(extrait du procès-verbal de la séance du 7 octobre 2003 )

Présidence de M. Jean-Louis DEBRÉ, Président

M. le Président : Mes chers collègues, je suis heureux de recevoir, ce matin, M. Claude Durand-Prinborgne, juriste de droit public, ancien responsable de l’enseignement scolaire et ancien recteur, spécialiste des aspects juridiques de la laïcité et M. Michele de Salvia, jurisconsulte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

Vous savez, messieurs, que nous essayons de répondre à la question de savoir s’il faut, ou non, compléter, modifier les textes relatifs à la question du port de signes religieux à l’école. Au point où nous en sommes de notre réflexion, il s’agit de décider s’il est opportun de légiférer et, si tel est le cas, quel texte précis doit être proposé.

Vous connaissez, l’un et l’autre, l’avis du Conseil d’Etat du 27 novembre 1989, les circulaires ministérielles et la jurisprudence administrative. Pensez-vous qu’une loi doit venir compléter ce dispositif ? En d’autres termes, le dispositif juridique relatif au port des signes religieux à l’école est-il satisfaisant, peut-il être complété et, s’il peut l’être, comment ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : M. le Président, votre question est extrêmement directe !

M. le Président : Oui, c’est plutôt mon genre !

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Je n’en doutais pas instant !

Avant de vous apporter une réponse, je souhaiterais formuler une observation. Parmi les raisons d’opportunité qui me paraissent conduire à envisager l’intervention du législateur, il en est une, l’incommodité de la situation actuelle pour les chefs d’établissement, qui me semble peser lourd. Or je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que je lis et entends.

Je dois même dire avoir été choqué d’entendre un ancien Premier ministre parler « d’ambiguïté du droit ». Le droit ne m’apparaît pas ambigu. C’est la mise en œuvre de ses règles qui est délicate et qui pose une réelle difficulté.

C’était un premier élément de réponse à votre question, M. le Président, mais il en est un second. Que le législateur ait compétence pour préciser les modalités d’exercice d’une liberté d’expression, corollaire d’une liberté de conscience, ne me paraît absolument pas douteux : c’est au cœur même de la compétence du Parlement français. Mais, que peut faire la loi, en l’espèce ?

A mes yeux, elle ne peut pas, matériellement - je ne parle pas en termes de capacité juridique - venir préciser deux concepts que l’on retrouve constamment depuis l’arrêt du Conseil d’Etat de 1992, que l’on trouvait sous-jacents, dans la circulaire Jospin de décembre 1989 et dans la deuxième circulaire de François Bayrou, de 1994. Ce sont les notions « de signe ostentatoire » et de « port ostentatoire du signe » sur lequel le Conseil d’Etat s’est d’ailleurs prononcé clairement.

Je vois mal comment un dispositif législatif peut préciser la notion de signe au-delà d’une formule très générale opposant le discret au non discret, et définir le comportement de quelqu’un ! Il n’existe, à mon sens, que trois possibilités : la permissivité totale, l’interdiction partielle ou l’interdiction totale.

M. le Président : Vous n’établissez pas de distinction entre signe ostentatoire et signe non ostentatoire ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : M. le Président, l’actuel vice-président du Conseil d’Etat, au moment de l’intervention de la circulaire Bayrou, en 1994, en a livré, au journal « La Croix », une critique assez sévère. Il y voyait une tentative pour glisser de la notion de « port ostentatoire » à celle de « signe ostentatoire ».

Si le Conseil d’Etat n’a pas annulé, dans son arrêt suivant, cette circulaire c’est qu’il l’a considérée comme purement interprétative, comme non-créatrice de droit et donc comme non illégale. Mais il ne l’en a pas moins écartée de sa jurisprudence postérieure ! Le Conseil d’Etat reste attaché à la notion de comportement. Toute sa jurisprudence postérieure consiste, et les derniers arrêts de 1999 sont là pour le confirmer, à demander aux chefs d’établissement d’analyser concrètement le comportement de l’élève et l’ensemble des attitudes qui le constituent sans s’attacher uniquement à ce signe dit « ostentatoire ». Cette notion a été critiquée dès les premières affaires, en 1989, compte tenu de la difficulté de définir ce qui est discret ou non, tout le monde tombant d’accord sur le fait que la petite croix en or, l’étoile à six branches, ou tout autre signe porté autour du cou ne gênait personne.

Etant originaire de l’Ouest et ayant été au cours de ma carrière successivement recteur de l’académie de Rennes et recteur de l’académie de Nantes...

M. Robert PANDRAUD : Et brillant professeur débutant à Nancy !

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Merci, M. le député. .... j’ajouterai que, sans cette tolérance, la répartition des élèves entre le public et le privé ne serait pas celle qu’elle est. J’irai plus loin : presque immédiatement après la loi Ferry de 1882 et la loi Goblet de 1886, il existait dans l’enseignement public primaire, dans ce qui était, à l’époque, la très grande académie de Rennes, une tolérance sur le port de signes religieux discrets au profit du catholicisme. S’il en avait été autrement, il n’y aurait pas eu d’accueil de filles de confession catholique dans les écoles publiques bretonnes !

Tout le problème est de savoir à quel moment l’on passe du discret à l’ostentatoire : est-ce uniquement une question de dimension qui réglerait le problème pour le foulard, mais le poserait pour la kippa ?

M. Michele DE SALVIA : Mon propos s’inscrira plutôt dans le cadre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.

Je me référerai tout particulièrement au texte de l’article 9 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui protège la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le système est le même pour bon nombre de dispositions de la convention : la liberté est la règle, l’ingérence est l’exception.

Pour que cette ingérence soit autorisée par la convention, il faut qu’elle ait une base légale. Je plaiderais donc plutôt en faveur de cette base, si le système devait s’inscrire, bien évidemment, dans le cadre de l’interdiction. S’il s’inscrit dans le cadre de la tolérance, il n’est naturellement pas nécessaire de prévoir de limites, chacun pouvant faire ce qu’il veut.

J’ajouterai un mot sur cette base légale car la jurisprudence est un peu technique. La base légale, selon la jurisprudence, n’est pas seulement la loi mais toute disposition ayant une valeur législative.

Il faut savoir que la convention régit 45 systèmes juridiques différents, de l’Irlande jusqu’à la fédération de Russie, et que le droit est autonome, de même que les concepts. La loi inclut également le droit non écrit des pays de common law qui est évidemment la loi prévue par la convention.

La jurisprudence pose cependant d’autres conditions. Il faut que la loi soit accessible et prévisible, c’est-à-dire que le comportement soit prévisible et qu’elle ait une certaine qualité. Cette notion de qualité de la loi a été développée par la Cour dans des affaires concernant la France, notamment lorsque cette dernière a été condamnée dans le dossier des écoutes téléphoniques, en 1990. La Cour a estimé dans ses arrêts - arrêts Kruslin et Huvig - que la base légale en droit français, n’était, à l’époque, pas suffisante. Le code de procédure pénale prévoyait une disposition qui était tout à fait abstraite. La Cour a considéré que, lorsque la loi restreint l’exercice d’un droit ou d’une liberté garantis par la convention, elle doit avoir une certaine qualité et prévoir, par exemple, quelques modalités notamment les personnes concernées et la durée de la restriction. Il faut donc que le comportement répréhensible soit prévisible pour la personne qui souhaite exercer ce droit.

En ce qui concerne la jurisprudence de la Cour sur le port des signes religieux, il faut dire clairement que le problème s’est posé lorsque la Turquie a adhéré à la convention. La première affaire a donc été une affaire turque, classique, remontant à une douzaine d’années : deux étudiantes qui refusaient d’ôter leur foulard pour se faire photographier ont été exclues de l’université. A l’époque, la Commission, qui aujourd’hui n’existe plus puisqu’il n’y a qu’une Cour, avait estimé que l’exclusion était conforme au principe de laïcité - c’est la première fois qu’est apparu ce « principe de laïcité » dans la jurisprudence - et qu’elle n’était pas disproportionnée, puisqu’il faut savoir que les ingérences doivent, non seulement être légales, et nécessaires pour obéir au principe de proportionnalité, mais également poursuivre un but légitime pour répondre à la condition de finalité.

La Cour a eu, ensuite, à connaître d’autres affaires qui posent le problème du port des signes religieux à l’école par des enseignants. En l’occurrence, elle a estimé qu’il y avait une différence. A cet égard, la décision Dahlab qui concerne la Suisse est très intéressante. Dans cette affaire, la Cour a examiné la question du port du foulard par une enseignante, catholique convertie à l’islam, dans une école publique du canton de Genève qui est très attaché au concept de laïcité. Les autorités scolaires l’ont exclue de l’enseignement et le tribunal fédéral suisse a confirmé l’exclusion. L’enseignante s’est alors adressée à la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle, dans une décision abondamment citée, estimant que l’exclusion était proportionnée, a rejeté la requête comme irrecevable.

Il convient de préciser, car ce n’est pas dénué d’importance, que ladite enseignante exerçait son métier dans une école primaire, pour des élèves entre quatre et huit ans.

