Les guerres de religion ne sont pas finies et même les tentatives pour résoudre ce type de conflit sont parfois elles-mêmes problématiques. Ainsi, le député français Jacques Myard explique l’interdiction du port du voile islamique dans les écoles françaises aux lecteurs de l’International Herald Tribune. Mais il s’appuie sur une définition particulière de la laïcité, alors que l’histoire française en connaît au moins deux. Pour lui, l’obligation de réserve s’applique aussi bien aux fonctionnaires qu’aux usagers des services publics, notamment aux élèves. C’est le point de vue des « spartiates » pendant la Révolution française. Il s’opposait à celui des « athéniens », pour qui la neutralité ne s’appliquait qu’à l’État et à ses agents. Et, malgré les apparences, aujourd’hui encore les choses ne sont pas claires puisque même Jacques Myard admet que la neutralité des élèves qu’il requiert ne s’applique pas lorsque le service public d’éducation est sous-traité par des écoles privées.

Une partie du monde juif contemporain se trouve en porte-à-faux avec l’esprit démocratique moderne en ce qu’il définit l’identité juive à la fois comme l’adhésion à une religion et comme une filiation. Ce décalage s’ajoutant à des siècles de persécution produit des comportements irrationnels.
Ainsi, l’eurodéputée indépendante, Ilka Schroeder, accuse l’Europe de double langage. D’un côté, les institutions, telles que la Commission, condamnent publiquement l’antisémitisme, de l’autre, elles le pratiquent en Palestine, écrit-elle dans le Jerusalem Post. C’est évidemment absurde, mais elle partage avec les lecteurs auxquels elle s’adresse la conviction que toute critique de la politique du général Sharon et tout soutien aux populations palestiniennes sont motivés par une volonté de persécuter les juifs jusqu’en Israël. De fil en aiguille, elle en vient à considérer par exemple qu’une force d’interposition européenne en Palestine serait une expédition militaire déguisée contre Israël et que des soldats allemands pourraient alors continuer l’holocauste nazi en tirant sur des juifs. L’irruption de ce discours sur la scène publique est susceptible de provoquer bien des catastrophes. Basé sur des amalgames (juifs=Israéliens, Allemands=nazis, etc.), il peut être qualifié de pathologique en ce qu’il s’éloigne de la réalité et qu’il exprime une douleur.
L’historienne Diana Pinto révèle dans l’International Herald Tribune qu’une vingtaine de relais juifs d’opinion se sont réunis en Normandie pour réfléchir à la conciliation des valeurs universelles et de leur engagement particulier pour Israël. Il ne semble pas qu’ils aient pu échanger sur divers préjugés.

Cependant, l’attitude et l’influence de conseillers de l’administration Bush dramatise plus encore la situation. L’ancien candidat conservateur à l’élection présidentielle états-unienne, Pat Buchanan, soulève un vif débat aux États-Unis à l’occasion de la publication d’un long article, dans sa revue, The American Conservative. Il y analyse le livre programme des néo-conservateurs, dont nous avions rendu compte dans nos colonnes début janvier. Pour Buchanan, les néo-conservateurs tentent de vendre leur politique en agitant une peur irrationnelle du terrorisme après les attentats du 11 septembre. Pourtant, si l’islamisme représente un danger, il est beaucoup moins important que ceux auxquels les États-Unis ont dû faire face par le passé, et qu’ils ont surmonté. En fait, les néo-conservateurs tentent de faire adopter une politique qui n’a rien à voir avec les intérêts fondamentaux du peuple états-unien, mais qui correspond à la stratégie d’Israël. Ce ne sont pas les États-Unis, mais Israël seulement, qui a intérêt à lutter contre le Hamas et le Hezbollah, à attaquer la Syrie, l’Arabie saoudite et l’Iran. Et c’est parce qu’ils sont aux abois, qu’ils n’arrivent plus à justifier de la guerre qu’ils ont provoqué en Irak, que les néo-conservateurs taxent d’antisémitisme tous ceux qui critiquent leur échec.

Par ailleurs, Noah Feldman de la New America Foundation prend acte, dans le New York Times, d’une part de l’exigence de l’ayatollah Sistani et des chiites irakiens de ne pas retarder le transfert de souveraineté et, d’autre part, de l’impossibilité d’organiser des élections avant le 30 juin 2004. Il préconise donc de transférer le pouvoir à une autorité provisoire chargée d’expédier les affaires courantes et d’organiser un peu plus tard l’élection d’autorités représentatives. Cela semble en effet la solution de sagesse, mais remettre aux autorités provisoires le soin de régler la question du mode de scrutin peut s’avérer extrêmement dangereux et donc inacceptable pour les chiites.

Enfin, James Bacchus défend le tribunal de l’OMC, où il fut juge, dans le Washington Post. Il préconise de rendre publique l’ensemble des procédures de plaidoiries, pour lever les doutes qui les entourent, et de ne conserver le secret que pour les délibérations des magistrats, comme dans tout tribunal. Curieusement, il indique que son objectif au tribunal était d’ouvrir le commerce international et non pas de rendre la justice.