs membres de la famille Ben Laden.

Un cabinet d’avocat sollicita alors des familles de victimes des attentats du 11 septembre pour intenter en leur nom une action judiciaire en complicité contre la famille royale saoudienne. Ce cabinet intégra dans son équipe l’enquêteur et juriste français Jean-Charles Brisard. Cependant, à l’issue d’une longue procédure, la Justice états-unienne rejeta la plainte. Les demandeurs n’avaient pas été en mesure d’étayer leurs allégations selon lesquelles les dirigeants saoudiens avaient procédé à des versements à titre personnel à des organisations charitables qui auraient financé les attentats.

Le 10 juillet 2002, Richard Perle présidait au Pentagone la réunion trimestrielle du Comité consultatif de la politique de défense pour entendre un exposé du Laurent Murawiec, ancien conseiller de Lyndon LaRouche et de Jean-Pierre Chevènement, puis chercheur à la Rand Corporation. Il se livra à une attaque en règle contre l’Arabie saoudite et conclut en préconisant le renversement des Saoud, la confiscation des puits de pétrole, et le transfert de la gestion des lieux saints à la monarchie jordanienne.
En mai 2003, dans Le Figaro, le même Laurent Murawiec accusait nommément le prince Turki d’être le chef d’Al Qaïda et le commanditaire des attentats du 11 septembre.

Désormais, les attaques contre l’Arabie saoudite se focalisent sur le rôle du wahhabisme dans le royaume. Ce courant religieux fondamentaliste se caractérise par un refus intransigeant des idoles qui l’a conduit par exemple à détruire la maison de Mahomet parce qu’elle devenait un lieu de pèlerinage. Il s’agit donc, dans un univers musulman, d’un mouvement équivalent à celui des Iconoclastes chrétiens qui se développa d’ailleurs dans la même région. Le secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, a multiplié les accusations contre le wahhabisme « école de la haine », qui serait responsable de la formation des pirates de l’air saoudiens qui auraient commis les attentats du 11septembre. Puis, le secrétaire Donald Rumsfeld a dénoncé les « madrasas » financées par les wahhabites saoudiens, qui transmettraient cette haine dans le monde. Ces accusations ont été relayées par le think-tank dont se réclament MM. Wolfowitz et Rumsfeld, le Center for Security Policy. L’un des chercheurs travaillant au sein de cette association, Alex Alexiev, est venu témoigner devant le Sénat, le 26 juin, de ce que le wahhabisme était un extrémisme soutenu par un État et propagé dans le monde entier.

Le 18 novembre, le département d’État a organisé une table ronde sur le thème : « L’Arabie saoudite, une menace stratégique : la propagation globale de l’intolérance ». Parmi les experts sollicités, on remarquait l’ancien officier de la CIA Robert Baer auteur de Or noir et Maison-Blanche : Comment l’Amérique a vendu son âme pour le pétrole saoudien, et Martin S. Indyk, ancien ambassadeur en Israël. Les intervenants ont souligné, non sans raison, l’obscurantisme du clergé wahhabite, pour introduire un amalgame sans lien logique avec le terrorisme anti-états-unien.

À Riyad où les attentats se multiplient depuis plusieurs mois, les autorités sont désormais persuadées d’être face à une vaste mise en scène visant à les renverser. Elles accusent à demi-mots Washington d’attiser les extrémismes pour déstabiliser le régime et justifier son ingérence pour sauver ses concessions pétolières.

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