Vous trouvez là une affirmation très nette et sans la moindre ambiguïté de la part de la Cour européenne. L’avis qu’elle a rendu me semble très révélateur de son approche. La Cour européenne admet qu’il est bien difficile d’apprécier l’impact qu’un signe extérieur fort, tel que le port du foulard, peut avoir sur la liberté de conscience et de religion d’enfants en bas âge. Elle rappelle que la requérante a enseigné dans une classe d’enfants entre 4 et 8 ans, donc d’élèves plus facilement influençables que d’autres élèves plus âgés. Elle pose la question de savoir comment on pourrait, dans ces circonstances, dénier de prime abord l’effet prosélytique que peut avoir le port du foulard, dès lors qu’il semble être imposé aux femmes par une prescription coranique, comme le constate le tribunal fédéral, et elle estime qu’il est « difficilement conciliable avec le message de tolérance, de respect d’autrui, d’égalité et de non-discrimination que, dans une démocratie, tout enseignant doit transmettre à ses élèves. »

Je dois ajouter que sont actuellement pendantes deux autres affaires qui concernent la Turquie pour l’exclusion de deux étudiantes ayant refusé d’ôter le foulard islamique : il s’agit des affaires Tekin et Sahin. Ces affaires posent le problème de la base légale et c’est pourquoi il est important, pour que toute personne puisse savoir si le port du foulard comporte des conséquences, et si oui, lesquelles, de disposer d’une base légale.

Je terminerai mon exposé en citant un arrêt fort important de la cour constitutionnelle fédérale allemande. Le juge constitutionnel fédéral allemand s’est livré aux mêmes contrôles que la Cour européenne des droits de l’homme. En fait, il n’a pas décidé, mais il a renvoyé au législateur. Il a reconnu que la liberté et l’interdiction étaient possibles, comme en témoigne la traduction française du communiqué de presse que je me suis procurée, hier : « Il n’incombe pas à l’exécutif de donner une réponse à des phénomènes de société en pleine mutation, c’est au législateur qui jouit de la légitimité démocratique de fournir la réglementation nécessaire. » Comme l’éducation est du ressort des länder, c’est aux législateurs des länder qu’il appartient de décider si oui, ou non, il faut interdire le port du foulard.

En résumé, la Cour n’indique pas une voie à suivre et ne tranche pas sur l’interdiction. Elle examine si la mesure adoptée dans les différents systèmes juridiques cadre, ou ne cadre pas, avec la convention, et si les conséquences légales, prévues par la loi, sont, ou ne sont pas, disproportionnées.

Voilà ce que je souhaitais dire pour brosser un tableau sommaire de la jurisprudence de la Cour.

M. Jean-Pierre BRARD : M. le Président, ce que viennent de nous expliquer nos deux invités éclaire singulièrement notre débat, mais, pour être sûr que j’ai bien compris et pour contribuer à éclairer notre mission, je poserai une question : Ces propos traduisent-ils l’idée qu’il est temps de clarifier la situation et de laisser le législateur faire son travail ?

Par ailleurs, j’aimerais savoir si le fait de remplacer l’adjectif « ostentatoire » par « visible », serait de nature à lever les ambiguïtés.

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Je commencerai, si vous le voulez bien, par répondre à la seconde question. La modification proposée ne me paraît pas satisfaisante dans la mesure où le mot « visible » pose également un problème d’interprétation sur lequel nous allons buter.

Je n’aurais pas osé le faire, mais en venant ici, ce matin, j’imaginais que je pourrais me présenter dans une école, vêtu d’un tee-shirt sur lequel serait reproduit ce tableau de Salvador Dali représentant une crucifixion vue d’en haut. Quelles conclusions aurait tirées le chef d’établissement me voyant arriver dans cette tenue ? Soit que j’étais un amateur de peinture, soit que j’appréciais particulièrement Salvador Dali, soit que j’affichais mes convictions catholiques ou chrétiennes. Si j’avais ajouté, sous cette représentation, que les juifs étaient déicides, cette tenue aurait pris un sens, mais sinon, qu’aurait-elle signifié ?

M. le Président : Quand un signe devient-il ostentatoire ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Si je me réfère à la jurisprudence du Conseil d’Etat, je constate qu’au fil des ans, elle gomme la référence à la laïcité, qui était présente dans son avis de novembre 1989, mais qui s’est effacée par la suite. Peut-être en va-t-il ainsi parce que les chefs d’établissement ne se situent plus sur ce terrain, mais sur le terrain du défaut d’assiduité consécutif au refus d’assister aux cours d’éducation physique et sportive. Depuis 1989, c’est la position la plus commode, puisqu’elle ne demande qu’à constater l’absence, sans besoin de porter une quelconque appréciation. Il fut, pourtant, incontestablement un temps où les chefs d’établissement se battaient pour porter l’appréciation dans une espèce de combat laïque. Voilà ce qu’il en est pour ce qui est de la visibilité !

Maintenant, par conviction personnelle, et en dehors de toute appréciation d’opportunité - je le précise bien sachant à quel point il serait difficile d’imaginer que l’on séparât les religions entre elles - je vois dans les affaires de foulard, même s’il s’agit d’une interprétation ethnocentriste et dénoncée comme telle par des sociologues, une spécificité qui a été relevée par la Cour européenne et par le tribunal fédéral de Karlsruhe : leur corrélation avec la condition féminine.

Autrement dit, et je ne voudrais pas me prononcer sur la censure du législateur français par Strasbourg, si la loi intervenait sur ces questions, elle aurait, à mes yeux, des fondements juridiques beaucoup moins contestables qu’en d’autres domaines, y compris à l’intérieur même du système éducatif.

M. le Président : Si on légiférait uniquement sur le foulard ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Oui, mais je précise bien, M. le Président, « en dehors de toute question d’opportunité » parce que je mesure bien les problèmes. Je veux dire par là que l’on peut s’appuyer, d’abord, sur l’atteinte à la liberté de conscience des autres élèves qui est, quand même, plus évidente que lorsqu’il s’agissait de l’étoile de david ou de la croix, ensuite, sur les troubles à l’ordre public qui ont été incontestables, la jurisprudence administrative prenant en compte, non seulement l’attitude de l’élève concerné, mais également celle des parents ou des groupes qui viennent manifester à la porte des établissements, enfin, sur l’atteinte aux droits de la femme, en application de l’article 5 de la convention sur les droits de la femme qui a fréquemment été évoqué, ici même d’ailleurs si j’en crois les comptes rendus de presse de vos auditions.

C’est sans doute de l’ethnocentrisme, mais pour avoir travaillé sur le droit de l’éducation, je relève que le comportement d’élèves, dans le cadre de la liberté d’expression qui leur est reconnue à l’article 10 de la loi d’orientation du 10 juillet 1989, est en contradiction avec les finalités assignées à l’éducation nationale par l’article premier de la même loi qui dispose que : « l’Education nationale contribue à l’égalité des sexes ».

Autrement dit, pour moi, dans ce cas particulier, il y aurait abondance de motifs justifiant une intervention.

M. le Président : Quelle est votre définition de la laïcité appliquée à l’école ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : M. le Président, la lettre que j’avais reçue me demandait de commencer par là et je vais donc vous répondre !

La laïcité, s’agissant de l’école, est consacrée par le préambule de la constitution du 27 octobre 1946, repris par le Préambule de la Constitution de 1958, fondée, c’est extrêmement clair, sur une réaction à la législation de Vichy. L’adjectif qualificatif « laïque » est appliqué à la République et à l’enseignement, mais il n’y a pas de définition constitutionnelle de la laïcité.

Cette notion entre en conflit, ou peut entrer en conflit, avec la liberté de l’enseignement comme cela a été le cas pour la loi Guermeur. L’arbitrage ayant été, cette fois, du Conseil constitutionnel, il détermine un contenu de la notion de laïcité. A contrario, tel n’a pas été le cas, lorsque le Conseil a connu du recours contre la modification de la loi Falloux de 1850, puisqu’il y a, dans l’expression même de l’arbitrage donné par le Conseil constitutionnel, un recours à la notion d’égalité et non pas de laïcité.

La définition est donc législative et l’on retrouve toutes les lois en question dans l’avis du Conseil d’Etat de 1989 : il y accord des juristes sur ce point. Le professeur Rivero écrivait, en 1949 : « la laïcité, ce mot qui sent la poudre ». Et d’ajouter : « lorsque les juristes en parlent entre eux, il n’y a, en revanche, pas de problème ».

Pourquoi ? Parce que c’est une définition qui n’est pas finaliste, mais qui est de contenu et qui se trouve dans toute une série de lois : la loi Ferry de 1882, qui sort l’enseignement religieux de l’enseignement, la loi Goblet de 1886 que l’on attribue à Ferry et qui laïcise le personnel enseignant du primaire, la loi de séparation du 9 décembre 1905, la loi Debré du 31 décembre 1959, la loi Haby de 1975, la loi Savary de février 1984, la loi Jospin du 10 juillet 1989. C’est l’ensemble de ces textes qui détermine ce qu’est la laïcité dans le domaine de l’enseignement.

Les juristes en donnent une définition synthétique : la neutralité. Le principe d’égalité veut la neutralité de tous les services. On distingue le volet neutralité politique et le volet neutralité religieuse. La laïcité c’est la neutralité et la liberté de conscience.

M. le Président : Le port d’un signe peut-il mettre en cause cette neutralité ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : La réflexion que je poursuis à partir de tout ce que je peux lire, me conduit à penser qu’au-delà de l’expression de leurs convictions par certaines jeunes filles de confession musulmane, notre société est agitée par un autre débat qui est une aspiration à remettre en cause les fondements de la loi de 1905 sur la notion de sphère publique et de sphère privée, dans une sorte « d’œcuménisme », le terme n’étant pas à prendre à la lettre. Je veux dire par là qu’il y a une forme de rencontre des grandes religions, au moins des grandes religions du Livre, pour souhaiter qu’il y ait des possibilités d’expression, actuellement refusées, des appartenances religieuses.

Au niveau scolaire, cette démarche s’oppose à l’idée, parfois exprimée, qu’à la fin du XIXème, la neutralité dans la conception Ferry de l’instruction publique est une neutralité d’abstention ou, plus exactement de non-affichage, à la fois pour les élèves et pour les enseignants.

On sent indirectement, poindre, sous l’influence, non pas de l’Europe, des institutions européennes ou du droit européen, mais plutôt des comparaisons avec ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, une espèce d’aspiration à pouvoir pratiquer un tel affichage, mais il appartient au système éducatif d’apprendre aux élèves à accepter l’idée qu’ils sont différents et qu’ils peuvent afficher leurs différences dans le cadre que les Anglo-Saxons qualifient de non sectarian.

Tels sont les termes dans lesquels la question va, selon moi, se poser et elle sera très compliquée dès l’instant où l’on parle, ce qui ne paraît pas soulever beaucoup d’objections, sauf dans le milieu du combat laïque, non pas d’un enseignement religieux, mais d’un enseignement des religions, tant il est certain que l’introduction d’un enseignement des religions pourrait avoir comme corollaire l’apparition d’un affichage des appartenances. Nous en sommes arrivés là, ce qui donne au débat une dimension encore plus considérable que la perception première que l’on peut en avoir.

Je répète que je suis frappé de constater que, progressivement, le Conseil d’Etat dépouille ses arrêts de tous les premiers considérants qui soulignaient la dimension laïque, pour arriver à une formulation de plus en plus ramassée nous laissant face à deux interprétations.

S’agissant de la première interprétation, j’ai eu des échanges sur ce point avec certains des membres éminents du Conseil d’Etat pour qui la situation actuelle des signes religieux à l’école est en tout point comparable à celle vécue dans certaines communes de France, au lendemain de la loi de 1905, lorsque des maires s’acharnaient à interdire le port du costume ecclésiastique, ainsi que les processions dans les rues au nom de l’ordre public et les sonneries de cloches. Le Conseil d’Etat a mis une dizaine d’années, par une jurisprudence constante, répétée martelant qu’il y avait atteinte à la liberté, pour les faire céder. Deux de ces membres les plus éminents du Conseil d’Etat ayant établi cette comparaison ont déclaré que les chefs d’établissement devront, eux aussi, progressivement céder !

Il est une seconde interprétation de la formulation des arrêts au sujet de laquelle vous m’autoriserez à faire une unique petite citation. J’ai, en effet, relu, en prévision de notre rencontre, tous les documents concernant, notamment, la renonciation du Conseil d’Etat à évoquer la laïcité. L’explication de cette attitude se trouve peut-être, dès 1992, dans les conclusions du commissaire du gouvernement David Kessler et notamment dans ce passage : « S’agissant du principe de laïcité à l’école, l’avis - il fait référence à l’avis de novembre 1989 - s’est attaché, nous semble-t-il, à renverser l’approche qu’avaient certains de ses défenseurs les plus ardents. La laïcité n’apparaît plus comme un principe qui justifie l’interdiction de toute manifestation religieuse. L’enseignement est laïque, non parce qu’il interdit l’expression des différentes fois, mais au contraire parce qu’il les tolère toutes. Ce renversement de perspective, qui fait de la liberté le principe et de l’interdit l’exception, nous paraît également particulièrement important. »

C’est là le passage du considérant qui précède le fameux arrêt mettant en cause cinq élèves et faisant suite à la requête présentée par MM. Kherouaa et Balo et Mmes Kachou et Kisic, dans lequel le Conseil d’Etat ne se prononce pas au fond. Il confirme une décision du tribunal administratif qui refuse d’annuler des sanctions d’exclusion parce que l’établissement avait formulé une interdiction générale et absolue et avait entendu se dispenser de l’examen au cas par cas, ce que n’a jamais admis le Conseil d’Etat et ce qu’il ne veut pas admettre.

J’avais intitulé ma dernière chronique, et je m’en tiendrai là, M. le Président « Une jurisprudence affirmée, une jurisprudence contestée ». Il y a, en effet, une opposition incontestable entre, d’une part, un juge, le juge administratif, avec une jurisprudence très uniforme et très cohérente, et, d’autre part, des personnels de l’Education nationale qui refusent d’accepter les solutions qui ont été celles du juge et qui mènent un combat pour que le législateur intervienne.

M. Jean GLAVANY : Je voudrais, tout d’abord, bien comprendre, car l’histoire est souvent éclairante, cette comparaison entre la jurisprudence et l’attitude du Conseil d’Etat, après la loi de 1905. Vous confirmez qu’après 1905, le Conseil d’Etat a fait plier ceux qui voulaient aller au bout de la logique de séparation, en interdisant le port du costume religieux aux enseignants ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Non ! Il y avait, comme c’est le cas à l’heure actuelle, un conflit entre différentes formes de liberté : entre la laïcité, d’une part, et, d’autre part, la liberté d’aller et venir s’agissant des processions, de la liberté personnelle et autres. Le Conseil d’Etat a donc interdit les interprétations rigoristes de la loi de 1905 en défendant certaines libertés.

Or, actuellement, la jurisprudence du Conseil d’Etat peut être analysée comme étant essentiellement, et de plus en plus, une jurisprudence qui défend la liberté d’expression comme corollaire de la liberté de conscience, un peu - mais je ne voudrais pas forcer le trait - comme si l’on disait que ces deux libertés sont consubstantielles dans la démocratie.

On peut en limiter l’exercice puisque, conformément à la formule classique des juristes selon laquelle « toute liberté comporte des limites », la limitation par l’ordre public et dans le souci de respecter la liberté des autres est prévue, dès les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, relatifs aux libertés d’ordre public.

Tout y est déjà en germe et il n’y a pas, sur ce point, de différence entre notre législation révolutionnaire et les interprétations de l’article 9 de la convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. Les constructions obéissent au même schéma, à ceci près qu’à la longue, on a fait céder les maires.

Par rapport à ce que vient de dire M. De Salvia, il me paraît important de souligner que l’un des problèmes de notre système est que dès que nous parlons de jurisprudence administrative, nous sortons un petit peu du modèle classique du droit français, appliqué au droit privé. Nous sommes presque dans un droit de jurisprudence, un droit de common law. Vous évoquez les obligations des personnels, sur lesquelles je ne reviendrai pas, si ce n’est pour dire qu’elles sont déterminées depuis longtemps puisqu’il existe un arrêt du Conseil d’Etat remontant à 1908 et un autre à 1948 sur le sujet. C’est en 1912 que le Conseil d’Etat, dans l’arrêt Bouteyre, en dehors de toute loi, mais s’appuyant sur la solution du législateur pour le primaire, a jugé qu’un prêtre ne pouvait pas passer l’agrégation d’histoire au motif qu’il était religieux.

Autrement dit, sur toutes les questions que vous évoquez, il y a une jurisprudence administrative et c’est elle qui a déterminé et qui adapte le corpus de règles à appliquer. L’avantage de ce système c’est sa souplesse, son inconvénient, c’est qu’il n’est pas l’œuvre du législateur.

M. Jean GLAVANY : J’aimerais bien creuser ce point car je pense qu’il est au cœur du problème juridique qui nous est posé.

J’aimerais comprendre. Est-ce que, comme certains l’ont dit, cette jurisprudence du Conseil d’Etat était, si j’ose dire, « d’opportunité » - nous avons entendu un conseiller d’Etat nous dire que le Conseil d’Etat aurait très bien pu faire autre chose et qu’il n’y a aucune raison de se croire contraints par son avis de 1989 - ou est-ce que, comme vous semblez l’indiquer, toute action législative, toute action de jurisprudence et tout jugement dans cette affaire sont très contraints par ces deux principes du droit français et européen, supérieurement protégés par la Constitution et la convention européenne : le principe de laïcité d’une part, et le principe de liberté, et notamment de liberté d’expression religieuse, d’autre part ?

L’équilibre entre ces deux principes, qu’il faut bien dire contradictoires, ne crée-t-il pas une contrainte pour les législateurs ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Le législateur peut parfaitement - et s’il le faisait sur cette question, ce ne serait pas l’un des cas les plus critiquables car il en est d’autres qui le furent davantage dans le passé -, revenir sur une jurisprudence aussi ferme soit-elle. C’est tout à fait normal, pour ne pas dire souhaitable, dans un certain nombre de cas. Sur ce point, je n’ai pas de doute !

Votre question appelle trois observations.

Premièrement, le Conseil d’Etat est consulté pour avis par le gouvernement.

Deuxièmement, il donne son avis, alors que nous savons très bien qu’il s’articule de différentes manières, dans la formation la plus solennelle à laquelle il a recours : l’assemblée générale plénière. Cet avis est rendu public, alors que, récemment encore, le Conseil d’Etat rappelait qu’en règle générale ses avis ne sont pas rendus publics ce qui dénote une volonté d’en projeter, vis-à-vis des tiers, le contenu.

Troisièmement, lorsque le Conseil d’Etat statue, en 1992, il adopte exactement la position du même Conseil d’Etat dans sa fonction consultative et va jusqu’à reprendre, dans les premiers considérants de son arrêt, la totalité de l’argumentaire de l’avis de novembre 1989, ce qui n’est pas, non plus, une obligation : les juristes savent parfaitement qu’il arrive que le Conseil d’Etat, au contentieux, ne suive pas du tout le Conseil d’Etat dans sa fonction consultative.

Ensuite, toute la jurisprudence s’aligne sans jamais dévier.

Il est vrai que le Conseil d’Etat aurait peut-être pu arbitrer différemment, mais, pour moi, la porte ne peut absolument pas être fermée au législateur. Il est tout à fait normal qu’il intervienne, mais cela nous ramène à cette question grave que j’ai formulée au début de mon propos : pour quoi faire ?

Je serais enclin - suis-je autorisé à le dire librement ? - à penser que par certains côtés, l’importance des définitions jurisprudentielles pour le secteur de l’Education place un peu notre droit dans la situation où le législateur s’est trouvé lorsque, en 1946, il a élaboré le premier statut général de la fonction publique. La masse de solutions jurisprudentielles existantes et d’arrêts du Conseil d’Etat ont été repris et formalisés dans un dispositif législatif et, au fond, je n’aurais pas de mal à imaginer que l’on reprenne le problème de la laïcité à l’école, mais pas uniquement concernant l’affaire du foulard.

M. le Président : C’est un peu contradictoire avec vos propos antérieurs...

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : S’agissant des questions d’assiduité, le Consistoire central des israélites de France a tout de même contesté devant le Conseil d’Etat le décret de 1991 faisant obligation d’assiduité aux élèves, au motif qu’il empêchait la pratique du shabbat le samedi.

Concernant les obligations des personnels auxquelles il a été fait allusion, nous restons avec de la jurisprudence et un avis du Conseil d’Etat, ce dernier ayant donné, à la demande d’un tribunal administratif, un avis non pas un arrêt, précisant que l’obligation de respect de la laïcité s’imposait aux personnels d’éducation et pas seulement aux enseignants.

Je ne serais en rien opposé à ce que le législateur réaffirme pour le primaire la solution de la loi Gobelet de 1886, à ce qu’il confirme législativement la solution de 1912 pour le secondaire, et, laissant de côté l’enseignement supérieur, à ce qu’il précise les obligations des fonctionnaires dans leur comportement. En effet, je ne peux pas envisager que l’on revienne sur les fondements des obligations de comportement de nos enseignants. J’entends parfois proposer d’aligner les élèves sur les enseignants ou le contraire : eh bien, non !

Pour ce qui a trait aux enseignants, les choses ont été dites clairement dans la lettre de Jules Ferry, en 1883. Elles ont été reprises en excellents termes, dans la circulaire de 1989 : les enseignants doivent respecter les convictions des familles et ne doivent pas exercer une influence qui tient à leur statut et à leur situation dans un système scolaire, pour exercer sur les élèves une pression de quelque ordre qu’elle soit ! En conséquence, je crois que les obligations des enseignants, même si cela devait constituer une dérogation par rapport à tout le reste de la fonction publique, sont des obligations de respect strict du non-engagement religieux. Sur ce point, le juge administratif a admis la révocation d’une enseignante portant le foulard et le Conseil d’Etat a donné un avis disant que l’on pouvait effectivement étendre l’interdiction à d’autres personnels que les personnels enseignants.

J’ajoute qu’il a précisé, dès le début de ce siècle, les obligations des agents, y compris dans la vie privée et dans la vie publique, pour bien marquer que leur service comporte, avant tout, une obligation scrupuleuse de respect des convictions des enfants qui leur sont confiés. Pour ce qui me concerne, je suis en la matière, farouchement hostile à toute idée d’évolution.

Le ministère est maintenant mis en présence de situations plus complexes : celles des enseignants devenus religieux ou prenant des engagements religieux, après leur recrutement et en cours d’activité. Il y a quelques lettres ministérielles sur la question du diaconat et la possibilité de maintien avec un petit avis du Conseil d’Etat de 1971, qui a été oublié parce qu’il allait dans le sens de la non-incompatibilité.

S’agissant des élèves, je suis tout à fait d’accord pour séparer leur situation de celles des enseignants. Les concernant, il est un point qui me semble être évoqué de façon sous-jacente dans certaines jurisprudences : l’article 10 de la loi de 1989 qui leur accorde la liberté d’expression n’est pas une création ex nihilo française, mais la traduction dans notre droit - je sais bien que tous les autres états ne l’ont pas fait - de la déclaration universelle sur les droits de l’enfant, sur la liberté d’expression et c’est ce à quoi le Conseil d’Etat fait produire plein effet. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne peut pas y avoir de limites si le recours à cette liberté d’expression est attentatoire à la liberté de conscience des autres élèves ou créateur de troubles.

Autrement dit, oui, d’une certaine manière, cette jurisprudence nuancée a pu nous mettre à l’abri de censures strasbourgeoises...

L’avis du Conseil d’Etat a fait l’objet de quatre commentaires, et l’un de leurs auteurs, avait relevé que le Conseil d’Etat assortissait l’affirmation du principe de liberté d’expression des élèves, de toute une série de réserves en demandant d’en faire une lecture attentive : on trouve la réserve d’ordre public, la réserve de fonctionnement du service, la réserve de non-atteinte au fonctionnement des autres, la réserve du prosélytisme. Autrement dit, il y a déjà là des balises qui déterminent les limites que ne doit pas franchir celui qui revendique sa liberté d’expression.

Que ces balises soient propres au milieu scolaire ne me choque nullement. Je dirai plus : j’y souscris totalement car il y a une spécificité du milieu et j’y souscris d’autant plus que, dès 1912 le commissaire du gouvernement près du Conseil d’Etat avait parfaitement marqué la différence, en ce domaine, entre le primaire et le secondaire, d’une part et, d’autre part, l’enseignement supérieur pour lequel rien de tout cela n’existe. Il y a eu, dans l’enseignement supérieur, des enseignants qui étaient des prêtres et il y a, dans l’enseignement supérieur, une liberté d’expression qui impose la quête de l’objectivité scientifique, mais qui n’interdit pas d’aborder les sujets religieux. Le seul arrêt concernant le port du foulard dans l’enseignement supérieur, non sans un brin de perfidie, est une annulation, pour contentieux, d’une décision de la doyenne d’une faculté de droit, à Lille, utilisant le motif du risque de troubles à l’ordre public pour refuser l’accès de l’établissement aux jeunes filles voilées.

M. Robert PANDRAUD : La comparaison que vous avez établie entre la situation actuelle et l’évolution jurisprudentielle de la loi de 1905 est très intéressante. Il est vrai que cette loi a évolué dans un sens beaucoup plus libéral que ne le souhaitaient probablement les auteurs du projet de loi encore qu’ils ont toujours été très encouragés par Aristide Briand, par opposition à Clemenceau dont la pensée pouvait se résumer en ces termes : puisque nous sommes dans le désordre, restons-y !

Les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat ont effectivement une attitude équivalente à celles des défenseurs de la loi de 1905 par rapport aux messes, réunions publiques, processions et sonneries de cloches. Je me rappelle qu’il y avait même eu annulation d’un arrêté municipal interdisant la voie publique aux curés en soutane, au motif que c’était un uniforme étranger... Compte tenu des problèmes existant à l’époque avec Rome, le port de la soutane a d’ailleurs sans doute été la question la plus discutée, mais c’est un autre problème.

La situation n’est évidemment plus la même, mais la jurisprudence, qui s’attachait alors à répondre à la question de savoir si l’église catholique était une secte peut être reprise mot à mot pour s’appliquer aux sectes actuelles. Par conséquent, si nous faisons, demain, un pas dans le sens de la multireligiosité, qu’en sera-t-il des sectes ? C’est là un problème dont on ne parle jamais pour la bonne raison - soyons francs - qu’il a surgi avec l’arrivée de l’islam et le durcissement de la religion juive, parallèlement à la neutralité de l’enseignement catholique. On ne peut pourtant pas aller trop loin dans le libéralisme, sauf à risquer d’introduire des sectes à l’école.

Il est un problème peut-être encore plus délicat. L’enseignement public, depuis son origine, et plus encore au cours des trente dernières années, a été particulièrement ouvert. On interdit aux élèves voilées de ne pas assister aux cours d’éducation physique mais quand le curé avait besoin d’enfants de chœur, le curé autorisait systématiquement les enfants à servir les messes des différentes cérémonies. Il est également vrai qu’il a eu de multiples jurisprudences sur le fait de savoir si l’institutrice pouvait aller nettoyer l’église avant la messe ou d’autres situations qui ont fini par se régler avec le temps...

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Je souscris à cette intervention. En relisant tous les textes dont je dispose, j’ai été frappé par le fait que l’un des commentateurs de l’avis estimait qu’au fond, le problème est simple. Selon lui, dans la mesure où il y a liberté de l’enseignement, laquelle a été conciliée avec la laïcité, il suffirait d’utiliser la liberté de l’enseignement et de dire aux élèves qui ne se sentiraient pas bien dans les établissements publics d’aller dans des établissements privés, ce qui permettrait d’y maintenir le corpus d’exigences de la laïcité d’aller dans les établissements publics. On peut en discuter car cette solution ne me paraît pas régler tout à fait le problème !

J’ai retrouvé sous la plume de l’un des commissaires du gouvernement, une autre proposition, de 1999, cette fois, et qui est très curieuse. Elle consiste à dire que le problème peut être réglé par le recours à l’article de la loi de 1905 qui autorise la création des aumôneries. Si vous faisiez en sorte que le régime des aumôneries soit encore un peu plus libéral qu’il n’est et qu’il y ait des aumôneries pour les différents types de confession, à l’intérieur même des établissements publics, vous seriez autorisés à ne rien admettre en dehors des structures de formation religieuse.

Sur la première solution, je suis un peu réservé. Il est certain que, après 1992, le Conseil d’Etat a confirmé un certain nombre de décisions d’exclusion : on trouvait toujours, derrière les parents, des associations islamistes. Je précise, à ce propos, qu’il existe un guide de procédure d’un certain docteur Abdallah, préfacé par un professeur de droit d’une université de théologie musulmane du Caire, qui édicte la conduite à tenir dans telle ou telle situation. Or, à partir du moment où le Conseil d’Etat a confirmé les décisions d’exclusion, une partie des jeunes filles affectées par cette décision se sont inscrites dans des établissements catholiques sous contrat.

On a donc eu ce spectacle un peu curieux d’une laïcité d’abstention totale défendue dans le public et d’une laïcité d’ouverture représentée par le privé. Je suis assez réservé par rapport à cette idée qui voudrait que le privé règle le problème car elle présente un inconvénient qui me trouble : le fait d’utiliser, alors qu’elle n’a pas été faite pour cela et qu’elle n’a, jusqu’à présent, pas joué ce rôle, la mise sous contrat, que je distingue de l’autorisation d’ouverture, d’établissements privés dont chacun sait qu’ils seront intégristes. L’argent de l’Etat n’a pas à financer cela !

Je suis quand même frappé de lire, selon des informations récentes, qu’il y a 25 000 élèves qui fréquentent des écoles juives...

M. Robert PANDRAUD : Dont certaines très intégristes !

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Et dans lesquelles, sauf à faire du testing, comme cela se pratique à l’entrée des clubs ou des bars, ne sera jamais inscrit un enfant catholique, protestant, calviniste, musulman, athée ou agnostique. Or, l’Etat finance ce type d’établissements. Qu’ils existent, je n’y vois rien à redire puisque nous sommes dans un régime de liberté de l’enseignement, mais qu’ils puissent bénéficier du soutien de l’Etat, c’est une tout autre affaire !

Au fond, si le rectorat de Lille - que j’ai bien connu - a manifesté quelques réticences à l’ouverture d’un lycée musulman - qui est l’unique lycée musulman et qui n’accueille qu’une poignée d’élèves que je compte sur les doigts de mes deux mains - ce n’est pas tant par rapport à son ouverture, que par rapport à la perspective d’une mise sous contrat susceptible d’intervenir dans cinq ans, alors qu’il y avait deux écoles musulmanes : l’une à la Réunion, et l’autre sur le territoire métropolitain. De ce point de vue, je pense que l’on ne peut prôner la rigueur, le maintien de la laïcité dans l’enseignement public et renvoyer les élèves qui la refusent ailleurs que si cet ailleurs n’est pas financé sur des fonds publics, ou pour le moins pas dans les conditions actuelles. C’est une position personnelle fondée sur des textes !

M. Jean-Pierre BLAZY : Vous abordez là une question tout à fait intéressante qui pourrait faire l’objet d’un autre débat, mais qui ne nous éloigne cependant pas trop de notre sujet.

Vous avez commencé votre intervention en évoquant « l’incommodité » de la situation des chefs d’établissement sans en dire beaucoup plus. J’aimerais connaître votre analyse de la situation, d’ailleurs difficile à évaluer, les chiffres de la médiatrice ne correspondant qu’à la partie émergée de l’iceberg.

Vous avez ensuite déclaré que le droit n’était pas ambigu, mais que sa mise en œuvre était délicate et tous vos propos, au demeurant fort intéressants, tendent à démontrer qu’au bout du compte, le législateur aurait peut-être à légiférer sur cette question. Il est vrai que la jurisprudence est parfois contradictoire entre le Conseil d’Etat et le tribunal administratif : nous en avons, au moins, un exemple.

Vous avez, par ailleurs, constaté une sorte d’affaissement de la laïcité à travers les attendus du Conseil d’Etat et je souscris à votre observation. S’agissant des enseignants, les choses sont claires, mais s’agissant des élèves, les choses sont floues et je suis, quant à moi, de ceux qui pensent que, face à la situation que nous connaissons et à cette jurisprudence contradictoire, il convient sans doute que le législateur propose une loi dont, bien entendu, le contenu et la forme pourront être discutés.

On nous oppose souvent que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme nous empêcherait de légiférer. Or les propos de M. De Salvia m’ont semblé assez clairs : si la jurisprudence française se refuse à voir dans le port du foulard du prosélytisme, la Cour européenne voit, quant à elle, dans l’interdiction du port du voile par une enseignante, un moyen de garantir la neutralité de l’enseignement primaire public.

Dans ces conditions, quelles sont les incompatibilités avec le droit européen ? Sont-elles réelles par rapport à une loi éventuelle qui interdirait le port de tout signe religieux au sein des établissements scolaires français ?

Ma seconde question s’adresse à M. Durand-Prinborgne : puisque vous évoquez dans une récente étude le cas de l’Alsace-Moselle, quel est votre point de vue sur le sujet ? Si j’ai bien compris, vous seriez partisan de revenir sur ce statut particulier ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Devant mon voisin qui vient de Strasbourg, je m’abstiendrai de prendre une quelconque position.

Je constate que la question a été posée en 1920, si ma mémoire ne me trahit pas, que ce sont les Alsaciens et Lorrains eux-mêmes qui se sont opposés à ce que l’on vienne modifier la situation en 1924 et que personne n’a osé y toucher. J’entends bien que les syndicats enseignants manifestent, de façon d’ailleurs constante, une orientation commune en disant qu’il faut revenir sur ce statut, qu’ils ont trouvé, à l’occasion du problème posé par les signes religieux, un argument supplémentaire qui est l’atteinte à la liberté de conscience des familles à qui l’ont fait obligation de demander la dispense de l’enseignement religieux. Pour le reste, je me suis gardé de toute appréciation sur la nécessité d’en finir avec ce régime, dans la mesure où il ne me paraissait pas poser de problèmes fondamentaux.

Pour ce qui est de votre première question, il y a eu, et je crois que tout le problème juridique est là, dès l’avis du Conseil d’Etat et, a fortiori dès les premiers arrêts, une attitude de refus. J’ai été si longtemps recteur que je connais bien les enseignants et que je pèse mes mots. Cette attitude de refus procède de deux constats qui se trouvent pourtant au cœur du dispositif juridique conçu par le Conseil d’Etat.

Le premier constat est qu’il va y avoir, sur le territoire national, des différences de comportement des chefs d’établissement aboutissant à tolérer ici ce qui ne sera pas toléré ailleurs. Je conçois très bien que la question soit ainsi formulée : elle traduit un attachement aux conditions d’égalité sur l’ensemble du territoire. Je précise simplement que le dispositif que le Conseil d’Etat a voulu et sur lequel il a été suivi par l’administration était, au contraire, d’admettre qu’il était possible d’imaginer des solutions différentes, parce qu’étroitement liées aux conditions de temps et de lieu. Je ne vais pas citer toute la jurisprudence, mais l’affaire Yilmaz, qui a été jugée par le tribunal administratif de Nantes et jugée par le Conseil d’Etat, concerne une élève du lycée Du Bellay à Angers. L’affaire du lycée Faidherbe à Lille concernait, elle, 17 élèves du même établissement !

Je me suis amusé à étudier les localisations des contentieux. Lorsque, en septembre 1996, le Conseil d’Etat, en une seule séance, s’est prononcé vingt fois, alors qu’il est intervenu chronologiquement à huit reprises, il faut savoir que, sur les vingt arrêts, treize concernaient, n’en déplaise à mon voisin, quatre collèges de Strasbourg.

J’ai trouvé une plaque de contentieux à Lille, une plaque à Strasbourg et une plaque à Nantua. Pour ce qui a trait à l’affaire des élèves turques de Vendôme, nous étions bien loin d’imaginer qu’un problème de cette ampleur puisse se poser dans le département du Loir-et-Cher. Dans tout cela, ce qui me frappe, c’est que la localisation des affaires ne correspond pas aux zones de forte implantation d’une population d’origine maghrébine, immigrée et de nationalité française : dans ce type d’affaires, on trouve des Turcs, je dirais même des Kurdes, quelques Iraniens, des Marocains du Sud, pratiquement pas d’Algériens. Il est d’ailleurs pour le moins surprenant qu’il n’y ait pas de contentieux dans le département des Bouches-du-Rhône et qu’il n’y en ait pas plus sur le pôle Lille-Roubaix-Tourcoing.

La cartographie des affaires montre que ces démarches sont liées à des appartenances identitaires, communautaires, auxquelles vient s’ajouter l’aspect religieux.

On se heurte, au départ, à un refus d’admettre qu’il peut y avoir des différences, alors que, pour l’administration, il n’est pas illogique qu’il y en ait. J’ai été appelé, il y a quelques années, par le recteur de l’académie de Versailles pour faire une conférence devant les chefs d’établissement. A la fin de la conférence, l’un d’entre eux est venu me trouver et m’a dit : « M. le recteur, je n’en ai pas parlé à mon recteur, mais j’arrange les choses tout seul ! ». Ils sont un certain nombre à procéder de la sorte.

Le Syndicat national des personnels de direction de l’enseignement secondaire (SNPDES) a joué un rôle déterminant quand il a refusé que le chef d’établissement soit contraint de se livrer à une appréciation. Sur ce point, le Conseil d’Etat n’entend pas céder et les juristes ne comprennent pas l’opposition syndicale parce qu’il est de l’essence même de l’exercice d’un pouvoir, en dehors ce que les juristes appellent « la compétence liée », de se livrer à une appréciation avant de prendre une décision : c’est ce que fait le maire qui a à décider d’une interdiction ou d’une mesure de sécurité, c’est ce que fait aussi régulièrement le préfet. Je vais dire les choses comme elles me viennent à l’esprit : il n’y a pas de consignes nationales pour interdire les conférences de Jean-Marie Le Pen lorsqu’il fait une tournée en France : il appartient à chaque maire ou préfet d’analyser la situation en fonction des forces de police dont il dispose, des risques d’incidents qui peuvent exister et ainsi de suite. On a, là, intrinsèquement une démarche juridique qui est l’appréciation itinérante du pouvoir de décision.

En la matière, même si je vois mal comment la satisfaire, je comprends très bien l’aspiration un peu enfantine des chefs d’établissement d’avoir une règle simple et claire, et cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, parce qu’ils savent que, dès qu’ils sont confrontés à une affaire de ce type, ils ont à la porte de leur établissement TF1, France 2, France 3 et j’en passe, sans parler des chroniqueurs de la presse écrite.

Deuxièmement, parce qu’ils comptent, au sein de leur établissement, des enseignants qui se font les défenseurs d’une conception de la laïcité, ce qui est, humainement et intellectuellement, très compréhensible, reposant sur des analyses beaucoup plus historico-philosophiques que juridiques. Dans l’affaire de Lyon qui, pour l’instant n’a pas donné lieu à du contentieux, on ne peut pas considérer que le recteur n’a pas joué son rôle vis-à-vis du lycée en cause : il a, au contraire, été constamment sur la brèche. Simplement, il y avait une professeur de philosophie qui défendait, comme c’est son droit le plus strict, une certaine conception de la laïcité. Or, il est vrai que vivre une telle situation avec un enseignant pose toujours un problème à un chef d’établissement.

Troisièmement, parce que, je dois bien l’avouer, mais je ne suis plus aux affaires depuis longtemps, on ne peut pas dire que le ministère ait fait beaucoup d’efforts d’information et de formation sur ce dossier. Le minimum aurait quand même été d’expliquer largement que nous sommes en présence d’un conflit entre la liberté de conscience et la laïcité, et qu’il ne se traite pas « à la va vite » ! En matière de formation, je pense qu’à peu près rien n’est prévu dans les programmes des Instituts de formation des maîtres (IUFM).

Le ministère dispose-t-il des ressources suffisantes pour assurer une telle formation ? C’est un autre problème, mais je crois qu’on commence à s’en soucier.

J’ajoute, et ce sera ma dernière observation que, lorsque les chefs d’établissement se disent abandonnés par leurs autorités hiérarchiques les plus proches, c’est à la fois vrai et faux. La première intervention du Conseil d’Etat, en 1992, a été pour dire qu’ils ne pouvaient pas saisir directement le juge, mais qu’ils devaient, assistés du conseil de discipline, faire appel devant le recteur qui connaît en appel du recours contre la décision du conseil de discipline de l’établissement. Le juge, lui, a laissé entendre que l’intervention du recteur ne sert à rien, car il confirme systématiquement toute décision des chefs d’établissement. Il n’y a donc pas, en dehors de la médiation, de niveau de contrôle intermédiaire qui offre à la fois une possibilité d’explication et un moyen d’agir.

Pour ce qui est de l’évaluation du nombre de cas, je sais qu’elle pose des difficultés, même si les renseignements sont plus précis s’agissant des interventions de la médiatrice. Pour ce qui est du Conseil d’Etat, je vous ai fourni les réponses : la première intervention en contentieux est survenue en 1992 ; la deuxième en 1994 ; la troisième qui s’est traduite par deux arrêts, en 1995. Deux arrêts ont été rendus en mai, et vingt en septembre, en 1996, puis, il a fallu attendre 1999 pour avoir deux nouveaux arrêts. Par conséquent, le Conseil d’Etat, juge suprême, ce qu’il ne faut pas oublier en établissant une comparaison avec 1905 quand le Conseil d’Etat était un juge administratif unique puisqu’il n’y avait pas les tribunaux administratifs, est intervenu à huit ou neuf occasions, dont une fois pour rendre vingt arrêts.

Pour ce qui est de l’attitude des tribunaux administratifs, je dirai qu’il y a un peu de fronde vis-à-vis de la haute juridiction administrative de la part du tribunal administratif de Paris. A ce sujet, il faut retenir la tentative, dès le début, d’un commissaire du gouvernement à Amiens pour s’appuyer, ce qui n’a été retenu par aucun arrêt postérieur, sur l’article 5 de la convention relative aux droits de la femme. Il s’agit du commissaire du gouvernement, M. Bédier, dont les conclusions ont été publiées dans la revue « Savoir ».

M. Michele DE SALVIA : Je répondrai à la question qui m’a été posée sur l’impact de l’Europe. C’est une dimension nécessaire, car, s’il est un texte fondateur de l’esprit européen, c’est bien la convention européenne des droits de l’homme ! C’est la vraie constitution de l’Europe, du point de vue des droits fondamentaux. En conséquence, on ne légifère pas, en Europe, sans tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des études de doits comparés.

Si vous vous penchez sur les expériences conduites par d’autres parlements nationaux, vous constaterez que tous - et c’est aussi le cas de la Cour européenne des droits de l’homme, quand elle examine si une mesure cadre ou ne cadre pas avec la convention et approche la notion de marge d’appréciation, pouvoir discrétionnaire reconnu aux autorités nationales -s’appuient sur un dénominateur, qu’il soit commun ou non. Ainsi, en matière de recherche des origines biologiques, par exemple, dans l’affaire Odièvre contre la France, la Cour européenne s’est fondée sur les législations européennes. Par conséquent, on ne légifère pas sans égard pour Strasbourg.

En ce qui concerne, la nécessité de légiférer, je confirme mes propos précédents. Si l’on s’inscrit dans une logique d’interdiction, il est, à mon avis, nécessaire de légiférer, faute de quoi, on encourra la sanction de Strasbourg. Il faut que la loi soit prévisible, c’est-à-dire que chacun puisse savoir quelles sont ses conséquences. Or, laisser aux chefs d’établissement le soin de trancher la question de l’exclusion peut paraître un peu léger, car la décision relève de la responsabilité du législateur.

Je confirme aussi qu’il y aura, en Europe, une multiplicité de situations juridiques, non seulement entre les Etats, mais également à l’intérieur des Etats. Tous les länder allemands ne vont pas adopter une législation interdisant, éventuellement, le port du foulard : le land Berlin va peut-être légiférer alors que le land Bade-Wurtemberg ne le fera pas. Le Royaume-Uni nous a déjà habitués à une telle variété puisque, en certains domaines, il existe là-bas trois ou quatre législations : celle de l’Angleterre-Pays de Galles, celle de l’Ecosse et celle de l’Irlande du Nord.

Si on légifère, je ne peux que dire qu’un Etat qui s’appuie sur le principe de laïcité - puisque, en filigrane, c’est lui qui est en cause -, n’encourrait, je pense, aucune sanction de la part de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est, en effet, un principe sur lequel la Cour elle-même s’est déjà appuyée à plusieurs reprises.

A cet égard, je rappellerai une affaire française qui ne concerne ni le port de signes religieux, ni l’enseignement : l’affaire Cha’are Shalom Ve Tsedek qui concernait un groupe religieux israélite minoritaire orthodoxe, dont les membres se plaignaient de n’être pas autorisés à désigner des sacrificateurs pour l’abattage rituel, ce droit revenant au seul Consistoire israélite de Paris. Le gouvernement français et la Cour, pour valider ce choix, se sont appuyés sur le principe de neutralité.

Quelle est la jurisprudence de la Cour ? La Cour estime que l’Etat doit être « l’organisateur neutre et impartial de l’exercice des diverses religions, cultes et croyances ». La jurisprudence obéit, en quelque sorte, à ce principe qui a été réaffirmé dans plusieurs affaires concernant des pays un peu éloignés de la France, Moldova ou autres, où, s’agissant des problèmes de coexistence entre différentes mouvances religieuses s’inscrivant dans la même catégorie, par exemple, des églises orthodoxes rivales, l’Etat doit observer une stricte neutralité.

Il est une affaire extrêmement importante dont on peut dire, en quelque sorte, qu’elle consacre ce principe de laïcité : l’affaire du parti de l’ancien Premier ministre de Turquie, le Refah qui a été jugé contraire à la Constitution par la Cour constitutionnelle turque. Ledit parti s’est adressé à la Cour en soutenant que cette interdiction violait à la fois la liberté d’association et la liberté de religion. La Cour, a rendu cet arrêt de grande chambre qui est la formation la plus large de la Cour : « Les organes de la convention ont estimé que le principe de laïcité était assurément l’un des principes fondateurs de l’Etat, qui cadre avec la prééminence du droit et le respect des droits de l’homme et de la démocratie. Une attitude ne respectant pas ce principe ne sera pas nécessairement acceptée comme faisant partie de la liberté de manifester sa religion et ne bénéficiera pas de la protection qu’assure l’article 9 de la convention. »

Je crois que l’on ne peut pas être plus clair et, puisqu’on a parlé de « crise identitaire » à propos du foulard, je rappelle que l’un des projets du parti Refah était d’instituer une société multijuridique en Turquie, ce qui aurait eu pour conséquence d’imposer aux membres d’une religion un système différent du régime applicable à d’autres croyants. Sur ce point qui renvoie aux problèmes de l’identité, du communautarisme et autres, la Cour a porté ce jugement : « Un tel système enfreindrait indéniablement le principe de non-discrimination des individus dans leur jouissance des libertés publiques, qui constitue l’un des principes fondamentaux de la démocratie. En effet, une différence de traitement entre les justiciables dans tous les domaines du droit public et privé, selon leur religion ou leurs convictions, n’a manifestement aucune justification au regard de la convention. Pareille différence de traitement ne peut ménager un juste équilibre entre, d’une part, les revendications de certains groupes religieux qui souhaitent être régis par leurs propres règles, et, d’autre part, l’intérêt de la société tout entière qui doit se fonder sur la paix et sur la tolérance entre les diverses religions ou convictions. »

En résumé, la doctrine de la Cour est la suivante : être l’organisateur neutre et impartial des différentes croyances qui se manifestent au sein d’une société.

M. Bruno BOURG-BROC : Je ne formulerai que deux brèves questions qui s’adressent à M. Durand-Prinborgne.

Premièrement, j’ai cru comprendre que l’une des pistes que vous avez évoquées pour régler le problème, si problème il y a, de l’enseignement sous contrat, était l’éventuelle libéralisation des aumôneries scolaires. Sous quelle forme l’envisagez-vous ?

Deuxièmement, en votre qualité, non seulement de juriste, mais également de praticien et de penseur de l’Education, comment concevez-vous l’enseignement du fait religieux ? Est-ce une nécessité et, si oui, comment doit-il être organisé ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : A votre première question concernant les aumôneries, je répondrai qu’en l’état actuel des choses, le problème, dans la mesure où il est étroitement lié à la façon dont les différentes religions organisent la catéchèse, ne s’est guère posé que pour le catholicisme. Je vais m’expliquer : lorsque, à propos de l’aménagement de la semaine scolaire, certains évêques de France ont attaqué des décisions d’inspecteurs d’académie faisant disparaître le mercredi qui correspond à l’ancien jeudi des lois Ferry, c’était parce qu’elles posaient un problème d’organisation de la catéchèse dont la loi dit qu’elle se déroule hors de l’établissement et hors du programme et des temps scolaires.

En revanche, on s’est aperçu, à cette occasion, que le problème ne se posait ni pour la confession juive, ni pour l’islam, ni même pour les églises réformées qui n’ont pas le même concept de la catéchèse.

Cela explique pourquoi la loi de 1905, allant dans le sens de la liberté du culte, avait prévu des aumôneries pour permettre aux internes d’avoir une pratique religieuse, au même titre que les détenus dans les prisons ou les militaires. Finalement, il n’y a pas besoin de modifier le texte, mais d’accentuer l’incitation. J’ignore, en revanche, quel accueil les autres religions que le catholicisme réserveraient à la proposition qui leur serait faite d’organiser ce type d’enseignement qui pourrait être ouvert aux élèves externes etc.

Actuellement, la procédure consiste à répondre aux demandes des familles, ou d’élèves majeurs depuis qu’ils le sont à partir de dix-huit ans, et à faire désigner par l’église en cause, celui qui aura en charge cette catéchèse, étant précisé que ce sont de plus en plus rarement des clercs.

Concernant votre seconde question, je répondrai par une autre question : que donnait-on, antérieurement, aux élèves en matière religieuse ? On ne prenait le fait religieux qu’en tant que composante d’un fait d’histoire avéré : la bataille de Poitiers et l’arrêt de la progression des musulmans en France, la révocation de l’Edit de Nantes, la reconnaissance du statut des juifs avec l’abbé Grégoire, la loi de 1905 etc.

On a dépassé un peu ce stade à partir du moment où l’on a évoqué la religion comme « fait de société » ce qui, paradoxalement d’ailleurs, s’est produit beaucoup plus tôt pour les religions grecque et romaine, mais il est vrai que le temps avait fait son œuvre. Enfin, il y a une quinzaine d’années, on s’est aperçu que l’ignorance totale du fait religieux fermait la porte d’accès à bon nombre d’œuvres littéraires, d’œuvres musicales, de créations picturales et entraînait une forme d’inculture.

J’ignore si l’anecdote est vraie, mais l’une de nos responsables du CNRS assure que certains élèves du second degré, lors de la présentation d’ouvrages sur le fait religieux à l’école, avaient vu dans l’image d’un Saint Sébastien transpercé de flèches, un cow-boy attaqué par les indiens dans l’Ouest américain. C’est dire à quel point on touche à l’inculture !

L’expérience qui avait été conduite dans un lycée parisien consistait à donner le même nombre d’heures aux représentants des différentes religions - catholicisme, calvinisme, luthéranisme et autres - ce qui, si l’on veut garantir la qualité des intervenants, n’est possible que dans certaines de nos villes. La ville de Paris, mise à part, je vois mal où appliquer un tel système...

En conséquence, il conviendrait de s’orienter vers un enseignement fondé sur des programmes. Le ministre vient de déclarer, il y a trois ou quatre jours, qu’à cet égard nous sommes totalement démunis d’instruments, ce qui me paraît poser toute une série de questions.

Je crois qu’il y a aura une opposition forte, d’une part, si l’on n’inclut pas - et on rejoint le débat sur le préambule de la Constitution européenne - dans l’héritage culturel qui est le nôtre, une présentation des encyclopédistes français, anglais ou allemands du siècle des Lumières et, d’autre part, si l’on ne parle pas de ce qui serait un courant de pensée philosophique de spiritualités non religieuses. Voilà qui pose un premier problème !

Il en est un second : je crains que cela ne conduise à des affrontements.

Il est, en effet, inadmissible d’avoir toléré dans nos lycées que des garçons inscrivent sur les murs « L’islam vaincra ! La France sera une République islamique » ou qu’ils se dressent dans une classe pour dire au professeur d’histoire en utilisant le tutoiement brutal : « tu dis quelque chose qui est un mensonge ! » ou « tu n’as pas le droit de parler du Coran parce que tu n’es pas musulman ! ». Quand on songe qu’il n’y a jamais eu la moindre sanction à l’encontre de tels comportements pourtant avérés, puisqu’ils sont signalés par Céline Wiener, ex-inspectrice générale de l’Education nationale, dans l’ouvrage « Les foulards noirs et la République », écrit en hommage à Guy Braibant, ancien membre du Conseil d’Etat, et qu’ils m’ont été confirmés à l’occasion des quelques cessions de formation que j’assure, je redoute de telles réactions ! Une discipline contraignante sera nécessaire si l’on introduit l’histoire des religions pour obtenir que les élèves écoutent et prennent des notes même si ce qu’ils entendent leur déplaît.

En effet, s’il est vrai qu’à l’Ecole pratique des hautes études, ou à l’Institut national des langues et civilisations orientales - ancien institut des langues orientales -, on interdit aux professeurs de parler du Coran quand ils ne sont pas musulmans, il est inutile d’introduire un enseignement religieux, car il va se traduire par des situations conflictuelles. Cela étant, je n’y vois aucun obstacle, bien au contraire, sur le plan culturel.

M. Christian BATAILLE : Vous évoquiez, M. le recteur, la faiblesse de la formation dispensée par les IUFM en matière de laïcité. Il appartiendra aux historiens de l’Education de dire plus tard si la baisse du sentiment laïque dans le corps enseignant a coïncidé avec la disparition des écoles normales, mais ce problème relatif aux IUFM, selon moi, ne se posait pas quand les enseignants du primaire étaient formés dans les écoles normales où la laïcité constituait un volet important de l’enseignement.

Sur l’opportunité de légiférer, vous avez spécifié qu’il suffirait de reprendre et de formaliser le dispositif législatif existant sur la laïcité à l’école. Vous nous suggériez, en quelque sorte, de réfléchir à un code de la laïcité. Si nous retenons cette formule, il pourra nous être reproché d’emprunter une démarche d’opportunité politique et, pour reprendre les propos que nous entendons parfois, d’élaborer un texte peu normatif en nous contentant de rappeler les textes en vigueur.

Vous avez détaillé la législation existante qui est très riche et très impressionnante : avez-vous, néanmoins, le sentiment que des zones d’ombre, des angles morts subsistent dans ce dispositif législatif, ou estimez-vous, ce qui serait un paradoxe, qu’il peut répondre à toutes les questions que nous nous posons ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Je souscris à votre première observation, même si ce n’est ni le temps, ni le lieu pour formuler des regrets. Non seulement les écoles normales dispensaient une formation à laïcité, mais je dirai plus : les seuls petits ouvrages de « législation scolaire », pour en reprendre l’intitulé précis, que l’on peut parfois trouver chez les bouquinistes, ont été rédigés à l’intention des élèves des écoles normales ou des candidats au concours d’inspecteur primaire.

Pour ce qui est de votre question, si le juriste que je suis peut se satisfaire de réponses jurisprudentielles, il ne peut pas ne pas mesurer que ces réponses sont sujettes à de nouvelles interrogations, à des différences d’interprétation, à des débats, etc.

S’il y avait eu, dans le statut général de la fonction publique, et pas nécessairement pour la seule Education, un texte réglant les problèmes d’accès à la fonction publique, qui prenne en compte les comportements religieux, et autres, dans l’exercice d’une fonction, nous n’aurions pas eu à interroger le Conseil d’Etat sur la possibilité de porter le foulard islamique pour une femme enseignante et pour une femme contrôleur du travail comme cela s’est fait à Lyon. Autrement dit, il manque actuellement dans le droit français de la fonction publique, quitte à en marquer les spécificités, une interdiction de porter le foulard dans l’exercice d’une fonction.

On pourrait au moins se poser la question de savoir si l’on interdit à un fonctionnaire de porter le foulard, le turban ou la kippa, lorsqu’il est en présence du public - guichetier d’un bureau de poste, contrôleur ou inspecteur des impôts, etc. - mais qu’on l’y autorise s’il n’est pas au contact du public : c’est une question qui va devoir être posée et qui n’est pas tranchée. Ce n’est, en effet, qu’un avis du Conseil d’Etat qui veut que l’interdiction s’applique aux conseillers d’éducation, aux nouveaux personnels de surveillance, ce qui est logique, et ce dont et je me réjouis puisque cela va dans le sens que je préconisais.

Sans être totalement normative, cette captation par le législateur d’une série de solutions précédentes qui ont été déterminées par le juge, présenterait peut-être l’avantage de faire apparaître le texte comme moins contingent, puisque vous reprendriez alors la matière pour poser la question de savoir quelles sont les conséquences de la laïcité dans la société française contemporaine au titre du comportement du service public et de ses agents et parfois au titre de ceux que l’on appelle « les usagers du service public ». Ce serait aussi l’occasion d’introduire éventuellement le dispositif législatif relatif à l’enseignement du fait religieux, de remettre l’accent sur les aumôneries et de tirer toutes les choses au clair, sans se situer uniquement dans un contexte d’interdits dont on sait très bien qu’il conduit à toucher aux libertés publiques ce qui, de tout temps, a été pour le législateur un problème politique majeur.

M. Jean GLAVANY : La dernière proposition du recteur Durand-Prinborgne revient finalement à dire qu’il faudrait une belle loi laïque !

Une fois de plus, M. le Président, nous dépassons le cadre de notre mission puisque nous étions censés travailler sur une éventuelle interdiction du port des signes religieux à l’école, mais nous comprenons bien que tout est lié et qu’à partir du moment où l’on touche à l’équilibre du système, il y a toujours la tentation de le rétablir.

Avant d’en venir à ma question, je souhaiterais faire une petite remarque. A propos de l’enseignement du fait religieux, je suis très heureux de vous entendre dire, monsieur, qu’il faut aussi penser à l’enseignement des philosophies non religieuses. En effet, ayant vu une récente évaluation des élèves sortant du système éducatif, je confirme que près de 70 % d’entre eux n’ont pas connaissance de ce qu’est la laïcité et qu’il n’y a plus d’enseignement de « la morale laïque », au sens où l’entendaient nos grands anciens. Cela me paraît très grave car il s’agit d’une morale qui touche au civisme, à la citoyenneté et à tout ce qui se rapporte à la République.

Ma question est simple et s’appuie sur la décision d’exclusion prise dans le cadre de l’affaire d’Aubervilliers, qui, d’une certaine manière, prouve qu’on peut exclure des élèves sans qu’il y ait besoin d’une loi. Pourquoi et comment ? Précisément, parce que, en s’appuyant sur l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat, des chefs d’établissement, mieux informés ou mieux formés - et cela met le doigt sur l’incapacité du ministère, que vous évoquiez précédemment, de former ses chefs d’établissement à traiter d’un problème difficile - sont désormais capables de prendre, ça et là, des décisions fermes inattaquables. Tout cela parce qu’ils détiennent le mode d’emploi pour contrer le mode d’emploi du docteur Abdallah.

N’est-ce pas la preuve qu’avec une bonne formation des chefs d’établissement, avec une bonne méthode, on peut prendre, au regard de la laïcité, des décisions fermes qui soient inattaquables et de nature à donner à ces chefs d’établissement ce qu’une jurisprudence peut-être moins évoluée et vieille d’une quinzaine d’années ne permettait pas ?

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Je dirai, en pesant mes mots, qu’il y a eu une acquisition de sagesse ou une acquisition procédurale. Dans les premières années qui ont suivi la circulaire de 1989, la bataille menée par des enseignants et certains chefs d’établissement visait à défendre un idéal laïque dans lequel ils avaient baigné. Cela fait partie de ce que j’appelle « la culture Education nationale » et il faut rappeler cette formule du professeur Rivero, en 1949 : « la laïcité s’est introduite dans notre droit par la petite porte », ce qui signifie que la laïcité s’est élevée au niveau de la République en sortant de l’école, car c’est l’école qui l’a introduite dans notre dispositif juridique. C’est elle qui en est la matrice.

En conséquence, je ne trouve pas anormal, d’autant qu’ils avaient peut-être reçu une formation pour le faire que, pendant un certain temps, des chefs d’établissement et des enseignants se soient battus en faveur de la laïcité et se soient situés sur ce terrain. Or ce terrain, ils n’ont pas su le gérer - et c’est là où, effectivement, nous en revenons au manque de formation - hésitants qu’ils étaient entre le port ostentatoire du voile, du signe etc.

Pourquoi les exclusions sont-elles désormais possibles ? Parce qu’ils ont quitté ce terrain-là. Ils discutent sans doute en conseil d’administration et de discipline, mais ils se situent sur un terrain beaucoup plus simple et sur lequel le juge leur a donné raison : le refus d’abandonner le port du foulard, à plus forte raison lorsque, dans certains cas, il s’apparente presque à la burka, est incompatible avec l’éducation physique et sportive. L’éducation physique et sportive étant une matière obligatoire, la loi du 10 juillet 1989 rappelant l’obligation d’assiduité, les élèves qui ne viennent pas aux cours d’éducation physique et sportive sont exclues.

Je répète que l’on ignore combien il y a d’affaires dans les établissements, mais je me suis amusé à établir des statistiques au niveau du Conseil d’Etat. Il y a, contrairement à ce que l’on dit, autant de décisions de confirmation d’exclusion que de refus qui sont souvent de procédure. Les chefs d’établissement peuvent sans aucun doute continuer à appliquer cette formule et en tirer la possibilité d’exclure ses élèves ! Ce qui me faisait un peu sourire, dans le cas d’Aubervilliers que vous évoquez, c’est de songer que les deux jeunes filles s’appellent Lévy, que leur père s’affiche comme juif athée, que leur mère est berbère et n’a donc jamais porté le foulard. Leur comportement est typiquement l’illustration du cas de certaines jeunes filles pour qui le port du foulard a, au moins, six significations différentes, lesquelles ont été relevées dans un ouvrage de l’ancien maire de la ville de Dreux, Mme Gaspard. Elles vont de la contrainte du grand frère ou du père, au désir de se protéger des agressions des petits loubards de banlieue, en passant par une expression de convictions vraies, une manifestation post-pubertaire d’autonomie, voire une provocation volontaire. Le plus gênant, c’est la multiplicité de sens que peut prendre le foulard.

Le Conseil d’Etat demande finalement aux chefs d’établissement, de rapprocher toute une série de petits faits comportementaux pour démontrer qu’ils sont constitutifs de prosélytisme : telle élève porte le foulard, se fait accompagner par l’imam à la porte du lycée, a refusé d’assister aux cours d’éducation physique et sportive, a protesté contre le cours d’éducation sexuelle, a critiqué l’enseignement du professeur d’histoire.

A la lumière de ce faisceau d’incidents, ils peuvent d’autant mieux se faire un jugement qu’un chef d’établissement passe son temps à porter des appréciations. S’il décide d’accorder, ou de ne pas accorder, la responsabilité de professeur principal à un enseignant, il porte bien une appréciation...

M. Jean GLAVANY : Ce n’est pas la même chose !

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Ce sont des décisions qui sont parfois lourdes de conséquences et dont certaines ont été devant le juge, lequel s’en est débarrassé en déclarant qu’il s’agissait de mesures d’ordre intérieur... Il n’en reste pas moins que le chef d’établissement, lorsqu’il prend des décisions d’exclusions temporaires dans d’autres domaines, prend des décisions. Lorsqu’il traduit des élèves devant le conseil de discipline, il prend des décisions. Pourquoi ne le ferait-il pas pour le sujet qui nous intéresse ?

M. Christian BATAILLE : C’est tout de même un sujet plus compliqué !

M. Claude DURAND-PRINBORGNE : Je vous l’accorde très volontiers et je n’ai pas cessé de le dire. Les sujets que j’ai cités sont moins délicats et ont une moindre résonance sociale.

M. Jean-Pierre BLAZY : Ils n’attirent surtout pas les caméras de télévision.

M. Jean GLAVANY : Elles sont chaque jour moins présentes et on ne fait pas du droit en fonction des caméras de télévision !

M. le Président : Je remercie nos invités de leurs interventions, ainsi que ceux de mes collègues qui ont pu rester présents jusqu’au terme de cette réunion.


Source : Assemblée nationale française